samedi 11 mai 2013

La dot en Afrique : Que faut-il en penser ? (Par Pascal Djimoguinan)


Parmi les sujets chauds aujourd’hui qui ne laissent aucun africain indifférent, il y a la dot, ce qu’il faut payer pour obtenir la main d’une fille. Adulée par certains, elle est tout simplement vue par d’autres comme une persistance d’une pratique d’un autre âge. Notre propos n’est pas de prendre position mais de présenter ce qu’elle a pu être à l’origine dans la tradition des mongos du sud du Tchad.

            Nous partirons d’une critique récurrente. La dot est considérée par beaucoup comme la vente d’une fille. Il est bien vrai que des abus ont été commis, surtout ces derniers temps dans ce domaine mais est-ce l’esprit de la dot ?

            A l’origine, la dot avait pour but de sceller une alliance entre deux familles dans la société mongo. Le mariage n’était pas uniquement une affaire de deux personnes mais avait une signification beaucoup plus politique. La dot avait aussi pour but de compenser la famille qui se séparait de sa fille et laissait ainsi un manque sur le plan du travail domestique (le mariage était toujours exogamique). Elle était d’ordre beaucoup plus symbolique que de valeur marchande comme aujourd’hui cela tend à le devenir.

            Si la femme épousée allait dans le village de son mari, elle n’appartient pas à ce village. Elle reste attachée à sa terre. A sa mort, elle sera sinon ramenée dans son village pour être enterrée, du moins, dans le pire de cas, être enterrée sur une terre étrangère mais par ses frères et ses cousins. La famille du mari de la défunte ne l’enterre pas. Par la dot, elle n’a pas acheté la femme. Elle a tout simplement conclu une alliance. Toute sa vie d’ailleurs, la femme garde son autonomie et si le ménage ne tient pas, elle regagnera son village. Ce ne sera pas ses parents qui rembourseront la dot. L’ancien mari ne pourra récupérer sa dot que si la femme se remarie.

            Pour montrer que la femme n’est pas une marchandise, dans la culture mongo, la dot n’est complètement payée qu’à l’enterrement. Il y a d’ailleurs tout un rituel pour l’enterrement des femmes.

            Tout d’abord, il y a une certaine somme symbolique que doit payer la famille du mari avant que la femme ne soit mise en terre. Ensuite, il y a un fait très étonnant pour une société aussi macho que celle des mongos et que beaucoup ignorent. C’est clair pour tout le monde que c’est une société patriarcale et qu’officiellement, les enfants nés dans un mariage relèvent de la puissance paternelle. En réalité, cela est un leurre. Au moment de l’enterrement d’une femme, tous ses enfants doivent être rachetés nommément. Tout enfant non racheté appartiendra désormais au clan maternel (il s’agit sans doute d’une preuve qu’à l’origine la société mongo était matriarcale mais il faut faire plus d’études pour le confirmer).

            Cette pratique est aujourd’hui tout dévoyée, pervertie mais il n’en était pas ainsi à l’origine. La dot a aujourd’hui perdu son âme et est devenue un moyen d’enrichissement personnel. Il est étonnant de voir comment l’époux doit aujourd’hui se saigner pour satisfaire l’appétit des parents de la fille. Il faudra légiférer dans ce domaine si les abus continuent pour éviter que la dot ne perde toute sa valeur symbolique.

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