lundi 31 janvier 2022

Haro sur la France, pardon, sur le baudet (par Pascal Djimoguinan)

L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance Qu'en un pré de Moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Cette fable de Jean de la Fontaine, « Les animaux malades de la peste », illustre à plus d’un titre certaines situations, notamment celles qui se vivent ce dernier temps en Afrique. Non, le France n’est pas le pauvre baudet, malgré les apparences. L’analogie ne peut marcher, comme c’est le cas ici, que s’il y a à la fois, des ressemblances et des dissemblances. Jamais la France n’a été aussi impopulaire en Afrique noire que ces jours-ci. Est-ce la fin d’une époque ? Est-ce un manque de jugement de la part des dirigeants français. Ceux-ci ne semblent pas prendre les choses à leur vraie valeur et veulent faire le dos rond. Est-ce un changement de paradigme de la France qui serait mal compris par les africains ? Toujours est-il étonnant que la mésentente entre la France et l’Afrique noire ait atteint son paroxysme (nous l’espérons) avec le président Macron qui n’a pas connu le temps de la colonisation et qui devrait, en principe être plus décomplexé que ses prédécesseurs. Le malentendu semble se greffer autour des bases militaires françaises en Afrique. L’Afrique semble en avoir assez de leur présence. A tort ou à raison, on accuse ces bases d’être là pour maintenir au pouvoir des chefs corrompus et d’encourager, d’armer et de soutenir les terroristes djihadistes. Plus que jamais, la France devrait s’expliquer et donner des gages aux populations, car cela ne lui sert pas du tout à laisser pourrir la situation. Une campagne d’explication serait plus rentable qu’un langage martial face aux africains de tout bord. Plus que jamais, la France devrait monter qu’elle a une diplomatie performante. La contestation est en train de faire tache d’huile dans toute l’Afrique ; il est temps de s’expliquer et de reprendre avec une coopération sans complaisance, mais aussi sans paternalisme. La France doit apprendre à redécouvrir l’Afrique, non pas celle des béni oui-oui, mais celle des africains arrivés à la maturité. L’Afrique d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier et la France doit apprendre qu’une relation entre adultes demande de réajuster tout le rapport entre les interlocuteurs. On ne s’adresse pas à un adulte comme on le ferait avec un enfant. A ignorer cela, il faudra s’attendre à un effet miroir.

dimanche 30 janvier 2022

Afrique, qu'allais-tu faire dans cette galère ? (par Pascal Djimoguinan)

Lorsqu’on voit la situation politico-militaire de l’Afrique en ce début de l’année 2022, on se croirait dans un remake des années 70s et 80, en pleine guerre froide. L’Afrique, incapable d’émancipation et d’autonomie politique, continue de se prostituer en se cachant derrière un parrain. Drôle de façon de revendiquer son indépendance. Nous voilà revenus au vieux temps où les casernes, incapables de retenir leurs hommes, les déversent dans l’arène politique. Et comme autrefois, il y a des foules pour les soutenir, marquant ainsi la faillite des civils à diriger les Etats. Comme une trainée de poudre, des régimes issus de coups d’Etat se sont installés en Afrique : Mali : 18 août 2020 ; 24 mai 2021 Tchad : 19-20 avril 2021 Guinée : 5 septembre 2021 Soudan : 25 octobre 2021 Burkina Faso : 24 janvier 2022 Le tragique de la situation est que l’on en est à se demander quel pays sera le prochain à passer sous la coupe des militaires, et surtout qu’il ne semble pas y avoir d’alternative. Pour le moment, toutes les institutions régionales et l’Union africaine peinent à endiguer le flot. Toutes les mesures prises semblent inefficaces. Toutes ces institutions semblent avoir perdu leur légitimité du fait qu’elles n’aient pas réagi quand les situations sécuritaires se dégradaient et quand les régimes renversés sortaient de la légalité constitutionnelle en tripotant les textes. La plupart des régimes issus des coups d’Etat, notamment en Afrique de l’Ouest feignent avoir bon dos. Ils estiment devoir remettre de l’ordre aussi bien sécuritaire que constitutionnel puisque la situation était devenue intenable… On voir resurgir le langage nationaliste exacerbé qui dénonce la mainmise de la France sur les Etats francophones et on agite le chiffon rouge de Wagner, ce groupe de paramilitaires privé russe qui vient aider à assurer la sécurité. L’opposition civile semble adhérer au statu quo ou disparaître. Elle semble faire confiance aux militaires, en oubliant que la place de ces derniers est au front et que ce sont les civils qui doivent diriger sur le plan politique. Le Mali a à peine caché son jeu quand les militaires ont proposé une durée de 5 ans pour la transition. L’alliance avec les russes qui se renforce, risque de confirmer la longue durée de la transition qui se met en place. La société civile, pour le moment, ne voit que du feu et se laisse voler sa place. Lorsqu’elle se réveillera, elle n’aura pas de place du tout. Quand l’ordre constitutionnel est rompu, elle ne peut pas se remettre en place du jour au lendemain. Et c’est toujours difficile de faire rentrer les militaires dans les casernes. Quel avenir pour l’Afrique pour les cinq années à venir ? On peut défier n’importe quelle personne se disant capable de répondre en lisant une boule de cristal. La seule réponse plausible est que l’avenir est incertain. Il faut battre le rappel de tous les démocrates africains. Qu’ils ne se laissent pas tenter par les sirènes des bruits de bottes qui viendraient remettre de l’ordre.