lundi 20 juillet 2015

Procès d'Hissène Habré : que faut-il retenir (par Pascal Djimoguinan)



            Ce lundi 20 juillet 2015 s’est ouvert à Dakar (Sénégal), au tribunal spécial, le procès de l’ex dictateur du Tchad Hissene Habré. Celui-ci a été emmené de force au tribunal. Il est doit être jugé pour Crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture. L’ancien président est apparu vêtu de blanc et coiffé de turban. Il a levé le poing et a crié Allah akbar (Dieu est grand)!.
            Il faut remettre les pendules à l’heure. Il ne s’agit pas d’un procès religieux. L’homme qui se trouve dans le box des accusés a été au pouvoir de 1982 à 1990 et son régime a, selon les organisations de défense des droits de l’Homme, fait plus de 40.000 morts.
            Non, il ne s’agit pas d’un khmer rouge. Il s’agit bel et bien d’un tchadien qui a régné sans partage sur son pays avec une main de fer dont plusieurs de ses compatriotes se rappellent encore.
            Si le procès n’a pu s’ouvrir que’ vers 10h parce qu’il a d’abord fallu évacuer les partisans de l’ancien président qui ont hurlé des slogans hostiles à la Cour, est-ce qu’il faut pour autant penser que ce procès va contre la souveraineté du Tchad.
            Il s’agit d’un procès dans lequel, pour la première fois dans l’histoire, ce ne sont pas les institutions internationales qui ont tout fait pour que le jugement ait lieu. Ce sont les victimes qui, à la suite d’un parcours du combattant, ont réussi à faire commencer ce procès.
            Que Hissène Habré apparaisse ainsi devant un tribunal est une victoire des sans voix, des victimes. Personne n’osait croire à cela. Tous les obstacles s’étaient élevés contre cela.
            Il ne s’agit pas ici d’exonérer les parrains occidentaux, notamment les américains et les français qui avaient soutenu Habré jusqu’au bout, mais de faire remarquer qu’un tchadien, utilisant les moyens de l’Etat tchadien, a causé la mort des milliers de tchadien. Il est important que cela ne soit pas en toute impunité. Désormais tous ceux qui sont au pouvoir doivent savoir qu’ils ne sont pas au-dessus des lois. Il est important que ce jugement se fasse en Afrique. Voilà la vraie souveraineté. Désormais, la démocratie commence à avoir un visage pour le tchadien lambda."Le balai de l'assainissement passera partout où besoin sera."

vendredi 17 juillet 2015

Tchad, mesures de sécurité antiterroriste (par Pascal Djimoguinan)



            Après les attentats terroristes que la ville de N’Djamena a connus, il est de bon ton que des mesures soient prises en vue d’assurer la sécurité de la population. Un proverbe tchadien dit en effet que « celui qui a été mordu par un serpent a peur de la corde. » Cependant comment prendre des mesures de sécurité efficaces en évitant de créer une psychose ? Tel est la quadrature du cercle que les autorités doivent résoudre.
            La première mesure prise a été l’interdiction de la burqa, appelée localement « ibaya », le voile intégral qui recouvre le visage. Cette interdiction date des premiers attentats mais cela n’a pas empêché qu’un homme le porte encore au moment de l’attentat qui a touché le marché central de N’Djamena.
            Une fouille systématique est exigée à l’entrée à tous les édifices officielles ; cela fa jusqu’à la détection des métaux.
            Les deux compagnies de téléphonie mobiles sont mises à contribution pour ces mesures de sécurité ; pour la fête de la fin du ramadan, les utilisateurs de Tigo aussi bien que ceux de Airltel ont reçu ce message :
« Interdiction stricte de porter sur soi tout objet métallique et téléphone dans toutes les mosquées du pays pour la prière de l’Aïd. MINISTRE SÉCURITÉ PUBLIQUE.
            Il faut reconnaître qu’à côté de toutes ces mesures, il faut que la population accepte de coopérer et que tout ce passe avec tact pour éviter de tomber dans une forme d’Etat policier où toutes les libertés seraient suspendues ; la tentation est d’ailleurs très grande.
            Il faut également une sensibilisation à tous les niveaux car une frange de la population essaie de résister à l’interdiction du port du voile intégrale sous des prétextes religieux. On n’est pas sorti de l’auberge.



mardi 14 juillet 2015

Lu pour vous/IRAQ - Transformation en mosquée de l’église chaldéenne Saint Joseph de Mossoul



Mossoul (Agence Fides) – Après celle dédiée à Saint Ephrem, l’église chaldéenne Saint Joseph de Mossoul a, elle aussi, été transformée en mosquée sur les dispositions des responsables du prétendu « Etat islamique », l’entité djihadiste qui, depuis juin 2014, s’est installée dans la deuxième ville irakienne, la transformant en capitale de l’autoproclamé Califat islamique. La nouvelle a été répandue par des sources de Mossoul en contact avec le site Internet ankawa.com. Un certain nombre d’images du lieu de culte montrent que la coupole a été repeinte en noir et que l’église – sise dans le quartier de Maidan, au centre-ville de la cité – a été dépouillée de ses croix et de l’ensemble des images et symboles chrétiens. La mosquée aurait été intitulée à Abu Abdulrahman al-Bilawi, un « commandant » irakien du prétendu « Etat islamique » tué par la police irakienne.
L’église Saint Joseph était une église historique de Mossoul mais, ces dernières années, à cause de la diminution du nombre de prêtres et de fidèles enregistrée après les interventions militaires sous conduite américaine, la Messe n’y était plus célébrée qu’une fois par mois alors que des pèlerinages y étaient organisés aux fêtes liées à la figure du Père putatif de Jésus, en particulier le 1er mai, fête de Saint Joseph artisan.
Après la prise de Mossoul de la part des djihadistes, tous les chrétiens de la ville ont été contraints à fuir et nombre d’entre eux vivent en évacués à Ankawa, faubourg d’Erbil. S.Exc. Mgr Amel Shamon Nona, Archevêque chaldéen de Mossoul, a été transféré à l’Eparchie chaldéenne en Australie et la nomination de son successeur au siège de Mossoul attend l’issue d’une campagne militaire, annoncée à plusieurs reprises, visant à libérer la ville des djihadistes. « La rumeur la plus insistante – indique à l’Agence Fides le Père Paolo Mekko, prêtre chaldéen de Mossoul, actuellement évacué à Ankawa – était celle selon laquelle les opérations militaires sur une vaste échelle auraient commencé après la fin du ramadan. En effet, ces jours-ci, une offensive semble avoir été lancée pour reprendre du terrain dans la province d’al-Anbar et pour libérer Ramadi. Nous verrons si ensuite, viendra le tour de Mossoul ». Entre temps, le Patriarche de Babylone des chaldéens, en accord avec les prêtres de Mossoul, a décidé de vendre un certain nombre de véhicules appartenant à l’Archidiocèse qui étaient inutilisés de manière à éviter qu’ils ne perdent de la valeur avec le temps. Le produit de la vente – soit près de 60.000 USD – a été versé sur le compte bancaire de l’Archidiocèse dans l’espoir de pouvoir l’utiliser en des temps meilleurs et que les Paroisses de Mossoul pourront reprendre leurs activités. (GV) (Agence Fides 14/07/2015)

Tchad : Gama, la parole est sacrée chez les mongos (par Pascal Djimoguinan)



            Avec la révolution numérique, la parole n’a jamais été autant présente dans la vie. Le téléphone portable avec les différents gadgets qui s’y trouvent a bouleversé notre quotidien. L’espace et le temps ont été bousculés, repensés, réorganisés. Deux endroits distants de plusieurs kilomètres peuvent être joints en quelques secondes alors que par manque d’antenne servant de relai, deux autres endroits distants d’à peine 30 kms ne peuvent être joints qu’après quelques heures. Si on a jamais autant parlé il se trouve qu’en même temps, la parole est dévaluée. On peut tout dire, n’importe quand, sur n’importe quoi, comme on veut. Dire et se dédire ne posent plus problème. Il est peut-être temps de revenir sur ce qui donnait de la valeur à la parole prononcée.
            Dans la tradition des peuples sara au sud du Tchad, la parole était d’or. Toute prise de parole dans la société était ritualisée. Chacun connaissait son rôle et toute parole avait le poids que lui donnaient la circonstance et la personne qui la prononçait. Ainsi, une parole engageait la personne qui la disait.
            Chez les mongos, lorsqu’une personne disait quelque chose et que par la suite faisait autre chose, cela pouvait aller jusqu’à détruire toute sa vie. Il fallait faire une réparation. Il y a ce qu’on appelle « GAMA » qui poursuit celui qui ne fait pas ce qu’il dit. La tradition dit que la personne commence à dépérir et à perdre la santé. Cela pourrait même aller jusqu’à une mort subite de la personne. les exemples de cas où le Gama peut poursuivre la personne sont multiples. Un jeune homme qui sous le coup de la colère quitterait la maison familiale en jurant de ne plus y retourner mais qui quelque temps après y reviendrait. Cela pourrait également être le cas de la femme qui partirait de son foyer de la même manière et qui y serait ramenée après conciliation.
            La réparation du « gama » était une espèce de confession devant un tiers. Cela se passait le matin. A l’aube, une femme doit, à partir des graines de courges, préparer de l’huile qu’on mélangeait aux oignons sauvages pour le gama. A jeun, la personne doit confesser à haute voix ce qu’elle a fait avant de boire de cette huile préparée. On dit alors qu’elle a enlevé le gama. Elle peut donc reprendre l’activité qu’elle s’était juré de ne plus exercer.
            Le gama nous fait découvrir comment aujourd’hui nous accordons très peu de valeur à ce que nous disons. Pourrions-nous revenir à une parole de valeur ? Sommes-nous encore capables aujourd’hui d’être des hommes et des femmes de parole ?



lundi 13 juillet 2015

L'émotion est nègre et la raison hellène (par Pascal Djimoguinan)



            Jamais les hellènes n’ont autant monopolisé les médias que pendant le mois de juillet. Malgré  l’EI, Aqmi, Boko Haram, la Grèce a réussi à rester à la une des journaux. Quel exploit vaut à la Grèce ce regain d’intérêt ?
            Toute l’Europe est au chevet de la Grèce qui se trouvait au bord de la banqueroute avec comme perspective très vraisemblable un « Grexit », c’est-à-dire une sortie de la Grèce de la zone euro. In extremis, un accord a été trouvé avec comme dot pour la mariée, de l’argent avec des mesures drastiques : Un troisième plan d’aide d’environ 82 à 86 milliards et en petits caractères sur le contrat ce que la Grèce a toujours voulu éviter (augmentation de la TVA, réforme des retraites, accélération des privatisations, réforme du marché du travail).
            Il faut dire que des voix s’étaient élevées en faveur de la Grèce et trouvaient que c’était intolérable la façon dont le berceau de la démocratie était traité. Il fallait trouver à tout prix la rationalité dans toute attitude de la Grèce et sauver sa proposition. Le référendum organisé par le premier ministre grec Alexis Tsipras a été vu comme un exercice de la démocratie qui n’a effrayé que ceux qui n’’étaient pas démocrates. En fait, personne ne sait à quoi a servi ce référendum.
            Sans esprit revanchard, il faudrait tout simplement rappeler ce qu’a subit l’Afrique sans qu’il se soit trouvé un esprit ouvert pour compatir. Qui se souvient des plans d’ajustements structurels pour l’Afrique, décidés dans les bureaux de Bretton Woods et autres et que les capitales occidentales forçaient les africains à appliquer ? En fait, l’Afrique n’est pas la Grèce et ses jérémiades ne sont autres que l’émotion en mouvement. Il fallait dont diminuer le nombre des fonctionnaires dans la fonction publique. Tout le monde sait qu’en Afrique, cela concerne en grande partie l’enseignement et la santé publique.
            Les conséquences désastreuses continuent jusqu’aujourd’hui mais on ne prend pas la mesure des choses. Il y a bien deux poids, deux mesures. D’un côté, il s’agit de la raison, de l’autre de l’émotion.
            Il faut seulement espérer que la crise Grec a ouvert les yeux et que l’on se rend compte du tort que l’on a causé à l’Afrique en asphyxiant son économie sous prétexte de l’aider.