jeudi 16 mai 2013

Affaire Hissène Habré : La justice ou le pardon et l’oubli ? (par Pascal Djimoguinan)


Un léger frémissement au niveau de la justice au Tchad sur l’affaire Hissène Habré et ses complices.  Mahamat Djibrine dit « El djonto » est arrêté le 14 mai. On annonce qu’un mandat d’arrêt est lancé contre un autre tortionnaire de la police politique d’Hissène Habré et que trois autres seront bientôt émis. Tout cela arrive près de deux décennies après le règne de Hissène Habré, ancien président du Tchad. La justice n’arrive-t-elle pas toujours en retard comme les pompiers. Quelle peut-être l’importance d’un jugement qui semble venir trop tard ?

            Concernant le jugement de Hissène Habré, c’est déjà un signe positif que les choses bougent. Il faudra ouvrir les placards et sortir les cadavres. Pour tout le peuple du Tchad, cela servira de catharsis nécessaire avant que toutes les victimes commencent vraiment à faire leur deuil.

            Il est un fait qu’il faut retenir. Sans la justice, il ne peut y avoir de paix et de réconciliation. Cela étonnera peut-être le citoyen lambda. Quand les lois ne sont pas appliquées, on ouvre la porte à l’arbitraire et à l’impunité. On tend ainsi vers la mort de l’Etat et de la République.

            Pour clarifier les choses, il faut comprendre qu’on ne doit pas confondre l’oubli et le pardon. Les deux ne sont pas du même domaine. Si l’oubli est du côté de la mémoire, la pardon est du côté du cœur. Je ne peux pas décider d’oublier. Seul le temps fera que l’oubli fasse son effet. Le pardon qui vient du cœur (et que certains diraient de l’ordre de la grâce), est une décision personnelle à prendre malgré la mémoire que l’on a du fait posé. Malgré la blessure qui peut s’ouvrir chaque fois à l’évocation du tort subi, je décide de pardonner. En fait, si l’oubli recouvrait un fait, c’est qu’il n’y aurait plus rien à pardonner. Au pire des cas, oublier serait encourager l’injustice puisque qu’aucune mesure n’est prise pour arrêter le mal.

            Il y a un ordre dans le processus du pardon qu’il ne faut jamais inverser pour ne pas arriver à une situation contraire à celle que rechercherait. La justice doit suivre son cours avant que ne vienne le pardon et puis enfin l’oubli.

            On ne peut ni imposer le pardon à quelqu’un ni pardonner à la place des victimes. Le pardon est un acte personnel qui demande du temps et qui a surtout besoin de la justice. Laissons la justice suivre son cours et ne laissons pas prise à la vengeance.  La construction d’une nation prospère et réconciliée avec elle-même est à ce prix.

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