lundi 13 juin 2022

TCHAD : Le chemin qui allait des fiançailles au mariage traditionnel (par Pascal Djimoguinan)

Aujourd’hui, le mariage se fait à la va-vite et n’est qu’une cérémonie d’étalage de la richesse. Autrefois, au Tchad, le chemin qui allait des fiançailles au mariage était conduit par des coutumes et des lois qu’il fallait suivre, de telle façon que le mariage n’était pas une affaire entre deux personnes, mais était une alliance entre deux familles. Des élèves de la 1ère D2 du Lycée-Collège saint Charles Lwanga ont interrogé des adultes de leur régions pour nous raconter comment étaient les différentes étapes que les jeunes devaient suivre pour arriver au mariage. Nous avons retenu quelques reports, assez caractéristique du travail fait par la classe.

 Ngalou Takissa Chancella 
Le mariage est défini comme l’union légitime d’un homme et d’une femme. Cela dit, le principe du mariage est l’amour. De nos jours, avec la métamorphose de la société, le mariage est reparti en deux étapes : traditionnel et moderne. Notre sujet nous parle du mariage traditionnel.
 Quelles sont les différentes étapes qui conduisent des fiançailles au mariage traditionnel dans la région du Lac Iro ? Cette interrogation fera l’objet de notre travail.
 Au temps jadis, le mariage traditionnel dans notre région, précisément chez nous les Sara Kaba, le jeune garçon n’avait pas le choix de sa conjointe ; il était soumis aux exigences des parents en acceptant la fille qu’on lui proposait en mariage car elle était supposée idéale par la famille.
 Pour nos parents, il fallait connaître l’arbre généalogique de la famille du garçon ou de la fille, c’est-à-dire connaître trois ou quatre générations de cette famille en raison des maladies héréditaires ou de la sorcellerie. Une fois que le constat est fait, les parents du jeune garçon vont décider d’aller discrètement trouver ceux de la jeune fille. 
Cette phase ne concerne que les parents des deux jeunes. Dès que les parents de la fille acceptent la demande de l’autre partie, le garçon se décidera d’aller voir la future belle-famille. Comment cela se passe-t-il ? D’abord, le jeune garçon ira seul pour causer simplement avec la famille de la fille et leur dire secrètement le jour où il reviendra chercher la fille. Ensuite, le garçon pourra, s’il le veut, venir ou envoyer deux ou trois de ses amis prendre la fille et la lui ramener. A leur arrivée, les émissaires du garçon causeront avec les parents de la fille. Ceux-ci demanderont à leur fille de raccompagner les étrangers. En route, ceux-ci enlèveront la fille pour l’emmener chez le fiancé.
 Comment se passe l’arrivée de la fille chez le garçon ? Une fois arrivée, la fille ne sera pas emmenée directement dans la chambre du fiancé mais dans celle de son grand frère ; celui-ci doit être déjà marié. Elle sera installée dans une chambre avec une femme mûre pendant trois jours, sans manger. Pendant ce temps, le garçon fera ses adieux à sa vie de célibataire en compagnie de ses amis. Le troisième jour, la fiancée préparera à manger à ses beaux-parents. Ceux-ci devront payer pour recevoir le repas. Par respect, la fille ne peut plus parler avec ses beaux-parents (père, mère, grands frères et grandes sœurs du fiancé), ni même manger en leur présence et elle doit se déchausser dans la cour familiale. 
Que se passera-t-il après cette cérémonie ? Après la cérémonie, c’est-à-dire au quatrième jour, le garçon et la fille se retrouveront dans la chambre du garçon. Le fiancé consommera le mariage mais si la fille n’est pas vierge, ce sera une honte pour la famille de la fille ; par contre si elle l’est ce sera la joie dans les deux camps. Le fiancé apportera alors des savons, du sucre, de la farine de mil, le haricot et de l’huile de karité à la belle-famille. Deux semaines plus tard, la fille repartira chez ses parents cherches ses ustensiles de cuisine pour revenir chez son mari. Pour plus de respect et d’honneur, le mari doit payer la dot. Celle-ci ne doit pas être excessive. Ce sera la monnaie traditionnelle appelée KOKE, en forme de faucille, accompagnée des boissons traditionnelles. Après la dot, ils sont déclarés mari et femme pour le reste de leur vie. 
Pour finir, nous devons vous avouer que le mariage traditionnel de chez nous les Sara Kaba est très compliqué. Les différentes étapes seront difficiles à affronter, mais avec le courage, on peut le faire. Si les deux tourtereaux s’aiment des fiançailles jusqu’au mariage, leur vie sera remplie de bonheur, sinon le mariage sera éphémère.

 Ndil Herve Kladoumadji 
Dans le Mandoul (Koumra), nous assistons souvent à l’union de jeunes gens qui doivent s’aimer pour toujours. Quelles sont les différentes étapes qui conduisent des fiançailles au mariage traditionnel chez nous ? Cette interrogation fera l’objet de notre travail. 
Dans le Mandoul (Koumra), au début d’une relation, on ne tolère qu’un seul prétendant. Les fiançailles duraient souvent six ou sept ans et quelquefois encore plus. Généralement, le processus commençait avec une fille d’au moins dix ans. 
Parlant des étapes, il y a d’abord la demande des fiançailles. A cet effet, la sœur du garçon devait apporter chez les parents de la fille des pois de terre grillés dans une petite calebasse. Cela se passait habituellement la nuit. Si le cadeau était accepté, les deux jeunes étaient officiellement fiancés mais ne devaient pas se rencontrer en public. Ensuite, à chaque récolte, le jeune garçon devait faire de cadeaux à la famille de la fille.
 Lorsque la fille devient pubère, le garçon prendra des épis de mil qu’il placera parmi des cannes à sucre pour les envoyer en cadeau à son futur beau-père ; cela signifie qu’il devrait arrêter d’envoyer des cadeaux de fiançailles. Le garçon sera invité à construire une case chez son beau-père ; ce sera l’endroit où il pourra rencontrer sa fiancée. Si un soir le garçon remettait deux couteaux de jet à sa fiancée pour qu’elle les remette à son père, cela voulait dire que l’union pouvait être consommée. Sur invitation du fiancé, la fille pouvait se rendre chez lui et si jamais elle concevait, elle pouvait commencer à faire la cuisine sans honte pour son fiancé. Quand la grossesse arrivait à terme, le beau-père en profitait pour demander la dot. Autrefois, cela consistait à donner les « kul », les couteaux de jet. De nos jours on donne des billets de banque. 
Une fois que la dot est totalement versée, la femme pouvait se rendre chez son mari. Elle ne s’y rendait pas toute seule. Pour réduire les dépenses, la tante paternelle de l’épouse la conduira et préparera la bière de mil pour les invités. Pour conclure, on peut dire que le mariage est un lien sacré qui unit deux familles et c’est pour cela qu’il y a toute une procédure à suivre. Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ?
 In-Yessem Robaye Ferdinand 
 Les fiançailles sont une cérémonie familiale qui accompagne une promesse mutuelle de mariage. Dans la société traditionnelle, le garçon et la fille à l’âge de puberté étaient appelés à tisser des relations qui devaient aboutir au mariage. Il y a différentes étapes qui conduisent des fiançailles au mariage traditionnel. Quelles sont ces étapes ? 
Les étapes qui conduisent des fiançailles au mariage constituent un véritable parcours du combattant mais que l’amour fait suivre allègrement. Le garçon doit avec assiduité visiter tous les soirs le domicile de ses beaux-parents ; avec ses amis, il doit labourer leurs champs et demander à ses sœurs d’aider la belle famille dans les travaux ménagers (corvée d’eau pour la préparation de la boisson, aider pour la récolte des arachides et cueillette de gombo dans le champ de la belle-mère).
 Après deux ou trois ans de fiançailles, le garçon, alors bien connu des beaux-parents, invitera sa fiancée chez lui et la retiendra pour la nuit. Le matin, il en informera son père. Celui-ci appellera aussitôt ses frères pour les mettre au courant de la situation. Au troisième jour, le père enverra quatre personnes chez les parents de la fille pour les informer de la présence de leur fille dans sa concession. Les beaux-parents exigeront alors deux chèvres, quatre poulets et une somme de 50.000 francs pour les rites de la purification avant que leur fille ne regagne le domicile familial. Une fois que cela est fait, la fille pourra rendre visite à sa famille. La fille pourra rester chez son mari pendant plusieurs années sans inquiétude et même donner naissance à des enfants. 
La dot sera versée soit à la demande des beaux-parents, soit sur l’initiative du garçon qui voudra éviter les moqueries de ses amis ou de la belle famille. En somme, un garçon paresseux ne pouvait pas se marier dans notre région car les étapes conduisant des fiançailles au mariage demandent beaucoup de courage. De plus, le mariage était très exigeant et demandait de la patience de la part des deux conjoints.

Imbolnan Luaderim
En général, le mariage traditionnel chez nous comprend trois phases. Cependant, on peut le résumer dans le mot dot que certaines législations africaines reconnaissent. Ainsi quelles sont les différentes étapes qui conduisent au mariage chez nous les Mbay ? C’est ce que nous allons maintenant voir.
 En effet, les étapes qui conduisent des fiançailles au mariage traditionnel chez les mbay sont : la rencontre et la présentation des deux familles, la remise officielle des cadeaux et enfin le rite d’union. D’abord la rencontre et la présentation des deux familles se passe comme suit. En réalité, avant cette phase, certaines démarches avaient déjà été menées par la famille du fiancé auprès des membres influents de la famille de la fiancée. De ce fait, la présentation des deux familles n’est en réalité que la phase officielle de l’opération. Au cours de cette phase, les deux futurs mariés restent discrets. Ce sont les deux chefs de familles qui occupent les premières places et font autorité. Chacun d’eux délègue donc cette autorité à une personne assez diplomate et négociatrice. 
Dans une ambiance rituelle, le représentant de la famille de la fiancée interroge la famille hôte et l’invite à se présenter et à donner les raisons de leur visite. L’émissaire de la famille du fiancé tentera par des allusions et des proverbes de donner une réponse appropriée. Ensuite vient la phase des échanges des cadeaux. Cette phase est généralement celle de la remise officielle des demandes matérielles symboliques, exigées par les parents de la future mariée (pour compenser le départ de leur fille après tout l’effort d’éducation, de protection, de nutrition consentie pendant des années). C’est aussi le moment de remettre officiellement à la future épouse son cadeau symbolique. Il s’agit ici de montre officiellement que la fiancée ne pourra pas souffrir chez son mari.
 Enfin, le rite d’union symbolise l’union pour la vie. Lors de ce rite pendant le mariage traditionnel, les officiants coutumiers mélangent symboliquement deux boissons différentes qui deviennent homogènes et font boire le breuvage aux deux futurs époux ; par cet acte symbolique, les futurs époux jurent devant l’assistance qu’ils acceptent d’être unis pour toute la vie. Et pour symboliser cet engagement, la mariée, en général, remet au chef de famille ce breuvage. En définitive, ces différentes étapes permettaient aux parents des mariés de faire connaissance et d’unir les deux pour toute la vie./ 

 Pai-Umon Madjingar Nehemie
 Dans le pays Sara, quand la famille constatait que leur garçon avait l’âge de se marier, le père, la mère, l’oncle ou la tante proposait à la famille une fille pour lui. La proposition est basée sur le bon comportement (travail, accueil etc.) Le garçon n’est pas associé dans le choix de la fille. Après l’accord des parents sur certaines questions concernant la famille de la fille (est-ce que la maman de la fille est toujours au foyer, est-ce une famille respectable sur le plan éthique…), on convoque le garçon pour l’informer du choix. 
Il s’agit maintenant d’informer la famille de la fille. Cette responsabilité incombe à la personne qui avait proposé la fille à la famille. Celle-ci informera à son tour la fille afin qu’elle commence à fréquenter sa future belle famille et à l’assister dans les cérémonies et les travaux champêtres. Le père du garçon lui demandera alors de construire sa case s’il n’en a pas encore. La préparation de la dot se fait par les parents du garçon. Pour demander la main de la fille, la famille apportait soit une modeste somme soit un objet symbolique.
 Après une concertation des parents de la fille, une délégation sera envoyée chez la famille du garçon pour lui faire connaître le montant de la dot qu’exige le père de la fille. Cette somme sera envoyée avec une proposition de date pour la cérémonie du mariage. Toutes les démarches étaient faites par un petit groupe de personnes et discrètement. Seul le mariage sera public. La mère de la fille achètera des ustensiles de cuisine et un soir sera retenu pour amener les bagages de la jeune femme chez son mari. La fille sera laissée chez ses parents. 
C’est la belle famille qui devait aller la chercher pour la ramener chez le mari. Après une grande cérémonie de danse, très tôt les tantes de la jeune mariée devaient l’introduire dans la cuisine en la prenant par la main et en l’aidant à allumer son premier feu dans son foyer. Cela se passe souvent entre 4h du matin et 5h ; elle préparera la boule, du thé et tout ce que la femme doit servir à son mari. Il y a tout un rite pour allumer ce feu.
 C’est une joute entre les deux familles. Alors que la famille de la fille essaiera d’allumer le feu, les femmes du côté du garçon chercheront à l’éteindre. Les sœurs du garçon cherchaient ainsi à tester l’habilité de leur belle-sœur à la cuisine. Après avoir préparé une grande quantité de nourriture, selon les moyens de chaque famille, chacun repartira chez lui et la fille restera dans son foyer.

 Nandodjo Valerie
 D’après les informations auprès des adultes, nous essayerons de relater les différentes étapes qui conduisent des fiançailles au mariage traditionnel chez les sara.
 Chez les Sara, dans la première étape des fiançailles, les parents du jeune garçon envoyaient des cannes à sucre, des pois de terre et du mil aux parents de la jeune fille pour demander leur opinion, s’ils consentaient à ce que leur fille puisse être épousée. Les parents de la jeune fille l’appelaient pour demander son avis. Si elle accepte, les parents gardent les cadeaux. Les parents du garçon savent que la fille a accepté leur garçon. Commence alors les fiançailles. Le jeune garçon pouvait commencer à visiter la jeune fille, aider ses beaux-parents dans certains travaux. La jeune fille de son côté, faisait la cuisine et apportait cette nourriture à ses beaux-parents. 
Après une longue période, les parents du jeune garçon envoyaient les couteaux de jet, « Sirsi » ou « kul » (argent) aux parents de la jeune fille, symbolisant l’union du couple, en demandant aux parents que la jeune fille rejoigne le garçon. Ainsi le mariage commence.
Les parents de la jeune fille annoncent à la famille en précisant la date du départ de la fiancée chez son mari. De son côté, le fiancé annonce à son famille l’arrivée de la fille. Le jour J, la famille du garçon se rassemble pour accueillir les hôtes du côté de la fille. Celle-ci accompagne la fille avec des you-you et des cris de joie. Le repas est alors réparé par la famille et c’est une grande joie avec des ripailles et des danses. Selon les informations recueillies, il existe plusieurs étapes qui conduisent des fiançailles au mariage chez les Sara.

Aiba Bakhit 
Les fiançailles sont une promesse mutuelle de mariage faite entre deux personnes. Le mariage traditionnel est un mariage qui se fait selon les coutumes des ancêtres et qui se transmet de génération en génération. Ainsi, après nous être informé auprès des adultes de chez nous, nous parlerons des différentes étapes qui conduisaient autrefois des fiançailles au mariage traditionnel chez les Zaghawa.

 Jadis, dans ma région du Wadi Lina et plus précisément à Iriba, à l’instar des autres régions, la dot se faisait de manière spéciale et suivant certaines étapes. D’abord, si l’homme voyait une fille qui lui plaisait, il pouvait le demander à ses parents de se rapprocher de la famille de la fille pour demander sa main. Dans le cas où l’homme ne voyait pas spécialement une fille, il pouvait demander à ses parents de lui en chercher, selon certains critères (respectueuse, travailleuse…) Il arrivait aussi que les deux ne soient pas au courant des recherches et des choix des parents mais mis devant le fait accompli, ils devaient l’accepter car c’était une affaire de dignité.
 Après l’acception, c’était la deuxième étape qui commençait. La seconde étape consiste en la visite de la belle famille. Le garçon remettait de l’argent et des cadeaux à la famille de la fille. Le jour des fiançailles, les parents se réunissaient pour lire la fatié (versets coraniques) ; le fiancé offrait des dromadaires, des vaches à la belle famille, selon ses moyens, en forme de Sidak (cadeaux) ; Le beau-père pouvait alors dire qu’il acceptait de donner sa fille. La dot finissait avec les you yous de l’argent, des bijoux offerts à l’épouse. 
L’homme doit chercher de l’argent pour le mobilier (principalement des tapis). La femme quant à elle, devait construire sa maison dans le carré de sa mère. Après deux ou trois ans, on organisait la cérémonie du mariage. Une semaine avant la cérémonie, la femme devait être enfermée dans sa chambre. L’homme montait sur son dromadaire, tout de blanc vêtu ; accompagné de sa famille pour la cérémonie du mariage. C’est pour les jeunes un moment de danser, de manger, et de boire. C’est ainsi que la cérémonie s’achève. Après quelque temps, le mari pouvait faire déménager sa femme pour venir habiter chez lui. Pour conclure, le processus qui va de la dot au mariage se faisait en trois étapes essentielles qui étaient le dépôt de la demande de dot, sa réception et enfant la cérémonie du mariage. Ainsi se faisait le mariage dans la région du Wadi Fira et plus précisément chez les Zaghawa.