mardi 26 octobre 2021

TCHAD : Une lecture naïve des événements de Koumra après l’accord du 15 octobre (par Pascal Djimoguinan)

           Est-ce l’épilogue de l’accord de Koumra du 15 octobre ? Par un décret datant du 25 octobre 2021, le Ministère de l’Administration du Territoire et de la décentralisation du Territoire nomme une nouveau Gouverneur de la province du Mandoul alors que l’ancienne est appelée à d’autres fonctions. Que faut-il en dire ?

          D’emblée, on pourrait dire que la sanction administrative a suivi la faute commise par l’ancienne gouverneur du Mandoul. Cela dit, faut-il refermer le dossier ? Une lecture naïve répondrait par l’affirmative, mais, en réalité, il ne s’agit qu’un palliatif. Pourquoi cela ?

          Pour un lecteur assidu de la vie de nos provinces, l’éviction de madame la gouverneure du Mandoul est tout simplement une manœuvre pour éliminer les effets au lieu de s’occuper de la cause. C’est casser le thermomètre au lieu de soigner la fièvre.

          L’accord de Koumra qui a été annulé et qui a causé le départ de la gouverneure du Mandoul voulait régler les tensions entre les différentes communautés dans la province. La maladresse de l’accord vient du fait que la dia a été retenue malgré les textes de la République. Annuler l’accord et relever la gouverneure de ses fonctions pour en nommer un autre ne résout pas le problème. Il y a en fait deux problèmes qui se sont entrecroisés ici. D’un côté, la « dia » pour régler les homicides, et de l’autre, les conflits entre les différentes communautés, exacerbés par le conflit éleveurs-agriculteurs.

          Pour la « dia », il faut renforcer le décret de 2019 et l’interdire tout simplement. Tout homicide implique l’Etat d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas de place pour quel que subterfuge que ce soit.

          Le conflit éleveur-agriculteur est comme un cancer qui ronge le pays de l’intérieur et son traitement d’une manière partiale ne fait créer une métastase dont le perdant est le pays tout entier. Au lieu de prendre une décision en dehors de tout contexte, il faudrait trouver une solution sur le plan national. Pour cela, il faudra commencer par créer un comité ad hoc regroupant entre autres des juristes, des géographes, des historiens, des administrateurs, des représentants des éleveurs et des agriculteurs. Que ce comité étudie le problème et propose une solution qui convienne. C’est seulement après cela qu’une décision pourrait être prise.

          En tout, le bien commun doit être recherché et conservé. Il faudrait donc que le problème de Koumra soit plus féconde pour le vivre-ensemble au Tchad.



mercredi 20 octobre 2021

De la validité de la « Dia » dans le sud du Tchad (par Pascal Djimoguinan)

           La blogosphère tchadienne est rouge, tellement elle est en hyperactivité depuis quelques jours. Ce qui la tient ainsi en émoi, c’est le fameux soi-disant accord sur le consensus des chefs coutumiers et traditionnels du Mandoul.

          Cet accord, ou consensus, aurait purement et simplement pour but de fixer le « prix du sang » dans le Mandoul lorsqu’il y a mort d’homme. Il s’agit en fait de fixer ce qui est appelé la « Dia ».

          Il est étonnant de voir que les lois de la République sont purement et simplement ignorées dans l’élaboration de cet accord. Ce qui étonne, ou plutôt ce qui détonne, c’est que l’assemblée a été présidée par la gouverneure du Mandoul qui cautionne l’accord. Il faut donc parler de l’accord Diamlar Betolngar puisque la signature de la gouverneure s’y trouve.

          Que penser de ce consensus ?

          Tout d’abord, il apparaît clairement dans ce document qu’il y a une permission de tuer ; dans les détails, on donne le prix à payer s’il s’agit d’un homicide volontaire ou d’un accident de circulation. Le prix varie entre un million cinq cent mille Fcfa et un million Fcfa (2290 euros et 1526 euros).

          Dans le fameux consensus, il n’est pas question de sanctions pénales. Cela voudrait-il dire que tout s’arrête au payement de la dia ?

          Avec la dia, la sanction n’est plus individuelle mais communautaire. Evidemment, il faut dire que les pauvres paysans du Mandoul ne seront pas capables de trouver individuellement le prix du sang, ce qui signifie que ce sera toute la communauté qui sera touchée.

          Il faut maintenant s’interroger sur cet acharnement à imposer aux populations du Sud du Tchad une coutume qui n’est pas la leur ?

          Lorsqu’on se rend compte que le conflit éleveurs/agriculteurs est récurent dans le Mandoul, ce consensus se présente comme une prise de position partiale qui ne fera qu’augmenter le sentiment d’insécurité des populations.

 Le silence du ministère de la justice et de celui de l’administration du territoire est assourdissant. Ces deux ministères doivent intervenir rapidement et remettre les choses à l’endroit. Les lois de la République doivent primer[1].


[1] L’accord de Koumra, du 15 octobre 2021, sera heureusement annulé par une lettre du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, du 22 octobre 2021. Par la lettre, le ministre porte à la connaissance de la gouverneure qu’au regard de la réglementation des textes en vigueur en la matière, ledit accord est annulé dans tous ses effets. Cela signifie tout simplement que la gouverneure est désavouée pour le simple motif de l’ignorance des textes. La suite logique des événements ne tardera sans doute pas. La gouverneure aura-t-elle le courage de démissionner ou attendra-t-elle d’être relevée de ses fonctions ? L’avenir nous le dire.




samedi 16 octobre 2021

Tchad : Où en sommes-nous ? (Par Pascal Djimoguinan)

           Il faudra sans doute être un charlatan pour dire où va le Tchad, six mois après le décès de l’ancien président Idriss Deby Itno. Un conseil militaire dirigé par l’un de ses fils a été mis en place avec comme objectif de diriger une transition de 18 mois. A part le fait que 6 mois sont passés depuis et qu’il ne reste plus que 12 mois de transition, que peut-on dire de concret sur l’avenir du pays ?

          Un premier constat, c’est qu’on reprend les mêmes et on recommence. Cela penser aux films d’horreur où on a l’impression d’un déjà vu qui se déroule sans qu’on ne puisse l’arrêter ni avoir aucune maîtrise sur les événements.

          Le conseil national de transition qui fera office de parlement provisoire, désigné par la junte au pouvoir, a été installé depuis le 5 octobre et le président de l’ancienne Assemblée Nationale, Haroun Kabadi (oui, cela qui aurait refusé, pour cause de maladie, d’assumer son obligation constitutionnelle de prendre la place du président en cas de vacance du pouvoir) en a été désigné président par acclamation.

          Lorsque l’on sait que le président de ce parlement provisoire est en même temps est l’actuel secrétaire général du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le parti du défunt président, à la suite d’un congrès extraordinaire depuis le 10 juin, on voit bien que la boucle est bouclée.

          Il est difficile que quelque chose de nouveau sorte de ce scénario qui semble éprouver de l’effroi devant toute nouveauté. Que nous réserve l’avenir ? La transition prendra-elle fin.

          Si à cela, on ajoute que, pour se donner un air de respectabilité, la junte a nommé un gouvernement de transition avec un premier ministre civile, on est en droit d’être dubitatif quant à la neutralité du gouvernement qui conduira les élections qui devraient suivre la transition. Le malaise grandit quand on sait qui est le premier ministre nommé par le chef de la junte ; il s’agit d’Albert Pahimi Padacké qui était le dernier Premier ministre du président défunt, avant que ce poste ne soit supprimé.

          Devant tout cet appareil, nommé afin de rendre les choses comme elles devraient être, et un consensus qui semble se mettre en place avec l’ancienne opposition (sans donner l’impression d’être une galerie de vieillards), la société civile seule semble encore avoir la tête en place. Ainsi, en essayant d’utiliser le peu de liberté qui lui est donné, Wakit tama (avec les Transformateurs) organise des marches pour rappeler que la démocratie ne doit pas simplement être enterrée.

          Personne ne peut deviner l’avenir du Tchad mais il est temps que quelques esprits se réveillent et mettent l’intérêt du pays devant les leurs. Qui se rappelle encore que quelqu’un disait : « A vin nouveau, outres neuves ? » 




jeudi 14 octobre 2021

IN MEMORIAM : Père Jacquineau Azétzop sj (par Pascal Djimoguinan)

 
Père Jacquineau, ton voyage, le dernier, tu as décidé de l’entreprendre dans la ville éternelle. Ton dernier combat, tu l’as vécu presque seul même si tu étais entouré des esprits de tous ceux qui t’ont aimé.

Ton voyage à Douala cet été, en juillet, a permis que beaucoup puisse te rencontrer. Très peu parmi nous ne pouvions deviner que c’était le dernier adieu. C’était peut-être mieux ainsi car toutes les rencontres étaient dénuées de toute tristesse et de tout rancœur.

Que puis-je te dire ? Pas grand-chose en fait.

Je ne pourrai pas assister à tes obsèques. Tu te rappelles ? Tu as voulu que le jour de ton ordination sacerdotale, ce matin du 21 juin 2003, tu as choisi que je sois celui qui t’ai aidé à porter les habits sacerdotaux. Je ne pourrai pas être là pour poser sur ton cercueil l’étole. Mais mes prières t’accompagneront, quel que soit l’endroit où je me trouverai. Je prierai pour toi, je prierai avec toi.

Avec saint Ignace, je dis avec toi :

« Prends Seigneur, et reçois
toute ma liberté, 
ma mémoire, mon intelligence
et toute ma volonté.
Tout ce que j’ai et tout ce que je possède.
C’est toi qui m’as tout donné, à toi, Seigneur, je le rends.
Tout est à toi, disposes-en selon ton entière volonté.
Donne-moi seulement de t’aimer 
et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit. »