mardi 25 décembre 2018

Message de Noël de l'Archevêque de Bangui (RCA)

Le Verbe s’est fait chair et il a « dialogué » avec les hommes !

Frères et sœurs dans le Christ,
Et vous, hommes et femmes de bonne volonté,
Que la paix et la grâce de Dieu vous soient données en abondance de la part de notre Seigneur Jésus-Christ !

Aujourd’hui notre Sauveur est né ! La sainte liturgie nous offre à contempler et à célébrer le mystère de la Nativité à travers plusieurs textes de la Sainte Ecriture. En lien avec le thème de l’année pastorale 2018-2019 de l’Archidiocèse de Bangui, j’ai fait le choix de méditer le Prologue de l’évangile selon saint Jean que nous lisons à la messe du jour.
                                       
Le Verbe de Dieu                                                            

Le prologue de  Jean nous révèle l’importance de la Parole de Dieu, qui est déjà perçue dès la première page du livre de la Genèse : «  Au commencement, Dieu a tout créé par sa Parole » (cf. Gn 1, 1-33). La parole de Dieu est créatrice. L’évangéliste Jean affirme que ce  « Verbe était auprès de Dieu, il était Dieu ». Ce n’était pas une existence séparée, mais il participait à la divinité de son Père. Dieu et son Fils sont toujours ensemble dès le commencement du monde et les deux se communiquent. L’expression « auprès de Dieu » nous révèle que le Verbe est toujours avec Dieu et il est dialogue avec les hommes. Dès cette terre, nous sommes invités à vivre en communion avec Dieu. Le Verbe donne à ceux qui l’accueillent de devenir « enfants de Dieu ». C’est pourquoi, Dieu nous a envoyé son propre Fils, son Verbe «  venu dans notre monde » pour communiquer avec les hommes afin que ces derniers découvrent la grandeur de son amour.

L’initiative de Dieu

Dieu ne se fatigue pas de communiquer avec les hommes. Dans le passé, Il a parlé par les prophètes. La lettre aux Hébreux le dit clairement : «  Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu en ces jours, nous a parlé par son Fils » (He 1, 1). Désormais le Fils de Dieu vient dresser sa tente au milieu des hommes. Tel est le mystère de l’Incarnation. Dieu se fait proche de nous. Est-il aussi proche de nous en Centrafrique ?
Au regard des nombreux évènements douloureux qui ont marqué l’histoire de notre pays à savoir les pillages, les incendies, les maladies, les morts nous pouvons croire, en jugeant selon la chair, que Dieu n’est plus parmi nous, qu’il semble s’éloigner de notre terre centrafricaine. Mais, aujourd’hui, une bonne nouvelle nous est annoncée : « Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). Le Verbe de Dieu vient encore aujourd’hui dans le monde et plus particulièrement dans notre pays. Dieu se fait présent en son Fils, Il communique par Lui. En Jn 5, 43, Jésus le dit : « Je viens au nom de mon Père ».

L’amour infini de Dieu

Frères et sœurs,
La Nuit de Noël révèle l’amour incommensurable de Dieu. Dieu ne vient pas habiter dans la tranquillité, dans la sécurité mais dans un environnement à hauts risques. La nuit de Noël avec tous les risques et périls pour les bergers et leurs troupeaux, c’est dans ce lieu où le Verbe de Dieu s’est fait chair. Il est né dans une mangeoire autour de laquelle peuvent être des loups, des bêtes féroces qui rodent, cherchent quoi dévorer tout comme  « le lion qui rugit, va et vient à la recherche de sa proie » (1 P 5, 8). Cette zone à risque pour les bergers et leur troupeau devient aussi une zone à risque pour l’enfant Jésus, Marie et Joseph ; plus large, une zone à risques pour Jésus le Bon Berger et nous, son troupeau. Aujourd’hui encore le Verbe de Dieu risque sa vie pour venir habiter chez nous, dans notre pays marqué par une grande insécurité, tant de violence et de tuerie. Tel est le mystère de l’incarnation, Tel est l’amour infini de Dieu pour nous aujourd’hui dans ce pays la RCA. Tel est le mystère de Dieu ! Qui peut connaître la pensée de Dieu ? En la personne de Jésus, Dieu lui-même prend l’initiative de venir communiquer sa pensée, sa volonté à toute l’humanité. Jésus en témoigne dans l’évangile de Jean : « Je dis ce que le Père m’a enseigné » (Jn 8, 28). Jésus reste fidèle à la parole de Dieu qui est vérité et qui donne vie. Ainsi, nous sommes appelés à communiquer la parole de vérité et non de mensonge, la parole de vie et non la parole de mort.

L’incarnation, véritable chemin de dialogue

Le mystère de l’Incarnation vient éclairer, irriguer notre pratique du dialogue œcuménique et interreligieux en cette année pastorale 2018-2019. Dans quel sens ? Le Verbe de Dieu suit un itinéraire en trois étapes :
D’abord, la démarche de l’abaissement : Dieu par son Fils  vient à la rencontre de l’homme. « Lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et par son aspect il était reconnu comme un homme ; il s’est abaissé… » (Ph 2, 6-8). La première étape du dialogue, c’est l’humilité, Dieu se fait tout petit dans une crèche pour venir rencontrer l’humanité. Pour dialoguer, il faut aller à la rencontre de l’autre, se dépouiller de son propre orgueil, de sa grandeur. Dans le dialogue, on se fait petit. Aujourd’hui, Jésus, Verbe de Dieu nous sert d’exemple. Or de nos jours, chacun veut imposer ses idées, ses forces et n’est pas prêt à s’humilier comme Dieu l’a fait.
Ensuite, en Jésus Dieu se fait semblable à nous et épouse le langage humain afin de communiquer avec l’humanité sans ambigüité. Pour bien dialoguer, il faut se comprendre dans le même langage. Le Verbe de Dieu vient créer le lien entre Dieu et l’être humain. La conception biblique de l’homme est dialogale, dès sa création, il entre en dialogue avec son Créateur, un dialogue qui exprime l’alliance scellée par Dieu avec son peuple.
Jésus nous trace une autre pédagogie du dialogue qui consiste à créer, tisser le lien entre nos frères d’autres confessions religieuses et entre nous-mêmes. Célébrer l’incarnation de Jésus revient à créer ce lien entre nous. Noël, c’est la fête en famille. Sommes-nous des agents de communication et de création de tissu social dans nos familles, nos communautés chrétiennes et religieuses, nos mouvements, fraternités et groupes de prières et encore avec les frères et sœurs des autres confessions religieuses ? Pouvons-nous célébrer l’incarnation du Verbe comme source de tout lien en étant des vecteurs de discorde, de désunion dans le couple, dans la société ou dans l’Eglise ?
Rappelons-nous que nous sommes créés par cette Parole de Dieu, nous sommes l’image de Dieu, ainsi devons-nous apprendre les voies de faire la paix et l’unité.
Enfin ce dialogue débouche sur la lumière (Jn 1, 4-5) ; il arrive à quelque chose de bien, de beau, de lumineux. Comme le dit l’Apocalypse : « Les serviteurs verront son visage, la nuit n’existera plus, ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera. » (Ap 22, 4-5). Grâce à cette lumière nous verrons le vrai visage de nos frères et de nos sœurs. À la suite de Jésus Verbe de Dieu, une fois franchi ces trois étapes du dialogue, nous voyons clair, la lumière qu’est Jésus dissipe toutes nos pensées ténébreuses, nos a priori, nos préjugés envers les autres. Ainsi, toutes les barrières préconçues, les préjugés tombent et nous pouvons voir les autres avec les yeux de Dieu.

Le refus d’accueillir le Verbe de Dieu

Frères et sœurs,
Malgré l’initiative et la démarche de Dieu dans l’humilité, certains hommes refusent totalement d’accueillir le Verbe de Dieu. « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu. » (Jn 1, 11) « La lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point comprise. » (Jn 1, 5) Il est impossible que la lumière et les ténèbres résident ensemble. Le Verbe a paru au milieu des hommes remplis de ténèbres, et il a paru comme éclatante lumière, mais ceux qui étaient ténèbres, et voulaient conserver les ténèbres, ne pouvaient pas recevoir la lumière divine du Verbe, qui ne peut que remplacer les ténèbres et jamais demeurer avec elles. Voilà pourquoi ces hommes qui étaient ténèbres, n’ont pas saisi, embrassé, compris cette lumière. Ils ont fermé leur cœur à la lumière et les grâces divines n’y pénètrent pas ou sont rejetées, et ils restent dans l’obscurité.

La contrevaleur de la Parole de Dieu

Le prologue de Jean nous montre les bienfaits du Verbe de Dieu. Hélas, souvent nous sommes loin de vivre cette Parole créatrice et constructive. Pour la plupart, nous usons plutôt d’une parole destructrice. Notre parole ment, calomnie, détruit, tue. Comme le dit Saint Jacques « notre langue est un feu… elle enflamme le cycle de la création » (Jc 3,6). Combien de nos frères et sœurs ont perdu leur renommée, leur réputation, combien souffrent dans leur corps et leur âme jusqu’à perdre même leur vie à cause de notre parole de méchanceté, de jalousie et de haine ? Les réseaux sociaux deviennent ce lieu par excellence où, au lieu de communiquer une parole de vérité, d’unité et de paix, on communique le mensonge, on attise la haine, la violence, le dénigrement de la dignité humaine, les fausses valeurs. Nos réseaux sociaux, notre monde ont encore tant besoin de purification, c’est pourquoi, dans la première lecture de la messe du jour, Dieu nous invite, par la voix du prophète Isaïe, à être de vrais messagers qui annoncent les bonnes nouvelles, le salut et la paix. Telle est la finalité de notre dialogue. Notre véritable dialogue avec nos frères et nos sœurs ne peut que déboucher sur la paix, la bonne entente, le salut de chacun de nos frères et sœurs. Ainsi, tous ensemble nous pouvons voir le salut de notre Dieu (Is 52, 10).

Que Notre Dame de l’Oubangui, Mère du Verbe incarné purifie notre langage et nous porte vers l’unité et la paix, dans notre pays, nos familles, nos mouvements et fraternités et nos lieux de travail. Amen !
                                                                           
Dieudonné Card. NZAPALAINGA


mardi 18 décembre 2018

MESSAGE DE NOËL 2018 DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU TCHAD

Tous frères dans la maison commune 

« Celui qui aime Dieu et n’aime pas son frère est un menteur » (1Jn 4,20) Chers frères et sœurs dans le Christ,  Hommes et femmes de bonne volonté !
1. Alors que nous marchons vers Noël, fête de la rencontre de Dieu et de l’humanité à travers le mystère de la naissance de Jésus, nous portons un regard de pasteurs sur notre Eglise et notre pays et nous pensons déjà au message des anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes car Dieu les aime ». Nous nous interrogeons sur l’écho de ce message au cœur des fidèles… C’est pourquoi, nous orientons notre message de cette année sur le thème : « Tous frères dans la maison commune » pour vous aider à mieux l’accueillir personnellement, en famille et en communauté.
2. Nous sommes en effet préoccupés par la dégradation des relations entre les Tchadiens, trahissant leur désir intime de concorde et de cohabitation pacifique avec le voisin dans une nation fondée sur la fraternité et la solidarité. Nous nous tournons tout naturellement vers Dieu, le Créateur de l’univers visible et invisible et créateur de toute l’humanité pour discerner quel est son projet en créant l’univers cosmique et l’univers humain. Ainsi pourrons-nous mieux apprécier la situation de notre pays et le rôle de notre Eglise.
I. « VOUS ETES TOUS FRERES…VOUS N’AVEZ QU’UN SEUL PERE » (Mt 23, 8-9)
Dieu crée l’homme et le rend responsable de la maison commune  3. L’éminente dignité de l’homme et sa place privilégiée au cœur de la création sont fortement soulignées par le livre de la Genèse et résumées par le Psaume 8 : « Qu’est-ce que l’homme... que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moins qu’un dieu… le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds ».
4. En créant ainsi l’homme, Dieu le met dans une relation particulière avec Lui puisqu’Il l’a voulu « à son image et à sa ressemblance… homme et femme il les créa » (Gn 1, 26-27) ; il les a placés dans une relation vitale avec la nature (nourriture et compagnie) mais bien plus, Il établit entre l’homme et la femme une relation de communion dans la différence ; la différence est assumée comme complémentarité.
5. Il leur donne en fermage la terre où Il les a placés et leur confie la mission de l’exploiter pour en tirer les ressources nécessaires à leur vie. Il les rend co-responsables de son développement et de son devenir. La terre est l’environnement naturel de l’homme et le lieu de son épanouissement humain ; elle est « la maison commune », selon la belle expression du Pape François dans son Encyclique « Laudato sì ». Elle devient le premier bien commun dont nous avons à prendre soin, tous ensemble, et à en tirer des ressources pour notre propre existence et pour le bien-être de notre entourage. 
« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant qui rend gloire au créateur »
 6. L’homme n’est véritablement la gloire de Dieu que s’il marche dans les voies du Seigneur et garde présent à l’esprit le souci de communion dans la relation qui le lie au Créateur, à la nature et à son semblable. Le péché d’égoïsme a provoqué une perte de confiance et perturbé cette relation dont les conséquences sont nombreuses : l’homme a peur de se présenter devant Dieu et se cache ; il se méfie de son semblable et leur rapport sera un rapport de domination ; la rupture est consommée avec la nature dont l’homme tirera péniblement sa subsistance (Cf. Gn 3, 8-13).
 7. Ainsi, la perturbation des relations avec Dieu, avec la nature et avec l’autre compromet gravement l’épanouissement humain que Dieu veut pour l’homme. Quand l’attention que nous devons nous porter les uns aux autres manque à cause des égoïsmes, des jalousies ou de l’orgueil, nous en arrivons à nier à l’autre tout droit à l’existence et à l’accès au bien commun. Cela est vrai quand il y a des conflits d’intérêts. C’est la question que Dieu pose à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » et l’impertinente réponse de Caïn : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? ».  Non seulement Caïn a tué son frère, mais il ment et se montre indifférent à son sort. A la question   « Qu’as-tu fait ? », il répond par le silence et ce silence constitue sa propre condamnation           (Gn 3, 9-10).
8. C’est la fin d’une conscience de fraternité et de solidarité. La violence va alors s’installer et pervertir les relations entre les hommes, entre eux et la nature, entre les hommes et Dieu. Mais ces relations sont tellement liées entre elles qu’aux yeux de Dieu il est inconcevable de les séparer. Comme le dit S. Jean : « Celui qui aime Dieu et n’aime pas son frère est un menteur » (1Jn 4, 20). Nous voilà de nouveau renvoyés à notre frère ! Jésus le confirme à travers la parabole du Bon Samaritain dans laquelle il nous fait découvrir qui est le vrai frère (Cf. Luc 10, 25-37). Le vrai frère n’est pas seulement le membre de ma communauté familiale, ethnique ou religieuse. Jésus est venu faire tomber les barrières de méfiance et de haine qui séparaient les familles humaines en nous apportant la « Bonne Nouvelle de la paix » et en faisant de nous des frères,          « membres de l’unique famille de Dieu » (Ep 2,17-19). 
9. Il est indéniable que la famille demeure le premier lieu où se découvre et se vit la fraternité. La famille est sacrée parce qu’elle est un don de Dieu mais elle appelle à la responsabilité de ses membres pour rester unie et solidaire. Cela se traduit par l’éducation familiale et sociale, l’éducation scolaire et civique. Il ne s’agit plus seulement de la famille nucléaire parce que Dieu a voulu élargir notre sens de la fraternité en nous faisant naître dans ce pays qu’est le Tchad. Notre pays est comme notre grande famille : avons-nous conscience que nous sommes frères et sœurs ? 
II. REGARD SUR NOTRE PAYS 
10. Le deuxième couplet de notre Hymne national nous rappelle la fraternité voulue par Dieu lorsqu’il dit : « Peuple du Nord et ses troupeaux immenses, peuple du Sud qui cultive ses champs, pasteurs, montagnards, pêcheurs, commerçants, soyons un seul grand peuple qui s’avance ». Sommes-nous vraiment un seul peuple en marche ? 
Le désir de construire le vivre ensemble.
11. Le désir des Tchadiens a toujours été de vivre ensemble comme frères et sœurs. Ils l’ont réaffirmé lors de la Conférence Nationale Souveraine en voulant vivre ensemble dans un Tchad unifié, apaisé. Ce désir s’est encore exprimé dans le Plan National de Développement (PND) 2017-2021 dont l’objectif est de lutter contre les inégalités sociales qui entraineraient la fragilisation de l’unité nationale et de la démocratie. 
12. Vivre l’unité nationale appelle tout Tchadien à construire avant tout la fraternité. La Fraternité, comme la famille, est un principe sacré. Elle se construit essentiellement à partir d’une volonté de vivre ensemble et non plus sur une base ethnique ou régionale. Si cette volonté manque, il faut la susciter en créant une solidarité nationale plus agissante comme nous l’avons connue autrefois dans nos communautés villageoises. La solidarité se construisait autour des activités menées ensemble telles que les pêches et chasses collectives, l’entraide dans les travaux, dans les différentes fêtes qui marquaient la vie de la communauté, dans le soutien moral et matériel pendant les moments difficiles.
13. La fraternité consiste donc pour les fils et les filles de ce pays à coopérer ensemble et à unir leurs forces et leurs compétences pour un même but : le bien-être de tous les Tchadiens. On parviendra ainsi à l’émergence de notre pays à laquelle aspirent tous les citoyens. Cette fraternité vécue au quotidien par les Tchadiens renforce l’unité et permet au pays d’augmenter ses capacités à créer, à produire, à gérer et à protéger le bien commun. Il est temps que nous apprenions à nous aimer entre nous, à travailler ensemble pour rendre le pays plus solide et prospère. En effet, beaucoup de lois et de déclarations prônent la fraternité nationale mais leur application pose problème.
Les obstacles à la fraternité nationale
14. Au Tchad, ce qui nous différencie est minime et ne peut être véritablement un obstacle à la fraternité : les habitudes de vie, les lieux de vie, les goûts alimentaires, les activités… ne sont que des variations pour assurer une certaine diversité. La fraternité est vraie si le besoin de chaque citoyen est satisfait et s’il bénéficie des ressources du pays dans le respect du Bien commun. Mais il y a des obstacles qui nous empêchent de vivre ensemble dans notre maison commune qu’est le Tchad. 
15. Le contexte géopolitique actuel apparait comme un recul qui ne favorise pas la fraternité. L’intégration linguistique, ethnique et religieuse des Tchadiens reste un long chemin à parcourir. Comment parler de l’avenir du Tchad quand certains apprennent tout en français et d’autres tout en arabe ? Comment les Arabophones et les Francophones pourraient-ils construire leur pays si la langue devient un obstacle à l’intérieur de la famille ? 
16. La cohabitation pacifique qui avait pris un bon départ se trouve confrontée à des difficultés malgré les nombreuses rencontres entre les leaders des confessions religieuses et la célébration de la Journée du 28 novembre. Elles sont visibles dans la multiplication des conflits intercommunautaires sans vraie solution, l’accaparement de terre, la violation des espaces sacrés traditionnels, l’impunité, la corruption, le népotisme, le radicalisme religieux et la confusion des rôles entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. La peur de l’autre et la méfiance constituent une barrière qui handicape le vivre ensemble.
17. Tout projet éducatif a pour but de former des citoyens capables d’assumer des responsabilités, de promouvoir le bien commun dans le respect des autres.  Nous constatons hélas, qu’il y a une multiplicité d’instituts qui ne visent pas toujours ces objectifs. Nous déplorons le manque de volonté politique pour résoudre les problèmes liés à l’éducation. La réduction de la durée de l’année scolaire devient habituelle et est considérée comme normale. Le manque de dialogue sincère entre les différents partenaires en éducation (parents, enseignants et autorités) ressemble à un jeu de cache-cache qui exclut les principaux concernés que sont les enfants et les jeunes. Et pourtant, dans la maison commune, les aînés ont la responsabilité de l’éducation des cadets. Comment dans ce contexte leur inculquer un esprit d’effort, de mérite, de juste récompense et de respect du Bien commun ? 
18. Dans le domaine de la santé, nous saluons les efforts fournis par l’Etat et ses partenaires en matière de santé publique, notamment l’amélioration de l’accès aux soins et la lutte contre les maladies telles que le VIH/SIDA, le paludisme, la tuberculose, la poliomyélite, l’onchocercose, la rougeole, la méningite, et d’autres maladies comme le ver de Guinée, la fistule, etc. Nous saluons l’effort de l’Ordre national des pharmaciens dans la lutte contre les médicaments de la rue. Cependant, nous sommes inquiets de la situation de la Centrale Pharmaceutique d’Approvisionnement et d’Achat (CPAA) ainsi que de la prolifération des écoles de santé et des centres de soin hors contrôle.      
19. La mauvaise gouvernance crée des mécontents, engendre des tensions sociopolitiques et brise le tissu social. Le mérite et la culture de l’excellence sont remis en question. Les critères d’attribution des postes de responsabilité n’obéissent souvent pas aux principes de compétence et d’honnêteté. Nous nous étonnons que les louables efforts d’audit des diplômes qui avaient si bien commencé soient interrompus. C’est dire que certains diplômes et documents administratifs proviennent de sources douteuses. La pratique du faux semble ne plus gêner personne.  
La destruction de l’écosystème
20. Nos ancêtres avaient mieux compris que nous leur responsabilité par rapport à la terre et à l’environnement à travers les lois et les coutumes, la réglementation sur la pêche, la chasse et les cueillettes. Malgré les lois de protection de l’environnement, nous continuons à détruire ce qui pourrait nous permettre de sauvegarder notre maison comme nous le rappelait « La Complainte du Tchad » : « C’est à toi notre patrie que nous devons notre souffle. Mais en retour d’un si grand bienfait, ignorants, nous te piétinons ». Cette ingratitude se constate dans le changement climatique qui n’est plus uniquement un débat scientifique mais relève de plus en plus de l’éthique et de la morale. Il affecte nos vies, nos droits et en particulier ceux des communautés les plus pauvres, les plus marginalisées et vulnérables.
III. « QU’IL EST BON, QU’IL EST DOUX D’HABITER EN FRERES TOUS ENSEMBLE »
21. Au terme de ce Message, nous voulons exprimer notre confiance et notre ferme volonté de marcher vers cet idéal et de promouvoir tout ce qui peut encourager le vivre ensemble des enfants du Tchad dans l’unité, la solidarité et la fraternité. Ce vivre ensemble est conditionné par le respect des diversités ethnique, religieuse, régionale et culturelle. Nous voulons nous adresser plus particulièrement :  
Aux communautés chrétiennes
22. Frères et sœurs, ce Message s’adresse d’abord à vous. Nous vous invitons à l’accueillir avec foi et espérance. Nous nous reconnaissons enfants d’un même Père en Jésus-Christ, son Fils, qui nous unit dans la communion du Saint-Esprit. Soyons témoins de cette vie de famille et que notre vivre ensemble soit modèle d’une fraternité universelle.   
Aux leaders religieux
23. Nous invitons de tout cœur nos frères responsables religieux à saisir ensemble avec nous toutes les opportunités pour entreprendre des actions qui favorisent le dialogue qui invite à la tolérance, au pardon et à la réconciliation. Que notre enseignement de la Parole de Dieu dénonce et brise tout ce qui fait obstacle à la fraternité. 
Aux dirigeants et hommes politiques
24. Nous invitons tous les dirigeants de notre pays, hommes politiques, syndicats, associations de la société civile et autorités traditionnelles, à avoir un sursaut de conscience politique pour amener leurs frères et sœurs à vivre comme les enfants d’une même famille dans notre maison commune. Que chacun, dans l’exercice de ses responsabilités, se laisse animer par la volonté patriotique de donner la chance à tous les Tchadiens de s’accepter les uns les autres pour favoriser le vivre ensemble.
Aux jeunes
25. Et vous, jeunes, nous sommes conscients que nous les aînés avons compromis votre avenir. Malgré tout, nous vous invitons à relever le défi de l’avenir par l’authenticité de votre vie fraternelle. Cherchez à gagner honnêtement votre vie par le travail, quel qu’il soit. Ne vous découragez pas ! En vous tenant les mains, vous serez plus forts pour protéger notre environnement pour qu’il vous procure le bien-être. Croyez que vous pouvez transformer vos rêves en réalité. Et vous, jeunes chrétiens, vous avez une plus grande responsabilité dans cette mission, étant disciples missionnaires de Jésus-Christ.
Aux familles
26. Nous vous sommes reconnaissants pour les valeurs acquises et transmises par l’éducation familiale, scolaire, sociale et religieuse qui favorise le vivre ensemble et l’épanouissement de tous dans la maison commune que nous sommes en train de détruire. Nous faisons nôtre cet appel du Pape François : « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concerne et nous touche tous » (Laudato sì, 14). 
Puisse l’Enfant de Noël vous bénir et faire croître l’amour fraternel dans chacun de vos cœurs !
Joyeux Noël et Bonne Année 2019 !
DJITANGAR GOETBE Edmond, archevêque de N’Djamena, président de la CET
Jean-Claude BOUCHARD, évêque de Pala Miguel SEBASTIAN, évêque de Sarh Rosario
Pio RAMOLO, évêque de Goré Joachim KOURALEYO TAROUNGA, évêque de Moundou
Henri COUDRAY, vicaire apostolique de Mongo
Martin  WAINGUE BANI, évêque de Doba  
Nicolas NADJI BAB, Administrateur diocésain de Laï.

jeudi 6 décembre 2018

In memoriam : Koulatoloum Nazaire (par Pascal Djimoguinan)


Autrui me concerne comme prochain. Dans toute mort s’accuse la proximité du prochain, la responsabilité du survivant, responsabilité qui l’approche de la proximité meut ou émeut (E Levinas, Dieu, la mort et le Temps).
Dans la vie, la mort cruelle vient souvent briser les réseaux de relations que la vie a su créer. Chaque personne est un nœud de relations qui lie d’autres personnes à d’autres. Il suffit de la mort d’un être pour qu’un nœud de relation saute.
Koulatoloum Nazaire n’est plus. Il s’en est allé, tout doucement, sur la pointe de ses pieds. Comme il en a l’habitude, c’est comme s’il faisait une blague.
Mon voisin de classe en terminale au Collège Charles Lwanga et de la même équipe, responsable du dortoir-Ouest en classe de seconde.
Si ta voix s’est éteinte Nazaire, que la mienne, comme l’écho prolonge la tienne pendant un temps, si éphémère soit-il.
Je voudrais simplement que tous ceux qui t’ont connu aient une pensée pieuse pour toi. Nous avons fait une partie du chemin ensemble. Qui sait si grâce à la relativité du temps et à sa fugacité, nous ne nous retrouverons encore pour continuer le chemin ?
Les mots ne peuvent dire tout ce qui a été vécu ; parfois le silence est plus porteur. Va en paix Nazaire !




vendredi 30 novembre 2018

Afrique, pauvre Afrique (par Pascal Djimoguinan)


Les jours passent mais le déclin de l’Afrique sur le plan de sa souveraineté et de sa fierté semble ne pas connaître un semblant d’arrêt. En tout, l’Afrique semble ne pas être maître de son destin et les africains eux-mêmes semblent avoir démissionné. Peut-on penser à un sursaut d’orgueil ?
            Autrefois, il y avait encore un peu d’énergie en Afrique pour dénoncer le néocolonialisme. Aujourd’hui, c’est comme si les africains eux-mêmes l’appellent de tous leurs vœux.
            Après la théorie des « bienfaits de la colonisation », il est aujourd’hui question de « colonialisme volontaire » sans réaction de la part des africains. Il est vrai que dans ce continent, on vit une espèce de marasme qui ne laisse ni place à l’action, ni à la réaction. On se laisse faire. On crée un appel d’air pour le misérabilisme et le paternalisme.
            Ce 22 novembre, dans un silence ou dans l’indifférence des africains,  Günter Nooke, le conseiller spécial d’Angela Merkel a proposé que les pays occidentaux des « villes sous charte » en Afrique pour endiguer le flux migratoire des africains vers l’Europe. Ce qu’il a proposé devrait faire réfléchir tout africain encore capable de réfléchir. Il a déclaré que : « Des Etats ou des organisations telles que l’Union européenne ou la Banque mondiale, devraient construire et diriger des villes en Afrique afin de booster la création d’emplois et de développement du continent »
            Concrètement, comment cela fonctionnerait-il ? Nous reprenons ici comment Jeune-Afrique, dans son édition en ligne du 30 novembre repend les termes de Günter Nooke : « Au terme d’accords, et en respectant « des règles qui seront établies à cet effet, le pays céderait pour 50 ans une parcelle de son territoire ». Les investisseurs construiraient ensuite des « villes libres » sur les terres ainsi concédées. « Nous avons besoin d’espaces où les gens peuvent vivre, travailler et créer des sortes de villes fonctionnelles. Cela veut dire s’installer, construire leurs propres maisons, créer les infrastructures, les routes, les écoles et toutes les commodités nécessaires ». « Une ville prospère représente une contribution à l’industrialisation du pays. »[1]
            En termes simples, cela signifie que laissés à eux-mêmes, les africains sont incapables du développement. Il faut donc créer des « colonies de développement » où de nouveaux colons viendront s’installer pour employer la main-d’œuvre locale dans une espèce de « zones franches » qui échapperaient à la souveraineté des Etats africains. Peut-on encore être plus explicite ?
            Africains, réveillez-vous sinon, vous vous retrouverez aux temps des travaux forcés de la colonisation et vous comprendrez ses « bienfaits » à contrecœur !


[1] https://www.jeuneafrique.com/674316/politique/colonialisme-volontaire-des-economistes-proposent-de-confier-la-gestion-des-villes-africaines-aux-occidentaux/



lundi 5 novembre 2018

LU POUR VOUS/ RDC: Démission de l’Archevêque de Kinshasa et succession

Le Saint-Père François, en date du 1er novembre 2018, a accepté la renonciation au gouvernement pastoral de l’Archidiocèse de Kinshasa (République démocratique du Congo) présentée par S.Em. le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya. Lui succède par coadjutorerie S.Exc. Mgr Fridolin Ambongo Besungu, O.F.M. Cap. (SL) (Agence Fides 05/11/2018)

Tchad : Le crépuscule des initiations traditionnelles? (par Pascal Djimoguinan)


L’initiation traditionnelle en Afrique, et plus particulièrement au Tchad, est un rite de passage, permettant le passage du monde de l’enfance au monde des adultes, avec pour conséquence, une intégration active au sein d’une société donnée. L’individu, naît d’une façon naturelle (biologique) doit naître d’une façon naître par un artifice culturel pour devenir responsable dans sa société et prendre son destin en main.
            Dans l’intiation africaine, objet d’une création humaine, l’homme revit, à sa façon le mythe de la vie. Comme le dit Engelbert Mveng, « L’initiation, dans le rite d’Osiris comme dans tous les rites négro-africains, est la grande école où l’homme apprend ce que c’est que la vie et ce que c’est que la mort, c’est-à-dire, la vérité sur son propre destin. Il revit le geste magnifique de la vie surgie du néant primitif, entourée d’embûches et assaillie par la mort, de la vie qui invinciblement s’est frayée la route à travers la mort, pour aboutir dans l’homme à son épanouissement.[1] »
            Toute société, par ses propres artifices essaie de trouver des solutions aux problèmes concrets qui se posent à elle. Elle parvient ainsi à grandir des diverses crises qu’elle rencontre.
            L’initiation traditionnelle est donc une invention qu’une société fait pour s’adapter et survivre.
            La société est comme un organisme vivant, qui pour vivre doit se muer, se transformer, s’adapter. Il n’y a de pire erreur que de prendre une société pour un ensemble intangible, sans place pour le changement.
            Il se trouve qu’aujourd’hui, dans notre monde en plein changement, les défis et les problèmes ont changé.
            Vouloir toujours revenir aux solutions pour des problèmes passés pour résoudre des problèmes actuels n’est pas toujours pertinent. La société n’est pas sclérosée. L’initiation traditionnelle a été une solution trouvée par une société fermée pour résoudre ses problèmes. Aujourd’hui, toute société est confrontée à toute sorte de défis d’un ordre nouveau. Nous sommes dans un village planétaire et les problèmes qu’il faut résoudre n’ont pas été perçus dans le passé. Il faut donc inventer des solutions nouvelles.
            La question aujourd’hui est de savoir comment l’initiation traditionnelle doit s’adapter, être inventive. Il ne suffit pas de répéter inlassable des traditions mortes mais de créer des traditions vivantes qui peuvent permettre de survivre.
            Il faut commencer par faire un inventaire des problèmes actuels devant lesquels la société traditionnelle n’a aucune solution. Il s’agira entre autres, de l’éducation des jeunes, de l’école qui forme des chômeurs, le tissu social en lambeau, etc. ensuite, comme comment comme individus ou comme sociétés, on pourrait y faire face. Le défi est énorme.
            Nous sommes dans un monde en pleine mutation, en gestation ; la société traditionnelle, pour survivre, doit s’adapter sinon elle disparaîtra. C’est la fin d’un monde à l’ancien. Il n’y a plus d’alternative !



[1] MVENG Engelbert, L’Afrique dans l’Eglise, Parole du croyant, p. 12, Harmattan, Paris, 1986



samedi 3 novembre 2018

Tchad : Sarh, des vandales dans nos routes (par Pascal Djimoguinan)

           Selon le dictionnaire Wikipédia, « Le civisme, du mot latin civis, désigne le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit et ses conventions dont la loi. Ce terme s’applique dans le cadre d’un rapport à l’institution représentant la collectivité : il s’agit donc du respect de la « chose publique » et de l’affirmation personnelle d’une conscience politique. Le civisme implique donc la connaissance de ses droits et de ses devoirs vis-à-vis de la société. »


            L’incivisme serait alors le non-respect du citoyen pour la collectivité  et la loi. Si le civisme implique la connaissance de ses droits et devoirs vis-à-vis de la société, l’incivisme doit être l’ignorance des droits et des devoirs vis-à-vis de la société.
            L’ignorance peut avoir deux acceptions. D’abord, c’est la non-connaissance, le manque de savoir. Le remède à cela, c’est l’éducation, l’enseignement. La seconde acception est plus pernicieuse. Il s’agit de faire fi de. Ignorer les droits et devoirs en ce sens, c’est faire comme si cela n’existait pas.
            Quel que soit l’ignorance à laquelle on a à faire, les conséquences sont les mêmes : Les personnes ont un comportement anti citoyen. Il y a alors non-respect de la chose publique. Cela se manifeste dans des actes de barbarie dont le plus manifeste est le vandalisme au niveau de la cité.
            Un Sarh (Tchad) il y a un acte de vandalisme qui commence à prendre de l’ampleur. Un individu (ou un groupe d’individus) s’en prend systématiquement à tous les panneaux routiers qui marque le « STOP ». Ces panneaux sont arrachés des poteaux qui les soutiennent. Il suffit de regarder sur « l’avenue du commerce » vers la voie qui donne vers l’avenue qui va vers le LCCL ou au rond-point qui mène vers l’aéroport, sur l’axe de terre qui vient du Rond-point de la douane pour aller vers la station Mobile, au niveau de la route bitumée qui vers l’aéroport, sur l’avenue Kaskanaye au niveau de la route qui va vers la cathédrale.
            La liste que nous donnons n’est pas exhaustive mais nous attirons tout simplement l’attention des citoyens sur ce phénomène d’un genre nouveau qui est en train de prendre place. Personne ne peut dire exactement l’usage que les malfrats font des panneaux qu’ils arrachent mais cela devient inquiétant. La circulation est déjà assez chaotique à Sarh et s’il faut encore que les rares panneaux routiers disparaissent, cela n’arrangera pas les choses.
            Il n’est pas encore trop tard car il y a encore des panneaux de stop non arrachés mais à l’allure où vont les choses, cela ne saurait tarder. Une action citoyenne s’impose donc à tous les habitants de la ville de Sarh : prendre soin de nos panneaux de circulation, nous en sentir responsables et les respecter quand nous faisons usage de la voie publique.
            Avant que nos panneaux ne disparaissent, disons non au vandalisme. Opposons nous à l’incivisme qui s’insinue dans nos habitudes. Soyons des citoyens à part entière !




jeudi 11 octobre 2018

Lettre de S.Exc. Mgr Miguel Ángel Sebastián Martínez, Nouvel évêque de Sarh


Chers prêtres, consacrés et fidèles laïcs de l’Eglise Famille de Dieu qui est à Sarh.

Que la paix du Christ soit avec vous tous !

En attendant le jour où  nous pourrons nous rencontrer et échanger sur notre vie personnelle, familiale, communautaire et ecclésiale, je vous écris cette lettre pour me présenter à vous et vous saluer cordialement.

Je ne suis pas complètement un inconnu et certains parmi vous me connaissent déjà car j’ai servi cette Eglise de Sarh pendant plus de 14 ans, concrètement dans les paroisses Ste. Trinité de Moïssala, Immaculée Conception de Bédjondo et St. Kisito de Sarh. Les autres me connaîtront petit à petit et, moi aussi, j’espère les connaître directement dans leurs villages et paroisses.

Le Saint Père, notre pape François, conseillé par ses collaborateurs a voulu me nommer au siège épiscopal de Sarh, vacant depuis le départ de Mgr Edmond Djitangar à Ndjamena. A lui, qui a été aussi mon évêque, qui a guidé cette Eglise Famille de Dieu qui est à Sarh, comme évêque et comme administrateur apostolique, pendant presque trente ans, et à ses collaborateurs, en particulier l’Abbé Nguetigal, son vicaire général, je voudrais exprimer ma reconnaissance pour ce qu’ils ont été et ce qu’ils ont fait pour cette Eglise. Le Seigneur, le maître de la moisson saura vous le récompenser mieux encore que nous les hommes.

Chers frères et sœurs en Christ,

Je ne tombe pas du ciel pour être votre pasteur. Le Pape est allé me chercher dans le diocèse de Laï, comme il y a presque 20 ans St. Jean Paul II est allé me chercher à la paroisse de Bédjondo pour me nommer premier évêque de Laï. Je n’ai pas décidé de quitter cette Eglise Famille de Dieu qui est à Laï que j’ai servi pendant vingt ans. Je garderai un très bon souvenir de toutes ces années passées dans ce diocèse. Le pape m’envoie maintenant à Sarh, il me confie une nouvelle mission au nom du Seigneur Jésus, et moi, en tant que missionnaire, j’ai accepté cette mission car le missionnaire ne choisit pas sa mission mais il la reçoit du Seigneur par l’intermédiaire de ceux qui ont l’autorité dans l’Eglise ou dans une congrégation. Je reviens donc à la case départ de ma mission au Tchad, qui a commencé il y a plus de 41 ans, puisque je suis arrivé à Sarh un 29 juin 1977.

Je demande aussi au Seigneur Jésus de vous bénir chacun et chacune de vous : je pense aux prêtres, qui sont toujours les premiers et plus proches collaborateurs de l’évêque, je pense aux séminaristes, que j’espère seront de plus en plus nombreux et généreux pour continuer ce ministère essentiel dans l’Eglise qui est le sacerdoce ministériel, je pense aux consacrés, religieux et religieuses, qui essaient d’être témoins de l’Absolu de Dieu par leur profession religieuse, je pense aux laïcs engagés dans l’Eglise, en particulier je pense aux catéchistes qui ont tant fait et continuent à faire malgré une certaine crise, je pense aussi aux responsables et animateurs de nos Communautés Ecclésiales de Base, à ceux qui animent nos célébrations liturgiques, aux membres des différents Mouvements d’enfants, jeunes et adultes. Je pense aussi aux malades, en particulier aux malades de SIDA, aux enfants handicapés, souvent oubliés même par les parents, je pense aux femmes, qui sont souvent soumises à des contraintes sociales et culturelles pas très évangéliques, surtout les jeunes filles, victimes de l’excision, des mariages précoces, etc. Je pense aux jeunes diplômés en quête d’emploi et souvent découragés parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas d’avenir pour eux, je pense aux paysans, aux fonctionnaires...

En fin, je pense à cette Eglise Famille de Dieu qui est à Sarh et je prie le Seigneur afin qu’il nous donne à tous les dons de son Esprit pour que nous puissions être témoins de la foi, l’espérance et l’amour dans notre société qui a chaque jour plus besoin d’hommes et de femmes qui croient, espèrent et aiment leurs frères. Je confie mon ministère à Marie, Notre Dame de la Tandjilé. Je prie pour vous, priez aussi pour moi afin que je sois le pasteur dont notre Eglise a besoin, selon le modèle du Christ le seul et vrai Pasteur.

Votre frère évêque, + Miguel

Laï, le 10 octobre 2018, fête de St. Daniel Comboni



TCHAD - Nomination du Directeur national des Œuvres pontificales missionnaires


S.Em. le Cardinal Fernando Filoni, Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, en date du 15 juillet 2018, a nommé Directeur national des Œuvres pontificales missionnaires au Tchad, pour un quinquennat (2018-2023) le Père Barthélemy Kikina Wang-Tou, du clergé du Diocèse de Lai.
Le nouveau Directeur national est né le 7 août 1969 et a été ordonné prêtre le 11 mai 2002. Il a obtenu un Mastère en Théologie à l’Université Saint Damase de Madrid. Parmi ses charges, on retiendra celles de Vicaire et de Curé et de Coordinateur de la Radio et de la Caritas de son Diocèse. Il est actuellement Curé. (SL) (Agence Fides 11/10/2018)

mercredi 10 octobre 2018

Tchad: Nomination de l'évêque de Sarh

 Le Saint-Père François a nommé ce jour Evêque du Diocèse de Sarh (Tchad) S.Exc. Mgr Miguel Ángel Sebastián Martínez, M.C.C.J., jusqu’ici Evêque de Laï. (SL) (Agence Fides 10/10/2018)

Tchad : Université saint Charles Lwanga, défis et atouts (par Pascal Djimoguinan)


            Un grand défi pour l’Afrique réside dans la lutte contre la baisse de niveau scolaire. Au Tchad, depuis plus de trois décennies, le niveau scolaire connait une dialectique descendante qui risque d’atteindre les tréfonds de la désespérance.
            Dans la lutte contre ce mal, l’Etat semble avoir complètement démissionné. Il se trouve pris entre les grèves à répétition et le manque de moyens pédagogiques et le manque de personnel qualifié compétant.
            Les établissements privés, notamment confessionnels semblent encore sortir du lot et font des efforts notables pour maintenir le niveau.
            Face à ce mal rampant, les anciens élèves du Collège Charles Lwanga, plutôt que de subir, pensent sérieusement mettre en place une structure pour l’enseignement supérieur.
            Ayant constaté que beaucoup de parents préfèrent se saigner pour offrir à leurs rejetons un enseignement supérieur de qualité à l’extérieur, ces anciens élèves, dont beaucoup sont des enseignants du supérieur, mettent petit à petit en place une université dénommée Université Charles Lwanga, dans la ville de Sarh.
            Les prenant au mot, le diocèse de Sarh a offert à l’Amical des Anciens du Collège Charles Lwanga un terrain pour la construction des bâtiments de la dite université.
            Pour le moment, le personnel enseignant ne manque pas mais le problème des locaux se pose. Il y a un grand défi que doivent relever tous les anciens.
            Un appel à contribution est lancé. Qui est capable parmi les anciens d’offrir un bâtiment ou une salle de classe. Nous sommes convaincus qu’il y a des personnes et des organismes capables de contribuer financièrement à la construction des bâtiments sur le terrain de l’Université. C’est le moment de croire que les ressources locales peuvent être mises en œuvre pour le bien de tous et particulièrement des plus jeunes.
            Ce n’est plus le moment d’hésiter, c’est le moment de passer à l’action. Les jeunes attendent. Seule la théorie ne les sortira pas de là où ils se trouvent. Toute action positive sera une œuvre citoyenne. Ancien du CCL, n’oublie pas que ta liberté naîtra de ton courage. C’est pour le bien de toute la nation !



lundi 8 octobre 2018

Le voyage de Samson, dures réalités (par Pascal Djimoguinan)


Il est toujours difficile que le cœur et la raison fassent bon ménage. Mais faut-il toujours qu’ils soient en conflit ? Les tragédies nous y habituent dans la théorie mais dans la pratique, nous nous y laissons toujours prendre.
            Sir Samson l’apprit à ses dépens en voulant être « Nazir », Juge et amoureux. Quel déchirement pour cet homme de devoir choisir entre la religion, la politique et l’amour. Il a cru s’en sortir par la force de l’amour mais il est descendu aux enfers.
            Comme religieux, il avait des interdits qui lui permettaient d’être en relation avec Dieu. Il devait se garder de tout ce qui n’était pas conforme au genre de vie qu’il menait.
            Comme politique ou plutôt comme défenseur de son pays, il luttait contre les philistins et protégeait son peuple.
            Le cœur ne suit pas toujours la rationalité ; il s’éprend d’une philistine, Dalida. Toute logique lui interdisait de faire pacte avec l’ennemi, le cœur l’y envoie. Tel un mouton vers l’abattoir, ou plutôt comme toute personne passionnée suivant le processus de cristallisation décrit par Stendhal. Il revêt de toutes les vertus la jeune philistine et devient sourd à tout conseil.
            Et Samson s’enfonce de plus en plus dans la logique qui l’entraînera à sa perte.
            Samson, pourquoi faut-il que tu quittes les filles israélites pour une philistine ? N’as-tu point vu Esther, ou Rachel, ou Léa, ou encore Myriam ? Et ta voisine Salomé, ne l’as-tu pas aperçu ?
            Samson s’en alla Chez Dalida qui telle une mante religieuse lui fera son affaire. La mante religieuse en effet souffre d’une réputation sulfureuse qu’elle n’a pas volée ; en effet, elle dévore son amant mâle dès la fin des amours ! Après quelques tentatives infructueuses, Samson finira par être broyé par cet amour fou !
            La politique n’a jamais fait bon ménage avec l’amour ! Samson mourra parce qu’il aura beaucoup aimé. Faut-il le blâmer ? Devrait-il choisir avant d’aimer ? Devrait-il sacrifier au mariage de la raison ? Une question encore d’actualité. L’amour doit-il avoir la force de briser les frontières ? Mais pourquoi Dalida, jusqu’au bout a servi sa patrie au dépens de Samson ! L’amour n’est-il qu’à sens unique ?
            Pauvre Samson, quand je pense à toi aujourd’hui, je me demande si tu aurais dû agir autrement. L’aurais-tu pu ?
(Lire le livre des Juges à partir du chapitre 12,24 jusqu’au chapitre 16,30)



mercredi 26 septembre 2018

Sou et les croyances chez les Saras au Tchad


Pour mieux connaître un peuple, il faut connaître ses racines. Pour cela, il faut connaître sa mythologie, sa cosmogonie et sa cosmologie. Pour les peuples Sara, connaître leur génie civilisateur et leurs croyances permet de mieux saisir leur réalité. Nous reprenons ici une introduction faite par le père Joseph Fortier, un jésuite, dans son livre Le mythe et les contes de Sou en pays Mbaï-Moissala, Classiques africaines, 1967, pp 21-22.
            Au niveau des grands dieux, tous [les Sara] connaissent un esprit bienfaisant, créateur des hommes, parfois dieu de l’orage et de la pluie ; toutefois, chez les Ngambaye, ce dieu, pourtant connu, s’efface devant Sou, le héros civilisateur. Il est nommé Lúɓā ou Lúə̄ chez les Mbay  « Nə́ɓā » chez les Madjingaye et les Ngama ; « Núɓā kindā » chez les Kaba de Kyabé, qui soulignent ainsi son rôle créateur : Núɓā kindā  « il façonne et il pose ». Partout, c’est un seul et même dieu, très vite assimilé à Allah des musulmans, ou à celui des chrétiens.
            A Lúə-Núɓā, dans tout le Moyen-Chari, est associé « Kadə », dont le nom signifie « soleil » et qui donne la fertilité aux champs mais surtout la fécondité aux femmes. Les Madjingaye disent « mbang » pour désigner dans la vie quotidienne le soleil visible et réservent le mot « kadə » pour l’usage cultuel  les Kaba disent « Kadja ». On ne rend pas de culte à « Lúə̄ », car il est toujours bienfaisant, mais on rend un culte à « Kadə », car il intervient dans l’activité des hommes et peur leur nuire, si on ne l’honore pas.
            A un niveau inférieur, « Sou » est le premier ancêtre, le héros civilisateur, qui a apporté aux Sara les semences, les outils, les armes, le feu et le secret de l’initiation. C’est un personnage ambigu : souvent, il a gâté ou détruit l’œuvre de Lúə-Nəɓā. En dehors du Mythe, dans les contes, il apparait comme un farceur, un « trickster ».
            Nous ne parlerons pas ici des génies à forme animale, ou logeant dans les arbres ; particulièrement nombreux chez les Ngambaye, leur importance et leur rôle varient d’une tribu à l’autre.
            Au niveau du culte familial, on trouve partout :
a) Le culte des mânes : « Úma » chez les Ngambaye, « Má » chez les Mbay «  Ɓádə̄ » chez les Madjingaye et les Ngama. Après le grand sacrifice de levée de deuil, chez les Mbay, on dresse, en dehors du village, une hutte en branchages pour les morts, kújə́ má de gə̄. Chaque année, dans l’enclos familial, au mois de janvier, on fait une offrande de boule de mil et de poisson, accompagné d’une prière pour les morts  mais on n’élève pas d’autel permanent, à la différence des Madjingaye.
b) Le culte des jumeaux : Ndungajē (Ngambaye)  Ndingā gə̄ (May, Madjingay et Ngama)  Nunga (Kaba de Kyabé). Seul les Mbay de Moissala pratiquent ce culte indifféremment à la naissance de tous leurs enfants, jumeaux ou non.

samedi 8 septembre 2018

LU POUR VOUS/Qui est l’évêque ? Les réponses du pape François


Se méfier de la mondanité et fuir le cléricalisme
Qui est l’évêque ? Le pape a répondu à cette question en recevant une centaine d’évêques en territoire de mission, ce 8 septembre 2018, au Vatican. Il a particulièrement appelé les évêques à se garder de la mondanité, de l’arrivisme, et à fuir le cléricalisme.
Les jeunes évêques de l’audience, venus de 34 nations de quatre continents, participaient à un séminaire promu par la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, du 3 au 15 septembre, à Rome.
L’évêque, a expliqué le pape, est un homme de prière, un homme de l’annonce et un homme de communion. Il a recommandé notamment une prière employant le « franc-parler » avec Dieu et tournée vers le Christ : « Il est facile de porter une croix sur la poitrine, mais le Seigneur nous demande d’en porter une bien plus lourde sur les épaules et dans son cœur : il nous demande de partager sa croix », a-t-il souligné.
Le pape a aussi plaidé pour une attention particulière envers les familles, les séminaristes, les jeunes et les plus pauvres. L’évêque, a-t-il assuré, « ne se complaît pas dans le confort, il n’aime pas la vie tranquille et il n’épargne pas ses énergies, ni ne se prend pour un prince, il se prodigue pour les autres, en s’abandonnant à la fidélité de Dieu ».
Et de conclure : « Méfiez-vous, je vous en prie, de la tiédeur qui conduit à la médiocrité et à l’acédie, ce “démon de midi”… Méfiez-vous de la tranquillité qui esquive le sacrifice ; de la précipitation pastorale qui conduit à l’intolérance ; de l’abondance de biens qui défigure l’Evangile. N’oubliez pas que le diable entre par les poches ! Je vous souhaite au contraire la sainte inquiétude pour l’Evangile, la seule inquiétude qui donne la paix. »

Discours du pape François
Chers frères, bonjour !
Je suis heureux de vous rencontrer à l’occasion de votre séminaire de formation. Avec vous je salue les communautés qui vous sont confiées : les prêtres, les religieux et les religieuses, les catéchistes et les fidèles laïcs. Je suis reconnaissant au cardinal Filoni pour les paroles qu’il m’a adressées et je remercie aussi Mgr Rugambwa et Mgr Dal Toso.
Qui est l’évêque ? Interrogeons-nous sur notre identité de pasteurs pour en avoir davantage conscience, tout en sachant qu’il n’existe pas de modèle-standard identique dans tous les lieux. Le ministère de l’évêque donne le vertige, tant est grand le ministère qu’il porte en lui. Grâce à l’effusion de l’Esprit-Saint, l’évêque est configuré au Christ Pasteur et Prêtre. C’est-à-dire qu’il est appelé à avoir les traits du Pasteur et à faire sien le cœur du sacerdoce, qui est l’offrande de sa vie. Donc il ne vit pas pour soi, mais tendu vers le don de sa vie aux brebis, en particulier aux plus faibles en en danger. C’est pourquoi l’évêque nourrit une vraie compassion pour les foules de frères qui sont comme des brebis sans berger (cf. Mc 6,34) et pour tous ceux qui de diverses façons sont mis à l’écart. Je vous demande d’avoir des gestes et des paroles de réconfort spécial pour tous ceux qui expérimentent la marginalisation et la dégradation ; plus que d’autres, ils ont besoin de sentir la prédilection du Seigneur, dont vous êtes les mains prévenantes.
Qui est l’évêque ? Je voudrais esquisser avec vous trois traits essentiels : c’est un homme de prière, c’est un homme de l’annonce et c’est un homme de communion.
Homme de prière. L’évêque est successeur des Apôtres et comme les Apôtres il est appelé par Jésus à demeurer avec Lui. (cf. Mc 3,14). Là il trouve sa force et sa confiance. Devant le tabernacle il apprend à se confier au Seigneur. Ainsi grandit en lui la conscience que la nuit aussi, quand il dort, ou le jour, dans la fatigue et la sueur du champ qu’il cultive, le grain mûrit (cf. Mc 4,26-29). La prière n’est pas pour l’évêque dévotion, mais nécessité ; pas un engagement parmi d’autres, mais un ministère indispensable d’intercession : il doit porter chaque jour devant Dieu les personnes et les situations. Comme Moïse, il tend les mains vers le ciel en faveur de son peuple (cf. Ex 17,8-13) et il est capable d’insister auprès du Seigneur (cf. Ex 33,11-14), de négocier avec le Seigneur, comme Abraham. La parrhésie de la prière. Une prière sans franc-parler n’est pas prière. C’est le Pasteur qui prie ! Quelqu’un qui a le courage de discuter avec Dieu pour son troupeau. Actif dans la prière, il partage la passion et la croix de son Seigneur. Jamais satisfait, il cherche constamment à s’assimiler à Lui, en chemin pour devenir, comme Jésus, victime et autel pour le salut de son peuple. Et cela ne vient pas du fait de connaître beaucoup de choses, mais du fait de connaître une seule chose chaque jour dans la prière : « Jésus Christ, et Jésus crucifié » (1 Cor 2,2). Parce qu’il est facile de porter une croix sur la poitrine, mais le Seigneur nous demande d’en porter une bien plus lourde sur les épaules et dans son cœur : il nous demande de partager sa croix. Pierre, quand il expliqua aux fidèles ce que devaient faire les diacres récemment créés, ajoute – et cela vaut aussi pour nous, évêques : “La prière et l’annonce de la Parole”. A la première place, la prière J’aime poser la question à chaque évêque : “Combien de fois par jour prie-tu ?”.
Homme de l’annonce. Successeur des Apôtres, l’évêque ressent comme le sien le mandat que Jésus leur donna : « Allez et proclamez l’Evangile » (Mc 16,15). “Allez”: l’Evangile ne s’annonce pas assis, mais en chemin. L’évêque ne vit pas dans un bureau, comme un administrateur d’entreprise, mais parmi les gens, sur les routes du monde, comme Jésus. Il apporte le Seigneur là où il n’est pas connu, là où il est défiguré et persécuté. Et en sortant de lui, il se retrouve lui-même. Il ne se complaît pas dans le confort, il n’aime pas la vie tranquille et il n’épargne pas ses énergies, ni ne se prend pour un prince, il se prodigue pour les autres, en s’abandonnant à la fidélité de Dieu. S’il cherchait des points d’appui et des sécurités mondaines, il ne serait pas un véritable apôtre de l’Evangile.
Et quel est le style de l’annonce ? Témoigner avec humilité l’amour de Dieu, comme l’a fait Jésus, qui s’est humilié par amour. L’annonce de l’Evangile subit les tentations du pouvoir, de la satisfaction, du retour d’image, de la mondanité. La mondanité. Gardez-vous de la mondanité. Il y a toujours le risque de faire plus attention à la forme qu’au fond, de se transformer en acteurs plus qu’en témoins, de diluer la Parole du salut en proposant un Evangile sans Jésus crucifié et ressuscité. Mais vous êtes appelés à être des mémoires vivantes du Seigneur, pour rappeler à l’Eglise qu’annoncer signifie donner la vie, sans demi-mesure, prêts également à accepter le sacrifice total de soi.
Et troisièmement, homme de communion. L’évêque ne peut pas avoir tous les dons, l’ensemble des charismes – certains croient les avoir, les pauvres ! – mais il est appelé à avoir le charisme de l’ensemble, c’est-à-dire à garder unis, à cimenter la communion. L’Eglise a besoin d’union, non pas de solistes hors du chœur ou de guerriers de batailles personnelles. Le Pasteur rassemble : évêque pour ses fidèles, il est chrétien avec ses fidèles. Il ne fait pas les Unes des journaux, il ne cherche pas l’approbation du monde, il n’est pas intéressé par protéger son bon nom, mais il aime tisser la communion en s’impliquant en première ligne et en agissant de façon humble. Il ne souffre pas de manque de protagonisme, mais il vit enraciné dans son territoire, en repoussant la tentation de s’éloigner souvent du diocèse – la tentation des “évêques d’aéroport” – et en fuyant la recherche de gloire personnelle.
Il ne se lasse pas d’écouter. Il ne se base pas sur des projets faits sur un bureau mais il se laisse interpeller par la voix de l’Esprit, qui aimer parler à travers la foi des simples. Il devient tout un avec son peuple et d’abord avec ses prêtres, toujours disponible à recevoir et à encourager ses prêtres. Il promeut par l’exemple, plus que par les paroles, une sincère fraternité sacerdotale, en montrant aux prêtres que l’on est Pasteur pour le troupeau, et non pour des raisons de prestige ou de carrière, ce qui est si laid. Ne soyez pas arrivistes, s’il vous plaît, ni ambitieux : paissez le troupeau de Dieu « non pas comme patrons des personnes qui vous sont confiées, mais en vous faisant modèle du troupeau » (1 Pt 5,3).
Et puis, chers frères, fuyez le cléricalisme, « façon anomale de comprendre l’autorité dans l’Eglise, très commune dans de nombreuses communautés dans lesquelles se sont vérifiés des comportements d’abus de pouvoir, de conscience et sexuels ». Le cléricalisme – corrompt la communion, en tant qu’il « engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » (Lettre au Peuple de Dieu, 20 août 2018). Par conséquent ne vous sentez pas seigneurs du troupeau – vous n’êtes pas les maîtres du troupeau – même si d’autres le font ou si certains usages du lieu le favorisent. Que le peuple de Dieu, pour lequel vous avez été ordonnés, vous sente pères, pas patrons ; pères prévenants : personne ne doit avoir envers vous d’attitudes de sujétion. A ce stade de l’histoire, l’on voit s’accentuer à divers endroits certaines tendances de “leaderisme”. Se montrer des hommes forts, qui gardent leurs distances et commandent les autres, pourrait sembler pratique et intéressant, mais ce n’est pas évangélique. Cela fait des ravages souvent irréparables dans le troupeau, pour lequel le Christ a donné sa vie avec amour, en s’abaissant et en s’anéantissant. Soyez donc des hommes pauvres de biens et riches en relations, jamais durs et grincheux, mais affables, patients, simples et ouverts.
Je voudrais aussi vous demander d’avoir à cœur, en particulier, certaines réalités :
Les familles. Bien que pénalisées par une culture qui transmet la logique du provisoire et privilégie les droits individuels, elles restent les premières cellules de chaque société et les premières Eglises, parce qu’Eglises domestiques. Promouvez des parcours de préparation au mariage et d’accompagnement pour les familles, ce seront des graines qui donneront du fruit en leur temps. Défendez la vie juste conçue comme celle de la personne âgée, soutenez les parents et les grands-parents dans leur mission.
Les séminaires. Ce sont les viviers de demain. Soyez pour eux un foyer. Vérifiez attentivement qu’ils soient guidés par des hommes de Dieu, par des éducateurs capables et matures, qui avec l’aide des meilleures sciences humaines,  garantissent la formation de profils humains sains, ouverts, authentiques, sincères. Donnez la priorité au discernement vocationnel pour aider les jeunes à reconnaître la voix de Dieu parmi celles qui retentissent dans leurs oreilles et dans leurs cœurs.
Les jeunes, donc, auxquels le Synode imminent sera dédié. Mettons-nous à l’écoute, laissons-nous provoquer par eux, accueillons leurs désirs, leurs doutes, leurs critiques, et leurs crises. Ils sont l’avenir de l’Eglise, ils sont l’avenir de la société : un monde meilleur dépend d’eux. Même quand ils semblent infectés par le virus du consumérisme et de l’hédonisme, ne les mettons jamais en quarantaine ; cherchons-les, écoutons leur cœur qui supplie vie et qui implore liberté. Offrons-leur l’Evangile avec courage.
Les pauvres. Les aimer signifie lutter contre toutes les pauvretés, spirituelles et matérielles. Consacrez du temps et de l’énergie aux plus nécessiteux, sans crainte de vous salir les mains. Comme apôtres de la charité, rejoignez les périphéries humaines et existentielles de vos diocèses.
Enfin, chers frères,  méfiez-vous, je vous en prie, de la tiédeur qui conduit à la médiocrité et à l’acédie, ce “démon de midi” (sic). Méfiez-vous de cela. Méfiez-vous de la tranquillité qui esquive le sacrifice ; de la précipitation pastorale qui conduit à l’intolérance ; de l’abondance de biens qui défigure l’Evangile. N’oubliez pas que le diable entre par les poches ! Je vous souhaite au contraire la sainte inquiétude pour l’Evangile, la seule inquiétude qui donne la paix. Je vous remercie pour votre écoute et je vous bénis, dans la joie de vous avoir comme les plus chers d’entre les frères. Et je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier et de faire prier pour moi. Merci.
Traduction de Zenit, Anne Kurian