jeudi 21 novembre 2019

Tchad, Tapis rouge à N'Djamena (par Pascal Djimoguinan)


            Lorsqu’on vient de la province à N’Djamena, il est des expressions qu’il ne faut surtout pas prendre au premier degré et dont une faut faire une analyse sémantique et sémiologique avant d’en faire état.
            Ainsi, il y a une expression que tous les N’Djamenois comprennent spontanément mais que tous les autres tchadiens ne peuvent en aucune façon imaginer ce que cela signifie : « Tapis rouge ».
            Quand on parle de tapis rouge à N’Djamena, il faut annuler son programme et ne pas bouger de la maison si l’on ne veut pas se retrouver coincer quelque part sur une route, à moins que l’on ne soit dévié sur une route qu’on ne connaît pas.
            J’ai appris cette expression ce mardi 19 novembre. Un ami qui était passé me voir s’est excusé d’être en retard parce qu’il y avait « tapis rouge » sur l’avenue Mobutu Sese Seko.
            Je n’ai pas réagi à cette information car je ne comprenais pas pourquoi on devait mettre un tapis rouge sur cette avenue. J’ai tout simplement pensé que les n’djamenois devaient être des gens excentriques pour mettre des kilomètres de tapis rouge sur une route.
            Quelque temps après alors que nous nous apprêtions à partir vers Moursal, mon ami me dit qu’il espérait bien qu’on nous laisserait passer… Sur l’avenue Mobutu, je voyais des véhicules circuler et mon ami me fit comprendre qu’on pouvait passer. Je vis des hommes en arme tout au long de l’avenue mais la circulation était fluide.
            Nous allâmes jusqu’à moursal où mon ami arrêta son véhicule et entra dans un magasin pour faire des courses. C’est alors que je vis des policiers siffler. Les militaires se mirent en mouvement dévièrent toutes les voitures qui passaient. Même les piétons devaient s’arrêter de marcher. En un instant, il n’y avait plus aucune circulation. Alors, une voiture de police passa avec les gyrophares et la sirène. Des véhicules officiels roulaient à toute vitesse, faisant la course avec des toyotas pleins de militaires, remontant l’avenue Mobutu vers la ville. C’était le président de la République qui passait.
            Quelques minutes après, j’apprenais par un tweet que le Président venait de procéder à l’ouverture solennelle de la Conférence des Ambassadeurs, assises devant leur permettre de donner un nouvel élan à l’action diplomatique et au rayonnement du pays sur la sphère internationale.
            Un déclic se fit alors en mois. A N’Djamena, on parle de « Tapis rouge » quand le président doit passer quelque part et que toute l’avenue qui mène vers cet endroit et la circulation y est bloquée par des hommes en armes.
            Je vais donc repartir de N’Djamena plus instruit qu’avant. Désormais, avant de sortir de chez moi, je demande aux gens s’il n’y a pas « Tapis rouge. On s’adapte vite aux habitudes des gens.

mercredi 6 novembre 2019

In memoriam Bonheur Mateyan Manayel (par Pascal Djimoguinan)


Comme s’il dormait le long de la route
Bonheur Mateyan Manayel est son nom
Il ne pourra plus rentrer car son sommeil n’aura pas de fin
Ses enfants demanderont à leur maman : « où est papa ? »
Elle ne saura répondre. Qui pourra répondre ?

Comme s’il dormait le long de la route
Dans la boue et dans la poussière il dort
D’un sommeil qui ne finit pas
Car un « intouchable » ne doit pas se trouver sur la route d’un pacha
Le sommet d’une république qui ne tolère le peuple
Car son pouvoir vient d’en-haut !

Comme s’il dormait le long de la route
Il a tiré sa révérence, quittant les zombies qui survivent
N’osant lever la tête pour dire leur ras-le-bol
Se contentant de cette vie où seules quelques rares miettes tombent pour eux
Mendiants vivant leur misère en adorant les princes !

Comme s’il dormait le long de la route
Il quitte pour toujours notre zombieland
Tandis que chacun se demande qui sera la prochaine victime
Sacrifice offert sur l’autel des idoles
Afin que certains puissent vivre dans leurs palais