mercredi 30 mars 2016

Tchad : Grandeurs et misère de la politique (par Pascal Djimoguinan)

(S’il m’est permis de réfléchir comme un citoyen lambda, voici comment j’exposerai ma désolation face à ce que me présente la politique de mon pays. Cela n’engage que ma personne et toute ressemblance avec la réalité n’est que fortuite).
            Il suffit qu’une manifestation ait lieu à Paris pour que certains pensent que tout est réglé au Tchad. Je suis désolé de constater que cet état d’esprit perdure chez certains, qui ne sont pas des moindres, plusieurs décennies après les indépendances. Que pensent réellement les tchadiens de la souveraineté ? Beaucoup se doivent certainement de revisiter Jean Bodin, sinon dans les Six livres de la République (1576), du moins dans le Livre I au chapitre VIII, traitant de la souveraineté.
            A quelques jours de l’élection présidentielle, force est de constater que sur le terrain, les partis de l’opposition brillent par leur absence. Il est difficile de connaître le projet de société que chacun propose et oppose au régime en place.
            Il y a un appel d’air. L’absence de l’opposition sur le terrain oblige la société civile à faire le travail de celle-là. Ainsi, on a l’impression que c’est la société civile qui est en train de faire campagne pour l’élection présidentielle. Malheureusement cela se fait en creux. Aucun candidat en vue, le seul mot d’ordre étant le retrait de la candidature de l’actuel président. Du coup, on n’a rien en positif.
            Mais il y a un problème sérieux qui se pose. La société civile semble ramer contre la constitution. Comme toujours au Tchad, on se retrouve en retard d’une bataille. Le combat qui se mène aujourd’hui est celui qui devait avoir lieu il y a quelques années lorsqu’il était question de faire un référendum pour sauter le verrou qui empêchait un troisième mandat. Ce combat n’a pas été mené en temps opportun ; nous nous retrouvons dans un combat d’arrière-garde qui semble n’avoir pas d’avenir.
            Et maintenant, l’avenir semble bien tracé ; l’opposition n’ayant pas fait son travail et ne brillant que par son absence, on semble aller tout droit vers la réélection de l’actuel président. Sauf cataclysme de dernière heure, on va tout droit vers une réélection. De toutes les façons toute l’agitation menée par la société civile semble, pour les tchadiens de l’arrière-pays, n’être qu’une élucubration d’intellectuels en mal de renommée.
            Une leçon que N’Djamena n’a jamais retenue est de croire qu’il suffit de décider pour que tout l’arrière-pays suive. Il faut le répéter pour cela entre dans le crâne des intellectuels tchadiens : N’Djamena n’est pas tout le Tchad. Il faut travailler de concert avec les provinces et ne pas les mettre devant les faits accomplis. Les provinces ne sont pas des moutons de Panurge.

            Il faut espérer qu’après ces élections, une nouvelle classe politique naisse. La jeunesse ne doit pas avoir peur des dinosaures. Ceux-ci ont déjà fait beaucoup de mal au pays et il faut leur retirer la confiance. Les prochaines années à venir seront des années de formations des consciences et à la chose publique. Que la jeunesse qui prendra la place sache que la politique ne se fait pas uniquement pendant les temps des élections.

lundi 28 mars 2016

Fédération, vous avez dit fédération planétaire ? (Par Pascal Djimoguinan)

            L’actualité nous rattrape toujours et nous fait prendre conscience de nos manques. Face au terrorisme islamiste (DAECH, EI etc.) les Etats-nations se sont retrouvées impuissantes et sans ressources. Il en est de même devant les problèmes écologiques qui sont désormais d’ordre planétaire. N’est-il pas temps de penser sérieusement à d’autres types d’Etats ? Pour faire ce travail, il ne serait pas superflu de lire certains penseurs. Nous proposons ici un beau texte de Raymond Aron (Paix et guerre entre les nations, Paris Calmann-Lévy, pp 737ss).
            Si la nation est idéal en même temps que fait, si une humanité privée des hétérogénéités nationales serait appauvrie, les nationalismes – volonté de puissance ou orgueil des nations, refus de se soumettre à une loi ou à un tribunal – ne sont pas pour autant justifiés. Là est, en effet, l’antinomie dernière du destin politique de l’’homme. Il n’est pas plus satisfaisant pour la conscience de nier que de sanctifier les nations, de leur refuser le droit de déterminer elles-mêmes leur destinée que de leur accorder le droit de se faire justice elles-mêmes. L’antinomie n’est pas résolue par les juristes qui raisonnent comme si l’Etat n’était qu’une institution entre d’autres, comme si la société humaine avait la même cohérence que les sociétés nationales, comme si le système des normes du droit des gens avait le même caractère que les systèmes de droit interne, comme si l’interdiction de recourir à la guerre ou à la menace avait, pour les Etats, la même positivité et la même effectivité que l’interdiction de tuer ou de voler pour les individus. Cette antinomie est réelle, elle a duré, sous une forme ou sous une autre, depuis l’aurore des temps historiques. Elle n’est pas nécessairement éternelle, mais elle n’est pas encore résolue, à supposer qu’elle puisse l’être.
            La solution théorique est celle de la fédération, version civilisée ou volontaire de l’empire. La communauté de culture est préservée, elle renonce seulement à ceux des pouvoirs dont l’unité supérieure a besoin pour assurer la défense et le bien-être de tous. L’exemple classique est celui de la Suisse. C’est la Confédération helvétique qui est « souveraine », qui a une volonté d’indépendance, elle qui a une armée, elle qui est l’équivalent d’une personne sur la scène internationale : la liberté à l’intérieur pour les individus et pour les groupes de vivre selon leur idéal et d’adorer leurs dieux n’en est pas moins rigoureusement préservée. Pourquoi l’humanité entière ne créerait-t-elle pas une Confédération planétaire à l’image de la Confédération helvétique, chargée de la mission de résoudre les problèmes qui ne sauraient l’être à un niveau inférieur – conservation des ressources naturelles, conditions des échanges, diminution ou limitation de la violences organisées ?

            Deux sortes de questions se posent à propos de l’utopie de la Confédération ou Fédération planétaire. Les unes sont historico-sociologiques : quelles en sont, dans l’abstrait, les conditions ? Celles-ci, au milieu du XXème siècle, apparaissent-elles probables ou improbables ? Les autres sont proprement philosophiques : l’utopie est-elle ou non contraire à la nature des hommes ? A la nature des sociétés humaines ? A l’essence de la politique ? Peut-on concevoir une société sans ennemi ?

samedi 12 mars 2016

Que devint le nid de fourmis (par Pascal Djimoguinan)

Par un matin où de saison sèche,
Alors que l’harmattan forçait chacun à garder son terrier,
Le chacal et son compère la mangouste, poussé par la faim
S’engagèrent dans une ronde dans la brousse,
Cherchant chacun quelque nourriture pour calmer sa faim.
Nos amis virent un nid de fourmis
Et de dépit pour cette quête infructueuse,
Ils donnèrent de concert quelques coups de pattes
Pour calmer leur colère.
Bientôt les fourmis envahirent tout
Et la toison de nos amis en furent recouverte.
Le chacal et la mangouste se roulèrent par terre
Et n’eurent finalement leur salut que dans une fuite à mille lieux de là.
Par la suite, pour expliquer leur mésaventure,
Ils dirent que la colonie n’était pas contente de sa reine.
On trouve toujours des raisons pour expliquer pour expliquer ses bêtises ;
Pour s’en rendre compte il suffit de regarder autour de nous

L’Assyrie et la Cyrénaïque en sont des signes.


mardi 8 mars 2016

Tchad : qu'attendons-nous des élections à venir (par Pascal Djimoguinan)

            Au Tchad, nous sommes déjà dans la période préélectorale sans que les esprits ne se soient vraiment préparés ; comme à l’accoutumée, tout le monde se laissera surprendre et ce sera la période de toutes les folies. Pourrions-nous pour une fois, montrer plus de rationalité et prévoir l’avenir ?
            La liste définitive des candidats à l’élection présidentielle a été rendue publique. Nous savons désormais quel parti se présentera et qui le représentera.
            Ce que nous ne savons pas (encore…), ce sont les projets de société que chaque candidat veut proposer.
            Connaissant le paysage politique tchadien, il faut faire comprendre dès le départ aux différents candidats qu’il n’y aura pas de chèque en blanc. Ce sera sur le projet politique que chacun présentera qu’il sera élu. Il aura à en répondre dès le centième jour avant son élection. Si un candidat n’est pas capable de présenter un projet valable, qu’il ait le courage de se retirer dès maintenant.
            Il ne faudra compter ni sur le communautarisme, ni sur la fraude, ni sur une amnésie du peuple pour raconter des histoires à dormir debout.
            La plupart des candidats ont été des collaborateurs de l’actuel régime au pouvoir et ce n’est pas au dernier moment qu’ils peuvent se refaire une virginité politique en criant au loup plus fort que tous les autres.
            Nous voulons des hommes honnêtes, qui puissent nous présenter un programme honnête. Avec la crise du brut, les caisses sont vides et il ne faut pas faire croire aux citoyens qu’on sera capable de faire de miracles une fois qu’on est élu. En effet, c’est bien connu qu’en politique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
            Nous voulons cependant voir dans les programmes, la lutte contre la corruption et la gabegie, le respect du bien commun, une justice équitable pour tous, la construction d’une nation, le respect de la parole donnée, la résolution du conflit  agriculteurs – éleveurs, la reprise en main de l’éducation nationale.

            En attendant, nous espérons que la maîtrise


 de l’informatique et des réseaux sociaux donnera aux différents candidats la possibilité de mieux nous informer sur ceux qu’ils veulent faire. A vos claviers !!!

lundi 7 mars 2016

8 mars : bonne fête à toutes les reines (par Pascal Djimoguinan)

            Si le 8 mars 1977 l’ONU adopte une résolution demandant a ses membres de célébrer « une journée des Nations-Unies pour les droits de la femmes et la paix dans le monde », cela est la conséquence des années de luttes menées par les femmes pour que leurs droits soient reconnus. Il est maintenant sûr qu’il ne viendra plus à personne, si conservatrice soit-elle, de remettre cela en question.
Cependant, il ne faudrait pas considérer cela comme une arrivée. Si cette journée a levé cette espèce de voile pudique qui recouvrait la maltraitance et l’’affront faits aux femmes, c’est pour que sous la lumière, tout comportement déviant soit décrié et que les femmes recouvrent leurs droits
Un regard rétrospectif nous montre que des efforts ont été faits dans plusieurs domaine en Afrique :
- Le travail des femmes : Il est de plus en plus admis qu’à l’instar des hommes, les femmes ont le droit de travailler (il y a de moins en moins de métiers considérés comme masculins donc interdits au femmes)
- La scolarisation : Le nombre de jeunes filles inscrites dans les écoles tend à atteindre celui des garçons même si cela décroit rapidement et que cette déperdition est due aux travaux ménagers auxquels les filles sont plus astreintes que les garçons.
- L’excision : ce phénomène est maintenant perçu comme quelque chose contre lequel il faut lutter. Malgré la complicité de certains parents et de certaines autorités, le nombre des victimes est en train de baisser.
Telles sont les progrès à relever. Que reste-t-il comme combat aujourd’hui en Afrique en vue de l’émancipation des femmes ?
- Le mariage précoce : Malgré les cris qui se sont élevés, le mariage précoce n’est pas prêt à disparaître. Diverses raisons rétrogrades ont été avancées en faveur de cette pratique. On essaie de faire passer à pertes et profits les diverses conséquences néfastes (mortalité à la couche, interruption de l’école…)
- Le lévirat : Malgré les grandes études que font les femmes, la loi du lévirat continue dans certains milieux. Non seulement les femmes ne peuvent pas hériter, mais elles font elles-mêmes partie de l’héritage.
- Le viol et la violence faite aux femmes : Beaucoup continuent malheureusement à trouver le viol normal, notamment dans les foyers. En plus, toute violence faite aux femmes est prise comme une correction, ou comme faisant partie de l’éducation.
Nous pourrions continuer à citer les droits que les femmes doivent encore acquérir ici en Afrique ; ils sont trop nombreux. La première chose à faire, c’est de déconstruire notre propre mentalité, de telle sorte que nous soyons capables de reconnaître que le sort que nous réservons aux femmes n’est pas normal. Ce qui est encore plus pervers, c’est de faire croire aux femmes que c’est par leur faute ou pour leur bien qu’elles sont traitées ainsi.
Chaque fois qu’un homme est capable de lutter pour les droits des femmes, c’est notre terre qui prend un visage plus humain. Combien d’hommes vont prendre parti cette année ?

Bonne fête à toutes les reines !!!