jeudi 26 juillet 2018

Tchad : Et si tout le monde perdait le nord ?(par Pascal Djimoguinan)


1-        Perdre le nord est une expression bien française qui signifie « qu’on ne sait plus où l’on est. » Il ne s’agit pas de parler ici de fédération du pays.
2-        Se demander si l’on ne sait plus où l’on est au Tchad, n’est-ce pas une affirmation trop grave. Quelles conséquences pourrait-on tirer de cela ? Est-ce à dire que le Tchad serait dans un état critique.
3- Parler d’état critique, c’est utiliser un langage médical qui ne sied pas bien l’analogie que nous voulons établir (aussi bien analogie de proportion que d’attribution si chères à notre ami Aristote.)
4- Nous préférerions parler d’état de crise qui bien que d’origine médicale, exprime dans son sens figuré « le moment périlleux ou décisif dans l’évolution des choses).
5- S’il s’agit d’un moment périlleux ou décisif, cela signifie qu’il ne faut pas jouer la procrastination. Les choses ne doivent pas rester à l’état et qu’une décision doit être prise immédiatement pour éviter le pire.
6- L’adage dit que le meilleur est l’ennemi du bien. Il ne s’agit donc pas de vouloir pour le Tchad faudra éviter la tentation de manichéisme qui s’empare de tous ceux qui veulent faire des réformes. Ne pas vouloir absolument tout pasteuriser en voulant élimer tout ce qui a un relent de mal. Il faut avoir un esprit de compromis sans céder à la compromission.
7- Pourquoi parler de crise ou de perte de nord au Tchad ? Un simple constat :
- La fonction publique ne fonctionne plus.
- Les hôpitaux sont fermés alors que pendant la saison des pluies est la période la plus propices au paludisme et aux diverses maladies diarrhéiques. Seules fonctionnent les cliniques privées (donc chères).
- Les écoles et les universités sont fermées (et pourtant les examens ont lieu. On forme intentionnellement des gens qui n’auront pas le niveau).
- La crise sociale a atteint des sommets encore jamais connus dans le pays.
- L’incivisme a atteint un niveau alarmant dans tous les domaines et à tous les échelons.
- La Nation est en péril, les communautés sont en péril et personne ne lève le petit doigt pour trouver une solution.
Conclusion : De tout cela, on pourrait dire que le Tchad est en train de prendre son thé, assis sur un tapis posé sur un volcan en sommeil.
            On se demande d’où viendra le sursaut. Les choses ne peuvent continuer ainsi. On ne gagnerait pas à jouer l’attentisme. Des décisions courageuses doivent être prises, aussi bien au niveau de l’Etat que de celui des sociétés civiles et associées.
            Le principe de subsidiarité n’a jamais été aussi mis au mal que maintenant. Il s’agit maintenant de le redécouvrir. Il faut arriver également à faire confiance à la base et ne pas faire tomber du haut des décisions sur les populations qui n’en veulent pas. Le Tchad pourrait de nouveau retrouver le nord et redevenir un Etat normal !





samedi 21 juillet 2018

Lire Victor Hugo entre les lignes (par Pascal Djimoguinan)


Souvenir de la nuit du quatre
L'enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ;
Ses bras pendants semblaient demander des appuis.
Il avait dans sa poche une toupie en buis.
On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.
Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?
Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
L'aïeule regarda déshabiller l'enfant,
Disant : "Comme il est blanc ! approchez donc la lampe !
Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe !"
Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.
La nuit était lugubre ; on entendait des coups
De fusil dans la rue où l'on en tuait d'autres.
- Il faut ensevelir l'enfant, dirent les nôtres.
Et l'on prit un drap blanc dans l'armoire en noyer.
L'aïeule cependant l'approchait du foyer,
Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.
Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides
Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas !
Elle pencha la tête et lui tira ses bas,
Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.
"Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre !
Cria-t-elle ! monsieur, il n'avait pas huit ans !
Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.
Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,
C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre
A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !
On est donc des brigands ? Je vous demande un peu,
Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !
Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être !
Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.
Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.
Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ;
Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte
De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! "
Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant,
Puis elle dit, et tous pleuraient près de l'aïeule :
"Que vais-je devenir à présent, toute seule ?
Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd'hui.
Hélas ! je n'avais plus de sa mère que lui.
Pourquoi l'a-t-on tué ? Je veux qu'on me l'explique.
L'enfant n'a pas crié vive la République."
Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,
Tremblant devant ce deuil qu'on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.
Monsieur Napoléon, c'est son nom authentique,
Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ;
Il lui convient d'avoir des chevaux, des valets,
De l'argent pour son jeu, sa table, son alcôve,
Ses chasses ; par la même occasion, il sauve
La famille, l'église et la société ;
Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l'été,
Où viendront l'adorer les préfets et les maires,
C'est pour cela qu'il faut que les vieilles grand-mères,
De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps,
Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.
Victor Hugo, Les Châtiments, II,3


vendredi 13 juillet 2018

LU POUR VOUS/ RCA : Communiqué des évêques sur les assassinats d’hommes d’église.


« A qui profitent les violences à l’encontre de l’Eglise ? » demandent officiellement les Evêques de République centrafricaine dans un communiqué qui dénonce le meurtre, en date du 29 juin, de Mgr Firmin Gbagoua, Vicaire général du Diocèse de Bambari.
« Il s’est agi évidemment d’un homicide ciblé contre ceux qui dénoncent les groupes armés – a affirmé S.Exc. Mgr Nestor Désiré Nongo-Aziagbia, Evêque de Bossangoa et Vice-président de la Conférence épiscopale centrafricaine. « Mgr Firmin Gbagoua était l’une des personnes à la recherche du dialogue entre les communautés impliquées dans les violences ».
Les Evêques confirment ainsi les premières impressions confiées à l’Agence Fides par des sources locales selon lesquelles est en cours une campagne visant à faire taire les voix du dialogue en République centrafricaine en frappant en particulier les prêtres les plus engagés dans la recherche de la paix (voir Fides 03/07/2018). La Commission épiscopale centrafricaine a en outre dénoncé la propagande de haine lancée par la soi-disant « ligue de défense de l’Eglise en Centrafrique », qui incite les chrétiens à venger la mort des prêtres en attaquant les populations musulmanes, le contraire de ce qui a été vécu et prêché durant leur vie par les prêtres assassinés et représente une offense et une trahison de leur sacrifice. (L.M.) (Agence Fides 13/07/2018)

mercredi 11 juillet 2018

Le principe de la séparation des pouvoirs de Montesquieu


            (Nous avons toujours tout intérêt à revisiter les anciens. Ainsi pour mieux avancer, il faut quelquefois regarder le rétroviseur. Aujourd’hui, nous revisitons L’esprit des lois de Montesquieu. Dans le chapitre 6 du livre XI, De la constitution d’Angleterre, Montesquieu parle du principe de la séparation des pouvoir. C’est à nous de nous interroger si cela a perdu de sa pertinence aujourd’hui.)
            Il y a, dans chaque Etat, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
            Par le premier, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et de l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’Etat.
            La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.
Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième. Chez les Turcs, où les trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme.