jeudi 24 avril 2014

Tchad : l'énigme day 2, la guerre de Bouna (par Pascal Djimoguinan)


            Dans notre effort de compréhension des problèmes des Day, nous donnons aujourd’hui écho au texte qui se trouve en annexe dans le fascicule du Joseph Fortier, Histoire du pays Sara, CEL Sarh, Tchad, 1982. Il y est question de la guerre de Bouna (1928-1929).

            A l’origine, c’est une vendetta entre deux clans familiaux, qui s’embrassera en guerre tribale, avec l’appui de l’administration coloniale. Nous suivons ici, pour le détail des événements, le récit de Monsieur Koullo (contes Day, CEL, Sarh, 1981).

            Contexte politique : La guerre de Bouna éclate en janvier 1929. C’est la cinquième année, au Tchad, du recrutement pour le chemin de fer CONGO-OCEAN. Si le Moyen-Chari en a supporté, au Tchad, le poids le plus lourd, d’autres en AEF ont été aussi durement éprouvée que lui. « On a recruté 150.000 travailleurs dans toute l’AEF (entre 1921 et 1934), plus de 10% moururent dans la forêt. Les Gbaya se révoltèrent », écrit Hubert DESCHAMPS. « Il y aura 20.000 morts sur les chantiers » précise Mme COQUERY-VIDROVITCH. Quand le gouverneur Augagneur ouvre le chantier en 1921, ce sont les congolais seuls qui sont recrutés pendant quatre ans. En 1925, Antonetti son successeur, qui a rattaché à l’Oubangui, le Moyen-Chari et le Logone, va recruter des travailleurs dans le sud du Tchad, mais aussi chez les Gbaya. Comme le Moyen-Chari n’avait que 175.000 habitants, au recensement de 1926, il y eut au maximum 43.000 hommes recrutés, le quart de la population totale. Bé-i-so, le principal responsable, envoyait ses recruteurs musulmans, Boua et Niellim, même en pays mbay (Jérôme Ngakoutou, originaire de Satéyan, Kassaï, 1981). Batinda était ngar-em-ndogo, à Béndang, avant d’être nommé chef de canton de Ngalo. Son représentant à Bouna et Bara, Yorade « n’a pas hésité à tirer sur les récalcitrants lors des opération de recrutement (Eydoux, 1955).

            Ceci dit, voyons les événements. En 1928, à Bouna, une femme, nommée Deinyam, devait assister au deuil d’un membre de sa famille à Paris-Kowyo ; Elle passe quatre jours sur la place mortuaire et rentre dans son foyer. A peine rentrée depuis un jour, elle apprend que son oncle maternel vient de mourir à Bara II ; sur le champ, elle décide de partir. Son mari Gbogotam, qui pressent une aventure galante, s’y oppose ; Deinyam passe outre et refuse, avant le départ, de préparer le poulet qu’il lui a offert. Le mari se met à sa poursuite, le rattrape et tente de la frapper ; elle se défend tant et si bien qu’elle battit son mari. Celui-ci lui dit alors : « Je t’ai épousée avec mon argent, tu dois m’obéir. Je t’ai interdit d’aller à Bara, et toi tu me frappes. » C’est alors qu’il décide de tuer sa femme ; il repart armé d’une sagaie et d’un couteau de jet, et par un raccourci, il devance Deinyam et ses amies, se cache au lieu-dit Sabba, et quand elle arrive lui plante sa sagaie dans la poitrine, et l’achève de son couteau de jet.

            Deuxième acte : Ndiya, le frère de la victime jure qu’il n’enterrera pas sa sœur « dans une peau d’animal, mais dans une peau humaine ». Il se rend à DHANGASSE, dans le clan maternel de l’assassin, et tue une des fille de son oncle.

            Troisième acte : Quelques jours plus tard, le garde Nzara est envoyé par le chef de district de Moïssala, pour s’occuper des pirogues de l’administration, à Bara II. Aussitôt Yorade le charge d’arrêter Ndiya. « Il faisait nuit noire. Le garde et ses hommes entrent dans la concession. Plusieurs personnes dormaient sous un abri de paille. Le garde et ses hommes sautèrent sur le plus costaud, le prenant pour Ndiya. En fait, celui-ci était à l’intérieur de sa case ; il sort et à la lueur d’un éclair, il aperçoit le garde ; il prend ses armes, sagaie et bouclier et attend ; à la lueur d’un second éclair, il plante sa sagaie dans le corps de Nzara, qui est grièvement blessé et meurt peu après. Les hommes du garde prennent la fuite. Le fusil de Nzara est pris et caché.

            C’est la récupération de ce fusil qui va déchaîner la guerre. Yorade envoie un messager au chef de district pour annoncer la meurtre du garde. Celui-ci répond aussitôt qu’il tient absolument à ce que le fusil soit retrouvé et expédié à Moïssala, mais il fait observer à Yorade que Nzara n’avait pas été envoyé à Bara II pour arrêter Ndiya et qu’il est lui-même responsable de sa mort. Recherches vaines qui durent plusieurs mois : « Batinda et Tatola font une enquête chacun de leur côté ; Tatola promet le pardon aux gens de Bara II, et finalement c’est à lui qu’on rend le fusil. Batinda furieux va se joindre bientôt aux autorité pour la grande expédition punitive, et Wadna, notre principal informateur à Bouna, se déclare convaincu qu’il était le grand responsable de la guerre et de la déportation qui suivit. » (Adler)

            Nous sommes arrivés au mois de janvier 1929. Alors éclate à Moïssala « une crise d’hystérie collective ». Personne ne semble avoir mis en cause Tatola lui-même ; mais dans son entourage, il y avait un certain nombre de gens qui complotaient contre Bouna et qui rappelèrent à l’administrateur que ce peuple toujours rebelle avait déjà massacré 9 tirailleurs, en 1912, lors de la première guerre du Mandoul. Dès la fin de janvier, on bloque toutes les routes qui mènent à Bouna. Le 14 avril 1929, tous les contingents arrivent vers midi à Bouna : les gardes du chef de district, puis des volontaires de toutes les tribus, mbay, day de Ngalo, ngam de Maro, sar de Koumra, nar de Béboro, pen, goulay, armés de sagaies et de couteaux de jet.

            Les habitants, en nombre inférieur, s’enfuient, abandonnant tous leurs biens. Ils se réfugient dans les marécages, plongés entièrement dans l’eau, comme des grenouilles, et respirant avec des cannes de mil creuses, qui émergent comme le tuyau d’un scaphandre. Certains réussiront à passer à Bangoul, où on les ravitaillera. Les assaillants mettent le feu au village, qui ressemble bientôt à un désert noir de fumée. Les fuyards sont rattrapés à cheval et tués ; les blessés sont achevés ; à chaque cadavre, on coupe une oreille, et on ramasse toutes les oreilles dans un panier, pour les compter et communiquer le nombre au chef de district. Les habitants de Bara II avaient refusé pour la plupart de participer à cette affreuse boucherie, et s’étaient enfuis vers Ndjola II ; leur vilage fut incendié. Certains survivants furent conduits à Bara II, les mains ligotées derrière le dos et tués sous un grand ficus. A Bouna et à Bara II, au milieu des ruines calcinées les cadavres pourrissaient au soleil, dévorés par les charognards ou par les chiens. Quand cette crise de folie fut terminée (fin avril ?) l’administrateur fit déporter les survivants ; à Moïssala, ils fondèrent le village de Maïmbaya, à Maro, le village de Paré-Sara ; un grand nombre s’installèrent à Fort-Archambault, au quartier Baguirmi, dont Gotengar devint le chef. Bouna ne fut reconstruit qu’en 1946. Sans aucun doute l’administration a encouragé l’expédition contre Bouna, mais toutes les ethnies voisines qui y ont participé, ont trouvé là l’occasion d’assouvir leurs rancunes tribales et portent leur part de responsabilité.

mercredi 23 avril 2014

Tchad : l'énigme day 1, la guerre du Mandoul (par Pascal Djimoguinan)


            Les days sont un peuple au sud du Tchad, dans le Mandoul ; il règne autour d’eux une forte suspicion, relent de la colonisation. Il est courant de se moquer d’eux et de les tenir éloigner. Cela est sans doute une voie de facilité que les autres tribus adoptent pour ne pas se remettre en question quant à leurs propres attitudes vis-à-vis de la colonisation. Il est peut-être temps de faire justice aux days et de reconnaître qu’ils ont subi une forte répression au cours de la colonisation. Nous reprenons ici quelques bribes de textes qui nous aideront sans doute à commencer à comprendre de quoi il en est. Il y a eu en fait deux guerres : celle du Mandoul en 1912 et celle de Bouna de 1928 à 1929. Que cela nous aide à faire des recherches plus approfondies (ADLER, Les Day de Bouna, INTSH, Fort-Lamy, 1966 ; EYDOUX, Rapport politique de 1955).

            En 1908, Bouna est signalé dans les rapports d’archives comme un marché d’esclaves fort actif. Les chefs day de Bangoul, Bouna et Baya sont hostiles à l’occupation française, qui est loin d’être effective à ce moment. Ce sont les représentants du sultan du Baguirmi, Gaourang, qui ont la haute main politique sur le pays. Il existe ainsi un double pouvoir, mais le second, celui du colonisateur n’est encore que théorique ; l’impôt rentre à grand peine et souvent les agents des français sont molestés.

            C’est alors que sous l’autorité du Capitaine Cros commence une dure répression, qui vise à mettre fin au trafic des esclaves et à implanter définitivement l’administration française. – Mais, en 1912, un an après la création du poste de Moïssala, l’agitation persiste. On signale, en plusieurs endroits, - et à Bouna notamment, - la présence de féticheurs, qui proclament que les morts vont se relever pour chasser les français. Ils disent que les fusils ne sont plus à craindre, car leurs balles se transforment en eau, et que, désormais, les guerriers sont invulnérables.

            (Neuf tirailleurs ayant été tués) La répression est impitoyable : on parle de « guerre du Mandoul », et quand le Capitaine Cross quitte le Tchad, il a droit au titre de « pacificateur du Moyen-Chari ».

            … En 1917, Nunga, Ngar-em-ndogo de Bouna est destitué, son canton supprimé. Bouna fusionne avec Bara, sous la poigne de KOKO, « l’homme fort, nécessaire dans cette région rebelle à toute autorité ».

            … En 1921, Koko meurt, peut-être empoisonné. Bouna et Bara passent sous la coupe de Batinda, chef de canton de Ngalo, qui va devenir bientôt le puissant chef de groupe des trois cantons du nord de Moïssala. Batinda installe son parent Yorade Tatola à Bara, le futur chef de groupe de tous les cantons du sud avait soutenu la candidature de Jean Ndouba, fils de Koko. Cette rivalité annonce déjà : La guerre de Bouna

mardi 22 avril 2014

Tchad : au rythme des remaniements (par Pascal Djimoguinan)


            Il est un sport bien connu au Tchad et dont les raisons fondamentales échappent au commun des mortels ; il s’agit des remaniements au sein du gouvernement. Si l’actuel gouvernement dirigé par le Premier ministre Kalzeube Pahimi Debet est à son cinquième mois, il connaît déjà son quatrième remaniement. On peut se demander quelles sont les raisons fondamentales qui appellent à cet ajustement qui suit le mouvement perpétuel. Faute d’avoir une réponse précise, nous ne pouvons qu’analyser ce qu’il nous est permis de voir.

            Un premier fait qui frappe est que l’actuel gouvernement est plus restreint que le précédent : 21 ministres et 6 secrétaires d’Etat à ma place de 33 ministres et 7 secrétaires d’Etat. Est-ce un désir de permettre à l’Etat de faire de l’économie où est-ce pour avoir un gouvernement plus soudé et ayant une politique plus cohérente ?

            On peut remarquer que du fait même que le gouvernement soit plus restreint, plusieurs ministères se trouvent fusionnés : Le ministère des Droits de l’Homme se trouve du coup accolé au ministère de la justice. Au niveau de l’enseignement, il n’y a plus de séparation entre le ministère de l’enseignement fondamental d’une part et de l’Enseignement Secondaire d’autre part. On a tout simplement un ministère de l’Education nationale et un ministère des Enseignements Supérieurs.

            On peut reprocher encore une fois à ce gouvernement de manquer d’audace sur le plan de la parité. Alors que partout dans le monde un effort est fait dans ce domaine, le Tchad est encore en train de trainer les pattes. On n’a que 2 femmes ministres et 5 secrétaires d’Etat. On ose croire qu’au prochain remaniement ou disons plutôt au prochain réajustement, on prendra en compte ce problème de la parité. Nous attendons qu’un geste fort soit posé dans ce domaine.

            La question qui demeure est de savoir pourquoi ce désir de réajuster tout le temps le gouvernement. Il faut choisir dès le départ des hommes et des femmes compétents pour ne pas avoir à perdre du temps par la suite. A quand le prochain remaniement ?

samedi 19 avril 2014

Félix Eboué, gouverneur de l'AEF (par Pascal Djimoguinan)


            J’ai toujours entendu parler du gouverneur Eboué qui rallia publiquement le mouvement de la libération en prenant partie pour le Général de Gaule à partir du Tchad dont il présidait les destinées. Je sais aussi qu’à N’Djamena (Tchad), il y a un lycée qui porte son nom et un monument qui lui est dédié non loin de l’hôtel de ville et de l’hôpital de référence général. A part cela, je ne connais pas grand-chose de lui. Pourtant, la revue Missi de juillet-août 1946 le présente à sa façon. Il est intéressant de reprendre cet article pour se faire une idée du personnage.

            Félix Eboué, né à Cayenne, en Guyane, le 26 décembre 1884, élève au lycée de Bordeaux, sportif et amateur de rugby, licencié en droit, élève breveté de l’Ecole Coloniale. En 1908, affecté à la colonie de l’Oubangui-Chari où il resta 27 ans.

            « Son intelligence, note René Maran, sa finesse native, sa calme droiture, sa lucide activité, sa pondération, son parfait équilibre physique et moral font partout merveille ».

            Il mène une lente et minutieuse enquête sur ses subordonnés. A ses recherches désintéressées qui nous ont valu deux ouvrages ayant pour titre Les peuples de l’Oubangui et La clef musicale des langages tambourines et sifflés, s’ajoute une lente maturation de son expérience politique.

            Vers 1932, coup sur coup, Félix Eboué, devient sécrétaire général de la Martinique, Gouverneur par intérim du Soudan. Le 4 décembre 1936, marque une étape décisive dans cette carrière jusqu’ici rectiligne. Un décret ministériel nomme Félix Eboué Gouverneur de la Guadeloupe.

            Vint la guerre. Félix Eboué présidait depuis 18 mois aux destinées de la colonie du Tchad. Se rappelant qu’il est des heures où la désobéissance peut être un devoir sacré, il se rallia publiquement au mouvement de la Libération, bien qu’il n’ignorât plus à cette époque que deux de ses fils avaient été faits prisonniers par les allemands. Son geste, symbole de loyalisme et de fierté, produisit par le monde un effet extraordinaire… et prouva aux nations de race blanche qui l’ignoraient encore que les gens de couleur n’étaient pas des indifférents, que les noirs n’étaient pas des ingrats.

            En novembre 1940, Eboué, le premier de sa race devient Gouverneur Général de l’AEF. Il sait qu’il est le point de mire de ses compatriotes et que l’univers, à l’écoute de ses faits et gestes le respecte et l’admire. L’heure a sonné pour lui de donner sa mesure et de faire triompher les idées qu’il a soigneusement mûries tout au long de sa carrière. Elles peuvent tenir en trois consignes.

            Premièrement, la nouvelle politique indigène a pour but de donner au-delà des améliorations économiques et matérielles « le sens profond de la vie ».

            Deuxièmement, il faut que les masses indigènes soient maintenues et perfectionnées dans leurs cadres traditionnels ; il faut éduquer les noirs en les laissant dans leur milieu.

            Enfin, et cette troisième consigne est d’une résonnance profondément chrétienne – « Rien ne peut être fait sans une parcelle d’amour ».

            Ses idées allaient dominer la conférence de Brazzaville. Au lendemain de celle-ci, épuisé par un travail surhumain, Eboué partait se reposer en Syrie, mais, terrassé par la maladie, il mourait au Caire le 17 mai 1944. La France et la civilisation perdaient en lui un grand serviteur.

vendredi 11 avril 2014

Tchad : il y a 39 ans, le 13 avril (par Pascal Djimoguinan)


            Le dimanche 13 avril 1975, aux premières heures du matin, les bruits d’armes automatiques et lourdes crépitèrent à N’Djamena. C’était le début d’une longue histoire tumultueuse que connaîtra le Tchad. L’armée prenait le pouvoir et 39 ans après, les civils ont du mal à revenir au pouvoir. Quel gain le Tchad a pu tirer de ce coup de force ?

            Dès que l’armée a pris le pouvoir ce dimanche 13 avril, la population est descendue dans les rues de N’Djamena pour l’acclamer. Le pouvoir du père de l’indépendance du Tchad venait de tomber. L’euphorie qui accompagna cette prise de pouvoir fit long feu. Très vite la réalité rattrapera vite l’armée. La gestion de la chose publique sera médiocre. La revue « Jeune Afrique » publiera un nouveau très fameux : « Tchad Etat néant ».

            L’armée ne saura pas gérer la paix civile. Une réconciliation signée avec un amateurisme à faire pâlir le plus petit des politiciens donnera naissance à la « Charte fondamentale » entre l’armée et les Forces armées du Nord. Cela conduira à la guerre civile qui commença le 12 février 1979 avec la destruction totale de l’administration tchadienne et le déplacement des millions de tchadiens tant à travers le territoire national qu’à l’extérieur, dans les pays limitrophes.

            Trente-neuf ans plus tard, après réflexion, on se demande le bien-fondé de ce putsch militaire. Cela n’a donné lieu qu’à la suspension de la constitution et de la mise entre parenthèses de ce qui restait encore des libertés individuelles.

            La conclusion que nous pouvons tirer aujourd’hui est que la place de l’armée est dans les casernes. Elle doit s’occuper de la défense du territoire et laisser les civils s’occuper de la politique. Partout où l’armée est sortie des casernes, on a vu les portes de l’enfer s’ouvrir. C’est la leçon que les tchadiens doivent retenir de ce 13 avril 1979.

jeudi 10 avril 2014

Figure libre : Les titres de parenté en Afrique (par Pascal Djimoguinan)



            Il suffit de se promener dans les rues des grandes villes africaines pour s’entendre appelé « cousin », « grand frère », « oncle », « papa » ou « petit » par des inconnus ; les femmes n’échappent pas à cela car on féminise ces titres pour elles. D’emblée, on pourrait être tenté de louer les vertus d’une politesse villageoise qui a su se maintenir malgré les développements des mégapoles africaines. Mais cela appelle à plus de réflexions.


            Si cela n’engage pas à grand-chose d’être interpellé sous un titre de parenté proche, que pourrait-on dire lorsque cela se situe dans le cadre du service ou au sein des administrations ?


            Lorsque nous utilisons un titre de parenté pour appeler une personne, cela nous engage vis-à-vis de cette personne, de même qu’elle l’est par rapport à nous. Ainsi lorsque dans une administration on appelle son supérieur hiérarchique « papa », « grand frère », « fils » ou « petit frère », cela n’est pas neutre. C’est toujours parce qu’on n’est à la recherche d’une certaine réaction qu’on le fait. De quelle liberté pouvons-nous encore disposer pour agir d’une manière autonome et honnête ?


            Les titres de parenté hors du cercle familial viennent briser toute démocratie basée sur l’égalité des citoyens. Les régimes dictatoriaux le savent bien et c’est pour cela que les Chefs d’Etat se présentent comme les pères ou les mères de la nation.


            Dans les cadres officiels, contentons-nous des titres officiels (monsieur, madame, mademoiselle, honorable, excellence) qui sont plus neutres et nous laissent la liberté d’agir selon l’éthique.


            Il ne s’agit point de détruire les valeurs africaines mais de sortir de la gestion clanique des pays africains et de démocratiser les relations dans le cadre du service au sein de nos nations !

mercredi 9 avril 2014

Lu pour vous/ Enlevement de 3 religieux au nord du Cameroun

AFRIQUE/CAMEROUN - Enlèvement de deux prêtres et d’une religieuse dans le nord du Cameroun
Yaoundé (Agence Fides) – Deux prêtres italiens Fidei Donum du Diocèse de Vicence, les Pères Gianantonio Allegri et Giampaolo Marta, ainsi qu’une religieuse canadienne de 80 ans appartenant à l’ordre des Sœurs de la Divine Volonté de Bassano del Grappa, ont été enlevés dans la nuit du 4 au 5 avril dans le Diocèse de Maroua-Mokolo sis dans le nord du pays.
Il s’agit du même Diocèse dont le territoire se trouve à la frontière avec le Nigeria et le Tchad dans lequel avait été enlevé en novembre dernier le Père Georges Vandenbeusch, prêtre français Fidei Donum, libéré le 31 décembre.
Selon des sources du Diocèse de Vicence, deux groupes d’hommes armés à bord de voitures ont fait irruption vers deux heures du matin dans les résidences des prêtres et des religieuses, jetant partout le désordre et emmenant avec eux les trois personnes précitées.
Le Père Marta se trouve au Cameroun depuis plus de six ans alors que le Père Allegri était arrivé depuis un an même s’il avait déjà vécu au Cameroun par le passé pendant une dizaine d’années. Les deux prêtres exercent leur ministère dans les Paroisses de Tchere et Loulou.
On estime que les ravisseurs sont membres de la secte islamiste nigériane Boko Haram, qui a déjà enlevé un certain nombre d’étrangers dans le nord du Cameroun. Rappelons que la zone dans laquelle se trouve le Diocèse est depuis longtemps au centre d’un vaste trafic d’êtres humains, en particulier d’enfants. L’Eglise catholique a promu différentes initiatives afin de faire face à ce phénomène et de secourir les victimes, ainsi que l’affirmait dans un entretien accordé à l’Agence Fides, l’Evêque du lieu, S.Exc. Mgr Philippe Stevens (voir Fides 02/03/2010). (L.M.) (Agence Fides 05/04/2014)

Lu pour vous/ Les évêques de l'Afrique et de Madagascar appellent l'Europe à l'aide

AFRIQUE - Appel des Evêques du SCEAM : « l’UE doit encourager les africains à lutter contre la corruption »
Rome (Agence Fides) – « L’Union européenne doit adopter des politiques cohérentes en vue du développement de l’Afrique et les responsables africains doivent considérer comme prioritaire l’éradication de la pauvreté ». Tel est l’appel lancé par les Evêques africains réunis au sein du SCEAM (Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar) dans un Position Paper relatif au sommet Union européenne/Afrique des 3 et 4 avril à Bruxelles.
Le document, envoyé à l’Agence Fides, affirme que, selon le SCEAM, la priorité de la politique en Afrique devrait être la promotion de la « sécurité humaine », signifiant non seulement une absence de conflit mais également des services sanitaires et éducatifs, la promotion de la démocratie et des droits fondamentaux, la protection de l’environnement et la lutte contre la prolifération des armes.
Rappelant que l’Afrique est riche en ressources naturelles, les Evêques affirment que l’un des pires maux dont elle souffre est la corruption – « un cancer qui frappe tous les pays » - corruption qui mine des secteurs entiers de l’administration et de l’économie, rendant impossible une exploitation correcte des ressources locales au profit de la population.
C’est pourquoi le SCEAM demande à l’UE de soutenir le bon gouvernement en Afrique, en adoptant des politiques conséquentes, comme par exemple le fait de demander plus de transparence aux entreprises européennes présentes en Afrique, la fin des « paradis fiscaux » au sein de la juridiction européenne et des mesures d’encouragement destinées aux africains afin que ces derniers soient honnêtes dans le cadre des négociations économiques. L’un des secteurs dans lesquels l’Union européenne peut avoir un rôle important est celui de la promotion d’une « société civile africaine robuste » qui contrôle l’action gouvernementale mais, dans le même temps, constitue également un partenaire actif de l’Etat.
Les Evêques du SCEAM rappellent enfin les différentes crises africaines, de la Centrafrique au Mali, du Nigeria à la Corne de l’Afrique, qui ont besoin de l’attention et de la collaboration de tous. (L.M.) (Agence Fides 05/04/2014)

mardi 8 avril 2014

Tchad : Et si on reparlait d'internet (par Pascal Djimoguinan)



            Pendant les guerres puniques, Carthage était devenue la hantise des romains, à tel point qu’on disait que la tradition dit que Caton l’ancien, à chaque fois qu’il commençait ou terminait un discours devant le Sénat à Rome par la formule Delenda Carthago (il faut détruire Carthage). On voit comment la détermination et la répétition peuvent être une force pour obtenir quelque chose. En effet les Romains finiront par détruitre complètement Carthage lors de la Troisième guerre punique ; la ville sera rasée et les survivants vendus en esclavage.
            Il ne s’agit pas ici de détruire Carthage, mais d’insister sur la nécessité d’une politique qui facilite l’utilisation de l’internet au Tchad. Il faudra peut-être répéter cela chaque fois, au début ou à la fin de tout discours.
            Il est en effet incompréhensible qu’un pays qui cherche par tous les moyens à rattraper son retard aussi bien sur le plan économique, culturel qu’intellectuel, laisse passer le défi contemporain des autoroutes de la communication.
            Dans la sous-région où il se trouve, le Tchad est l’Etat où l’accès à internet est le plus cher. Comment peut-il alors se targuer d’être parmi les Etats africains qui font un bond en avant ?
            Le gouvernement devrait faire d’internet une priorité. Un grand pas a été fait lorsque des ordinateurs ont été mis à la disposition des étudiants. Il faut également encourager les tablettes Toumai, made in Tchad. Mais la question est de savoir à quoi cela peut servir si internet n’est pas à la portée de tous.
            En attendant que les fibres optiques soient vraiment opérationnelles (on se demande d’ailleurs pourquoi cette attente), le gouvernement tchadien devrait revoir son accord avec les différentes sociétés de téléphonie afin que la prestation soit plus performante et à la portée de tous ; en somme, il faudra démocratiser l’utilisation d’internet.
            Avant de négocier, l’Etat tchadien devrait voir ce qui se fait déjà dans les Etats voisins. Pourquoi est-ce possible en RCA et au Cameroun d’avoir accès à internet dans de très bonnes conditions ? Quelles sont les politiques qui ont été menées là-bas ?
            En tout cas, il faut rester vigilant et veiller à ce que le pays ne rate pas la révolution de medias sociaux.
     



lundi 7 avril 2014

Organisation et développement du Tchad (par Pascal Djimoguinan)


            La connaissance de l’histoire permet toujours de mieux préparer l’avenir. Pour le texte, il est assez difficile de trouver des textes qui remontent vers la fin de la colonisation et le début de l’indépendance. Nous voulons reprendre ici un chapitre d’histoire qui était enseigné aux élèves du cours moyen. Nous le tirons de l’histoire de l’Afrique Centrale et du Tchad de Paul Dalmais.

            a Les débuts du Tchad :

            Jusqu’en 1915 le Tchad a été administré par des militaires : Colonels Destenave, Gouraud, Moli, Largeau, etc. Le premier Gouverneur civil nommé, Monsieur Lavit, n’arriva qu’en 1920. Bien qu’absorbés par leur tâche de pacification, les militaires commencèrent la mise en valeur du pays. Ce sont eux qui ouvrirent ou élargirent les premières pistes et organisèrent le stockage du mil, en vue de parer aux famines. Ces travaux – ainsi que la rentrée des impôts – ne se firent pas sans difficultés de la part de la population. La réquisition pour le travail des routes, dirigée parfois par des capitas ou des chefs sans scrupules, fut longtemps dans le sud une cause de malaise. Dès 1914 ce travail dut être rétribué et des trésoreries furent créées à Fort-Lamy et à Fort-Archambault.

En 1921, le capitaine Delingette faisait au Mayo-Kebbi les premiers essais de coton. Les résultats qu’il obtint sont à l’origine du développement actuel de cette industrie. – Ce sont également les militaires qui ouvrirent les premières écoles. Mr Favre dans les Heures d’Abéché a décrit le temps héroïque de ces écoles où de simples soldats faisaient la classe à des élèves dont le nombre pouvait varier extrêmement d’un jour à l’autre. A Fort-Archambault, la première école fut ouverte, près de l’ancien marché, en 1914, par un soldat français, assisté de deux sous-officiers indigènes. De cette époque datent aussi les premiers hôpitaux.

b. L’organisation administrative :

L’organisation administrative actuelle du Territoire en 9 régions date de 1936. La seule modification apportée depuis a été l’affranchissement de Fort-Lamy qui forme pour ainsi dire une 10ème région puisqu’il a été détaché du Chari-Baguirmi. Les premières circonscription furent établies en 1910. Le choix de leurs chefs-lieux avait été guidé par des raisons stratégiques : c’étaient alors : Fort-Lamy (Bas-Chari) – Massénia (Baguirmi) – Ati (Batha) – Mao (Kanem) – Abéché (Ouaddai) – Am Timan (Salamat) – Fort-Archambault (Moyen-Chari) – Lai (Moyen Logone) – Léré (Mayo-Kebbi). L’occupation en 1913 du Borkou – Ennedi – Tibesti permit d’ajouter un nouveau nom à cette liste. Par la suite, certains chefs-lieux furent remplacés par d’autres, v.g. Bongor. Peu à peu ces administrations évoluèrent vers leur forme actuelle de « Régions » et durent être à leur tour divisées en « Subdivisions ». C’est ainsi de Fort-Archambault, Moissala, Bediondo et Kyabé. Des remaniements apportés à l’organisation générale de l’A.E.F entrainèrent pendant quelques années, le rattachement de Fort-Archambault au territoire de l’Oubangui-Chari.

c. Le développement économique :

Pour juger du développement économique du Tchad, il faut se souvenir que ce territoire a été le dernier occupé et que le climat, ainsi que la nature du terrain, y ont de tout temps rendu l’établissement des communications routières très difficile et très couteux. Le Tcha n’a pas connu la colonisation européenne et le régime des grandes plantations. Son avenir réside essentiellement dans l’élevage, l’industrie du coton et le développement de certaines cultures telles que le riz et le Maïs.

L’élevage – richesse n° 1 du Tchad a pris une grande extention par ce qu’il fait vivre une partie importante de la population et qu’il permet un actif commerce d’exportation par avion de la viande abattue. Le cheptel compte acutellemnt 4 millions de bœufs, 1 millions de moutons, 100.000 chevaux. Il est sans cesse amélioré, grâce aux centres de vaccination et aux bergeries modles de Ngouri (Kanem) et de Abougoudam (Ouaddai) qui pratiquent en grand les croisements par insémination artificielle.

L’Agriculture – du Tchad se réduisait à la culture du mil avant l’arrivée des Français. Une station d’agriculture a été créée au Ba-Illi pour l’amélioration des mils et des maïs. Ce « Laboratoire agricole » a été doublé d’’une Ecole d’Agriculture et d’un centre d’apprentissage pour la formation des moniteurs. Le riz a connu un gros succès dans la région de Lai (Zone d’épandage du Logone-Chari) – Des travaux d’irrigation sont actuellement à l’étude pour d’autres régions, en particulier le Kanem.

L’industrie cotonnière – est née au Tchad en 1928. La production n’a cessé de monter. Coton-graine = 11.000 tonnes en 1939 ; 23.000 tonnes en 1943 ; 37.000 en 1948 ; 53.000 tonnes en 1950. Cette industrie subit actuellement une crise par suite du désaccord entre le prix de revient du coton au Tchad et les prix de réalisation sur les marchés français et étrangers. Il faut espérer que cette crise sera surmontée parce que la production du coton est éminemment apte à élever le niveau de vie des populations du Tchad.

c. Les réalisations sociales :

Le Service de Santé – est en plein essor au Tchad. Malgré d’énormes difficultés financières – le Tchad est en effet le plus pauvre territoire de la Fédération – deux hôpitaux ont été construits à Fort-Lamy, un à Abéché, un à Fort-Archambault. Il existe des centres médicaux dans chaque chef-lieu de Région. La lutte contre la maladie du sommeil, le paludisme, la lèpre et les grandes endémies, est menée activement par les formation des secteurs XVI et XVII d’hygiène mobile.

La fréquentation scolaire – progresse au Tchad chaque année. Il y a maintenant des écoles dans tous les chefs-lieux de région et de districts. Le plan scolaire prévoit pour un avenir très proche l’installation d’écoles dans chaque canton. L’enseignement professionnel est donné au Tchad dans les écoles des Métiers de Fort-Lamy et de Fort-Archambault. Une école des moniteurs existe à Bongor. Une Ecole Normale d’instituteurs est en formation à Lamy. L’enseignement secondaire ne fait que débuter avec le Collège moderne de Bongor et le cours secondaire de Fort-Lamy.

Le développement du Tchad n’a actuellement qu’un obstacle : la pauvreté du budget territorial. Si l’on veut chercher un signe des grandes possibilités de ce pays, il n’est qu’à regarder les proportions qu’y ont pris, par exemple, le trafic aérien et le commerce à Fort-Lamy depuis 1939. Quelqu’un a pu dire qu’entre le Fort-Lamy de cette époque et celui de 1953, il n’y a de commun que le nom.

samedi 5 avril 2014

Comment est mort le commandant Lamy


            Le 22 avril 1900, il y eut le combat décisif des forces françaises contre Rabah à Kousseri. C’était après la jonction des trois colonnes (Missions Foureau-Lamy et Joalland-Meynier). Le commandant Lamy allait y perdre la vie. Un soldat raconte ses souvenirs qu’on peut retrouver dans Les souvenirs du Caporal Menage recueuillis par Paluel Marmont, p 117.

            Il est six heures du matin lorsque les trois colonnes s’ébranlent. Le Commandant Lamy marche avec celle du centre. Nous avançons dans un enchevêtrement inextricable de buissons épineux, dans lesquels il faut, non sans peine, nous creuser un chemin. Aussi allons-nous lentement. Nos voisins progressent-ils plus vite ? Nous ne pouvons le savoir… Toujours est-il que nous sommes en route depuis environ une heure lorsque soudain, sur notre droite, une fusillade éclate. Est-ce seulement une alerte ? Non pas, car le feu continue, de plus en plus nourri, et notre conviction se fait que l’accrochage est maintenant réalisé. Aussi, conformément aux indications du Commandant avant le départ, le capitaine Reibell nous fait-il faire un changement de direction à droite. Puis, au débouché d’un rideau d’arbres, qui jusqu’alors avait dissimulé notre marche, nous nous déployons en tirailleurs. Ma section s’appuie au fleuve pour couper la route à tous ceux qui tenteraient de fuir par ce côté.

            A présent la fusillade est déclenchée sur toutes les faces du camp, et nous avançons sous les balles. Le Lieutenant de Chambrun, à cheval assure la liaison entre le Commandant Lamy et les commandants des trois colonnes. Au tir de l’ennemi, nos fusils répondent ainsi que nos canons. Nous avançons par bonds successifs, dans le tumulte d’une vraie bataille. Il y a quelques blessés déjà. Le soleil est haut et nous commençons à souffrir de la chaleur. Chacun de nous est impatient d’en finir, à hâte d’entendre le clairon sonner la charge…

            Voici, les clairons des sections Metois et Britach viennent de donner le signal. Alors, d’un seul élan, toute la ligne de tirailleurs se précipite. Le Capitaine Reibell est en tête.

            - En avant, crient les officiers.

            - En avant, répètent les hommes.

            C’est l’assaut furieux du camp. Nous arrivons à l’enceinte, la franchissons. De pauvres femmes se jettent à nos pieds en nous suppliant de les épargner. Des prisonniers, certains maintenant d’avoir la vie sauve, nous guident à travers les cases. Mais si l’ennemi recule, il ne songe pas à capituler.

            C’est un corps à corps général, une lutte terrible à la vie et à la mort.

            - Rabah est blessé.

            La nouvelle court de bouche en bouche. Il est blessé, il est vrai. Mais légèrement, et il s’apprête à fuir avec quelques guerriers dévoués à sa personne. Aussitôt des dispositions sont prises pour couper sa retraite. Le Capitaine Reibell s’élance. Mais Rabah fait demi-tour, revient sur nous. Le Commandant Lamy qui se trouve non loin se précipite. Il tombe frappé d’une balle.

            - Le Commandant est blessé.

            En un instant nous connaissons la nouvelle de la blessure de notre Commandant, et nous savons que sa blessure est grave.

            - Le Capitaine de Cointet est tué

            Il se trouvait à côté du commandant Lamy et a eu la carotide tranchée par une balle.

            - Le Lieutenant Chambrun est blessé.

            Une balle a traversé l’avant-bras, et brisé le coude.

            - Le Sergent Rocher est tué.

            - Le tirailleur Djellouk est tué.

            - Le spahis Kadry est tué.

            Ainsi la liste des morts s’allonge. Mais ils ne seront pas tombés en vain. Les guerriers de Rabah maintenant sont en fuite.

            Tout à coup un tirailleur soudanais qui fut prisonnier de Rabah reconnaît celui-ci parmi les fuyards. D’un bond il le rejoint et l’abat ; puis d’un seul coup il lui tranche la tête.

            - Je veux voir le Commandant,  dit-il.

On lui indique la tente où notre chef a été transporté, et le tirailleur lui montre la tête du tyran dont nous venons de débarrasser le pays.

Le Commandant est étendu sur un brancard. Il est très pâle. Une balle lui a fracassé le bras et pénétré dans la poitrine d’où l’on n’a pu l’extraire. Les docteurs Fournial et Haller sont à son chevet tandis qu’on enveloppe le bras de Chambrun dans une peau de bouc faisant gouttière.

- Je vais mourir, murmure le commandant ; mais je meurs content puisque Rabah n’est plus.

vendredi 4 avril 2014

Tchad : l'industrie sucrière bat de l'aile (par Pascal Djimoguinan)


            La ville de Sarh était jadis portée par deux industries, la STT (Société textile du Tchad) et la CST (compagnie sucrière du Tchad), il faut dire que c’est maintenant pour elle le temps du marasme. Les deux sociétés ont connu des fortunes diverses. Il faut dire que celle qui est le plus en mal aujourd’hui, c’est la société sucrière. Elle souffre d’un mal très profond dont seule une solution vigoureuse pourrait encore la sauver.

            La CST est née en 2000 de la privatisation de la SONASUT (Société nationale sucrière du Tchad) qui avait été créée en 1974 à Banda non loin de Sarh. La CST dont la production annuelle tourne autour de 30.000 tonnes, bon an, mal an est le véritable poumon économique de toute la région de Sarh puisqu’elle emploie environ 2500 personnes. Elle s’emploie en outre à améliorer la vie de la population autochtone par la création d’un centre de santé assez performant et d’une école.

            Si la CST a toujours connu des difficultés pour maintenir sa production annuelle à cause des aléas du climat dont souffrent les pays du Sahel, elle fait aujourd’hui face à un défi dont elle s’en sortira difficilement.

            La grand mal qui menace aujourd’hui la CST est la contrebande. De différentes frontières arrivent une grande quantité de sucre de contrebande qui fait une concurrence déloyale à la CST. Il y a ainsi du sucre venant du Cameroun, du Nigéria, de la Lybie, du Brésil… et surtout du sucre venant du Soudan. Le phénomène est de telle ampleur que la CST ne parvient à vendre que 30% de sa production. La mévente est telle que la Compagnie sucrière est obligée de créer des endroits pour garder les 70% de sa production invendue. Cela nécessite d’autres frais de magasinage.

            A ce rythme, la CST fonctionne à perte et ne pourrait continuer à tenir. Il est à craindre qu’elle ne dépose le bilan au pire des cas, sinon tout simplement qu’elle mette en chômage technique ses employés.

            La CST n’est pas seule à souffrir de ce problème ; l’Etat tchadien est également victime puisqu’elle ne peut percevoir sa recette habituelle.

            Il y a une solution drastique qui pourrait encore sauver la société. Il ne s’agit point d’adopter une politique économique de protectionnisme. Selon le journal Abba Garde (numéro 057 du 10 au 20 janvier), il s’agit tout simplement « de procéder à une application stricte à l’entrée des marchandises des droits de douanes à 30%, de la TVA à 18%, de l’IRPP à 4%, un renforcement des mesures de lutte contre la fraude, en particulier autour de Ngueli et sur les axes vers Moundou-Sarh, une mise en place d’une fiscalité incitative à la production locale afin de renforcer la compétitivité et encourager l’investissement. »

            La contrebande semble arranger certaines personnes mais en réalité c’est une vision à courte vue. Il s’agit ni plus ni moins de scier l’arbre sur lequel on est assis. Beaucoup de ceux qui achètent le sucre de la contrebande sont ceux sont payés par la CST. Lorsque cette source de revenue sera tarie, il n’y aura pas d’argent pour entretenir la contrebande et c’est tout le monde qui perdra. Il faut agir avant que le malade n’entre dans le coma. Il faut espérer que les uns et les autres retrouveront la raison et que ce patrimoine sera sauvé.

jeudi 3 avril 2014

Tchad – RCA : le Tchad quitte la Misca (par Pascal Djimoguinan)


            En marge du sommet union européenne-Afrique qui avait lieu les mercredi 2 et jeudi 3 avril 2014 à Bruxelles, le Tchad a annoncé le retrait de ses soldats de la Misca. Ses soldats quitteront prochainement la Centrafrique.

            Cette décision a été annoncée par un communiqué du ministre tchadien des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat. On pouvait y lire en substance ces lignes : « Malgré les sacrifices consentis, le Tchad et les Tchadiens font l’objet d’une campagne gratuite et malveillante tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA. Face à ces accusations répétées, le Tchad, après avoir informé la présidente de la transition centrafricaine, la présidente de la Commission de l’Union africaine et le secrétaire général des Nations unies, décide du retrait du contingent tchadien de la Misca. »

            On sait par ailleurs que le président Deby, présent à Bruxelles a tenu à en informer la présidente centrafricaine Catherine Samba-Panza et n’a pas voulu revenir sur sa décision. Le président tchadien a quitté Bruxelles sans attendre le sommet sur le Sahel ni la clôture du sommet Union européenne-Afrique.

            Si cette décision a surpris plus d’un, il faut dire que les banguissois l’attendaient impatiemment. Passé l’effet émotionnel chez les uns et chez les autres, il faut se demander si c’est une bonne nouvelle pour la Centrafrique.

            Peut-être que les soldats tchadiens de la Misca avaient mauvaise presse en Centrafrique mais il faut dire qu’ils étaient bien aguerris et dans la situation dont se trouve la Centrafrique, ils n’étaient pas de trop.

            La situation sécuritaire risque de se détériorer dans les jours qui viennent. La question est de savoir ce que fera le Tchad après ce coup de sang de son président. Ira-t-il jusqu’à fermer ses frontières avec la Centrafrique ?

            Chaque événement qui vient bouleverser l’équilibre précaire que connaît la Centrafrique est toujours lourd de conséquence. Après le Tchad, qui sera le prochain pays qui se retirera ? Les burundais qui avaient beaucoup fait pour la sécurisation de Bangui sont désormais considérés comme des musulmans, donc indésirables en Centrafrique. Il est à craindre qu’après le départ des soldats tchadiens, ils ne deviennent une cible facile.

            En tout cas, dans cette situation compliquée que connaît la Centrafrique, ce sont les antibalakas qui semblent mener le jeu et cela ne présage rien de bon dans les jours à venir.

            En plus, si les humanitaires cherchent à vider Bangui de tous les musulmans, par principe de précaution, se rendent-ils compte qu’en même temps ils sont en train de faire le lit d’une sécession en Centrafrique ? La situation est bien complexe et est bien malin celui qui pourra dire ce que sera demain.

mercredi 2 avril 2014

Lu pour vous / Institut financier du Vatican: échec d'une tentative d'escroquerie


La gendarmerie vaticane intercepte deux faussaires

ROME, 1 avril 2014 (Zenit.org) - Une tentative d'escroquerie a été démasquée par la Gendarmerie du Vatican, a-t-on appris le 29 mars.

Selon L'Osservatore Romano, deux hommes, un Néerlandais et un Américain, se sont présentés à l'entrée du Vatican, à la porte Sainte-Anne, demandant de pouvoir accéder à l'Institut pour les œuvres de religion (IOR), l'institut financier du Vatican, et qui se situe non loin de Sainte-Anne, dans le Torrione Nicolo’ V.

Pour accéder au bâtiment de l'IOR, par la Porte Sainte-Anne, un premier contrôle est effectué par la Garde suisse pontificale qui demande où l'on se rend, et qui indique si besoin est la loge où l'on obtient un laisser-passer, contre une pièce d'identité. Il faut indiquer où l'on se rend et le préposé vérifie si l'on est bien attendu par les personnes que l'on prétend vouloir rencontrer.

Les deux faussaires portaient une mallette. Arrêtés par les gendarmes, ils ont prétendu connaître deux cardinaux et vouloir obtenir un crédit et agir sur les marchés financiers internationaux.

L'IOR a déclaré qu'ils n'étaient pas attendus à l'IOR et n'y possèdent pas de compte. La gendarmerie a averti le magistrat qui, à son tour, sur la base des accords en vigueur entre l’Italie et le Vatican pour lutter contre le blanchiment d'argent, a averti la Garde financière italienne.

Celle-ci a effectué une perquisition dans les chambres d'hôtel des deux suspects et y a trouvé les tampons et les sceaux utilisés pour certifier les faux. L'un d'eux était en possession de trois passeports, valide des Pays-Bas et de Malaisie.

La Garde a conclu à la fraude : les mallettes contenaient de faux titres de crédit au porteur à hauteur de milliers milliards (en dollars, euros, et autres monnaies fortes), selon les images communiquées aux télévisions italiennes.

Lu pour vous / Jésuites: Prix Pax Christi International pour le JRS Syrie



Un hommage aux travailleurs humanitaires
ROME, 1 avril 2014 (Zenit.org) - Le Prix de la Paix 2014 de Pax Christi International a été attribué au Service Jésuite aux Réfugiés en Syrie (Jesuit Refugee Service – JRS Syria) « pour son exceptionnel engagement dans l’apport de secours d’urgence aux Syriens depuis le début de la guerre en 2011 », annonce un communiqué de Pax Christi du 27 mars.

Créé en 1988, le Prix honore les personnes et associations qui œuvrent pour la paix, la justice et la non-violence dans différentes parties du monde. La cérémonie de remise du Prix 2014 aura lieu le 8 juin à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, dans le cadre d'une Rencontre internationale de paix.

A travers ce Prix, explique la note, « Pax Christi International récompense les efforts que JRS Syrie déploie inlassablement pour apporter ses services aux populations vulnérables et victimes de conflits ».

Ce prix est aussi l'occasion d'« honorer symboliquement les travailleurs humanitaires qui viennent en aide avec compassion aux Syriens victimes des effets de trois ans de guerre civile. »

Le communiqué rappelle que l'action du JRS en Syrie consiste « en aide alimentaire, en fourniture de nécessaires d’hygiène, en soins de base, en gestion d’abris et en aide au logement. Un des piliers de [sa mission] est le soutien éducatif et psychologique offert à 9 800 femmes et enfants. L’aide comporte également une assistance légale et médicale, la visite des familles, et de modestes projets de subsistances ».

Au total, plus de 300 000 personnes sont aidées par JRS Syrie à Damas, Homs, Alep et dans les zones côtières de Syrie.

Pax Christi rend hommage à JRS Syrie qui « aide la société civile à résister à la logique de la guerre et à survivre à la violence qui menace de renverser et détruire les communautés » : « Les équipes de JRS sont composées de gens de confessions différentes, d’acteurs locaux et de volontaires internationaux, qui sont au service de tous, sans distinction..., qu’ils soient musulmans ou chrétiens. En ce sens, le dialogue interreligieux reste au cœur des activités quotidiennes de JRS. »

mardi 1 avril 2014

Tchad : électricité, la ville de Sarh broie du noir (par Pascal Djimoguinan)

            La gestion de l’électricité au Tchad est un véritable casse-tête chinois pour les consommateurs tant il est impossible pour eux de faire la moindre prévision. Beaucoup pensaient que la privatisation de l’ancienne STEE (Société tchadienne d’électricité et d’eau) qui allait donner par la suite la SNE (Société nationale d’électricité) d’une part et la STE (Société tchadienne d’eau) d’autre part, allait amener la solution tant recherchée. Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence, la nouvelle société s’occupant de l’électricité n’en finit pas de se prendre les pieds dans le tapis.

            La section locale de la SNE dans la ville de Sarh parvenait au début à tirer son épingle du jeu. On peut dire que la gestion et la distribution de l’électricité était exemplaire dans cette ville qu’on citait même comme exemple. Les délestages étaient plutôt rares. C’était un véritable pain béni pour l’agro-alimentaire, les petites industries et tous ceux qui devaient utiliser l’électricité pour leur fonctionnement habituel. La chaîne du froid n’était pas rompue et le nombre de cas d’intoxications alimentaires ne se comptaient que sur les doigts d’une seule main.

            Cette gestion était bonne mais ça, c’était avant. Depuis environ quatre mois, c’est une véritable descente aux enfers que connaît la ville de Sarh. Elle n’en finit pas de broyer du noir.

            Les délestages sont devenus monnaie courante et reviennent avec une régularité de métronome. L’électricité vient de 8h du matin à 14h30, puis de 18h à minuit. Les délestages vont donc de minuit à 8h du matin, puis de 14h30 à 18h. Pourquoi ces heures ? Personne ne semble en connaître la raison. Cela dépend sans doute de la souveraine volonté des responsables locales de la SNE.

            Il va sans dire que les conséquences sont désastreuses pour les consommateurs. S’il ne faut citer que les soudeurs, Dieu sait comment ils parviennent à survivre. Il en va de même pour tous ceux qui s’occupent de l’alimentation. Comment conserver les aliments ? Il s’agit en fait d’un problème de santé publique qu’il faut réaliser.

            Ce délestage touche tous les secteurs de la ville. Même l’hôpital général de la ville de Sarh n’a pas la priorité. C’est à se demander si la SNE a vraiment pris le temps de réfléchir sur sa façon de gérer cette pénurie. Parmi les cas les plus dramatiques, il y a la gestion de la morgue. Comme l’hôpital n’est pas une zone prioritaire, il est touché par les délestages intempestifs ; il devient de problématique de conserver les corps dans de bonnes conditions. Il y a certes un groupe électrogène pour la morgue mais comment le faire tourner sans carburant ? Il revient alors aux parents du défunt de contribuer s’ils ne veulent pas se retrouver avec un corps en état de décomposition avancée.

            Il y a également des conséquences collatérales. Depuis quelque temps, la ville de Sarh peut recevoir RFI (Radio France internationale) ; un relais est nécessaire pour que cela marche ; or ce relais a besoin d’électricité. Cela fait qu’on ne peut pas, en grande partie, capter RFI pendant les heures de délestage (en grande partie seulement parce qu’on a le signal le matin avant l’arrivée de l’électricité, c’est-à-dire dès 6h du matin). Cela fait partie des mystères de la ville de Sarh car si l’on peut avoir RFI à 6h avant l’arrivée de l’électricité, pourquoi ne peut-on pas l’avoir à d’autres moments ?

            Point n’est question de parler des appareils électro-ménagers qui par milliers se détériorent. Lorsque l’électricité peut partir et revenir à n’importe quel moment, les appareils qui sont restés sur secteur reçoivent des chocs qui leur sont souvent fatales.

            Il faudrait sans doute que la conscience citoyenne se développe de plus en plus dans le pays et plus particulièrement dans la ville de Sarh. Que l’association des consommateurs prenne de l’envergure et soit capable de s’imposer face aux opérateurs économiques. Elle doit être capable d’obtenir que l’on nous dise pourquoi ce délestage depuis environ quatre mois et quand est-ce que cela doit finir.

            Il est impossible pour un pays de parler de développement économique s’il n’est pas capable de maitriser la gestion de son électricité.