mardi 28 février 2017

Message du Pape François Pour l'entrée en Carême 2017

 Voici le message du Pape François pour le Carême 2017, qui s'ouvrira le 1er mars avec la célébra"on du Mercredi des Cendres. Ce texte, axé sur la parabole de Lazare et de l'homme riche dans l'Évangile de Luc, a été rendu public par le Vatican ce mardi 7 février.

 «Chers Frères et Sœurs, Le Carême est un nouveau commencement, un chemin qui conduit à une des"na"on sûre : la Pâques de la Résurrection, la victoire du Christ sur la mort. Et ce temps nous adresse toujours un appel pressant à la conversion : le chrétien est appelé à revenir à Dieu «de tout son cœur» (Jl 2,12) pour ne pas se contenter d’une vie médiocre, mais grandir dans l’ami"é avec le Seigneur. Jésus est l’ami fidèle qui ne nous abandonne jamais, car même lorsque nous péchons, il attend patiemment notre retour à Lui et, par ce;e a;ente, il manifeste sa volonté de pardon (cf. Homélie du 8 janvier 2016). Le Carême est le moment favorable pour intensifier la vie de l’esprit grâce aux moyens sacrés que l’Église nous offre: le jeûne, la prière et l’aumône. A la base de tout il y a la Parole de Dieu, que nous sommes invités à écouter et à méditer avec davantage d’assiduité en ce;e période. Je voudrais ici m’arrêter en particulier sur la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare (cf. Lc 16,19-31). Laissons-nous inspirer par ce récit si important qui, en nous exhortant à une conversion sincère, nous offre la clé pour comprendre comment agir afin d’atteindre le vrai bonheur et la vie éternelle. L’autre est un don La parabole commence avec la présenta"on des deux personnages principaux ; cependant le pauvre y est décrit de façon plus détaillée : il se trouve dans une situa"on désespérée et n’a pas la force de se relever, il gît devant la porte du riche et mange les mie;es qui tombent de sa table, son corps est couvert de plaies que les chiens viennent lécher (cf. vv. 20-21). C’est donc un tableau sombre, et l’homme est avili et humilié. La scène apparaît encore plus dramatique si l’on considère que le pauvre s’appelle Lazare : un nom chargé de promesses, qui signifie littéralement «Dieu vient en aide». Ainsi ce personnage ne reste pas anonyme mais il possède des traits bien précis ; il se présente comme un individu avec son histoire personnelle. Bien qu’il soit comme invisible aux yeux du riche, il nous apparaît connu et presque familier, il devient un visage; et, comme tel, un don, une richesse inestimable, un être voulu, aimé, dont Dieu se souvient, même si sa condition concrète est celle d’un déchet humain (cf. Homélie du 8 janvier 2016). Lazare nous apprend que l’autre est un don. La relation juste envers les personnes consiste à reconnaître avec gratitude leur valeur. Ainsi le pauvre devant la porte du riche ne représente pas un obstacle gênant mais un appel à nous convertir et à changer de vie. La première invita"on que nous adresse ce;e parabole est celle d’ouvrir la porte de notre cœur à l’autre car toute personne est un don, autant notre voisin que le pauvre que nous ne connaissons pas. Le Carême est un temps propice pour ouvrir la porte à ceux qui sont dans le besoin et reconnaître en eux le visage du Christ. Chacun de nous en croise sur son propre chemin. Toute vie qui vient à notre rencontre est un don et mérite accueil, respect, amour. La Parole de Dieu nous aide à ouvrir les yeux pour accueillir la vie et l’aimer, surtout lorsqu’elle est faible. Mais pour pouvoir le faire il est nécessaire de prendre au sérieux également ce que nous révèle l’Évangile au sujet de l’homme riche. Le péché nous rend aveugles La parabole met cruellement en évidence les contradictions où se trouve le riche (cf. v. 19). Ce personnage, contrairement au pauvre Lazare, ne possède pas de nom, il est seulement qualifié de “riche”. Son opulence se manifeste dans son habillement qui est exagérément luxueux. La pourpre en effet était très précieuse, plus que l’argent ou l’or, c’est pourquoi elle était réservée aux divinités (cf. Jr 10,9) et aux rois (cf. Jg 8,26). La toile de lin fin contribuait à donner à l’allure un caractère quasi sacré. Bref la richesse de cet homme est excessive d’autant plus qu’elle est exhibée tous les jours, de façon habituelle: «Il faisait chaque jour brillante chère» (v.19). On aperçoit en lui, de manière dramatique, la corruption du péché qui se manifeste en trois moments successifs: l’amour de l’argent, la vanité et l’orgueil (cf. Homélie du 20 septembre 2013). Selon l’apôtre Paul, «la racine de tous les maux c’est l’amour de l’argent» (1 Tm 6,10). Il est la cause principale de la corruption et la source de jalousies, li"ges et soupçons. L’argent peut réussir à nous dominer et devenir ainsi une idole tyrannique (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n. 55). Au lieu d’être un instrument à notre service pour réaliser le bien et exercer la solidarité envers les autres, l’argent peut nous rendre esclaves, ainsi que le monde en"er, d’une logique égoïste qui ne laisse aucune place à l’amour et fait obstacle à la paix. La parabole nous montre ensuite que la cupidité rend le riche vaniteux. Sa personnalité se réalise dans les apparences, dans le fait de montrer aux autres ce que lui peut se permettre. Mais l’apparence masque le vide intérieur. Sa vie reste prisonnière de l’extériorité, de la dimension la plus superficielle et éphémère de l’existence (cf. ibid., n. 62). Le niveau le plus bas de ce;e déchéance morale est l’orgueil. L’homme riche s’habille comme un roi, il singe l’allure d’un dieu, oubliant d’être simplement un mortel. Pour l’homme corrompu par l’amour des richesses, il n’existe que le propre moi et c’est la raison pour laquelle les personnes qui l’entourent ne sont pas l’objet de son regard. Le fruit de l’attachement à l’argent est donc une sorte de cécité : le riche ne voit pas le pauvre qui est affamé, couvert de plaies et prostré dans son humilia"on. En regardant ce personnage, on comprend pourquoi l’Évangile est aussi ferme dans sa condamna"on de l’amour de l’argent : «Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent» (Mt 6,24). La Parole est un don L’évangile du riche et du pauvre Lazare nous aide à bien nous préparer à Pâques qui s’approche. La liturgie du Mercredi des Cendres nous invite à vivre une expérience semblable à celle que fait le riche d’une façon extrêmement dramatique. Le prêtre, en imposant les cendres sur la tête, répète ces paroles : «Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière». Le riche et le pauvre, en effet, meurent tous les deux et la par"e la plus longue du récit de la parabole se passe dans l’au-delà. Les deux personnages découvrent subitement que «nous n’avons rien apporté dans ce monde, et nous n’en pourrons rien emporter» (1 Tm 6,7). Notre regard aussi se tourne vers l’au-delà, où le riche dialogue avec Abraham qu’il appelle «Père» (Lc 16, 24 ; 27) montrant qu’il fait par"e du peuple de Dieu. Ce détail rend sa vie encore plus contradictoire car, jusqu’à présent, rien n’avait été dit sur sa relation à Dieu. En effet dans sa vie, il n’y avait pas de place pour Dieu, puisqu’il était lui-même son propre dieu. Ce n’est que dans les tourments de l’au-delà que le riche reconnaît Lazare et il voudrait bien que le pauvre allège ses souffrances avec un peu d’eau. Les gestes demandés à Lazare sont semblables à ceux que le riche aurait pu accomplir et qu’il n’a jamais réalisés. Abraham néanmoins lui explique que «tu as reçu tes biens pendant ta vie et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé et toi tu es tourmenté» (v.25). L’au-delà rétablit une certaine équité et les maux de la vie sont compensés par le bien. La parabole acquiert une dimension plus large et délivre ainsi un message pour tous les chrétiens. En effet le riche, qui a des frères encore en vie, demande à Abraham d’envoyer Lazare les avertir ; mais Abraham répond : «ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent» (v. 29). Et devant l’objection formulée par le riche, il ajoute : «Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus» (v.31). Ainsi se manifeste le vrai problème du riche : la racine de ses maux réside dans le fait de ne pas écouter la Parole de Dieu ; ceci l’a amené à ne plus aimer Dieu et donc à mépriser le prochain. La Parole de Dieu est une force vivante, capable de susciter la conversion dans le cœur des hommes et d’orienter à nouveau la personne vers Dieu. Fermer son cœur au don de Dieu qui nous parle a pour conséquence la fermeture de notre cœur au don du frère. Chers frères et sœurs, le Carême est un temps favorable pour nous renouveler dans la rencontre avec le Christ vivant dans sa Parole, dans ses Sacrements et dans le prochain. Le Seigneur qui – au cours des quarante jours passés dans le désert a vaincu les pièges du Tentateur – nous montre le chemin à suivre. Que l’Esprit Saint nous aide à accomplir un vrai chemin de conversion pour redécouvrir le don de la Parole de Dieu, être purifiés du péché qui nous aveugle et servir le Christ présent dans nos frères dans le besoin. J’encourage tous les fidèles à manifester ce renouvellement spirituel en participant également aux campagnes de Carême promues par de nombreux organismes ecclésiaux visant à faire grandir la culture de la rencontre au sein de l’unique famille humaine. Prions les uns pour les autres afin que participant à la victoire du Christ nous sachions ouvrir nos portes aux faibles et aux pauvres. Ainsi nous pourrons vivre et témoigner en plénitude de la joie pascale. 
Du Vatican, le 18 octobre 2016 Fête de Saint Luc, évangéliste» 

lundi 27 février 2017

N’a jamais aimé... (Par Pascal Djimoguinan)

(Qu'est-ce qu'il ne faut payer pour le Tchad. Si les larmes étaient le prix à payer pour avoir la paix, le Tchad serait le plus paisible de Etats. Quel peut-être le prix de la rédemption du Tchad? Pour quel avenir chantons-nous? Debout et à l'ouvrage... Mais que vaut l'ouvrage dans ce pays? Quel respect pour les pauvres sans cœur dont les yeux ne connaisent plus le sommeil.  Quel est ton avenir, peuple du Tchad? Lève-toi, tend la main vers le soleil. Il est toujours présent, même lorsqu'il y a des nuages qui le cachent.)

N’a jamais aimé, celui qui n’a jamais souffert
Car doux est le fiel dans le cœur ;
Quand l’âme se fend, quand se fêle notre cœur
Et que notre océan déborde en larmes,
On peut alors goûter à  la chaleur d’un rayon de soleil.

N’a jamais aimé, celui qui n’a jamais pleuré
Car comment avoir de l’électricité
Sans le courant impétueux d’une chute
Qui brise tout sur son passage
Et trouve refuge dans une fragile turbine

N’a jamais aimé, celui qui n’a connu point d’angoisse et de chagrin
Car dans cette vie tantôt triste, tantôt belle
L’amour s’exprime dans un requiem
Qui porte toujours en lui l’odeur de la mort
Et qui pourrait interpréter des larmes d’enfants.
Triste ribambelle du cœur d'un peuple sans cœur vers un avenir incertain!

vendredi 24 février 2017

CHRISTIANISER LES RITES PAÏENS ? (Père Jacques Hallaire)

(Il est toujours intéressant de relire cet article du père Jacques Hallaire, écrit en 1965. Nous y voyons comment locale d'aujourd'hui est en train de naître, quels sont les efforts qui ont été faits. L'article est plus long mais nous avons voulu reprendre ici, un des aspects qui perdure jusqu'aujourd'hui dans la recherche d'une solution adéquate; il s'agit des funérailles.)
            La religion des anciens Saras se caractérisait par la croyance en une foule d’intermédiaires obligés entre Dieu et nous : âmes des morts, esprits plus ou moins démoniaques, auxquels s’adressait l’essentiel de leur culte. Il aurait paru bien tentant, selon une pédagogie missionnaire formulée déjà par saint Grégoire le Grand, mais sur laquelle on insiste particulièrement de nos jours, de transposer ces données païennes sur un mode chrétien en culte des saints, en dévotion aux âmes du purgatoire. Ainsi, nous accueillerions avec sympathie tout ce qui, dans la religion traditionnelle, contenait un élément de vérité et pouvait être considéré comme une pierre d’attente de la révélation définitive, nous permettrions à nos fidèles de s’épanouir dans un christianisme conforme à leurs tendances profondes, voire même de développer certaines richesses latentes du dogme qui attendait pour être exploitées, d’être vécues par l’âme africaine. Nous avions suggéré à nos fidèles cette possibilité dans notre enseignement. Nous les avions invités à prendre, en plus du patron dont chacun portait le nom, un saint qui serait le protecteur de leur communauté, de leur village. Nous avions composé quelques prières d’invocation aux saints, et des cantiques en leur honneur, tout spécialement à celui de la sainte Vierge, entraînés d’ailleurs par l’abondance du répertoire en ce domaine dans les recueils français. Concernant le culte des morts, nous expliquions qu’il est très louable de penser aux défunts, mais qu’aux offrandes de nourriture qu’on leur faisait devaient succéder la prière et le sacrifice de la messe à leur intention. Nous autorisions à donner aux enterrements la même solennité qu’autrefois, mais nous demandions que, dans les chants de deuils traditionnels, les cris de doute et de désespoir fassent place à des paroles où se manifesterait l’espérance chrétienne. Nos fidèles écoutaient ces leçons sans faire d’objections et exécutaient volontiers prières et chants que nous leur proposions. Mais, quand ils se sont exprimés spontanément dans les chants qu’eux-mêmes composaient, nous avons dû reconnaître que leurs aspirations ne les menaient pas toujours là où nous l’avions logiquement supposé.
            En ce qui concerne les morts, nos chrétiens ne semblent, pour le moment, guère enclins à prier pour eux. Cela nous a étonnés, mais je crois que c’est assez compréhensible. Le culte qu’ils leur adressaient dans le paganisme était déterminé par la crainte de leurs sévices. Le sentiment qui domine en eux maintenant, quand ils pensent aux morts, est probablement le soulagement de savoir qu’ils n’ont plus rien à en redouter. Il m’est arrivé, voilà déjà cinq ou six ans, de célébrer avec beaucoup de pompe un service anniversaire pour un jeune homme que nous avions baptisé peu avant sa mort. Quelques mois plus tard, sa mère, une honnête païenne, était venue me demander si elle pouvait faire les cérémonies qui, selon les traditions, devaient se dérouler vers cette époque : au cours d’un grand rassemblement de parents et d’amis, . on aurait procédé à l’immolation de poulets, puis on aurait mangé et bu joyeusement en l’honneur du défunt. Je lui ai répondu qu’elle avait parfaitement le droit d’organiser une réunion en souvenir de son enfant, mais que, puisqu’il était mort chrétien, ll convenait de remplacer le sacrifice des poulets par un autre beaucoup plus grand et plus beau, que je célèbrerais moi-même avec tous les frères de son fils dans la foi. Elle a accepté, et pour bien marquer que notre religion nouvelle ne venait pas abolir mais accomplir, j’ai été dire la messe à l’endroit même où aurait dû se dérouler la cérémonie des sacrifices de poulets, entouré de toute la communauté chrétienne. J’avais cru aller ainsi au-devant des aspirations de nos fidèles et inaugurer une liturgie des morts particulièrement adaptée. J’avais signalé la chose dans tous les villages et proposé de la renouveler dans des cas analogues. Mais personne depuis ne m’a demandé de réitérer ce geste. Personne ne m’a demandé de célébrer la messe pour un défunt.
            Les enterrements revêtent, il est vrai, pour nos chrétiens, une grande importance. Lorsque la personne décédée a un lien, si faible soit-il, avec la mission, ils se rendent en corps aux funérailles, où ils essaient de faire passer des éléments chrétiens : prières, chants, lectures, déclaration pieuses. Mais je ne vois qu’un cant qui ait été composé, d’ailleurs sur nos instances, en vue de ces cérémonies. Son rythme, sa musique, ses paroles, contrastent violemment, mais certainement à dessein, avec celles des lamentations païennes en usage. Sur un ton joyeux, presque guilleret, mais qui respire la paix, il pose dans le refrain cette question : « A notre mort allons-nous au Ciel ? » Les quatorze couplets précisent la question puis détaillent la réponse : « Allons-nous avec toi, Jésus ?... Notre esprit va-t-il avec toi ?... Nous sommes très heureux… Nous ne souffrons pas… Nous nous réjouissons beaucoup… Nous demeurons dans beaucoup de bonheur… Nous allons à beaucoup de bonheur… Nous voyons Marie notre mère… Nous voulons aller voir notre Père… Nous allons dans les mains de Dieu… Nous allons dans le bonheur… Nous allons avec toi au Ciel… Tu nous pardonnes… Je vais avec toi au Ciel. »
            Beaucoup d’autres chants sont utilisés lors des enterrements par nos chrétiens. Ce sont de préférences ceux qui évoquent la résurrection du Christ et de ses fidèles, ceux qui expriment notre désir de le rejoindre au Ciel. Les alléluias et les cris de joie ne paraissent absolument pas déplacés en la circonstance. Dès le début de la mission, un incident m’avait d’ailleurs fait sentir combien nos convertis sont soucieux de rejeter tout ce qui rappelle les lamentations païennes. Un jeune avait été baptisé en danger de mort e était décédé peu après. On m’avait demandé pour lui des funérailles chrétiennes. Quand nous sortions de l’église pour aller l’enterrer dans son village tout proche, nous avons entendu le groupe de femmes païennes restées près de sa case pousser les cris de deuil rituels. Un frisson d’indignation a secoué ceux qui m’entouraient et dont aucun n’avait reçu le baptême : « C’est un chrétien, elles ne doivent pas pleurer ! » L’un d’eux est parti en courant du côté des femmes et aussitôt elles ont fait silence jusqu’à la fin de la cérémonie.
            Pourtant, dans le répertoire des chants saras, il en existe au moins une dizaine qui, indubitablement, appartiennent au genre littéraire des lamentations de deuil. On y reconnaît les formules caractéristiques : « Nous pleurons… » - « Notre frère est mort, notre frère est mort ! » - « Nous pleurons notre frère qui est mort ! » - « Comment vais-je faire, comment vais-je faire ? » Mais celui que l’on pleure, c’est toujours Jésus, mort pour nous, mort à cause de nos fautes. Personne d’autre ne semble à nos fidèles mériter leurs larmes. Et, même dans ces chants, on trouve des appels à ne plus pleurer, mais à se réjouir à la pensée de la résurrection du Christ et du salut qu’il nous donne. Et le « Comment vais-je faire ? » qui, pour le païens, résonne dans le vide comme un aveu d’impuissance, la constatation qu’il n’y a plus de recours possible contre la mort, aucun moyen de la dominer lorsqu’elle nous écrase, trouve dans ces chants une réponse positive. Le cantique où elle s’exprime le mieux ne fait pas à proprement parler partie du répertoire de chants saras, car il a été fait en pays ngambaye à l’époque où les chrétiens saras ne se croyaient pas encore capable de composer eux-mêmes. Mais, dès qu’ils l’ont connu, ils l’ont adopté avec empressement et transposé dans leur langue. Le refrain est le classique : « Comment vais-je faire ? et les deux premiers couplet sont sur des thèmes usuels aussi, quoique le deuxième, appliqué à Dieu le Père, ne manque pas d’originalité : « Comment vais-je faire, ta mère pleure ?... comment vais-je faire, ton père pleure ?... » Avec le troisième couplet, la réponse commence à venir, et cette réponse consiste dans notre union au Christ mort et ressuscité, que nous avons déjà rencontrée dans leurs chants et qui s’exprime ici avec une simplicité stupéfiante de vigueur : « Je meurs avec toi, deux sur la Croix, je meurs avec toi deux, Jésus, je meurs avec toi, deux… Je vais avec toi, deux dans le tombeau, je vais avec toi, deux, Jésus, je vais avec toi, deux… Je suis couché avec toi, deux dans le tombeau, je suis couché avec toi deux, Jésus… Je me lève avec toi, deux dans le tombeau… Je sors avec toi, deux hors du tombeau… Je vais avec toi, deux au Ciel… »

Jacques Hallaire, Ils parleront de nouvelles langues, Christus n° 46, 1965.



jeudi 23 février 2017

LU POUR VOUS/RD CONGO - Message de l’Archevêque de à propos des actes de vandalisme contre l’Eglise

« Il y a un regain de peur, de colère, voire d’incertitude » affirme S.Em. le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, Archevêque de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, dans un Message envoyé à l’Agence Fides dans lequel il dénonce les agressions perpétrées contre l’Eglise au cours de ces derniers jours.
« Nous avons appris avec indignation, le samedi 18 février 2017 l’incendie d’une partie du Grand Séminaire de Malole par des inciviques, qui ont semé la terreur chez les sœurs carmélites voisines dudit séminaire à Kananga» écrit le Cardinal, qui rappelle également les manifestations intervenues à trois occasions – les 7, 10 et 11 février, en face de l’Archevêché de Kinshasa de la part de groupes de jeunes, « créant ainsi une atmosphère de panique ».
A ces épisodes a fait suite la profanation de la Paroisse Saint Dominique de Limete de la part d’une « vingtaine de jeunes gens mal intentionnés » qui ont « renversé le tabernacle, l’autel a été sérieusement saccagé, des bancs ont été cassés, jusqu’à vouloir incendier l’église. Le dégât matériel est important. La communauté des Pères Oblats (…) n’a pas été épargnée ».
Le Cardinal fait le lien entre ces faits et la tentative de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO) de jouer un rôle de médiation dans l’application des accords de la Saint Sylvestre et dans la recherche d’un Premier Ministre qui conduise un gouvernement d’unité nationale comme prévu par les accords précités.
« La CENCO ne joue qu'un rôle de médiateur – rappelle le Cardinal. Il appartient aux hommes politiques de reconnaître avec humilité, devant la nation et la communauté internationale, leur velléité politique et la turpitude de leurs choix nombrilistes qui conduisent à l'impasse ou au blocage des institutions. Ils en assumeront la responsabilité devant l'histoire ».

Après avoir sollicité des autorités la protection des biens de l’Eglise contre d’éventuels nouveaux actes de vandalisme, le Cardinal conclut en faisant mémoire d’Etienne Tshisekedi, le responsable historique de l’opposition, mort récemment qui a combattu jusqu’au bout pour donner à la RDC une « paix durable dans la justice ». (L.M.) (Agence Fides 21/02/2017)

jeudi 16 février 2017

LU POUR VOUS/DE LA CORRUPTION DU PRINCIPE DE LA DEMOCRATIE Par Montesquieu

            (La lecture de Montesquieu est toujours d’actualité ; pour s’en convaincre, il suffit de lire l’Esprit des Lois. Toute ressemblance avec les personnalités que nous connaissons ou ce que nous vivons n’est que fortuit.)
Le principe de la démocratie se corrompt, non seulement lorsqu’on perd l’esprit d’égalité, mais encore quand on prend l’esprit d’égalité extrême, et que chacun veut être égal à ceux qu’il choisit pour lui commander. Pour lors le peuple, ne pouvant souffrir le pouvoir même qu’il confie, veut tout faire par lui-même, délibérer pour le sénat, exécuter pour les magistrats, et dépouiller tous les juges.
            Il ne peut plus y avoir de vertu dans la république. Le peuple veut faire les fonctions de magistrats : on ne les respecte donc plus. Les délibérations du sénat n’ont plus de poids : on n’a plus d’égards pour les sénateurs, et par conséquent pour les vieillards. Que si l’on n’a pas du respect pour les vieillards, on n’en aura pas non plus pour les pères ; les maris ne méritent pas plus de déférence, ni les maîtres plus de soumission. Tout le monde parviendra à aimer ce libertinage : la gêne du commandement fatiguera, comme celle de l’obéissance. Les femmes, les enfants, les esclaves n’auront de soumission pour personne. Il n’y aura plus de mœurs, plus d’amour de l’ordre, enfin plus de vertu.
            On voit dans le Banquet de Xénophon une peinture bien naïve d’une république où l » peuple a abusé de l’égalité. Chaque convive donne à son tour la raison pourquoi il est content de lui. « Je suis content de moi, dit Charmidès, à cause de ma pauvreté. Quand j’étais riche, j’étais obligé de faire ma cour aux calomniateurs, sachant vie que j’étais plus en état de recevoir du mal d’eux que de leur en faire ; la république me demandait toujours quelque nouvelle somme ; je ne pouvais m’absenter. Depuis que je suis pauvre, j’ai acquis de l’autorité ; personne ne me menace, je menace les autres ; je puis m’en aller ou rester. Déjà les riches se lèvent de leur place et me cèdent le pas. Je suis un roi, j’étais esclave ; je payais un tribut à la république, aujourd’hui elle me nourrit ; je ne crains plus de perdre, j’espère d’acquérir.
            Le peuple tombe dans ce malheur, lorsque ceux à qui il se confie, voulant cacher leur propre corruption, cherchent à corrompre. Pour qu’il ne voie pas leur ambition, ils ne lui parlent que de sa grandeur ; pour qu’ils n’aperçoivent pas leur avarice, ils flattent sans cesse la sienne.
            La corruption augmentera parmi les corrupteurs, et elle augmentera parmi ceux qui sont déjà corrompus. Le peuple se distribuera tous les deniers publics ; et comme il aura joint à sa paresse la gestion des affaires, il voudra joindre à sa pauvreté les amusements du luxe. Mais avec sa paresse et son luxe, il n’y aura que le trésor public qui puisse être un objet pour lui.
            Il ne faudra pas s’étonner si l’on voit les suffrages se donner pour de l’argent. On ne peut donner beaucoup au peuple, sans retirer encore plus de lui ; mais, pour retirer de lui, il faut renverser l’Etat. Plus il paraîtra tirer d’avantage de sa liberté, plus il s’approchera du moment où il doit la perdre. Il se forme de petits tyrans qui ont tous les vices d’un seul. Bientôt, ce qui reste de liberté devient insupportable ; un seul tyran s’élève ; et le peuple perd tout, jusqu’aux avantages de sa corruption.
            La démocratie a donc deux excès à éviter : l’esprit d’inégalité, qui la mène à l’aristocratie, ou le gouvernement d’un seul ; et l’esprit d’égalité extrême, qui la conduit au despotisme d’un seul, comme le despotisme d’un seul finit pas la conquête.
(Montesquieu (Charles-Louis DE SECONDAT) , L’Esprit des lois, Livre VIII,2)


lundi 13 février 2017

LU POUR VOUS/TCHAD - Désinfestation et potabilisation d’urgence de l’eau dans le cadre d’une épidémie d’hépatite E

            Une épidémie d’hépatite E se diffuse actuellement à Am Timan, dans la région sud orientale du Salamat, au Tchad. C’est ce que déclare l’ONG Médecins sans frontières (MSF) qui avait déjà identifié le premier cas en septembre 2016. Depuis lors, l’ONG a traité 885 patients présentant des symptômes d’insuffisance hépatique aigue et les chiffres augmentent de quelques 60 nouveaux cas chaque semaine.
L’hépatite E se transmet de personne à personne, souvent au travers de la consommation d’eau et d’aliments contaminés par les selles de personnes infectées par le virus. Par conséquent, le risque d’épidémie est plus grand là où l’accès à l’eau propre est limité. Actuellement, plus de 600 opérateurs de MSF travaillent pour identifier les nouveaux cas, traiter les patients et améliorer les réserves en eau et les conditions sanitaires à Am-Timan. Parmi les actions entreprises, se trouve le traitement à base de chlore des châteaux d’eau de la ville. La potabilisation de l’eau constitue en effet un élément fondamental de la réponse d’urgence pour prévenir la diffusion de maladies transmises par l’eau, telles que l’hépatite E. Outre à fournir des services médicaux près l’hôpital d’Am-Timan, MSF a lancé une campagne de grande ampleur pour désinfecter les vasques de 72 points pour la distribution de l’eau dans la ville. L’équipe de MSF tient en outre des sessions d’information afin d’expliquer l’importance de se laver les mains au savon et d’utiliser toujours de l’eau chlorée. Une intervention plus consistante est urgente en particulier s’agissant des secteurs de l’eau et de l’hygiène. (AP) (Agence Fides 13/02/2017)