mercredi 29 octobre 2014

Afrique : Si j'étais burkinabé (par Pascal Djimoguinan)



            Au Burkina Faso, un pays de l’Afrique de l’Ouest, un projet de réforme de la constitution sera examiné le jeudi 30 octobre par le parlement pour permettre à Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, de briguer un nouveau mandat. La population reste très mobilisée contre ce projet. Après une manifestation des femmes le lundi 27 octobre, des centaines de milliers de personnes ont déferlé mardi à Ouagadougou. Cela certains témoins, ce une véritable marée humaine qui a envahi la place de la Nation pour dire non à la modification de la constitution.
            Rien n’indique que cette mobilisation va baisser et l’on s’attend à ce que la situation se dégrade davantage si la sagesse ne pousse pas Blaise Compaoré à changer son plan.
            Si j’étais burkinabé, je prendrais conscience que je suis en train de vivre un moment historique. Le peuple qui, comme un seul homme se met debout pour défendre ses droits.
            Si j’étais burkinabé, je prendrais conscience que le peuple ensemble est une force que même le fusil ne peut soumettre.
            Si j’étais burkinabé, je me prendrais conscience qu’après le printemps arabe, peut-être que le printemps de karité est en train de se mettre en place.


            Et l’Afrique longtemps endormie se réveille dans ce pays. Qui ne se rappelle Sankara ? Qui ne se rappelle comment les jeunes de tout le continent ont été attirés par son exemple ? Aujourd’hui, le Burkina reprend sa place de locomotive. Les jeunes voient de partout et l’on sait que partout, plus rien ne sera comme avant. Le destin des peuples tient quelquefois à la conscience qu’un groupe a de ses droits. Demain, la liberté se lèvera et parcourra le continent africain.
            Il y a certainement des jeunes qui ne sauront pas lire le signe des temps et rateront le train qui les mènera au rendez-vous de l’avenir!




mardi 28 octobre 2014

Sarh, ville où les piétons sont rois (par Pascal Djimoguinan)



            Comme de bons citoyens, nous avons cru quand les autorités nous disaient qu’il n’y aura pas de pénurie de carburant et que les réserves de sécurité ont été faites. Comme de bons citoyens, nous avons cru que les longues queues devant les stations-services n’étaient qu’éphémères. Un mois après, force nous est de constater que la situation ne s’est pas du tout améliorée ; au contraire, elle s’est détériorée au point où l’on se demande s’il est encore possible que les activités se déroulent normalement. La ville de Sarh est arrivée au bout du supportable.
            Un état des lieux. Quels sont les prix officiels du carburant à Sarh ? Un simple passage dans les stations-services peut nous aider à répondre à cette question. Le litre du super est à 525frs, le gazole est à 570frs mais ça, c’est le langage officiel. Dans la matinée, on voit de longues files s’aligner jusqu’à plus de 100 mètres des stations, essayant d’avoir quelques litres de carburant. En fait tout est rationné. Pour éviter que le carburant ne soit revendu par la suite, il y a un quota de 20 litres par voitures et 5 litres par moto. Vers la fin de la matinée, les stations-services ferment.
            Au quartier, il y a un commerce occulte, véritable trafic fait par de vrais maffiosi. Vous ne trouverez nulle part du carburant chez les vendeurs ; officiellement ils n’en ont pas.
            Pourtant certaines personnes savent où se le procurer. Il y a alors une flambée de prix. Le super se vend entre 4000 francs et 5000 francs, le gazole entre 1500 et 2000francs.
            Comme le carburant est rare, le nombre de motos taxis a considérablement diminué. Il est très rare d’en trouver et si par chance on en trouve, le prix de la course varie entre 1500 francs et 2000 francs.
            La population sarhoise a renoué avec la marche. Partout, on voit des files de piétons qui colonisent les rues dégarnies de motos taxis. Des foules de personnes parcourent des kilomètres pour se rendre soit aux lieux du travail, soit à l’école. Les plus nantis se sont procuré des bicyclettes.
            Des rumeurs de débrayages courent et certains établissements ont même déjà arrêté les cours. L’argument en vaut la peine. Pour pouvoir travailler, il faut pouvoir se rendre sur les lieux, or pour le moment, par manque de carburant, il est quasi impossible de le faire.
            Les autorités de la place semblent pour le moment être dépassées par les événements. Pourront-elles mieux réagir dans les jours à venir ? L’avenir nous le dira mais rien n’est moins sûr quand on voit l’incurie des autorités ces jours-ci !




lundi 27 octobre 2014

Le pinson et le margouillat (par Pascal Djimoguinan)



(Ceci est un conte didactique ; au temps où la télévision n’existait pas encore, l’éducation à la vie et à l’amour se faisait au sud du Tchad avec ce conte qui avait un très grand succès auprès de jeunes et moins jeunes)
            A l’heure où la saison sèche tire à sa fin et que les signes annonciateurs de la saison de pluies apparaissent, Pinson (petit oiseau appelé dans les langues sara Titi) dit au margouillat : « Allons chercher la paille pour construire nos maisons car la pluie sera bientôt là. » Le margouillat lui répondit : « Je n’ai pas de problème pour trouver un endroit pour dormir. Je dors quelquefois dans un trou en brousse, quelquefois dans le creux d’un arbre mort. Pourquoi me peiner à couper la paille en brousse pour faire les toits ? »
            Le pinson (Titi) alla seule couper la paille pour refaire sa case. La saison de pluies arriva et il tomba une forte pluie. La margouillat courut vers les trous en brousse mais tous étaient pleins d’eau. Il courut vers le creux de l’arbre mais là également il y avait de l’eau.
            Le margouillat courut alors chez Pinson (Titi) et lui dit : « Donne-moi quelques coups de ta spatule sur mon pouce et laisse-moi entrer chez toi : la pluie me mouille et je suis tout transi ».
            Titi donna quelques coups de spatule sur le pouce du margouillat et le laissa entrer dans sa case. « Titi, titi, dit le margouillat, donne-moi quelques coups de ta spatule sur mon pouce et laisse-moi monter sur ton lit pour que nous fassions l’amour. » Le margouillat monta sur le lit et l’embourra. Titi lui donna quelques coups de sa spatule sur le pouce pour le faire descendre mais le verge du margouillat resta coupée dans son vagin.
            Le matin, le margouillat sortit et se rendit aux champs. Titi appela un de ses enfants et lui dit : « Apporte-moi le poinçon pour que je retire un morceau de corde. » Elle retira la verge du margouillat de son vagin et rendit le poinçon à l’enfant. Puis elle le fit cuire et en fit une sauce qu’elle déposa sur un meuble tout près de la case.
            Elle dit à ses enfants : « Si à son retour, le margouillat vous invite à manger avec lui, dites-lui que vous avez déjà mangé avec moi et que vous n’avez plus faim. »
            Le margouillat, à son retour des chams, invita les enfants à manger avec lui mais tous suivirent la consigne laissée par leur mère. Il mangea donc seul ; il alla ensuite sur la place du village pour danser car il y avait un sacrifice de levée de deuil au village.
            Le margouillat se mit à chanter : « motoum nagni moud titi-t ! motoum nagni moud titi-t ! Mon zizi est resté dans le vagin de titi ! Mon zizi est resté dans le vagin de titi ! »
            Les gens dansèrent jusque tard dans la nuit. Titi sorti du cercle pour danser et se mit à chanter : « mkoul gui-nd moti madi hon ! mkoul ngui-ndi moti madi hon !  Ton bout de zizi, j’en ai fait la sauce longue que tu as savourée ! Ton bout de zizi, j’en ai fait la sauce longue que tu as savourée ! »
            C’est depuis ce temps que l’homme doit construire sa propre case quand il veut se marier.


Afrique : Boko Haram continue son théâtre de mauvais goût (par Pascal Djimoguinan)



            Ce dimanche 26 octobre, les mauvaises nouvelles venant du Nigéria continuent de tomber : Trente adolescents, garçons et filles (tous les garçons de 13 ans et plus et toutes les filles de 11 ans et plus) ont été enlevés par les islamistes présumés dans un village de l’Etat du Borno, dans le Nord-est du nigeria. Qu’est-ce que des adolescents ont à faire dans cette guerre des adultes ?
            Il y a une semaine de cela, à grands renforts campagnes publicitaires, les autorités nigériane et tchadienne une trêve avec Boko Haram. Personne n’y croyait mais cela laissait tout de même une lueur d’espoir. Maintenant, les événements viennent confirmer les craintes des sceptiques. Les enlèvements d’enfants s’accompagnent d’intenses combats. Selon des responsables locaux,  de nombreux habitants ont fuis les attaques islamistes en direction de Maiduguri, de peur d’être tués ou de perdre leurs enfants.
            Pourquoi les enfants, garçons et filles se trouvent mêlés dans une guerre qui ne les regarde pas ? Les filles sont sans doute enlevées pour servir d’esclaves sexuelles et les garçons pour servir de chair à canon dans cette barbarie qui n’est même pas digne du Moyen-Age.
            Il faut se demander si les islamistes de Boko Haram combattent pour une idée, une religion ou est-ce une fuite en avant vers le chaos. On a du mal à s’imaginer que derrière cette boucherie et cette barbarie se trouve quelque chose de sensé.
            Ceux qui pensaient qu’il était possible de négocier avec Boko Haram n’ont qu’à se rendre à l’évidence. Boko Haram ne cherche pas la paix ; cette secte recherche l’anarchie pour pouvoir continuer sa basse besogne dans la sous-région. Lorsqu’un groupe est incapable de respecter des enfants, il lui est impossible d’envisager l’avenir.
            Désormais que les autorités cherchent les moyens pour éradiquer cette secte. C’est la seule solution si l’on veut sauver la religion et la civilisation. C’est la seule solution si l’on veut sauver des enfants, si l’on veut éviter que de jeunes filles ne continuent d’être violées.
            Boko Haram ne combat pas pour la religion. Que cela soit clair pour ceux qui voudraient encore les défendre.