mercredi 23 février 2022

TCHAD: Lettre de Monseigneur Miguel Angel Sebastian aux chrétiens du diocèse de Sarh

A tous les fidèles de l’Eglise Famille de Dieu en mission Chers frères et sœurs, Nous sommes encore sous le choc de ce qui s’est passé à SANDANA, paroisse de Koumogo, le 9 février dernier. Dans ma déclaration publique du 11 février j’ai demandé à la population de Sandana, comme je l’ai déjà fait d’autres fois, de porter plainte devant la justice après leur deuil. Nous ne pouvons pas rester indifférents devant les injustices qui se succèdent sur le territoire de notre diocèse. Nous devons réagir et l’une des formes de réactions est celle de chercher la justice. L’exemple de Jésus et la Doctrine Sociale de l’Eglise catholique nous demandent, non pas d’utiliser la violence mais de travailler pour la Justice et la Paix. La violence pousse à la violence et on entre dans un cercle dont on ne peut pas connaître les conséquences. Mais il y a d’autres manières de chercher la Justice, en particulier avec des paroles et des gestes prophétiques, avec des actes de non-violence active. Je suis sûr que vous tous avez déjà prié pour les personnes tuées mais je pense que nous devons aussi faire une grande prière de toute l’Eglise diocésaine le même jour partout : dans nos paroisses, secteurs et villages. Pour cela je demande aux curés que toutes les eucharisties du dimanche 27 février soient célébrées en communion avec nos frères et sœurs de Sandana et de la paroisse de Koumogo pour le repos éternel des morts. Nous ajouterons à la prière un geste de solidarité avec eux. Je demande donc à tous les curés de faire de la quête de ce dimanche une quête impérée, au centre de la paroisse comme dans les secteurs. L’argent de la quête sera envoyé, sans tarder, à la Procure diocésaine, comme on le fait avec les campagnes missionnaires. Que le Dieu miséricordieux ait pitié de leur âme et nous accorde à tous la paix dans nos cœurs, dans nos familles, villages et villes. Qu’Il vous bénisse ! Votre évêque, Miguel

lundi 21 février 2022

SANDANA (par Pascal Djimoguinan)

Pays de Cocagne, Terre de prospérité, L’Eldorado, Tes ancêtres sont partis chercher l’abondance, Fruit du travail de leurs bras vigoureux. Ils désiraient pour toi un avenir radieux dans ce havre de paix ! Or voici que cette richesse va t’attirer des ennuis. Ce 9 février fatidique, 12 de tes fils ont connu la passion Abattus parce qu’ils étaient des paysans Si quelqu’un connait un accident qui lui est fatal, on peut le pleurer Mais calomnier tout un village pour exécuter douze personnes Douze créatures de Dieu, victimes innocentes dans un carnage digne des westerns. Ce ne serait qu’un simple film d’horreur, avec Django, Sartana, Trinita etc. S’il n’y avait eu de victimes Holocauste de Bendana Mais quel dieu peut être aussi cruel pour accepter pareil sacrifice ? Un crime gratuit qui ne montre que la méchanceté humaine. Et vous dormez désormais dans votre cimetière Mais nous ne vous oublierons pas. Vous restez à jamais vivants dans nos cœurs et la justice vous sera rendue.

dimanche 13 février 2022

TCHAD: DECLARATION DE L'EVEQUE DE SARH SUR LES EVENEMENTS DE SANDANA

Suite à la mort tragique de 11 hommes adultes aux alentours du village Sandana, canton et sous-préfecture de Koumogo, et en tant que leader religieux, je ne peux pas garder silence. Pour cela, je fais cette déclaration à travers les ondes de radio Lotiko. 1. Avant tout, je condamne cette tuerie avec ma plus grande fermeté. Et je présente mes sincères condoléances aux familles éplorées, sans oublier celle de l’accidenté. Je pense en particulier aux femmes qui, une fois de plus, pleurent la mort de leur mari, fils, petit-fils. Les femmes connaissent bien la grande valeur de la vie puisque ce sont elles qui nous la donnent et aussi la gravité de la mort. Je me rappelle avec émotion des femmes qui ont marché à Koumogo, il y a deux ans, les mains sur la tête pour manifester leur ras-le-bol à cause de tant de morts survenus à Sandana et autres villages. 2. Je condamne aussi avec la même fermeté cette énième agression avec des armes à feu, toujours par le même groupe de personnes. Les plus hautes autorités de l’Etat, depuis plusieurs années, ont interdit le port d’armes de guerre par les civils. Jusqu’à aujourd’hui ces armes sont toujours entre les mains de civils, en particulier chez certains éleveurs. 3. Je prie les autorités administratives d’aller jusqu’au bout dans la recherches des criminels pour les traduite en justice. Un conflit qui n’est pas bien réglé risque de rebondir plus tard et de manière encore plus grave, comme c’est le cas de ce 9 février à Sandana. Les autorités devraient laisser parler les gens, écouter ce qu’il y a dans leur ventre, autrement ils resteront frustrés. 4. Pour finir et comme je l’ai déjà dit souvent, aussi à Koumogo, je conseille aux familles qui ont perdu l’un de leur de porter plainte auprès des autorités judiciaires lorsque elles auront fait leur deuil. Porter plainte est le droit de chaque citoyen, exercez donc votre droit ! Dès mercredi soir je suis en contact avec le curé de Koumogo, Abbé Blaise, qui est à Sandana au milieu de vous en ces circonstances si tristes. Il est mon représentant dans cette partie de notre diocèse. Sa présence au milieu de vous, chers frères et sœurs, est comme ma présence aussi. Je suis en communion spirituelle avec vous tous et je continue à prier pour que le Dieu de miséricorde et de bonté donne le repos éternel à tous les morts. Qu’il nous donne aussi, à chacun de nous, des sentiments d’amour, de pardon et de justice pour que dans nos Provinces ces événements sanglants terminent d’une fois pour toutes. Que Dieu vous bénisse !

vendredi 11 février 2022

Tchad : Pays à double vitesse ? (par Pascal Djimoguinan)

Laissez-moi crier ma hargne ! Comment puis-je me taire quand on tue impunément de paisibles paysans dans leur village. Comment puis-je me taire quand d’un côté on parle de République et que de l’autre des hommes plus que citoyens organisent des battues pour abattre ceux qu’ils estiment être de la basse classe et sans droit ? Comment puis-je accepter d’entendre parler de dialogue national inclusif s’il ne s’agit que d’une rencontre entre des nantis, ayant tous les droits et qui ne se soucient pas d’une frange de la population qu’on laisse dans les ghettos du Tchad ? Est-ce possible de parler d’un Tchad des citoyens s’il n’y a pas d’égalité entre les populations et que l’Etat est incapable de garantir la sécurité des plus faibles ? Non, nous, au sud du Tchad, nous n’avons ni armes, ni droit, ni rien du tout. Nous sommes réduits à une vie de misère, ne vivant que des restes que d’’autres nous jettent d’un air méprisant. A peine sommes-nous un peu plus que les chiens, mais les vaches ont plus de valeur que nous. Peut-on parler de démocratie si nous sommes muselés et que nous ne pouvons qu’attendre comme une grâce qu’on nous crie « Kirdis » ? En fait, nous sommes des proies pour des prédateurs de toutes sortes, qu’aucune loi ne puisse nous protéger. Des faits ? asseyez-vous et écoutez-moi ; je vais énoncer des faits dans leur crudité, sans détour et sans commentaires : - Mercredi 09 février : dans la soirée, un éleveur fait un accident sur sa moto et décède suites aux chocs. - Jeudi 10 février : Les éleveurs du ferrick d’où vient l’accidenté, viennent au village voisin, SANDANA, accuser les villageois d’avoir tué leur frère. Avec leurs armes à feu, ils tirent en l’air. La population paniquée fuit vers la brousse. Les éleveurs armés les suivent, et le carnage peut commencer. Les villageois sont abattus comme des lapins de garenne. A la fin, on peut compter 11 morts. Parmi les morts, on peut compter le correspondant d’une radio communautaire qui rendait compte des exactions qui se faisaient dans le village. Des indices montrent que ce sont des exécutions sommaires. Seuls les hommes sont tués. Le journaliste est tué pour faire taire la vérité. Et pendant ce temps, la population matée se tait. Tout le Moyen Chari maté se tait. Tout le sud du Tchad maté se tait. Toute la population tchadienne éprise de justice, matée se tait. Pourquoi parler ? N’est-ce pas qu’un fait divers puisque c’est tous les jours que cela se passe dans cette partie du pays ? Trop c’est trop ! N’y aura-t-il pas justice ? Le territoire tchadien appartient à tous les tchadiens mais si certains nouveaux arrivants sont incapables de cohabiter, ils doivent aller ailleurs. C’est la seule solution. Que la justice soit fait et que le ferrick se déplace. Une vérité de la Palice : on ne peut pas faire de dialogue national inclusif si une partie de la population est considérée comme inférieure, donc des non-citoyens.

lundi 7 février 2022

Tchad : Etat civil, une fraude rampante et persistante (par Pascal Djimoguinan)

L’état civil est défini comme la condition des individus en ce qui touche les relations de famille, la naissance, le mariage, le décès, etc. Il en ressort que c’est par l’état civil que l’on peut identifier une personne, puisqu’il fournit le nom, le prénom, le sexe, la date et le lieu de naissance, la filiation, la nationalité, la date et le lieu du décès, etc. Cela signifie que l’acte qui est produit par l’état civil doit être fiable et ne peut souffrir de changement sur un simple coup de tête. Si jamais il y a un problème majeur qui se pose et qu’il faille faire un changement, il faut passer par un tribunal qui, seul peut établir un jugement supplétif qui est une décision pour remplacer un acte authentique parce qu’il y a un problème ou parce qu’il a été détruit (incendie, guerre, etc.) Ce qui se passe actuellement dans beaucoup d’endroits au Tchad est une fraude qui doit être punie. Il se trouve que beaucoup de jeunes qui arrivent dans les classes d’examens vont se faire établir un acte de naissance avec une autre date naissance que la leur. Beaucoup composent donc avec de faux actes de naissance puisque établis sans tenir compte de la procédure. Ces personnes ont donc deux états civils. Un sérieux travail devrait être fait, notamment dans les centres qui ont habilité à établir les actes de naissance. Il suffit aujourd’hui que quelqu’un se présente dans un centre d’état civil pour établir un acte naissance sans qu’on prenne le temps de vérifications préalables. Une véritable réflexion doit commencer si nous voulons que les papiers officiels aient de la valeur, aussi bien ici qu’à l’étranger.