La sorcellerie, une
nébuleuse dans laquelle viennent s’engouffrer tous les fantasmes. Comprend-on
la même chose quand on parle de la sorcellerie lorsqu’on est africain ou non
africain ? Homme d’église ou non, anthropologue ou psychologue ? Que
peut-on penser de ce phénomène ? Est-ce un lourd boulet que l’Afrique
traîne et qui l’empêche de s’engager résolument vers le progrès où est-ce une
ouverture vers l’esprit scientifique ?
Lorsqu’on parle de la sorcellerie, on se situe d’emblée
dans le domaine de ce que tout africain qualifierait de mystique. Le sorcier
est celui qui dispose d’une certaine force qui lui permet d’être en contact
avec un monde auquel les autres ne peuvent avoir directement accès. Il possèderait
ainsi des pouvoirs surnaturels.
Avoir accès à un monde surnaturel comporte des dangers.
On ne saurait sortir de sa nature sans payer quelque chose en retour, aussi
cela comporte des sacrifices de toute sorte. La question principale est de
savoir si la sorcellerie a le choix entre le bien et le mal.
Je me propose, à partir de l’aire culturelle à laquelle j’appartiens
et qui correspond au Sud du Tchad, d’apporter une précision de taille. Si n’importe
qui ne peut accéder au monde surnaturel, il y a deux groupes de personnes qui
le peuvent.
Il y a d’un côté, ceux qui
le font dans le but de soigner et de protéger les membres de leurs sociétés. Il
s’agit des guérisseurs reconnus comme tels par la tradition. De l’autre, il y
aurait ceux qui le font dans le but de nuire aux autres et de protéger leurs
intérêts égoïstes ; ce sont ceux-là qui sont des sorciers. Dans l’aire
culturelle dont il est question, la sorcellerie a toujours une connotation
négative.
Il est difficile de dire si les sorciers possèdent
vraiment les pouvoirs qu’on leur donne. Il faut cependant être très prudent
dans les affirmations que l’on pourrait faire à ce sujet et cela pour plusieurs
raisons :
- D’abord, nous connaissons
la force que la persuasion à sur l’esprit humain ; pour une personne qui a
grandi dans une société où tout le monde croit à la sorcellerie, cette personne
aura vraiment du mal à se convaincre de l’inefficacité de la sorcellerie.
- Ensuite, le mal existe
réellement, aussi bien sous ses formes d’égoïsme, de jalousie, de méchanceté,
de vengeance ou perversion que sous la forme de corporation avec certaines
forces nuisibles dans le but de nuire aux autres.
- Enfin, sans être
exhaustif, il y a dans toute société, un mécanisme pour réguler la violence, dans
le sens du développement qu’en a fait René Girard. Ce serait alors pour la
société une espèce de soupape de sûreté qui permet, en accumulant toute la
colère d’une communauté contre une personne ou un groupe de personnes, de libérer
l’énergie nécessaire à la bonne marche du reste de la communauté.
On se méfie de tout ce qui sort de l’ordinaire, plus
particulièrement de tout ce qui touche à la liminalité. La sorcellerie est à
rapprocher de ce que les grecs appelaient pharmakon qui pouvait, avec une
certaine ambiguïté, signifier aussi bien remède, drogue, philtre que poison ou
venin.
La sorcellerie traine trop de casseroles pour être un facteur de développement
en Afrique. Il suffit de voir toute la
justice populaire et toute la peur qu’elle suscite ainsi que tous les problèmes
de droits humains qu’elle implique. La sorcellerie est pour l’Afrique le grain
de sable qui empêche que les mécanismes du développement se mettent en marche;
elle est ce qui paralyse toute la société.
Merci pour le partage que tu fais sur ton blog. Il est vrai que meme si la sorcellerie existe, sous nos cieux beaucoup de choses qui pourraient trouver des explications rationnelles sont mises a son compte et cela empeche les un et les autres a aspirer a de meilleurs conditions de vie (developpement).
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