mardi 30 avril 2013

Quelle éducation pour l'Afrique aujourd'hui (par Pascal Djimoguinan)


Parmi les indices de développement, on compte l’éducation. Si on constate qu’il y a un progrès dans les chiffres sur le plan de l’éducation en Afrique, il faut se demander quel type d’enseignement on a besoin.

                Un constat dans les grandes villes en Afrique Francophone est la multiplication des écoles ; le nombre d’écoles ne fait qu’augmenter ; d’emblée on pourrait se réjouir car un grand nombre de jeunes peut facilement trouver un établissement pour étudier.

                Le problème qui se pose est que ces établissements se multiplient souvent de manière anarchique, sans que les ministères de tutelles n’arrivent à les contrôler.  La plupart de ces établissements ne sont conformes aux normes en vigueur et les élèves n’y vont que pour tuer le temps. Pour un grand nombre parmi les fondateurs d’écoles, c’est un moyen comme un autre pour se faire de l’argent. Il s’agira donc d’avoir le plus grand nombre possible d’étudiants dans son établissement et faire ainsi le plus grand bénéfice possible. Les professeurs sont tenus d’être compréhensibles pour les notes. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de voir les pourcentages d’échec augmenter d’année en année. Il ne s’agit pas tant de mauvais élèves que de la qualité de l’éducation qui leur est donnée.

                Il est temps que l’éducation nationale soit pour stricte dans ses critères d’ouverture d’écoles privées. Il faudrait que les étudiants puissent trouver des établissements performants où ils puissent préparer leur avenir avec sérieux.

                Une fois  qu’on aura répondu à cette urgence, il faudra se pencher sur le programme qui est proposé. L’école telle qu’elle est conçue aujourd’hui répond-elle aux besoins de l’Afrique ? L’enseignement n’est-il pas trop général et n’y a-t-il pas trop peu de places pour l’enseignement technique ? Ne faudrait-il pas former davantage de cadres moyens ?

                L’avenir de l’Afrique dépend de son système éducatif actuel. Il nous faut donc prendre l’enseignement au sérieux afin que les jeunes d’aujourd’hui puissent devenir des acteurs du développement.

lundi 29 avril 2013

Aujourd’hui, l’Afrique commence à Bangui ! (par Pascal Djimoguinan)


La situation sécuritaire est toujours chaotique à Bangui. Il n’est pas possible de savoir ce qui se passe exactement dans l’arrière-pays. Rien ne semble solide mais il faudrait que les partenaires tendent la main pour éviter que tout s’effondre.

            Le premier ministre Nicolas Tchiangaye vient de rentrer après un périple d’une semaine en Europe et en Afrique du Sud. L’Europe semble réticente à donner un blanc-seing à la Centrafrique, or les caisses de l’Etat sont vides. Les fonctionnaires n’ont pas été payés en mars et nous sommes déjà à la fin du mois d’avril.

            Sans argent, la population ne peut ni se soigner, ni se nourrir. Plusieurs personnes ont été pillées et ont en fait tout perdu. Quel est l’avenir immédiat ?

            Si l’Europe hésite à donner sa reconnaissance aux auteurs du coup d’Etat, la grande question est de savoir comment éviter que ce soient les populations qui souffrent des effets collatéraux de cette prise de position ? Il faut éviter de basculer vers le pire.

            Une réunion est prévue le 3 mai pour trouver des fonds pour la Centrafrique. Tous les regards sont tournés vers cette rencontre. Que faut-il attendre de cette réunion. La République Centrafricaine meurt à petit feu mais personne ne se presse à son chevet.

            A tous les Africains de bonne volonté, faites quelque chose pour la RCA. Aujourd’hui, l’Afrique commence à Bangui !

dimanche 28 avril 2013

Violence faite aux femmes en Afrique : une tragédie qui se banalise ! (par Pascal Djimoguinan)


Lorsqu’on parle avec la plupart des africains, leur maman est la personne pour qui ils seraient prêts à tout pour la protéger. Ce qui est curieux, c’est que cette protection ne semble pas s’étendre à d’autres femmes. On se rend compte au contraire qu’il y a la violence faite aux femmes est vue ordinairement comme normale. Pourquoi cette attitude qu’on pourrait appeler bizarre ? N’y a-t-il pas là une urgence pour toute l’Afrique ?

            Beaucoup d’hommes en Afrique s’imaginent que battre sa femme est la meilleure façon de régler les problèmes. On est même surpris de voir cette conception ne se réduit pas à la population qui se trouve au bas de l’échelle sociale. Même les élites utilisent la correction corporelle pour résoudre les problèmes conjugaux.

            La tradition n’aidera pas beaucoup à résoudre ce problème parce que dans certains endroits en Afrique, on pense même que battre sa femme est signe d’amour. Evidemment, ce sont les hommes qui le disent sans un brin d’humour, avec le plus grand sérieux.

            Il est temps de se demander si la violence est un moyen normal pour régler des problèmes entre les adultes. N’est-ce pas toujours signe que la raison a échoué ? Pouvons-nous dire que face aux femmes, les hommes perdent souvent la raison, au point d’user de leurs muscles pour résoudre les problèmes ?

            Il est temps de prendre conscience que la femme n’est pas faite pour être battue. Aucune personne ne devrait être battue. La femme devrait être prise pour ce qu’elle est en réalité : une partenaire de l’homme. Il faudra accepter que la femme est l’égale de l’homme et lui laisser prendre sa place dans la construction du continent.

            Si nous n’avons parlé que de la violence dans le foyer (violence qui peut être aussi bien physique que verbale), cela ne représente que la partie visible de l’iceberg. Cette violence est beaucoup plus pernicieuse ; il faudrait la traquer jusque ses plus petits retranchements et l’extirper afin d’assainir la société. Non seulement il faudra arrêter les défauts traditionnels comme l’excision mais il faudra aider la femme à avoir son indépendance économique et lui ouvrir les portes à l’éducation au même titre que les hommes.

            En Afrique, nous devons prendre conscience qu’une société qui ne prend pas soin de ses membres les plus faibles n’a pas d’avenir. La force d’une chaîne est égale à celle de son maillon le plus faible.

            Il est temps pour tout africain de se pencher sur le problème de la violence faite aux femmes. Chacun peut faire quelque chose, ne serait-ce que de donner un coup de pouce afin qu’aucune femme ne soit plus jamais battue, afin que toutes les femmes soient respectées comme des personnes humaines. A nous de relever ce défi !

samedi 27 avril 2013

La solidarité africaine en question (par Pascal Djimoguinan)


            Dans tous les discours à propos des valeurs, on fait toujours l’éloge de la solidarité africaine. On en fait une panacée qu’on voudrait exporter sur tous les autres continents. Qu’en est-il réellement de cette valeur et devrait-elle être gardée comme telle ?
            Un bref rappel du cadre dans lequel cette solidarité a vu le jour pourrait nous aider à mieux la cerner. En effet, elle est née dans le cadre de la vie villageoise traditionnelle. L’éducation se faisait par classes d’âge. Toutes les personnes de la même génération se devaient donc assistance. Cette assistance s’étendait à toutes les activités de la vie villageoise (travaux champêtres, construction des cases, la chasse, pêche…). Entre les différentes générations, il existait également un devoir d’assistance. Ainsi, la société villageoise pouvait assister ses membres les plus faibles (les vieillards, les malades et les plus jeunes) et l’éducation être l’œuvre de toute la communauté. Il s’agissait d’une espèce de sécurité sociale qui assurait à chaque membre de la société l’assistance dont il avait besoin.
            Cette solidarité faisait partie des institutions qui participaient à la bonne marche de la société villageoise ; il faut remarquer que l’obligation de cette assistance ne s’étendait qu’aux membres de la société villageoises, ce qui faisait qu’elle ne tenait qu’au sein du clan, de l’ethnie ou de la tribu. Le commerce qu’on entretenait avec les autres dépendait d’autres critères.
            De nos jours, un autre élément et non des moindres a vu le jour. Une autre forme de vie a vu le jour avec le développement des villes. Il y a désormais un brassage des populations. On ne vit plus dans le cocon tribal. Cela a donné naissance à un délitement du tissu social. Les différents individus ont l’impression de se trouver dans un milieu hostile en ville ; ils essaient de se regrouper par ethnies. Une sorte de regroupement par affinité voit le jour, ayant pour critère l’appartenance ethnique ou tribale. Malgré cela la solidarité ne marche plus exactement comme au village. Le système économique de la ville est différent de celui qui était en vigueur dans les villages et forcément, cela agit sur les rapports des uns aux autres. Il faut maintenant gagner sa vie autrement. La famille nucléaire a commencé à prendre une importance beaucoup plus grande que celle qu’elle avait auparavant.
            Malgré les changements que la vie sociale moderne a connus, l’ethnie ou la tribu restent encore la protection sur laquelle les individus peuvent compter, l’Etat ayan démissionné sur le plan de la sécurité de tous dans la plupart des pays en Afrique (sécurité sur tous les points de vue, alimentaire, physique, sanitaire…). Du coup, les autres structures de solidarité ont du mal à se développer ; les syndicats et les différentes corporations qui devaient être des points sur lesquels devraient s’appuyer tout effort de naissance des nations se trouvent infectées par les divisions claniques, ethniques ou tribales. Ce désir sécuritaire fera que le népotisme se retrouvera jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Tout le monde parle de solidarité africaine mais en réalité, c’est une solidarité de la tribu, de la famille.
            Si l’Afrique veut faire de la solidarité une valeur universelle, il y a un grand chantier qui doit s’ouvrir. Il faut être capable de décloisonner les tribus pour mettre en place de vraies nations. La solidarité africaine doit être capable de dépasser le microcosme de la tribu pour s’étendre à la nation, voire à l’humanité.
            La solidarité africaine n’est pas un passé, mais c’est la mémoire d’un avenir à inventer. C’est un défi pour tout africain ; à nous de le relever !

vendredi 26 avril 2013

L'Afrique et l'éthique: de la honte à la responsabilité (par Pascal Djimoguinan)


La honte joue un très grand rôle dans les différents rapports sociaux en Afrique. Il n’est pas rare de constater que la honte est utilisée comme critère de discernement sur le comportement que devrait avoir toute personne respectable. N’est-il pas temps d’aller plus loin dans les critères éthiques pour une Afrique plus éthique ?

            La honte fait partie des réactions humaines naturelles. On peut dire qu’elle est en même temps signe que je ne suis pas seul. La honte est apparaît lorsqu’autrui me regarde. Pouvons-nous y voir un des indicateurs de l’humanité ? Cela est fort possible. Par la honte, je me rends compte que je suis seul et que je ne dois pas me comporter n’importe comment.

            Dans les sociétés de type traditionnel, la honte permet à tout individu de savoir ce qui lui est permis et ce qui lui est interdit.

            Il n’y a pas de mal à cela mais il faut éviter des abus qui pourraient naître d’une utilisation à outrance de la honte comme critère général de sociabilité. La honte se trouve encore au niveau de l’instinct et il faudrait laisser la place à la rationalité.

            Tout abus peut mener à un scrupule maladif qui inhiberait toute vie active. En plus, ne compter sur la honte pour réguler la vie éthique dans une société amènerait les individus à une absence de responsabilité puisque ne serait dans son tort que celui qui se ferait prendre et qui devra répondre face au regard d’autrui.

            Un autre abus courant est que sans être fautif, l’individu pourrait se croire fautif quand des regards extérieurs pensent qu’il en est ainsi. Plusieurs cas de sorcelleries viennent confirmer cela. En effet, plusieurs personnes accusées de sorcellerie en viennent à penser comme leurs accusateurs (nous ne donnons pas ici ce que nous pensons de la sorcellerie en elle-même, nous le ferons à un autre moment).

            Si la honte est de l’ordre de l’instinct est une réaction face à autrui qui me regarde et me rappelle un type de comportement, il faudrait aller au-delà de cela. Il faudrait personnaliser davantage les critères du comportement éthique. Au-delà de la honte, qu’est-ce qui doit raisonnablement m’aider à diriger ma vie et qui doit me servir de critères pour agir. En personnalisant cela, je me responsabilise et je n’ai plus besoin du regard d’autrui ni de la punition pour agir d’une manière bonne. Nous avons ici l’éternel question de la justice dont le mythe de Platon dans le livre I de la République sur l’anneau de gygès pose la question : L’homme juste est-ce cet être assez « naïf pour respecter les lois et la morale même si cela peut être désavantageux ? » Il faudrait qu’on soit intérieurement bien formé pour respecter les lois et la morale même lorsqu’aucune coercition extérieure ne nous y force.

            La honte ne devrait être qu’un point de départ, un éveil à l’éthique mais l’éducation doit former pour que les individus intériorisent la justice et la morale. Cela éviterait d’avoir des comportements de schizophrènes que nous rencontrons souvent dans les grandes villes où nous pouvons trouver des personnes respectables dans leur quartier, dans leurs communautés mais qui n’hésitent pas à être des corrompus et des détourneurs de deniers publics au niveau de l’administration publique.

jeudi 25 avril 2013

Les funérailles ou le paradoxe du choix des vivants en Afrique (par Pascal Djimoguinan)


Nous connaissons tous le fameux poème de Birago Diop « Les morts ne sont pas morts ». La majorité des africains s’y reconnaissent et y voient la « preuve » d’une vie harmonieuse avec ceux qui nous ont précédés. Pourtant à y voir de près, tout ne semble pas si serein.  Il suffit pour cela de voir la relation non apaisée qui est entretenue dans les traditions africaines avec tout ce qui touche à la mort. Si les morts ne sont pas morts, comment sont-ils perçus ?

            D’emblée, nous disons que la relation que nous avons avec nos morts sont des relations de paix, d’amour et de protection. Ils sont nos ancêtres. Mais quand on essaie de voir de plus près, on se rend compte que c’est une relation de méfiance. On ne sait jamais.

            La manière dont cette méfiance se manifeste le plus est dans les dépenses énormes qui accompagnent les funérailles. Il faut tout faire pour ne pas se mettre à dos les défunts. On est prêt à se saigner pour que les funérailles et l’enterrement des morts se passent bien et ne pas attirer des courroux outre-tombe.

            Le moindre rêve ayant un certain rapport avec un défunt est scruté avec minutie avec le désir de faire des sacrifices expiatoires pour réparer les torts qu’on aurait posés.

            Pourquoi faisons-nous passer l’émotion avant tout dans nos rapports avec les morts ? Certains me citerons sans doute le poète « L’émotion est nègre et la raison hellène ». Ne faudrait-il toujours ne s’arrêter qu’à une lecture primaire de cette pensée ? Le noir ne serait-il qu’émotion alors que l’occidental ne serait que raison froide ? Cette lecture semble erronée car il est impossible de trouver un homme qui ne serait que l’une ou l’autre. Emmanuel Kant qui est considéré comme un des plus grand rationaliste que l’Occident ait produit car il ramène tout à la raison, admet qu’il y a cependant un sentiment qui soit lié à la raison. Il accepte d’intégrer le respect dans son système. Le respect serait selon lui produit par la raison puisque c’est un sentiment lié à la raison. Le respect s’adresse aux personnes, dit-il. Nous pouvons dire que l’émotion, pour avoir une valeur, doit prendre en considération la personne humaine et de ce fait, liée à la raison.

            Nous pouvons donc parler d’une émotion rationnelle. Cette émotion rationnelle sera donc le signe de l’humanité, sans qu’il soit question de faire intervenir d’abord la négritude ou « l’occidentalité ».

            Cette émotion rationnelle pourrait nous aider à revoir nos relations par rapport aux morts. Que nos funérailles se passent dans la dignité mais que la peur ne nous amène pas à nous ruiner. Que tout se passe pour le bien du vivant. Comment traiter avec dignité les veuves et les orphelins ? Comment ne pas acheter les cercueils et les fleurs les plus chers ?

            Si les africains peuvent raisonnablement traiter leurs survivants, alors nous ferons un pas en avant !

mercredi 24 avril 2013

Les signes d’espérance pour la RCA (par Pascal Djimoguinan)


Aujourd’hui 24 avril 2013, cela fait exactement un mois que la coalition séléka a  pris le pouvoir en Centrafrique ; en effet, ce fut le dimanche 24 mars 2013 qu’elle est entrée dans Bangui et a chassé le pouvoir précédent.

            La situation sécuritaire est encore chaotique. Des bandes de pillards sévissent encore un peu partout ; le pouvoir ne parvient pas à contrôler ses éléments armés. Les bureaux ne sont pas encore ouverts.

            Malgré cela, il est possible de voir des signes d’espérance pour la République Centrafricaine. Le premier signe vient en creux montrer les efforts pour que tout aille bien : aujourd’hui, tout le transport public a pu organiser une grève et a réussi à rencontrer le ministre d’Etat à la sécurité ; le comité des transporteurs vient de rappeler les chauffeurs de taxis, de bus et de cars à reprendre leurs activités.

            Je suis surpris de la liberté dont usent les journalistes tant dans les différentes radios et que dans la presse lorsqu’ils dénoncent les exactions. Ils n’hésitent pas à dénoncer les éléments de séléka lorsqu’ils agissent mal.

            Ça et là, on voit qu’il y a même au niveau de certains chefs militaires un désir pour que les choses aillent mieux. On procède à l’arrestation de certains faux sélékas. C’est un effort qui doit se développer et ne pas se cantonner uniquement dans Bangui.

            J’ose espérer que la RCA est en train de connaître les douleurs de l’enfantement et que bientôt tout ira de nouveau bien. En tous les centrafricains, on sent la rage de vivre et cela est un bon signe pour l’avenir.

Que l’Afrique redécouvre la citoyenneté (par Pascal Djimoguinan)


La décennie qui a vu s’éteindre le 20ème siècle fut pour l’Afrique remplie d’optimisme. Après la chute du Mur de Berlin, des indices favorables à la démocratie  se sont multipliés. Le 21ème siècle allait être une ère de liberté politique et d’épanouissement total ; or le constat est amer ; Les fleurs ‘n’ont pas donné de fruits. Quel avenir politique pour l’Afrique aujourd’hui ? Où avons-nous raté le coche ?

            Les signes d’espoir de la fin du 20ème siècle à l’aune desquels nous pensions mesurer la démocratie en Afrique étaient multiples. D’abord, les conférences nationales s’étaient multipliées dans la plupart des pays francophones d’Afrique. La parole se libérait et on essayait de construire ensemble l’Etat. Ensuite, les partis politiques se sont multipliés. On a vu la société civile se fortifier et la presse connaitre un essor comme jamais auparavant.

            On pensait que c’en était fini des coups d’Etat et que désormais, seul le peuple allait jouer son rôle d’arbitre. Malheureusement on a vite vu revenir les vieux démons. Si quelques nouveaux visages ont émergé, très vite les tripatouillages ont repris. Petit à petit, les coups de force ont repris.

            Si sur le plan international on condamne du bout de lèvres les prises de pouvoir par la force, les différents acteurs politiques africains ont appris à rendre les choses acceptables.

            Si les élections ont bien lieu de manière régulière, d’où vient le problème ? On se rappelle le discours du président américains au Ghana : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes ». Peut-être devrions-nous prendre cela au sérieux. Il nous faut des parlements qui ne soient pas simplement des chambres d’enregistrement, donc que les partis d’opposition jouent vraiment leurs rôles. Encourager une presse indépendante, qui ne soit pas partisane, mais professionnelle. Encourager la société civile dans ses différentes composantes, notamment les femmes, les humanitaires, les droits humains. Favoriser l’éducation et assurer les besoins primaires des peuples. Former les peuples à la paix. Souvent, on croit que la paix ne se réduit qu’à l’absence des conflits armés en oubliant que les conditions de la paix vont plus loin que cela.

            En résumé, ce dont l’Afrique a besoin pour que l’optimiste revienne, c’est de redécouvrir la citoyenneté. Que l’Afrique redécouvre la citoyenneté.

mardi 23 avril 2013

Respectons toute personne humaine (par Pascal Djimoguinan)


Il est vraiment étrange de constater que dans la vie, nous prenons beaucoup de choses pour acquises et que nous ne faisons pas d’effort pour nous rendre compte que pour la plupart d’entre elles, nous n’avons fait aucun effort particulier pour les mériter. Au contraire, nous voulons que les mérites nous reviennent et nous nous sentons frustrés lorsque nous nous rendons compte que nous ne faisons pas l’objet d’honneur et de félicitations pour cela.

Il nous suffit tout simplement de passer en revue différentes choses qui ne dépendent pas de nous et dont nous nous vantons tout le temps.

Pour commencer par les choses les plus éphémères, nous pouvons citer la beauté, la jeunesse, la richesse, les talents. Ensuite, nous avons la vie.

Nous ne nous arrêtons pas un seul instant pour voir que nous n’avons rien fait en particulier pour les mériter et nous méprisons les malheureux qui ne les possèdent pas. Est-ce la faute d’une personne si la nature ne l’a pas dotée d’une grande beauté ? Est-ce sa faute si elle n’est pas riche ? Est-ce sa faute si elle ne vient pas d’une famille nantie ?

Il y a tellement de choses dans la vie qui ne dépendent pas de nous ; s lorsque nous les possédons, prenons le temps de les apprécier à leur juste valeur, non dans le sens de l’arrogance et du mépris des autres, dans plutôt en essayant de les en faire profiter. Si nous avons la chance d’appartenir tous à une même humanité, ayons à cœur de rendre la vie plus douce à d’autres et de partager avec les autres, dans la mesure du possible, les talents que nous possédons. Qu’est-ce qui a de la valeur pour nous et qu’est-ce qui donne sens à notre vie ? A nous de trouver une réponse qui en vaille vraiment la peine !

QUE PENSER DE LA MORT DE KHADAFFI (par Pascal Djimoguinan)


Il est vrai qu’à cause de la proximité de l’événement il est difficile de parler d’une manière objectif de Kadhafi. Cependant il est possible de faire la part des choses pour parler sans grande passion, laissant assez d’espace à la rationalité.

                Il faut commencer par déplorer la façon dont il est mort. On ne devrait jamais se réjouir de la mort d’un être humain. Il faut toujours avoir du respect pour l’homme parce qu’il est porteur de la raison. S’il se trouve que sa mort soit survenue à la suite d’une exécution sommaire, cela serait vraiment dommage. Il faut éviter au maximum de céder à la passion de se faire justice soi-même. Il eut fallu qu’il soit jugé dans des conditions où il aurait pu se défendre.

                Il faut dire que Kadhafi était un homme plein de contradiction. En même temps qu’il prônait le panafricanisme et s’affichait comme un grand anti-impérialiste, il n’hésitait pas à appliquer dans son pays une politique de renvoi des populations subsahariennes dans des conditions parfois inhumaines.

                Je crois qu’une des premières questions à laquelle tous ceux qui voudraient parler de Kadhafi doivent se soumettre sans tricher est celle-ci : « Aurais-je aimé l’avoir comme chef d’Etat en vivant dans le régime qu’il prêchait » ?

                Chaque personne peut en conscience répondre à cette question et faire tout ce qu’il peut pour que nos chefs d’Etat africains ne passent pas des décennies au pouvoir. C’est peut-être vrai que nous n’avons pas besoin d’hommes forts mais plutôt d’institutions fortes.

Chronique d’une journée ordinaire dans la commune de Bimbo (par Pascal Djimoguinan)


Dimanche 21 avril, une journée normale dans la commune de Bimbo (une ville de République centrafricaine faisant désormais partie de l'agglomération de Bangui. Elle est située dans la préfecture de Ombella-M'Poko dont elle constitue l'une des quatre sous-préfectures. C'est la deuxième plus grande ville du pays par sa population avec 124 176 habitants recensés en 2003). En cet après-midi, tout se passe comme à l’ordinaire depuis la prise du pays par les éléments de séléka.

            Sur la route, quelques taxis et quelques cars du transport public circulent ; des piétons vont leur chemin. Tout est calme…

            Les points de vente de « kangoya » le vin de palme local fonctionnent normalement. De groupes d’hommes et de femmes sont assis, en train de boire tranquillement, en se racontant les derniers événements. On en oublierait même que la situation sécuritaire du pays est encore préoccupante.

            Une moto s’arrête devant un point de vente de vin de palme ; le motard est bien un civil mais son passager est un élément armé de séléka ; il descend et s’approche du groupe en train de siroter le kangoya. Il arme son fusil et décide de procéder à l’arrestation d’un des buveurs. Les autres s’interposent ; le ton monte. L’élément de séléka devient de plus en plus violent et est prêt à faire usage de son arme. Les jeunes ne veulent pas se laisser faire ; ils maitrisent le militaire, le rouent de coups et disparaissent avec son arme.

            Bientôt, des Toyotas de la séléka quadrillent le quartier. La voie principale est fermée à la circulation ; les bus et les taxis ne peuvent plus passer. Les éléments de séléké se répandent dans le quartier. Les tirs automatiques commencent à retentir. Pendant plus d’une heure de temps (de 17h30 jusque vers 19h), on n’entendra que le bruit des tirs des kalachnikovs.

            La peur envahit le quartier qui se vide par les sentiers. Heureusement, arrivent la FOMAC (Force Multinationale de l’Afrique Centrale) et la police militaire. Elles désarment les éléments de la séléka et le calme revient. Un ultimatum sera donné au chef du quartier pour retrouver l’arme, ce qui sera fait le lendemain.

            Le quartier recommence à se repeupler petit à petit. Ce n’était qu’un incident de moindre importance. Ainsi Satan conduit le bal

lundi 22 avril 2013

La pierre et le temps (par Pascal Djimoguinan)


L’homme s’est toujours trouvé en face de l’écoulement du temps qui est pour lui le signe d’une grande impuissance. Comment sortir de cette finitude connaturelle à son existence ? Nous nous rappelons l’incantation du poète : " Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours !

            Si l’homme mesure son impuissance face au temps, il a toujours essayé par des artifices de se construire une forme de résistance qui puisse être le miroir d’une éternité de façade. La pierre se présente comme la matière qui s’y prête le mieux. Toutes les institutions de l’homme vont donc se tailler dans la pierre pour essayer de traverser le temps.

            L’histoire humaine va donc ressembler à un jeu de cache-cache entre la pierre et le temps. On verra des civilisations naître, grandir, atteindre leur apogée puis disparaître. Promises pour des millénaires, elles finissent toujours disparaître ou pour donner naissance à d’autres civilisations ; piètre revanche si éphémère. A l’échelle des civilisations, le temps demeure imperturbable car il a toujours le dernier mot.

            Nous assistons à cette lutte entre la pierre et le temps d’une manière particulière, voire paradoxale ces jours-ci. La souveraineté est du côté de la pierre, de la construction alors que l’insurrection est du côté du temps. Cela peut être un paradigme qui pourrait aider à lire ce qu’on a pris l’habitude d’appeler sous le doux euphémisme de printemps arabe.

            Généralement, la fameuse communauté internationale est du côté de la souveraineté, du respect des institutions. Toute insurrection est vue avec méfiance, comme  destructrice. Or depuis le printemps arabe, des institutions, taillées sur la pierre, défendent et encourage des groupes insurrectionnels contre des souverainetés, contre des institutions politiques établies.

            On a vu tomber des régimes en Tunisie, en Egypte et en Lybie. En Syrie, la communauté internationale cherche à armer l’insurrection et à l’inscrire sur la pierre. Quelle sera l’issue de cet effort ?

            La grande question qui semble être ignorée par tous les politologues, par paresse ou tout simplement par dépit, est de savoir quel sera l’impact de tout ce changement de la philosophie politique (car c’est vraiment le cas) sur l’Occident. Il ne faut pas croire que l’Occident s’en sortira indemne. La souveraineté est en train de subir une mutation et la vieille Europe ne tardera pas à en voir les effets !

dimanche 21 avril 2013

Et si Levinas avait raison… (par Pascal Djimoguinan)


Alors que pendant toute une partie du XXème siècle, l’analyse marxiste a servi de grille de lecture pour une large partie de l’humanité, la chute du mur de Berlin et la décomposition du bloc soviétique semble l’avoir envoyée aux oubliettes de l’histoire. Et pourtant, Rien n’est plus clair dans l’économie mondiale actuelle. Une crise mondiale sans précédent sévit alors qu’aucune recette ne semble marcher.

            Quand on essaie de scruter ce paysage des finances, de l’économie, on ne voit pas l’homme. On cherche des solutions sans chercher l’homme. Ne faudrait-il pas renverser les choses et partir de l’homme pour trouver des solutions ? Chacun de nous est appelé à prendre ses responsabilités. Il faut faire place au visage. Pouvons-nous reconnaître dans ce visage cette interdiction de tuer ? « Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les autres. » (Dostoïevski).

samedi 20 avril 2013

Une Pensée pour la RCA (par Pascal Djimoguinan)

Carte administrative de la RCA
Je suis surpris du peu d’élan de solidarité des africains pour la république centrafricaine. Rien que dans Bangui la capitale, nous en sommes déjà à plus de 100 morts. Comme les medias n’en font pas large écho, cela se passe dans l’indifférence générale. Il n’y a pas de moyen pour être à la une des journaux car ce n’est pas assez spectaculaire. Tout le monde semble obéir à cette consigne : « silence, on tue ». A tous les Africains, plus particulièrement ceux de l’Afrique centrale, de grâce, Ayez une pensée pour la Centrafrique !!!