lundi 12 juillet 2021

Les clichés du Tchad (par Pascal Djimoguinan)

 Il y a des clichés, sur le Tchad que nous avons pris l'habitude d'accepter, soit par fatigue, soit par paresse intellectuelle. Il nous faut un travail en profondeur pour les extirper, un vrai travail d'analyse pour nous en débarrasser. Sans ce travail préalable, il nous sera impossible de construire un avenir qui soit porteur. Le propre des clichés est qu'on les répète sans réfléchir, petits et grands et qu'on les prend pour acquis. Les clichés font tellement partie de nous que les abandonner serait analogue à une amputation d'un membre. Cela signifie que c'est un travail qui devra se faire avec des larmes et dans la douleur. Sommes-nous vraiment prêts à commencer ce travail? Nous sommes trop habituer à nos fantômes qui nous hantent et nous font peur. Il suffit de rappeler quelques uns de ces clichés.

1) Tous les nordistes sont des éleveurs: Non, il n'est pas vrai que tout le monde est éleveur au Nord du Tchad et que tous les sudistes sont des agriculteurs.
2) Tous les sudistes sont des ivrognes: Cette assertion n'est pas vrai. Il y a des sudistes adultes qui depuis leur naissance n'on jamais goûter à une seule goutte d'alcool. L'alcool n'est pas l'apanage du Sud du Tchad; la preuve est que pratiquement dans la plupart des régions du Tchad, qu'il s'agisse du Nord ou du Sud, il y a, dans le patrimoine, une façon traditionnel de préparer des boissons alcoolisées.
3) Les sudistes sont des esclaves: Cela n'est pas vrai du tout. S'il se trouve que dans le passé, le passage de Rabah s'est accompagné de razzia où il a fait des prisonniers qu'il a vendus après comme des esclaves, la majorité des populations du Tchad vivait libre avec des organisations politiques asses bien organisées. Si l'on parle souvent de sociétés acéphales, c'est par comparaison avec d'autres organisations très centralisées. C'était des sociétés très démocratiques qui fonctionnaient avec l'arbre à palabre, une forme de parlement populaire où les grandes décisions se prenaient par un large consensus.
4) Les musulmans ne peuvent pas s'entendre avec les sudistes: Cette affirmation est un sophisme qui se contredit elle-même. Au Sud du Tchad, il y a des populations à grande majorité musulmane (Toumac, Boa, Nyellim). Par ceux population, on peut même parler d'un islam sudiste, d'autant plus que cette religion a pris en compte les coutumes locales. Ces musulmans sudistes ont vécu en harmonie avec d'autres populations non islamisées et ont coopéré avec elles. Si un problème voit le jour aujourd'hui, c'est à cause de certaines personnes qui instrumentalisent l'islam pour d'autres fins. Il est possible d'identifier ces idéologues, et de rejeter les idées qu'ils cherchent à inoculer à d'autres.
5) Les sudistes seraient naturellement bons intellectuellement quant il s'agit de l'école occidentale: cette théorie est dangereuse car elle est ethnocentrique. Tous ceux qui prennent l'école occidentale peuvent faire des bonnes études, qu'ils soient du Nord ou du Sud. La science ne fait pas de discrimination. Il faut donc encourager et développer l'école dans tout le pays. Le bénéfice ne sera que pour le Tchad.
Il y a ainsi des clichés qui sont tenaces, mais nous pouvons les identifier et lutter contre eux pour construire un Tchad plus fraternel et plus convivial.