vendredi 26 avril 2019

Tchad : Vous avez dit écologie ? (par Pascal Djimoguinan)


Le Tchad est un vrai pays de paradoxe. Deux décisions contradictoires peuvent aller de pair sans déranger personne et sans personne ne relève le contraste. Si officiellement le Tchad reconnaît que l’accès à l’énergie et le respect de l’environnement sont les piliers du développement, sur le plan pratique, cela reste un vœu pieux. Il n’y a pas de synergie entre les différentes décisions et les applications qui en sont faites.
            Il y a d’un côté une chasse à l’homme terrible qui est organisée par les agents de l’environnement contre les vendeurs et trafiquants de bois et de charbon d’un côté et de l’autre une pénurie terrible de gaz butane. C’est à croire que les gens devraient croiser les bras et attendre jusqu’à l’agonie la fourniture du gaz dans les centres de distribution.
            Si des décisions sont prises pour éviter la déforestation et que tout abattage d’arbres, même les simples élagages sont sévèrement punis, on est étonné de voir qu’aucun effort n’est fait pour moderniser l’élevage. Alors que le Tchad est un grand pays d’élevage, les techniques n’ont pas évolué depuis la nuit des temps. Tout se fait de manière artisanale. Il n’y a pas de « ranch » comme tel et les bêtes (bœufs, moutons, chameaux) sont lâchées dans la nature. Tout se fait au détriment de la nature végétale et la déforestation ne fait qu’augmenter partout où passent les bêtes.
            Il faudrait que de nouvelles lois soient prises, si l’on veut que l’environnement soit respecté en même temps que la pratique de l’élevage. Mais trouvera-t-on un responsable politique qui soit intéressé par un problème aussi trivial ???





mercredi 24 avril 2019

Message de Pâques de l'Archevêque de Bangui (RCA)


« Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ,
recherchez les réalités d’en haut » Col 3, 1
Chers frères et sœurs,
Et vous, hommes et femmes de bonne volonté,
« La paix soit avec vous ! » (Lc 24, 36)
            C’est avec les mots du Ressuscité que je voudrais introduire la méditation de cette nuit glorieuse où le ciel et la terre se rencontrent en une même aspiration profonde et si importante : la paix.
Aujourd’hui, Jésus ressuscité nous donne la paix, sa paix, non pas celle du monde, mais la vraie paix. Tous nous désirons ardemment la paix : la paix du cœur, la paix de l’esprit, la paix dans nos familles et dans l’ensemble de notre pays. Sans cela, il ne pourrait y avoir ni croissance, ni prospérité, ni développement intégral[1].
Jésus nous comble de sa paix au terme de l’intense combat spirituel qui nous a opposés au Malin durant le carême. Le Seigneur nous a dispensé la force spirituelle nécessaire pour aller jusqu’au bout et triompher. Ce furent 40 jours de ferventes prières, de privations, de solidarité dans le partage, d’assiduité à répondre aux appels de l’Eglise. De telles attitudes reflèten[2]t la descente nécessaire, la plongée dans la mort avec le Christ qui précède la remontée vers la Vie incorruptible.
La paix du Ressuscité se manifesta dans un climat d’abattement où les apôtres, éprouvés par l’absence physique du Maître, timorés et ceints par la menace de la mort, se condamnèrent eux-mêmes à la réclusion. Pour nous aussi la joie pascale s’épanouit dans une morosité lourde et inquiétante liée à la situation socio-politique de notre pays, à toutes nos espérances inassouvies et à tous ces évènements qui, se produisant, ne cessent de susciter de multiples questionnements : sommes-nous sortis de cette crise infernale qui dure depuis des décennies ? Le forum de Bangui avait prôné la résolution « impunité zéro ». La Constitution de la République Centrafricaine indique que la justice sociale fait partie des principes de la République. Les décisions politiques actuelles respectent-elles l’esprit de ces deux textes ? Il ne peut pas avoir de paix sans justice comme le rappelle le psalmiste : « Justice et paix s’embrassent » (Ps 84, 11).
C’est au milieu de ces frustrations, de ces désespoirs, de ces croupissements que retentit aujourd’hui ce cri joyeux : Alléluia, Jésus est ressuscité !
1. « Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour » (Ac 10, 39)
 Frères et sœurs,
Afin de nous sauver et de nous réconcilier avec Dieu, Jésus s’est abaissé jusqu’à atteindre le comble : la mort sur la croix. Cet abaissement salutaire eut deux aspects : d’abord celui que lui ont assigné ses ennemis puis celui, sublime, qu’il manifesta de son plein gré : ma vie « je la donne de moi-même » (Jn 10, 18)
Les pages de l’Évangile que nous avons écoutées durant les dernières semaines du temps de carême nous présentèrent un Jésus autour de qui l’étau s’est progressivement resserré. Nombreuses furent les tentatives publiques pour lui faire dire la parole blasphématoire qui aurait alors justifié son arrestation et sa mise à mort : mais chaque fois le Fils de l’homme y échappait, sans pour autant renoncer à marcher jusqu’au terme de sa mission. Il fallut alors qu’un des siens le trahît : ses adversaires purent enfin assouvir leur courroux en l’humiliant jusqu’à l’extrême. (cf. Is 52, 14 ; 53, 2b-3 ; Is 53 4a - 5b).
Jésus, en acceptant d’être humilié, et de descendre jusqu’au shéol, a voulu se faire solidaire de toute la misère humaine. Aujourd’hui, son geste atteste qu’il accepte de prendre sur lui le sort injuste des nombreuses victimes de la crise centrafricaine. Il n’y a pas raison de désespérer car son destin indique ce que sera l’aboutissement de l’histoire. La satisfaction des bourreaux de Jésus ne fut qu’un triomphe éphémère car Dieu a ressuscité son Fils et il a choisi de ne pas leur manifester la gloire de son relèvement (Cf. Ac 10, 41 ).
Frères et sœurs,
Tout au long de sa vie, Jésus s’est abaissé pour servir l’humanité. Aujourd’hui encore, il s’abaisse pour se faire solidaire de tous ceux qui souffrent et qui, les yeux levés vers le ciel, implorent désespérément la justice. Lui qui s’est fait esclave de l’humanité afin de l’élever dans la gloire du Père nous montre aussi qu’il n’y a de véritable glorification que dans le service et l’amour du service.
Aujourd’hui, il nous arrive de courir éperdument après le pouvoir ainsi qu’après des postes ministériels en y voyant la récompense suprême, la gloire sur terre, en oubliant que « ministre » signifie « serviteur », abaissement et que celui qui veut être le premier doit être l’esclave de tous. (Cf. Mc 10, 44) Ne courir qu’après les honneurs terrestres, c’est choisir de descendre vers le shéol non pas pour en ressortir mais pour y demeurer. Or le Christ en ressuscitant montre qu’il n’y a de réalités d’en haut, de véritables valeurs que l’abaissement, le service, l’humilité lesquels favorisent la proximité, le dialogue et la compassion.
  Qu’il me soit permis à travers un tel appel de rendre hommage à l’Eglise de Centrafrique qui depuis 125 ans, dans la souffrance et la joie, n’a cessé d’annoncer le Christ et d’œuvrer pour la libération de tous ses enfants qui croupissent sous le poids de la misère et de l’injustice. Puisse-t-elle annoncer encore et toujours Jésus solidaire des pauvres et des petits dans la pauvreté et le service. En cette année que nous avons consacrée au dialogue œcuménique et interreligieux, je voudrais aussi saluer toutes les autres religions, qui, depuis leur installation en Centrafrique, prônent la paix, l’amour et la réconciliation. La joie de Pâques est un appel à l’espérance et à la persévérance, un appel au dialogue pour la réunification de l’unique Corps du Christ. Le Christ est ressuscité, alléluia !
2. Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie (Cf. Jn 14, 6)
Frères et sœurs, Si nous sommes ressuscités avec le Christ, nous sommes concrètement appelés à vivre non plus selon la chair mais selon l’Esprit. C’est à cela que nous appelle le baptême dont le moment de célébration par excellence est la Pâques. Répondant à l’appel du Christ, tous nous acceptons de renoncer à Satan ainsi qu’à toutes ses séductions. Être ressuscité avec le Christ après avoir plongé dans la mort avec lui signifie opter résolument pour un nouvel état de vie. Telle est aussi l’espérance du Seigneur pour chacun de nous, lui qui nous appelle à le retrouver en Galilée.
Plus que jamais, en ces heures d’inquiétude et de questionnements, Jésus s’offre à nous comme un compagnon de route, la route à suivre pour la prospérité, la justice, le partage équitable des biens que recèle notre terre. Il se présente à nous comme la vie, une vie donnée, une vie à contempler et à accueillir qui fournira l’énergie vitale dont nous avons besoin pour traverser ces heures sombres de notre histoire et faire enfin lever sur notre terre une authentique civilisation de l’amour. Jésus qui a triomphé de la mort nous apprend que le bien et la vérité constituent les derniers mots de l’histoire, non pas la violence, l’arrogance, la vengeance, corollaires du mal.
 « Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! » (Ps 118, 16). La puissance du Seigneur est susceptible de faire de la pierre méprisée, bafouée, humiliée, rejetée par le bâtisseur, la pierre angulaire de la création renouvelée (cf. Ps 118, 22). Je dis cela pour vous encourager vous tous qui souffrez et peinez aujourd’hui afin que vous ne désespériez pas de voir se lever le jour nouveau et que vous ne perdiez pas foi en Jésus-Christ.
 Frères et sœurs,
L’évangile de la messe du jour nous présente les premiers témoins de la résurrection : Marie Madeleine, la pécheresse pardonnée que l’Eglise honore en tant qu’« apostola apostolorum », Pierre et Jean. Leur mention nous rappelle que nous sommes nous aussi appelés à être témoins de la résurrection de Jésus dans nos cités, dans nos familles. Pierre, 4 Jean, Marie Madeleine et les autres disciples ont été les témoins de la vérité que le monde s’évertue souvent à occulter afin d’égarer les fils de Dieu.
Oui, notre société a besoin de voir se manifester des hérauts de justice et de vérité. « La vérité germera de la terre » a proclamé le psalmiste (Ps 84, 12). Je souhaite de tout cœur qu’en Centrafrique nous nous dévouions à œuvrer en toute franchise, en toute transparence et qu’ainsi nous brisions le silence sur les drames qui s’y jouent. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ! » (Ps 84, 11)
 Ne laissons pas croître une culture du mensonge qui desservirait toutes nos attentes et même fausserait nos dialogues. Jésus nous révèle le secret pour être dans la vérité et la récompense inouïe que nous en obtenons : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8, 31-32) Cela revient à dire que vivre dans le mensonge établit dans la servitude, la servitude vis-à-vis de Satan, le Père du mensonge.
Je voudrais saluer la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation qui a été mise en place sur le plan national pour promouvoir la vérité et la justice et je l’appelle à ne pas oublier les nombreuses victimes qui attendent que l’on considère et résolve leurs revendications.
Tous ensemble, demandons au Christ, par l’intercession de la Vierge Marie, Notre Dame de l’Oubangui, de dissiper les ténèbres de notre méchanceté, de notre convoitise et des faux témoignages qu’il nous arrive de porter, afin que nous entreprenions le chemin de la conversion et de la paix intérieure. Qu’il nous donne la force de tenir fermes lorsque nous sommes victimes d’injustice et de mensonge. Que son Esprit éclaire tous ceux qui exercent le ministère de la justice pour qu’ils délaissent l’impunité et rendent vraiment justice.
À tous, je souhaite une très belle et sainte fête de Pâques. Amen !
Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA
Archevêque Métropolitain de Bangui


[1] 1 Cf. Paul VI, Populorum progressio, n° 87, 1967 : « Le développement est le nouveau nom de la paix. »
[2] 2 Cf. Constitution de la République Centrafricaine, art. 25.