jeudi 29 avril 2021

Le Tchad à la croisée des chemins (par Pascal Djimoguinan)

Le Tchad est arrivé à un moment de son histoire où il se trouve pratiquement à la croisée des chemins. Tout peut, à tout moment basculer, soit dans l’innommable, soit dans a concorde nationale.

            Il y a eu trop de choses comprimées, la violence, la haine, la rancune, les frustrations, de complexes.

            Lorsque l’on a cultivé trop longtemps ces sentiments, il arrive un moment où la marmite explose. Ce qui peut en sortir n’est pas beau à regarder…

            Maintenant, le Tchad doit traverser un moment de transition politique. C’est sûr que ce qui est présenté et qui se met en place ne respecte pas la constitution. Mais alors que faire ?

            La tentation est trop forte, de part et d’autre, d’utiliser la violence pour imposer ses vues.

            On a vu ressurgir les vieux démons de la peur qui divise le Nord et le Sud du pays. Et cela risque d’être exploité par des politiques en mal de s’imposer comme chefs de fils.

            Il faudra savoir gérer les émotions pour se hisser au-dessus de la mêlée. Il faut dire que les medias n’aident pas beaucoup ; on est submergé d’informations de toutes sortes et on ne prend malheureusement plus le temps de les croiser et de prendre du recul sur tout ce qu’on reçoit. La moindre rumeur a acquis un statut de vérité apodictique.

            Une nécessité s’impose. Si le combat politique a sa place dans notre société actuelle, il faut apprendre à prendre des moyens pacifiques pour le mener. La force de la non-violence a fait ses preuves de par le monde, pourquoi ne serait-il pas le cas au Tchad. Le choix de la rationalité aidera à mieux mener le combat de la liberté.

            Il faudra apprendre à utiliser la non-violence et à assumer ses choix. La force tranquille est une marée que nul ne pourra arrêter. La société civile est le rempart contre non seulement la dictature, mais aussi contre toute violence armée.

            Que la société civile et le monde politique s’unissent pour faire barrage à tout régime militaire, quelle qu’elle soit. Il faut restaurer la légalité constitutionnelle et que les civiles dirigent la transition pour mener vers des élections libres et démocratiques.

            Il ne s’agit en aucune façon d’un rejet des militaires. Les militaires ne doivent s’occuper que de ce qu’ils savent si bien faire : assurer la défense des frontières et l’intégrité du pays.

            Que la raison mène les choses et que le dialogue inclusif si recherché voit le jour, sans que personne ne soit pris en otage par les armes, d’où qu’elles viennent.

            Peuple Tchadien, te voici à la croisée des chemins. Ne tremble pas, que ton choix soit clair. Non à la violence, non à tout régime militaire, oui à la légalité constitutionnelle, oui au dialogue inclusif.

Que Dieu sauve le Tchad ! 

vendredi 23 avril 2021

Tchad : figure libre : ne perdons pas nos repères (par Pascal Djimoguinan)

             Il est toujours difficile de déterminer où commence l’humanité. Quels gestes font qu’à partir d’un certain moment, on puisse dire qu’il y a de l’homme dans un être ? Cette question ne sera sans doute jamais tranchée d’une manière définitive.

            Il y a cependant quelque chose qui se retrouve pratiquement dans la plupart des groupes humains. C’est le respect des hommes. Quel que soit ce qu’un homme ait été dans sa vie, la décence voudrait que lorsqu’il passe à trépas, une sorte de consensus tacite fasse que l’on se taise pour attendre son inhumation.

            D’aucuns me diraient que certains hommes n’ont pas eu ce respect pour d’autres alors il ne faudrait pas en avoir pour eux. Je m’inscris en faux contre cette idée. Il faut toujours savoir être digne et ne pas s’abaisser jusqu’à l’innommable pour la simple raison que d’autres l’ont fait.

            J’aime bien l’histoire d’Achille et d’Hector. Tout opposait ces deux hommes. L’un était un prince grec, l’autre troyen. Ils étaient en guerre. La pire des choses qui arriva fut qu’Hector tua Patrocle, l’ami intime d’Achille. Plein de fureur, Achille tue Hector. Il attache son cadavre à son char et le traine vers le camp grec. Tout en trainant le cadavre, Achille fait trois fois le tour du tombeau de Patrocle.

            Achille ne veut pas rendre le corps d’Hector aux troyens. Priam le vieux père d’Hector vient dans le camp grec supplier Achille de lui rendre le corps de son fils. Achille se laissera toucher et rendra le corps de son ennemi.

            La guerre peut être coriace mais l’humanité peut la surpasser.

            Le président Deby est mort. Quel que soit ce qu’il ait été dans sa vie, il est possible de trouver quelque chose de bon. Dépassons l’homme qu’il a pu être, respectons la fonction qu’il a occupée.

            Maintenant il ne s’agit pas de se battre comme des chiffonniers, mais d’obtenir que l’ordre constitutionnel soit rétabli. Pour cela, on peut utiliser tous les moyens démocratiques qui existent. Comme le disait quelqu’un, « Notre silence n’est pas un signe de faiblesse. »

            Aucun tchadien ne devra baisser les bras tant que l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli. Tous pour un dialogue inclusif et une transition dirigée par des civiles. Que Dieu sauve le Tchad !




vendredi 16 avril 2021

Tchad / Ce que je pense : « alternance armée ou démocratique » ? (par Pascal Djimoguinan)

 (La réflexion qui suit n’engage que son auteur. Elle fait état de ses propres principes et engagement sociétal. Toute autre personne a le droit de penser autrement. Il faut avoir le courage d’exprimer librement ses points de vue).

            Au Tchad, les vieux démons ont la vie dure. Dans l’opposition politique il y a toujours une frange qui est toujours prête à recourir aux armes pour forcer une alternance armée au sein de l’Etat.

            Ce qui est étonnant, c’est que les expériences du passé n’enseignent pas. Chaque nouvelle rébellion armée qui s’engage à prendre le pouvoir, oublie que d’autres l’ont fait avant elle, et qu’après, il en aura d’autres qui essayeront de le faire. Il n’y a pas de garanti que cela cesse.

            Le peuple pour lequel on veut prendre le pouvoir, personne ne se soucie. Les combats qui peuvent avoir lieu ne peuvent que lui être sinon fatals, du moins porteront atteinte à son intégrité physique et morale, sans qu’on ait l’assurance que le nouvel ordre soit meilleur que l’ancien.

            Pourquoi faut-il toujours qu’au Tchad, la politique cède le pas aux armes ? Est-ce ici le signe d’un manque de maturité politique ? Pourquoi les armes sont-elles incapables de se taire une fois pour toute au Tchad ? Un proverbe dit : « Qui a bu, boira ».

            Les tchadiens sont sans doute incapables d’aborder les vrais problèmes par les dialogues et essaient de tout résoudre par les armes. Ils oublient le vieil adage qui dit que « l’on peut tout faire avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus ». Les tchadiens veulent faire croire au monde entier qu’ils peuvent s’asseoir sur une baïonnette.

            Et pourtant, pour une fois, la société civile, l’engagement citoyen, la désobéissance civile et les marches militantes ont fait bouger le paysage politique au Tchad. Les conséquences sont fructueuses si l’on sait les cueillir. Or, une insurrection militaire ou un coup de force viendront anéantir tout l’effort fourni.

            Stricto sensu, on ne peut pas user des armes et se déclarer démocrate. On suppose que le bon sens étant la chose la mieux partagée, le principe de non-contradiction et du tiers-exclu est bien assimilé.

            Un citoyen ne devrait pas utiliser des armes contre son pays. Il ne devrait pas tirer sur ses concitoyens. Une guerre fratricide est toujours quelque chose à déplorer.

            A mon avis, le combat politique devrait continuer. Les vraies victoires sont celles des idées et non celles des armes. Le Tchad devrait être capable de « penser sans les armes ». Tel est le grand défi du peuple tchadien.


mardi 13 avril 2021

Tchad : 13 avril 1975 - 13 avril 2021 (par Pascal Djimoguinan)

 13 avril 1975, un coup d’Etat sanglant renverse le premier président du Tchad, François Tombalbaye alias Ngarta. La raison principale étant de mettre fin à une dérive dictatoriale et de prôner la réconciliation nationale pour rebâtir le Tchad.

46 ans après, peut-on déjà en faire l’inventaire ? D’aucuns diraient qu’on a assez d’éléments pour le faire, d’autres, que le temps des Etats n’est pas le même pour la vie des hommes et qu’il serait trop tôt pour tirer des conclusions.

Nous ne ferons donc pas l’inventaire. Nous revisiterons tout simplement le temps passé.

A la suite du coup d’Etat, la Compagnie Tchadienne de Sécurité (CTS qui était la garde rapprochée de Tombalbaye), a été dissoute et ses membres dispersés dans les différents corps d’armée et de la gendarmerie et de la police.

La constitution a été suspendue, ainsi que le parlement. Un haut conseil des militaires, le Conseil Supérieur Militaire (CSM) dirige le pays pendant trois ans avant de signer un accord avec le CCFAN (Conseil de Commandement des Forces Armées du Nord) d’Hissein Habré qui devient le Premier ministre du Tchad et une Charte Fondamentale. Mal préparés ou plutôt incompétents, les militaires seront très vite dépassés par Hissein Habré plus rusé et plus habile. Ce sera la confrontation du 12 février 1979. Va commencer un long temps d’instabilité où le Tchad connaître jusqu’à 11 tendances politico-militaires qui mettront le pays à genoux.

Hissein Habré parviendra à chasser tout le monde et prendra le pouvoir en 1979 avec ses Forces Armées du Nord (FAN) de triste mémoire. Fin stratège, il saura manier le bâton et la carotte et parviendra à museler toute opposition. Ce sera une chape de fer qui recouvra le pays. Sa fameuse police politique, la DDS (la Direction de la Documentation et de la sécurité) l’aidera à administrer dans la terreur. Quand Habré sera chassé du pouvoir en 1990, on comptera jusqu’à 40000 victimes de son régime.

Il sera renversé par l’un de ses lieutenants, Idriss Deby Itno qui ne promet aux tchadiens ni or, ni argent mais leur apportera la démocratie. Dans la foulée, une Conférence Nationale Souveraine se tiendra en 1993. Une effervescence politique aura lieu au Tchad mais très vite, le train-train habituel avec la mainmise du parti au pouvoir sur la chose publique. C’est presque le règne d’un parti-Etat, le MPS (Mouvement Patriotique du Salut). L’opposition est divisée et ne se fait pas beaucoup entendre, faute de moyen ou faute de courage (l’avenir nous le dira).

Un constat, depuis, aucun homme politique de taille n’a pu émerger. Depuis 30 ans le président Idriss Deby est au pouvoir. Il vient d’achever 6 mandats et est en train de briguer un sixème.

Que faut-il garder de cette date ? On ne pourra voir que du gâchis. Beaucoup n’en sont encore qu’à vouloir prendre le pouvoir par les armes. Quel Tchad sera l’héritage de la future génération ?



lundi 12 avril 2021

Tchad : Où en sommes-nous après le premier tour des élections ? (par Pascal Djimoguinan)

 Pour parler la situation qui prévaut au Tchad aujourd’hui après les élections, Shakespeare qui a le don des formules dirait tout simplement : « too much ado about nothing » ; formule assez sibylline que le français traduirait simplement par une formule non moins sibylline : « La montagne qui accouche d’une souris ».

Le paysage qui s’étend sous nos yeux après le premier tour des élections du 11 avril 2021 ressemble, à s’y méprendre, à celui d’un champ de bataille le lendemain d’un combat ou le carnage a eu lieu. Chacun compte ses morts et il n’est pas temps de parler de vainqueur ou de vaincus car tous sont dans les affres de la mort. S'il faut parler de victoire, on parlerait de la victoire à la Pyrrhus.

Un seul constat pour le moment. Le roi est nu, vive le roi.

Les jours à venir risquent d’être pleins de surprises d’un camp à l’autre. Croisons les doigts et attendons que la raison prenne le dessus.

L’avenir porte le possible et tout est ouvert. Le seul problème est de savoir quelle inflexion sera donnée aux choses. Entre le « Je vous ai compris » des forts et le passage en force des sourds, il y a beaucoup d’autres possibilités.

Ni Cassandre, ni pythie de Delphes, je ne voudrais m’engager dans des prédictions ; d’autres possèdent des boules de cristal et n’hésiteront pas à inonder les réseaux sociaux de quoi demain sera fait.

Faisons confiance à la politique !




samedi 10 avril 2021

Ce qui reste du Tchad en 2021 en 10 questions (par Pascal Djimoguinan)

 

Que reste-t-il du Tchad en 2021 ? Faut-il en rire ou en pleurer ? Je pencherai pour la seconde option car il s’agit d’un sujet trop sérieux pour un simple rire narquois ; bien qu’à certains moments, l’ironie puisse faire l’affaire. En 10 questions, on pourrait brosser la situation.

1 – Que penser du boycott que certains partis proposent pour l’élection présidentielle ?

Il ne s’agit pas là d’une solution. La réponse ne peut être que lapidaire. La population n’étant pas préparée et la nature ayant horreur du vide, les électeurs désorientés deviennent facilement des proies faciles. Il ne leur reste plus qu’à monnayer leurs voix. A qui profite le crime ?

2 – Pourquoi la campagne électorale a-t-elle fait apparaître un paysage politique monochrome, dominé par un seul parti ?

Un proverbe tchadien dit : « il ne faut pas attendre le jour de la guerre pour tresser son bouclier ». Il y a sûrement un problème de programmation pour l’opposition démocratique. On n’attend pas le temps de la campagne électorale pour se préparer aux élections. Ici au Tchad, c’est 5 ans avant les élections présidentielles qu’il faut les préparer, c’est-à-dire pendant tout le mandat de celui qui est au pouvoir. L’opposition s’est laissé distraire par d’autres problèmes notamment par la longue législature où chaque député se complaisait de ses avantages sans penser à l’avenir.

3 – Pourquoi l’opposition démocratique a-t-elle été incapable de s’unir face au candidat sortant ?

Il faut dire que les leaders de l’opposition tchadienne ont un ego surdimensionné. Ils n’ont pas le sens du sacrifice. Chacun d’eux s’estime être le seul à pouvoir gouverner le pays. Chacun veut être « calife à la place du calife. » Cette vision des choses, ou plutôt cette non-vision fait que la stratégie que chacun d’eux a adoptée est « ou bien c’est moi, ou bien c’est le chaos ». Chaque leader de l’opposition tchadienne préfère garder au pouvoir le candidat sortant plutôt que de laisser un autre opposant gagner les élections.

4 – Que penser de la jeunesse dans l’arène politique tchadienne.

C’est un fait positif que la jeunesse semble se réveiller et se rendre compte de son poids politique. Cependant, elle doit encore apprendre. Son énergie à s’engager est annulée par sa naïveté. Elle se trouve ainsi être un pion que les uns et les autres utilisent. Lorsqu’elle aura mieux appris et qu’elle sera plus mûre, elle deviendra un faiseur de rois.

5 – Que dois maintenant faire l’opposition ?

Le péché originel de l’opposition après les différentes élections est de ne penser qu’à partager le gâteau. L’opposition peut-elle au moins une fois s’asseoir et penser une stratégie de sortie de crise sans se laisser attirer par les sirènes de l’intérêt immédiat ? Chaque parti politique de l’opposition doit capable d’adhérer à une charte commune de l’opposition qui doit avoir pour but de redessiner le paysage politique tchadien.

6 - Que pouvons-nous attendre du prochain mandat présidentiel ? En définitive rien. Faute de réelle concurrence pendant cette campagne présidentielle, il n’y a pas eu de bilan. Les cinq prochaines années vont continuer comme si de rien n’était, avec ses délestages intempestifs, l’impunité jusqu’au somment de l’Etat, une corruption rampante, le conflit exacerbé entre éleveurs et agriculteurs, l’éducation en dents de scie...

7 - Pourquoi tant de pessimisme pour le Tchad? Il ne s’agit en aucune manière de pessimisme politique. Il s’agit plutôt d’un réalisme éclairé. Il est temps pour les tchadiens de se réveiller de leur sommeil dogmatique. Le réveil risque d’être douloureux car il ‘agit pour eux s’atteler à nettoyer les écuries d’Augias.

8 - N’y a-t-il vraiment aucune chance que le soleil ne se lève au Tchad? Si. Le soleil a failli se lever à la suite de la Conférence Nationale. Le soleil peut encore se lever si le président de la République, après son élection, fait montre d’un courage politique en allant vers un dialogue politique sincère et s’il accepte de lâcher du lest, mais...

9 - Pourquoi mais? Au Tchad il faut toujours tenir compte de multiples variables. Le président pourrait-il prendre un peu de distances avec ses parrains occidentaux qui l’embrassent pour mieux l’étouffer dans la lutte contre les djihadistes ? Pourrait-il se libérer du piège de son clan qui sait si bien manier à son égard le bâton et la carotte? Pourrait-il vraiment désirer construire la Nation? C’est la seule issue qui pourra lui assurer la pérennité. Qu’il ait l’intelligence politique de la suivre.

10 - Un mot pour la fin? Dans l’histoire des peuples, il y a toujours une place pour la liberté humaine on aura beau fait des analyses, on aura beau pris en compte les différentes conjectures, on ne pourra attacher la destinée d’un peuple à un déterminisme de fer. Il y a toujours un peu de place à l’ivresse, à la folie et on ne sait où cela peut conduire. L’avenir des hommes reste toujours ouvert et c’est sur cette note d’optimisme que je préfère finir mon propos. L’avenir du Tchad reste ouvert.

 

Affaire à suivre !