vendredi 18 mai 2018

Pourquoi le Tchad refuse le développement (par Pascal Djimoguinan)


            Une simple anecdote parle plus que mille leçons ! Lorsque l’on raconte aux jeunes de moins de 25 ans qu’il fut un temps où, au Tchad, on ne connaissait les coupures d’électricité qu’une fois le trimestre ou que si l’on devait couper l’électricité pour des réparations, on l’annonçait une semaine avant, les jeunes se mettent tout simplement à rire en disant qu’on leur raconte des histoires.
            Depuis quelques décennies, le Tchad a délibérément choisi une politique antiéconomique en ne mettant pas l’énergie parmi ses priorités. Ainsi, la norme ce sont les délestages qui ne sont pas seulement réguliers mais en plus aléatoires car il est impossible de savoir à quelle logique ils obéissent.
            Quelle politique mène la Société Nationale d’Electricité (SNE) ? Il suffit de voir son slogan publicitaire : « L’électricité, c’est la vue ». Cela en dit long sur la conception des dirigeants de la SNE. La vue ne prend en compte que la métaphore de la lumière. Pour eux, la lumière ne sert qu’à éclairer. Tout se trouve ici exprimer ; qu’importe s’il n’y a pas de lumière le jour, cela ne sert à rien. L’effort serait donc de fournir la lumière pour la nuit. La priorité n’est pas de donner l’électricité en plein jour.
            Cela politique de la priorité de la lumière uniquement pour la nuit étant acquise, ce sont les délestages de nuit qui posent désormais problème. Ainsi dans la ville de Sarh, les différentes zones de la ville croisent des doigts pour avoir la lumière la nuit pendant la semaine.
            Il n’y a qu’une seule situation qui transcende toutes les difficultés. Lorsqu’il y a un match de l’UEFA, on n’est sûr d’avoir de l’électricité ; la priorité étant là où elle doit se trouver, il n’y a plus à se préoccuper des détails sans valeur.
            La priorité étant donnée à l’éclairage la nuit, toutes les autres utilisations de l’électricité deviennent secondaires au Tchad. Les conséquences économiques de cette politique ne peuvent être que désastreuses.
            Tous les petits métiers qui utilisent l’électricité, telle la soudure ou les garages tournent au ralenti. On ne peut se réveiller à 22h (heure à laquelle l’électricité est quelquefois donnée à Sarh) pour faire des travaux de soudure.
            L’agroalimentaire ne peut pas se développer. On ne peut maintenir la chaîne du froid à Sarh. Il est même étonnant qu’il n’y ait pas jusque-là une explosion d’épidémie de gastroentérite.
            L’administration est les différentes sociétés de la ville ont besoin de l’énergie électrique pour les ordinateurs, les imprimantes, les photocopieuses, les scanners, etc. La question serait de savoir ce que font tous ceux qui ont besoin d’électricité quand ils sont dans leurs bureaux sans électricité. L’Etat perd ainsi des heures de travail à cause d’une politique « non éclairée » de la SNE.
            Il est temps que le problème de l’énergie redevienne une priorité absolue si l’on veut que le Tchad puisse reparler de développement économique. Pour cela, il faut commencer à former tous les responsables de la SNE, à tous les niveaux, sur l’utilisation de l’électricité qui n’est pas que pour l’éclairage.




mardi 8 mai 2018

Tchad : La route, paradigme d’un mal d’être profond (par Pascal Djimoguinan)



 Et si l’on parlait de la circulation routière au Tchad… Quel désastre, quelle catastrophe. La circulation au Tchad souffre d’un manque de règles qui s’instaure en règle et fait loi. Sur la route, les citoyens tchadiens retrouvent l’état de nature si cher aux philosophes des siècles passés.
            Ne pensez pas que je sois en train d’insinuer qu’il n’y a pas de code de la route officielle au Tchad, nenni ! Il y a bien un code de la route, il y a des cours de conduites, il y a des écoles pour former des conducteurs.
            Là où le bât blesse, c’est que sur la route, personne ne respecte le code de la route. Chacun s’invente son mode de conduite. Tant qu’il n’y a pas d’accident, on se fâche mais tout s’arrête là.
            Le grand problème c’est lorsqu’il y a un accident. Ici, le code de la route n’a plus de valeur et d’ailleurs les agents de la circulation entrent dans ce jeu.
            La première règle est que l’engin le plus cher, le véhicule le plus puissant doit nécessairement payer. Entre une moto et une bicyclette, la moto doit payer ; entre une voiture et une moto, c’est la moto qui doit payer. Dans tous les cas, s’il y a un piéton, c’est lui qui doit être endommagé. Les circonstances de l’accident importent peu. Le propriétaire du véhicule a en charge les soins et la nourriture de l’autre accidenté jusqu’à la guérison.
            La deuxième règle est que si l’accident entraine le décès du piéton et de l’usager de l’engin le moins puissant, on doit prendre en charge les funérailles et payer une somme pour compenser la perte du citoyen. N’allez surtout pas parler de priorités et autres règles de la circulation.
            L’anarchie est totale sur les routes du Tchad. Sûrs de l’impunité, les usagers de la route en font à leur aise. Il n’est pas étonnant de voir des cyclistes et des motos rouler à contresens pour économiser du temps et cela quelquefois devant les agents de la circulation. Que voulez-vous, on est au Tchad, dit-on !
            Il faudrait que les règles changent. La police doit faire son travail. En cas d’accident, il faut faire un constat et que la règle s’applique. Dura lex sed lex, disent les juristes.
            La route est souvent l’image de ce que vivent les citoyens. Si on ne respecte pas le code de la route, on ne respectera aucune autre loi. La délinquance commence toujours sur la route. Cessons donc d’être des délinquants.