vendredi 24 juillet 2020

Tchad : De la répression et de la censure à l'éducation : vers la liberté (par Pascal Djimoguinan)


            Il est plus facile de faire d'un être humain un esclave plutôt que de l’amener  à la liberté. D’aucuns se rappellent les éditoriaux à la Radio Nationale quand le président Ngarta Tombalbaye gouvernait. Une de ces phrases continue encore de résonner à l’oreille de certains : « Élever un être humain en dignité, c’est promouvoir le bonheur, c’est créer autour de soi des assassins, des ingrats et multiplier le nombre des mécontents. » Bon nombre d’humains vivent de rancœur et de jalousie envers les autres et sont prêt à perdre toute respectabilité pourvu que leurs intérêts mesquins soient assouvis.
            Tout homme d’Etat devrait avoir pour objectif la formation de citoyens de valeurs, des hommes de devoir prêts à s’engager au service du bien-commun et de l’intérêt général. La nation ne se formera qu’à cette condition, que tous soient épris de liberté, de l’honneur et du travail bien fait.
            Toute personne qui travaille devrait être le commis de l’Etat plutôt que le griot au service d’un homme et cherchant ainsi à s’enrichir sur le dos du contribuable. Faut-il encore le répéter ? L’Etat n’est pas un gâteau à partager entre tous les « opportunistes de tous poils » qui se bousculent pour les fauteuils.
            La tentation est grande pour les hommes d’Etat : s’entourer de la racaille de la pire espèce, prêt à tout pour les couvrir d’éloges et garder ainsi leurs privilèges. Ces hommes sont prêts à toute humiliation, prêts à perdre toute dignité pour les beaux yeux du prince.
            Le prince peut facilement s’habituer à cette cour qui pour garder sa place, n’hésitera pas à user et à abuser de la répression et de la censure. Avec cette méthode, on ne va pas avoir des citoyens mais des chiens battus. Cette paix difficilement acquise ne sera que la « paix des cimetières » où il n’y aura aucune contestation parce que les morts ne parlent pas.
            Une tâche plus exaltante mais plus difficile pour un vrai homme d’Etat est de privilégier l’éducation des citoyens. Tâche difficile parce que les hommes ne sont pas des réservoirs à remplir avec un savoir qu’on leur impose. Ce sont des hommes libres qui savent ce qui est bon pour eux et doivent ainsi participer à leur éducation. Tâche exaltante parce qu’elle produit des citoyens égaux en dignité, devant une loi juste. La construction d’un Etat juste et mature est à ce prix.
            Pour tout homme d’Etat, le choix est clair :
- Choisir d’un côté la répression et la censure comme méthode de gouvernement. C’est le rêve des faibles et des parvenus.
- De l’autre côté, choisir l’éducation à la liberté. C’est le propre des forts et des intègres.
            C’est à cette aune que nous jugeons les vrais hommes d’Etat. A chacun de faire son choix !



mercredi 15 juillet 2020

Nostalgie N’djamenoise (par Pascal Djimoguina)


Dois-je m’endormir pour  rêver ou devrais-je prendre une substance quelconque ?
Ou dois-je plutôt invoquer une muse pour me souvenir ?
Nostalgie n’djamenoise !
Je me rappelle le passage de Fort-Lamy à N’Djamena.
Souvenir d’enfance, pas plus marquante que nos jeux où nous débaptisions tout
Et le lendemain reprenions les anciens noms pour nos jouets et nos lieux de jeux.
Le souvenir de ce 6 novembre 1973 n’est pour moi que radiophonique sans importance. C’était plutôt une affaire de grandes personnes.
Et mes souvenirs défilent, partant du camp des policiers de Ridina vers les autres quartiers.
Le camp des policiers de Ridina avait sa jumelle au quartier Sabangali, le camp des évolués. Camp des policiers de Ridina ou tout simplement « camp police » où le vaste terrain derrière le garage était le stade de football pour tous les gamins du quartier.
De Ridina, la bourse du travail qui pour nous n’avait pour nom que le Syndicat,
Lieu où chaque samedi, nous était projeté un cinéma en plein air.
Le syndicat devenait le lieu de rassemblement des quartiers environnants :
Quartier sénégalais, Ambassana, kabalaye, Ardep-Djoumbal, Paris-congo. C’était le cinéma des enfants de N’djamena.
Des quartiers populaires, d’autres plus grands avaient leurs cinémas payants : Rio et Shéhérazade qui longeaient le grand marché.
Les plus riches ne se mêlaient pas à la populace ; leurs cinémas étaient Normandie, Vog, Etoile, dans le Hillé Nassara.
Pour nous déplacer nous avions 4 grandes voies goudronnées : Charles de gaule, Mobutu, Bokassa, Gafar Nimeiri, Tombalbaye.
Entre Mobutu, Bokassa et Tombalbaye, une fontaine : la Fontaine de l’union avec de beaux jets en couleurs que nous allions regarder les soirs.
Belle époque de l’Union des Etats de l’Afrique Centre (UAC) avec son siège en face de la présidence.
Non loin, entre la présidence et le camp militaire « Camp Koufra » et la garnison, il y a la cathédrale,
Majestueuse avec sa chevelure toute blonde qui sera emportée plus tard par les vicissitudes de la vie au Tchad.
Je me rappelle nos écoles :
Pour les privées, nous connaissions surtout Béguinage, Notre Dame de Kabalaye, Notre Dame des apôtres ;
Pour les écoles officielles, l’école du Centre, l’école annexe, l’école du quartier sénégalais, l’école des filles à Ambassana.
Les écoles secondaire qui nous faisaient rêver : Le lycée Félix Eboué, Le lycée technique commerciale, le lycée technique industrielle, le collège Sacré-Cœur, Le collège évangélique, le lycée féminin, le CEG 1 et le CEG 2 (ex collège François Tombalbaye).
Nous avions nos centres sociaux dont les plus connus étaient celui de Cent-fils, celui d’Illé Rogué et celui du grand marché, se situant entre le Foyer Fraternel et la Polyclinique.
Souvenir, souvenir, nostalgie, ô muses, éveillez mon esprit, faites remonter le passé
Chicotez N’Djamena ! N’Djamena koula Djana ! Nely-Nely, l’orchestre de la jeunesse, qui tenait compagnie à ses frères, Chari-Jazz, African-Melody (tantôt Tchad-Melody), Saltana…
Et pour voir les matches de football, nous avions le stade de la Concorde, le terrain de Klemat et le terrain de Moursal. Les championnats d’été poussaient partout mais le plus connu était celui du terrain de la mission de Kabalaye où s’affrontaient des équipes de circonstance.
Notre supermarché de de N’Djamena, c’était Printania ; ce nom qui nous faisait tous rêver. Ce lieu permettait une évasion hors du vécu ordinaire. L’air y était tempéré car la climatisation marchait. Pour nous enfants, les pommes faisaient nos délices. Les enfants les plus pauvres ne pouvaient entrer ; ils faisaient donc le « gardage » c’est-à-dire qu'ils devenaient des vigiles de circonstance pour garder les voitures des clients du Printania. Ce nom changera plus tard en Score mais avec le rêve en moins.
Nos lieux de loisirs enfantins étaient les Grands Moulins du Tchad où nous étions attirés par les gâteaux que nous goûtions des yeux à travers les vitrines et Prestige où nous admirions les mannequins exposés avec des habits d’ailleurs la grande mosquée qui a occupé tout un carré où étaient les taxis, le jardin zoologique de Farcha, l’hypodrome  (Chancrouss)…


Puis-je évoquer les différents quartiers de nos jeux, Ridina, quartier sénégalais, Klemat, Mardjan Daffac, Illé Rogué, Illé Nassara, Farcha, Melezi, Djambal Barh, bololo, Gardolé, Ambassana, Kabalaye, Sabangali, Paris-Congo, Zongo, Moursal (avec notre unique bulding), Chagoua (Nonsané ou Goro waga ?),Wallia, Abena, Dembé, Cent fils (champ de fils), Amriguébé…
Les souvenirs sont une boîte sans fond ; il faut bien se decider de s’arrêter quelque part en sachant qu’il y a encore beaucoup d’autres choses. Chacun se choisit les contenus de sa nostalgie. Ô muses, c’en est assez pour aujourd’hui. Arrêtez d’évoquer en moi d’autres souvenirs de la ville de Mahamat Djarma.