lundi 6 mai 2013

Que dire de la fameuse tentative de déstabilisation au Tchad? (par Pascal Djimoguinan)


Dans mes notes de lectures, j’ai retrouvé une citation de Michel Senellart dans son ouvrage Machiavélisme et raison d’Etat (PUF, 1989). N’eut-été ce qui se passe en ce moment au Tchad, cela n’aurait pas attiré mon attention outre-mesure. Je vais m’empresser de partager cette phrase avec vous en y ajoutant quelques commentaires : « La raison d’Etat, de nos jours, désigne l’impératif au nom duquel le pouvoir s’autorise à transgresser le droit dans l’intérêt public. Trois conditions la déterminent : le critère de la nécessité, la justification des moyens par une fin supérieure, l’exigence du secret. Invoquée dans les cas d’urgence, traduit-elle la permanence de pratiques absolutistes dans notre système politique, ou révèle-t-elle les limites qu’impose à l’Etat de droit la dure réalité des faits ? »

            Nous avons appris depuis quelques jours qu’une tentative de déstabilisation des institutions de la République a eu lieu au Tchad. Très peu d’informations n’ont filtré sinon qu’il y a eu quelques morts et quelques arrestations. Les trois conditions citées plus haut à propos de la raison d’Etat sont présentes. Nous n’allons pas nous y attarder mais nous voudront analyser cette situation à partir des deux questions par lesquelles s’achève la citation.

            La situation que connaît la Tchad traduit-elle la permanence de pratiques absolutistes dans notre système politique ? Y-a-t-il jamais eu un progrès dans notre système politique vers plus de démocratie ? Ce qui se passe, est-ce tout simplement le relent de plusieurs décennies dans des régimes absolutistes. La crainte est que malgré le vernis de démocratie dont on voudrait se revêtir, on continue à agir dans l’impunité totale et en foulant au pied tout ce qui a rapport à la liberté civique. Si tel est le cas, cela est très grave mais l’autre possibilité que suppose la seconde question n’est pas meilleure.

            La situation révèle-t-elle les limites qu’impose à l’Etat de droit la dure réalité des faits ? Si tel était le cas, cela signifierait que quelque soient les circonstances, les faits s’imposeraient qu’il ne servirait à rien de vouloir faire des lois. La raison finirait par faire place à l’instinct dans les affaires publiques.

            Nous pensons que la raison d’Etat ne doit pas être un mode de fonctionnement habituel dans un Etat de droit. Il faut se rendre compte qu’on ne peut pas parler de politique sans lois. Ce n’est ni l’arbitraire, ni le caprice d’un chef ou d’une assemblée qui font la république.

            Il faut faire très attention pour ne pas sombrer dans les dérives autoritaires. Un mort est toujours un mort de trop        et pour ce qui se passe au Tchad, il faut procéder dans la transparence totale et dans la légitimité la plus grande. En principe, tant qu’un citoyen n’est pas encore jugé, il est présumé innocent. Or ceux qui sont arrêtés pour « tentative de déstabilisation » sont déjà jetés à la vindicte populaire et sont déjà coupables. Malgré les protestations de leurs avocats, la roue continue de tourner. A qui le prochain tour ?

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