La danse des mots ou encore les
sapeurs de la langue sont des émissions radiophoniques bien truculentes qui
sont bien suivies. Une langue, si elle est ciselée par les hommes avec beaucoup
de dextérité, elle découpe quant à elle le monde avec une certaine poésie qui
ne manque pas de charme. Ainsi, pour comprendre un peuple, il faut comprendre
sa langue. Il suffit de voir comment le monde est exprimé dans les langues
africaines. Les traductions académiques laissent souvent s’échapper le génie de
ces langues. Nous allons en donner quelques exemples en parlant des langues
sara du sud du Tchad. N’importe quel locuteur d’une langue de l’Afrique
subsaharienne s’y retrouvera.
Je me rappelle notre amusement lorsque
nous étions jeunes, d’entendre parler français les anciens combattants qui
traduisait directement de leur langue maternelle sans tenir compte de la
syntaxe. Ainsi l’un d’eux disait à ses amis : « Coupez-moi la bouche dans le ventre du marché » ; pour
tout locuteur cela ne posait pas de problème et signifiait tout simplement que
celui qui parlait demande aux autres de le rejoindre en prenant un raccourci qui
traverse le marché.
Les langues sara découpent le monde
comme un grand corps dont les différentes parties sont les membres et organes.
Pour comprendre cela, prenons l’exemple d’une case. Pour la décrire, il compare
au corps humain. Ainsi la tête de la case est son toit, la poitrine les murs,
le ventre l’intérieur, le dos signifie derrière la maison et par extension les
toilettes.
Cette compréhension s’étend aux
meubles. Tout mobilier en hauteur a une tête. On pose quelque chose sur la tête
de la table, on s’assoie sur la tête d’une chaise, on dort sur la tête du lit. Par
contre tout ce qui est plat où à même le sol a un ventre. On dort donc dans le
ventre d’une natte. On hésite entre s’assoir sur la tête d’un fauteuil ou dans
son ventre.
Une personne peut être sur la poitrine
d’un arbre (ce qui signifie être à côté d’un arbre) ou sur la tête d’un arbre
(monté dans un arbre). Ce n’est pas la même chose d’être dans le ventre d’un
véhicule que d’être sur la tête du véhicule. Dans le premier cas, c’est être
dans la cabine ou dans une voiture fermée alors que dans le deuxième cas, cela
signifie être assis derrière un camion.
Le mot ciel est traduit par dara, don
ran, do ra ; cela pourrait se traduire par la tête de ra ou au-dessus de
ra (beaucoup y voit le dieu Ra égyptien mais cela est une autre histoire)
Enfin, « gouverner » est
traduit par un mot assez rare qui ne revient que pour désigner trois autres
choses (kon).
-
Dans un premier cas, ce verbe est utilisé pour dire manger la boule (nourriture
de base). On ne l’utilise pas pour dire manger quand il s’agit de dire manger d’autres
choses.
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Dans un deuxième cas, il est utilisé pour dire brûler. C’est pour exprimer l’action
du feu sur tout ce qu’il rencontre.
-
Enfin, le verbe est utilisé pour la famine. Habituellement, pour parler la faim
normale, on utilise un autre verbe. Dès qu’on utilise le verbe « kon »
associé à la faim, pour exprimer une situation d’urgence, due à la sècheresse
ou à de mauvaises récoltes.
Est-ce par simple homophonie (et dans
ce cas cela ne serait pas fortuit) le même mot est utilisé pour signifier la
souffrance.
Il faudra alors peut-être inventer un
autre mot pour exprimer l’idée de gouverner dans un Etat moderne et le rendre
plus proche de la bonne gouvernance.
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