lundi 25 décembre 2017

Message de Noël de l'Archevêque de Bangui

Message de Noël 2017 à la communauté chrétienne de Bangui et aux Hommes de bonne volonté
« Le peuple qui marchait dans la nuit, a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). Cet extrait de la prophétie d’Isaïe que nous venons d’écouter dans la première lecture de la messe de cette nuit évoque non seulement la lumière resplendissante de Noël, mais encore, le temps de l’Avent qui l’a précédé.
 L’Avent a été l’expression de notre cheminement, de notre quête profonde : « Après avoir, à bien de reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. (He 1, 1-2) » Il s’est agi d’un temps d’une fécondité insoupçonnable tout au long duquel de nombreux prophètes ont annoncé l’avènement de Noël. Éclairés par la foi, Sophonie[1] , Isaïe[2] et Jean-Baptiste[3] pour ne citer que ceux-là, voyaient déjà poindre la venue du Messie et invitaient le peuple de Dieu à se préparer à l’accueillir. Aujourd’hui encore, à leur écoute, durant tout le temps de l’Avent, nous nous sommes évertués à labourer nos cœurs, à aplanir les collines et les monts, à rendre droits les chemins tortueux qui s’y trouvent ; nous nous sommes empressés et appliqués à rendre lumineuses nos églises, à y dresser des crèches rivalisant de génie et de créativité ainsi que des symboles brillants. Extérieurement et surtout intérieurement nous avons crié notre désir de voir advenir le jour béni de Noël.
 L’Avent, temps de grâce, a relié l’espérance d’Israël marchant naguère dans les ténèbres à l’espérance de notre peuple qui, aujourd’hui encore et de façon particulière, continue de vivre sans doute les heures les plus pénibles de son histoire. C’est avec force que durant quatre semaines nous avons crié : « viens, Seigneur Jésus ! » Notre cri n’a pas été vain, car ainsi que l’annonce Saint Paul dès l’amorce de l’extrait de l’épître à Tite que nous venons d’écouter : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. » (Tt 2, 11)
 Avec la solennité de Noël que nous célébrons cette nuit commence une nouvelle ère, celle de l’histoire de notre Rédemption ainsi que l’atteste l’annonce joyeuse de l’Ange aux bergers : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 11). Il s’agit d’un petit enfant, emmailloté dans une mangeoire ; un être certes frêle encore, fragile et totalement dépendant, mais remarquablement puissant : « son nom est proclamé Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » (Is 9, 5)
Le Seigneur, en prenant la condition humaine au sein de la Sainte Famille de Nazareth, se fait solidaire de toutes nos familles humaines en général et en particulier, la famille chrétienne qui le proclame seul et unique Seigneur et Sauveur.

Noël, une famille qui accueille
Frères et sœurs,
Joseph et Marie sont indéniablement les témoins privilégiés de la Nativité. Dans un premier temps, je voudrais que nous nous appuyions sur leur engagement pour méditer le mystère de l’Incarnation comme une invitation qui nous est adressée d’accueillir le Fils de Dieu en famille. En effet, aujourd’hui, l’Enfant Jésus ne vient pas seulement habiter le cœur de chacun, mais il vient surtout mendier l’hospitalité de nos familles et communautés. Sommes-nous disposés à l’accueillir ? Avons-nous pris le soin de lui réserver une place dans nos abris, fussent-ils étroits ? Sommes-nous conscients que ce Nouveau-né ne grandira et ne fera lever sa semence d’amour, de justice et de paix que si nous nous engageons à le faire vivre en déployant nos bras charitables et en lui manifestant toute notre tendresse ? Ne l’oublions pas, à la fin des temps, lorsque Jésus aura été instauré juge de l’univers, avant de nous autoriser ou de nous refuser l’accès au royaume de son Père, il vérifiera notre pratique de la charité vis-à-vis de sa personne. Au nombre des actes qui lui auront permis de vérifier si oui ou non nous avons authentiquement été charitables, figure la question de l’hospitalité : « j’étais étranger et vous m’avez accueilli » ou « vous ne m’avez pas accueilli » (Mt 25, 31-46).
 Joseph et Marie, quant à eux, se sont rendus disponibles pour accueillir Jésus. D’abord ils ont chacun agréé le message de l’Ange, Marie de porter le Sauveur dans son sein virginal (Cf. Lc 1, 26-38) et Joseph de ne pas répudier son épouse et de la prendre chez soi (Cf. Mt 1, 18-24). Ensuite, il leur a fallu effectuer courageusement le trajet menant de Nazareth à Bethléem pour s’y faire recenser conformément à l’édit de l’empereur Auguste. Nous pouvons nous représenter cette scène en nous appuyant sur les nombreuses fresques qui la dépeignent : Joseph et Marie cheminant ensemble, l’époux veillant avec délicatesse sur sa bien-aimée dont la grossesse est presque parvenue à terme. À travers l’évocation du voyage à Bethléem nous pouvons voir que Saint Joseph manifeste une double responsabilité : celle de l’époux qui s’engage pour la vie de son couple et celle du citoyen qui ne se dérobe pas à ses devoirs. Celui que l’Eglise vénère comme patron des époux et des travailleurs nous rappelle que la foi ne nous exempte pas de nos devoirs civiques. Oui, c’est bien au cœur de nos cités que nous sommes appelés à manifester la puissance transformatrice de la Parole de Dieu en accomplissant convenablement nos justes devoirs sociétaux.
Lorsque la sainte famille arriva à Bethléem, l’évangile nous rapporte qu’il n’y avait pas de place dans la salle commune pour Marie sur le point d’accoucher. Il arrive encore aujourd’hui que l’on ne fasse pas de place à Jésus dans nos cœurs encombrés par les soucis du monde et qui ne peuvent par conséquent pas le reconnaître. Saint Jean en fait la remarque dans son prologue : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11).
Frères et sœurs,
Jésus naît dans la précarité. C’est, pour ainsi dire, la première annonce de sa mission de communier à la misère du monde : « Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. » (Lc 2, 6-7). La naissance du Fils de Dieu dans la précarité est un baume, un message d’espérance et de consolation particulièrement destiné à toutes les familles de Centrafrique et d’ailleurs qui sont actuellement confrontées à d’énormes difficultés. Oui, nombreux sont les parents qui doivent fuir pour sauver la vie des membres de leur famille (cf. Mt 2, 13-23). Nombreuses sont les personnes déplacées, migrants, veufs, veuves, orphelins, handicapés, enfants en situation de rue, hommes et femmes âgés, malades mentaux qui souffrent de ne pas avoir de place dans « la maison commune » de nos pays, de nos communautés et de nos familles. Enfin, on dénombre par milliers aujourd’hui les enfants qui naissent dans des 6 conditions misérables. Jésus est avec eux et naît pour eux. Et nous, comment assumons-nous notre responsabilité parentale dans un contexte de dénuement ? Sommes-nous avec toutes ces personnes qui souffrent autour de nous ? Comment les soutenons-nous et les accueillons-nous pendant ce temps de Noël ?
 Frères et sœurs,
Si, grâce à la foi, nous avons pu reconnaître en eux le visage de Jésus, nous pouvons, par l’imitation de la Sainte Famille de Nazareth, être hospitaliers. Pour nous, Noël amplifie le plaidoyer des pauvres de Yahvé pour un monde plus juste, plus solidaire, plus charitable et plus hospitalier. À l’instar de Marie et Saint Joseph, dociles, humbles et discrets aujourd’hui « ne fermons pas notre cœur mais écoutons la voix du Seigneur » (cf. Ps 94). Nous aussi écoutons le Seigneur qui nous invite à faire de la place dans nos cœurs et nos abris pour que Jésus et notre prochain, quel qu’il soit, musulman, catholique, protestant, expatrié, centrafricain de toute ethnie, étranger, puisse y trouver place.
Oui, dans nos familles, lieux privilégiés d’éducation, si on apprend aux enfants que la haine, la méfiance, la violence et le repli sur soi doivent être la meilleure manière d’être dans l’actuel Centrafrique, l’Incarnation de l’Enfant Jésus risque alors d’y être mise en question et nous dérogerons alors à notre vocation de construire un monde toujours plus fraternel, un Centrafrique toujours plus hospitalier ainsi que l’a salué saint Jean Paul II lors de son passage sur notre terre en 1985[4].
Je voudrais, du fond du cœur, remercier et confier à la bienveillance du Seigneur toutes les structures de l’État, toutes les personnes, toutes les familles, toutes les paroisses, toutes les institutions de notre Eglise et des autres Eglises et religions qui, durant ce terrible conflit, que ce soit ici à Bangui ou à l’intérieur du pays, ont toujours fait de la place pour les personnes en déplacement ou en difficulté. Je voudrais encore exprimer ma profonde gratitude à nos mouvements, fraternités et groupes de prière, nos paroisses et aux familles bienveillantes qui, répondant aux appels de notre Eglise locale, ont accueilli des personnes en provenance de l’arrière-pays ou de pays étrangers lors du passage du Saint Père, du Congrès sur la miséricorde et encore lors des rentrées pastorales et autres évènements diocésains. Je voudrais rappeler à tous que votre geste est évangélique et qu’à l’instar d’Abraham, en accueillant l’étranger, vous avez sans doute accueilli des anges (Cf. He 13, 2). Soyez bénis et comblés de la présence du Seigneur !
Frères et sœurs, Dans le mystère de Noël, l’humanité entière accueille le Prince de la paix, Celui que nous devons prendre pour référence. Multiplions et associons nos efforts pour faire advenir une paix durable dans nos sociétés. Si nous n’œuvrons pas pour que les familles vivent dans des conditions de plus en plus décentes, nous pourrons susciter de nombreuses dérives : l’équilibre des familles peut éclater. Nous devons créer des conditions pour que dans les familles chacun puisse se réaliser. Aussi, à celui qui est accueilli, il incombe de savoir se revêtir d’humilité pour intégrer la nouvelle famille sans y semer la discorde ou le désordre. Comme pour le peuple d’Israël, le temps vécu hors de chez soi peut être assimilé, par la foi, à un temps d’apprentissage et de repentance, à un temps d’ouverture ; ce peut être une occasion de conversion. À nous tous, il incombe de savoir que la charité n’exclut pas la vigilance et le respect. Pour nos familles qui craignent que l’accueil de déplacés et d’étrangers menace leur équilibre ou que la précarité plus épaisse que jamais n’ébranle leur concorde, Noël est la fête de l’espérance.
Noël, une famille qui espère
 Oui, l’avènement du Fils de Dieu dans notre histoire atteste que l’espérance fondée sur la foi ne trompe pas. Jésus est présenté comme la lumière tant attendue qui vient évincer le règne des ténèbres. Au nombre des ténèbres de notre société nous pouvons citer, avec la misère, le sentiment de lassitude que d’aucuns ont exprimé lors des nouvelles crises socio-militaires ces derniers temps. Un tel sentiment peut engendrer un profond désespoir et par conséquent anéantir l’élan, le désir de s’engager pour préparer un avenir meilleur.
Fête de l’espérance, Noël est la lumière qui vient dissiper la tentation de découragement qui menace dangereusement de nous plonger dans l’inaction et le fatalisme. De nouveau je voudrais que nous puissions nous appuyer sur le courage des membres de la Sainte Famille pour affermir notre espérance. La discrétion et la docilité de Marie et de Joseph sont fondées sur leur foi en la fidélité du Seigneur. Oui, la foi, nous montrent-ils de façon exemplaire, implique courage et confiance fermes ; la foi tourne le regard vers l’avenir et rassure de la réalisation de « l’ailleurs » que nous espérons. Joseph et Marie cessent d’avoir peur et obéissent chacun à l’annonce faite par l’Ange parce qu’ils croient que Celui qui vient est « Dieu avec nous » « Emmanuel » (Cf. Mt 1, 23) et Dieu qui nous 10 sauve « Jésus » (Cf. Mt 1, 21). L’accueil du Prince de la Paix devrait nous inciter à persévérer et à faire confiance dans les efforts qui déjà se font. L’accueil de Jésus devrait nous inciter à ne pas être des propagateurs de mauvaises nouvelles mais des témoins du bourgeon qui éclot des cendres et des ruines de notre terre.
Frères et sœurs,
Le Seigneur ne nous a jamais abandonnés. Le lieu où naît le Roi de l’univers peut certes paraître indécent mais, paradoxalement, c’est de cet endroit qu’il attire à lui le monde entier. C’est vers la crèche que convergent les bergers et les mages, symboles de l’humanité entière. Oui, du désespoir de nos cités peut sortir du beau, du grand, du vrai. « Bangui devient la capitale spirituelle du monde » disait le Saint Père lors de son passage chez nous[5] . Bénissons le Très Haut dont la grandeur de l’amour ne cesse de nous surprendre. Gardons-nous de mépriser notre situation contextuelle et de croire le Seigneur incapable de nous visiter. Jésus ne naît pas ailleurs mais au cœur de notre quotidien, même s’il est émaillé de laideurs. La venue du Fils de Dieu risque de nous paraître abstraite si nous ne prenons pas conscience de cela. En cette soirée sainte, Jésus vient réaliser l’annonce faite par Saint Paul aux chrétiens de Rome : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? Le dénuement ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le danger ? Le supplice ? En tout cela nous serons les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. » (Rm 8, 35.37).
Demandons au Seigneur, par la puissante intercession de Marie, Notre Dame de l’Oubangui et sous la garde de Saint Joseph, de combler nos familles des grâces innombrables de la venue de l’Enfant-Jésus. Que sa présence travaille notre monde à la manière d’un ferment afin qu’y croissent plus de justice, plus d’amour, de paix et d’espérance, maintenant et toujours. Amen !
D. Card. NZAPALAINGA



[1] So 1,14s.
[2] Is 62, 11-12.
[3] Mt 3, 1-4
[4] Voyage apostolique de Jean Paul II en Centrafrique, cf. Mathieu Fabrice Evrard Bondobo (Dir.), Voyage apostolique du Pape François en Centrafrique, Paris, L’Harmattan, 2017, pp. 33-54.
[5] Le 29 novembre 2015 à Bangui (Cathédrale Notre Dame de l’Immaculée Conception).


vendredi 15 décembre 2017

Esclavage des noirs en Lybie : il faut en parler (par Pascal Djimoguinan)

            Il faut retenir ce nom : Nima Elbagir. C’est cette journaliste d’origine soudanaise qui a osé lever le voile sur cet abcès qu’est l’esclavage des noirs en Afrique du Nord et que par l’hypocrisie tout le monde feignait ignorer. Elle s’est rendue en Lybie et a pu assister à la vente de migrants noirs et l’a fait passer sur CNN
            Il semble, en recoupant les informations, que c’est un marché bimensuel et que les ventes se font à la criée : « Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un homme fort, il va creuser. » Le prix des marchandises varie entre 400 et 550 dinars.
            On croyait cette époque révolue. On voulait croire que plus jamais cela n’allait encore avoir lieu. Malheureusement, autre chose est le rêve, autre chose est la réalité. Les noirs sont traités en Afrique du Nord comme des sous-hommes, des bêtes, des esclaves que l’on peut échanger contre espèces sonnantes et trébuchantes.
            Et tout cela n’est pas récent. Quand on parlait des discriminations dont les esclaves Haratines sont victimes, le reste de l’Afrique baissait la tête et s’enfermer dans un silence complice. L’Afrique recouvrait d’un voile pudique son humiliation qui continue en Afrique du Nord. Sans doute préférait-elle l’aide qui venait quelquefois des pays frères du Maghreb, au détriment des frères de couleurs qui devait lutter dans l’anonymat pour leurs droits à être des hommes et des femmes libres.
            Depuis des années, il est question du traitement dégradant envers des migrants de l’Afrique subsaharienne en route vers l’Europe. Les informations ne changent pas, qu’il s’agisse du Maroc ou de l’Algérie… Les noirs subissent toutes les humiliations imaginables. Ils ne tiennent que par la force du désir qu’ils ont d’arriver en Europe.
            Il est temps que les pays du l’Afrique du Nord, spécialement la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Lybie disent concrètement quelle est leur politique par rapport aux noirs venus de l’Afrique subsaharienne.
            Il ne sert à rien de se complaire de la loi de l’omerta qui était en place jusque-là. Les États de l’UA devraient exiger une déclaration claire et un changement de comportement. Ce n’est pas être raciste que d’exiger que les pays du Maghreb aient un comportement plus humain.
Comment Travailler avec des gens qui vous dénient votre humanité ?  L’UA même doit changer. Non, la situation actuelle ne peut perdurer. Nous ne pouvons pas continuer de coopérer dans ces conditions avec les États de l’Afrique du Nord.

Les cartes doivent être redistribuées. Si l’UA est incapable d’exiger et d’obtenir l’égalité de ses membres, ce sont les populations qui prendront les choses en main. Plus jamais ça ! Plus jamais ça ! Honte à nos dirigeants ! Plus jamais ça !


jeudi 14 décembre 2017

Une fenêtre ouverte sur le Prince de Machiavel

(Bien de gens citent souvent Le Prince de Machiavel sans l'avoir lu une seule fois. Si pour une fois, nous essayions d'ouvrir une fenêtre pour permettre à ces gens d'en avoir une idée? Si avons choisi de reproduire ici le chapitre 15 du Prince ayant pour titre "Des choses pour lesquelles tous les hommes, et surtout les princes, sont loués ou blamés. Assez court mais succulent. A vous de juger!)
Chapitre 15
DES CHOSES POUR LESQUELLES TOUS LES HOMMES, ET SURTOUT LES PRINCES, SONT LOUES OU BLAMES.
            Il reste à examiner comment un prince doit en user et se conduire, soit envers ses sujets, soit envers ses amis. Tant d’écrivains en ont parlé, que peut-être on me taxera de présomption si j’en parle encore ; d’autant plus qu’en traitant cette matière je vais m’écarter de la route commune. Mais dans le dessein que j’ai d’écrire des choses utiles pour celui qui me lira, il m’a paru qu’il valait mieux m’arrêter à la réalité des choses que de me livrer à de vaines spéculations.
            Bien des gens ont imaginé des républiques et des principautés telles qu’on n’en a jamais vu ou connu. Mais à quoi servent ces imaginations ? Il y a si loin de la manière dont on vit à celle dont on devrait vivre, qu’en n’étudiant que cette dernière on apprend plutôt à se ruiner qu’à se conserver ; et celui qui veut en tout et partout se montrer homme de bien ne peut manquer de péril au milieu de tant de méchants.
            Il faut donc qu’un prince qui veut se maintenir apprenne à ne pas être toujours bon, et en user bien ou mal, selon la nécessité.
            Laissant, par conséquent, tout ce qu’on a imaginé touchant les devoirs des princes, et ne m’en tenant à la réalité, je dis qu’on attribue à tous les hommes, quand on en parle, et surtout aux princes, qui sont en vue, quelqu’une des qualités suivantes, qu’on cite comme un trait caractéristique, et pour laquelle on les loue ou on les blâme. Ainsi l’un est réputé généreux et un autre misérable (je me sers ici d’une expression toscane, car, dans notre langue, l’avare est celui qui est avide et enclin à la rapine, et nous appelons misérable (misero) celui qui s’abstient trop d’user de son bien ; l’un est bienfaisant, et un autre avide ; l’un est cruel, et un autre compatissant ; l’un est sans foi, et un autre fidèle à sa parole ; l’un efféminé et craintif, et un autre ferme et courageux ; l’un débonnaire, et un autre orgueilleux ; l’un dissolu, et un autre chaste ; l’un franc, et un autre rusé ; l’un dur, et un autre facile ; l’un grave, et un autre léger ; l’un religieux, et un autre incrédule, etc.

            Il serait très beau, sans doute, et chacun en conviendra, que toutes les qualités que je viens d’énoncer se trouvassent réunies dans un prince. Mais, comme cela n’est guère possible, et que la condition humaine ne le comporte point, il faut qu’il ait au moins la prudence de fuir ces vices honteux qui lui feraient perdre ses États. Quant aux autres vices, je lui conseille de s’en préserver, s’il le peut ; mais s’il ne le peut pas, il n’y aura pas un grand inconvénient à ce qu’il s’y laisse aller avec moins de retenu ; il ne doit pas même craindre d’encourir l’imputation de certains défauts sans lesquels il lui serait difficile de se maintenir ; car, à bien examiner les choses, on trouve que, comme il y a certaines qualités qui semblent être des vertus et qui feraient la ruine du prince, de même il en est d’autres qui paraissent être des vices, et dont peuvent résulter néanmoins sa conservation et son bien-être.


lundi 11 décembre 2017

Johnny Hallyday : « Et que Johnny lui dit adieu »

Allo bonjour Madame
Ici, c'est Johnny
Je vous téléphone
Car les amis m'ont dit
Que votre fille se marie
Qu'elle part aujourd'hui
Non, je ne veux pas lui parler
Je veux pleurer
Mais dites-lui que je l'aime
Et que Johnny lui adieu

A quelle heure ce mariage
Quelle heure et quel endroit
Car le garçon qu'elle épouse-là aurait dû être moi
Mais comme un fou, je la perds
Je la perds, sachez-le
Non, je ne veux pas lui parler
Je veux pleurer
Mais dites-lui que je l'aime
Et que Johnny lui adieu

Je l'imagine belle comme un ange
Quand la cloche sonnera
Je promets qu'elle ne me verra pas
Mais moi je veux la voir encore une fois
Oh, oui, je vous dérange
Vous avez d'autres soucis
Je sais que vous perdez votre fille
Mais sachez que je la perd aussi
Oh, dites-lui que dans ma peine
Je souhaite son bonheur
Non, je ne veux pas lui parler
Il vaut bien mieux
Mais dites-lui que je l'aime
Et que Johnny lui adieu
Ouais, que Johnny lui adieu
Adieu
Adieu...
         
Jean-Philippe Léo Smet est né le 15 juin 1943 à Paris (France), d’un père belge, Léon Smet et d’une mère française, Huguette Clerc. Très vite, le couple va se disloquer et le petit Jean-Philippe sera élevé par la tante paternelle de sa mère Hélène Mar dont l’une de fille, Desta, sera la marraine au baptême.
            À l’âge de trois ans, Jean-Philippe ira vivre à Londre pendant deux ans avec sa marraine et sa sœur, danseuses de classique. Sa marraine épousera un danseur américain Lee Lemoine Ketcham dont le nom de scène est Lee Halliday. Ce dernier surnommera le petit Jean-Philippe Johnny ; plus tard, au moment de se choisir un nom de scène, Jean-Philippe optera pour Johnny Halliday, dont qui sera modifié en Hallyday à la suite d’une erreur d’orthographie sur la pochette de son premier 45 tour.
            Jean-Philippe sera inscrit à l’école des enfants du spectacle, suivra des cours par correspondance, apprendra la danse classique, puis à Paris, suivra des cours de théâtre. Il commencera à apprendre le violon qu’il abandonnera par la suite pour la guitare.
            La légende dit qu’il monte officiellement sur la scène pour chanter le 13 juin 1956 à Copenhague ; habillé en cowboy, il chantera La Ballade de Davy Crockett.
            A l’âge de 14 ans, il verra un film, L’amour frénétique, qui sera décisif pour la suite de sa vie ; il y découvre Elvis Presley et le rock ‘n’ roll. Il est convaincu d’avoir découvert sa voie ; il sera un rockeur.
            La carrière de Johnny Hallyday connaitra une ascension grâce à l’émission Salut les Copains sur Europe N 1. Du 20 septembre jusqu’au 9 octobre 1961, il sera le premier artiste de sa génération à se produire en vedette à l’Olympia de Paris où il lance le twist en France. En décembre, comme un clin d’œil à l’émission qui l’a fait connaître, il sort l’album Salut les copains.
            Sur le plan sentimental, Johnny changera souvent de partenaire : sylvie Vartan, Babeth Etienne, Nathalie Baye, Adeline Blondieau et Laeticia Hallyday.

            Johnny Hallyday est mort dans la nuit du 5 au 6 décembre 2017. Un hommage populaire lui a été rendu le samedi 9 décembre avec plus de 700 bikers qui ont escoté le cortège funéraire du funérarium du Mont Valérien jusqu’à l’Arc de Triomphe avant de descendre  vers la Concorde pour se rendre à l’église de la Madeleine. Le corps a été transporté en avion à l’île de Saint Barthelemy où il a été enterré le lundi  Dans sa vie, il a vendu 110 millions de disques dans le monde entier dont 68 millions en France ; il a obtenu 5 disques de diamant, 40 disques d’or, 22 disques de platine et 10 victoires de la musique.


lundi 4 décembre 2017

LU POUR VOUS/ RCA : Renonciation de l’Évêque de Bouar et nomination de son successeur

Le Saint-Père François, en date du 2 décembre 2017, a accepté la renonciation au gouvernement pastoral du Diocèse de Bouar (Centrafrique) présentée par S.Exc. Mgr Armando Umberto Gianni, O.F.M. Cap. Le Pape a nommé Évêque de ce même Diocèse le Père Miroslaw Gucwa, du Diocèse de Tarnów (Pologne), jusqu’ici Vicaire général du Diocèse de Bouar.
Le nouvel Évêque est né le 21 novembre 1963 à Pisarzow, au sein du Diocèse de Tarnów, en Pologne. Il a effectué ses études secondaires à Tarnów, entrant par la suite au Séminaire diocésain. Il a étudié la Philosophie et la Théologie au Grand Séminaire de Tarnów, y obtenant une Licence en Théologie. Il a été ordonné prêtre le 12 juin 1988.

Après son ordination sacerdotale, il a exercé les ministères suivants : 1988-1992 : Vicaire paroissial à Grybów, dans le Diocèse de Tarnów, en Pologne, 1992-1996 : Curé de la Paroisse Sainte Jeanne Antide de Bohong, dans le Diocèse de Bouar (Centrafrique), 1996-2005 : Recteur du Petit Séminaire de Bouar, 2003-2006 : Chancelier de la Curie diocésaine de Bouar, 2011-2014 : Curé de la Cathédrale de Bouar, Aumônier de la prison et de l’hôpital de Bouar, Président de la Commission Justice et Paix, depuis 2006 : Vicaire général. (SL) (Agence Fides 04/12/2017)

lundi 13 novembre 2017

LU POUR VOUS/RCA : Attentat contre le concert de la paix dans le quartier musulman et retour des tensions à Bangui

Quatre morts et une vingtaine de blessés : tel est le bilan de l’attaque à l’explosif perpétrée contre un café au soir du 11 novembre à Bangui, capitale de la République centrafricaine.
Des inconnus ont lancé un engin explosif – probablement une grenade – contre les clients du bar « Au carrefour de la paix » alors que se produisait le chanteur Ozaguin, une célébrité en Centrafrique.
Le café se trouve dans le quartier PK5, habité en majorité par des musulmans mais le concert avait attiré musulmans et chrétiens. La manifestation avait en effet été organisée par de jeunes chrétiens et musulmans dans le but de rapprocher les deux communautés divisées par la haine et le ressentiment suite à la guerre civile ayant éclaté en 2012 lorsque les rebelles de la Seleka, en grande partie musulmans, prirent possession de Bangui, déposant le Président François Bozizé.
Après l’attentat, ont eu lieu les représailles de la population du quartier PK5 qui ont fait au moins trois victimes parmi les chrétiens qui s’étaient rendus dans le quartier musulman pour y faire leurs achats.
A leur tour, de jeunes chrétiens ont assailli les chauffeurs musulmans de moto-taxis qui se rendaient dans leurs quartiers. « On ne comprend pas encore qui a commis cette attaque et pourquoi » déclarent à l’Agence Fides des sources de l’Eglise. « S’ils voulaient échauffer à nouveau les esprits, ils y sont parvenus parce que des représailles à l’aveuglette ont eu lieu au détriment de personnes innocentes. La situation demeure très tendue. Les quartiers de la zone du PK5 se sont vidés de nouveau, comme au temps de la guerre civile et ceux qui y sont restés ont érigé des barricades pour protéger leurs maisons et leurs magasins » déclarent les sources de Fides, confirmant que « des jeunes chrétiens, qui s’étaient rendus au KM5 pour acquérir des produits pour leurs propres magasins, ont été poignardés et tués ».

Le Premier Ministre, Simpli-Mathieu Sarandji, a condamné fermement « cet acte criminel » qui a frappé tant les familles chrétiennes que musulmanes et a rallumé les tensions intercommunautaires à Bangui, qui avait jusqu’ici été épargnée par les violences qui avaient secoué d’autres parties du pays. (L.M.) (Agence Fides 13/11/2017)

lundi 9 octobre 2017

HASTA SIEMPRE COMANDANTE

1) Aprendimos a quererte
desde la histórica altura
donde el sol de tu bravura
le puso cerco a la muerte.
Estribillo:
Aquí se queda la clara,
la entrañable transparencia,
de tu querida presencia
Comandante Che Guevara.
2) Tu mano gloriosa y fuerte
sobre la historia dispara
cuando todo Santa Clara
se despierta para verte.
3) Vienes quemando la brisa
con soles de primavera
para plantar la bandera
con la luz de tu sonrisa.
4) Tu amor revolucionario
te conduce a nueva empresa
donde esperan la firmeza
de tu brazo libertario.
5) Seguiremos adelante
como junto a ti seguimos
y con Fidel te decimos:
!Hasta siempre, Comandante!

1) Nous avons appris a t'aimer
depuis ton héroïque stature
quand le soleil de ta bravoure
dressa un barrage à la mort.
Refrain:
Ici nous reste la claire,
l’intime transparence,
de ta chère présence,
commandant Che Guevara
2) Ta main glorieuse et forte
depuis l’histoire, fait feu,
lorsque tout Santa Clara
se réveille pour te voir.
3) Tu arrives en brûlant la brise
avec des soleils de printemps
pour planter le drapeau
avec la lumière de ton sourire.
4) Ton amour révolutionnaire
te conduit vers une nouvelle entreprise
là où t’attend la fermeté
de ton bras libérateur.

5) Nous continuerons en avant
comme nous avions avancé avec toi.
et avec Fidel, nous te disons:
Pour toujours, commandant !


lundi 25 septembre 2017

Mariage au sud du Tchad : Alliance ou rivalité ? (par Pascal djimoguinan)

            A la question sur ce que représente le mariage dans une société donnée, la réponse spontanée est que c’est une alliance entre deux personnes, entre deux familles. En réalité cette réponse spontanée n’est pas si évidente que cela. Pour s’en rendre compte, il suffit de visiter quelques rites complémentaires de la cérémonie du mariage dans certaines sociétés. Ainsi, nous pouvons voir comment se passe les rites de l’installation des pierres du foyer à la cuisine quand il y a un mariage ; c’est un rite très important chez les sara en général et plus particulièrement chez les mongo.
            Le mot foyer est très important pour exprimer ce que forme un couple. En fait c’est un mot qui a plusieurs sens mais ayant un lien les uns avec les autres. Selon Larousse, le foyer est : « * Lieu où on fait le feu : / * Séjour domestique de quelqu’un/ Maison, famille : fonder un foyer.
             Nous voyons que le foyer est d’abord le lieu où on fait le feu puis le séjour domestique et enfin il désigne la maison et la famille. Le lieu où on fait le feu est le point focal autour duquel se forme la famille. C’est donc bien normal que le mot désigne la famille.
            Le foyer, lieu où se fait le feu, est traditionnellement constitué, chez les peuples du sud du Tchad, de trois pierres qu’on assemble et sur lesquelles on pose la marmite qui sert à la cuisson des aliments.
            Chez les mongos, le rite de la pose de ces pierres et très important pour le mariage, et tant qu’on ne les a pas encore posées, on ne peut pas dire qu’un foyer est déjà constitué. Une nouvelle famille ne commence que quand ces pierres sont posées.
            Chez les mongos, après la cérémonie de la dot, il y a la cérémonie de la pose des pierres du foyer. Les tantes et les sœurs de la mariée doivent passer la nuit chez le marié pour poser les pierres très tôt le matin.
            Il ne faut pas croire que c’est une cérémonie banale. Le symbole est très grand car c’est en réalité une lutte entre les familles des deux mariées.
            Vers 4h du matin, les tantes de la mariée rentrent dans la cuisine ; elles doivent installer les pierres du foyer et préparer à manger pour le marié et pour le beau-père. Les sœurs et cousines du marié doivent tout faire pour empêcher que la belle famille ne puisse allumer le feu au foyer. Les cousines et sœurs de la mariée ont pour mission de protéger le foyer que leurs tantes cherchent à allumer.
            Je suppose que l’on a du mal à se retrouver dans tout cela. Il s’agit tout simplement pour le côté féminin de la famille de l’homme d’empêcher que le foyer ne passe du côté de la mariée. Les sœurs et les cousines de l’homme sont là avec des seaux d’eau pour étendre le feu chaque fois qu’on cherche à l’allumer. Le foyer est inondé d’eau.
            Pour ceux qui cherchent à allumer le feu, il faut mettre en place le plan B. Il faut donc sortir les bouteilles de pétrole qu’on avait prévues. On écarte le famille du marié et on utilise le pétrole. Dès que le feu est allumé, les hostilités cessent. La famille de la mariée pousse des you-you.
            Les tantes peuvent alors préparer un petit repas pour le marié et pour son père. Désormais, la mariée devient maîtresse du foyer. Elle est chez elle et peut préparer à manger.
            Le symbole est assez parlant. Par le mariage, une femme étrangère vient prendre possession d’un lieu et d’une personne. La lutte pour conserver le statu quo aura été vaine. On peut parler du passage d’un état de nature à un état de culture.



lundi 18 septembre 2017

Ce franc CFA qui nous tient à cœur (par Pascal Djimoguinan)

            En Afrique francophone comme en France, on aime les polémiques. Pour le moment tout tourne autour du Franc CFA. Il s’agit d’une polémique sur fond de développement et de souveraineté. Il faut donc abandonner le franc CFA pour avoir une monnaie locale ou communautaire mais qui ne dépende plus de la France.
            En quelques jours des manifestations se sont multipliées dans plusieurs capitales africaines contre le CFA. Deux personnes résument à leurs façons le grief reproché à cette monnaie. Simon Kouka du groupe Y en a marre dit Sénégal affirme qu’«On ne peut pas se dire souverain et dépendre d’une monnaie comme le franc CFA. La souveraineté implique avoir sa propre monnaie. » Et Keeman Diouf de renchérir : « le CFA nous empêche de nous développer »  tout en avalant un billet de 500 francs CFA.
            Le débat sur le franc CFA a pris une nouvelle tournure quand Kemi Seba, de son vrai nom Stéllio Gilles Robert Capo Chichi (Français né de parents d’origine béninoise) a brûlé en public un billet de 5.000 francs CFA le 19 août 2017 lors d’un rassemblement au Sénégal contre cette devise. Il sera interpellé à Dakar et placé sous mandat de dépôt le 25 août. Il sera finalement relaxé par la justice sénégalaise le 29 août 2017 et expulsé le 6 septembre 2017 vers la France. Cela sera assez pour donner une certaine ampleur à la contestation.
            Créé en 1939, le Franc CFA est de fait né officiellement le 26 décembre 1945 lorsque la France ratifia les accords de Bretton woods. Le franc CFA qui est émis par la caisse centrale de la France d’Outre-mer signifiait d’abord « franc des Colonies Françaises d’Afrique ». Il deviendra en 1958 « franc de la Communauté Française d’Afrique. »
            Aujourd’hui, le franc CFA est en réalité le nom de deux monnaies communes à plusieurs Etats :
- Le franc de la communauté financière en Afrique qui est émis par la Banque des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Benin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.)
- Le franc de la coopération financière en Afrique, émis par la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine et Tchad.)
            Aujourd’hui en Afrique, les zones franc constituent des espaces monétaires et économiques (UEMOA pour l’Afrique de l’Ouest et CEMAC pour l’Afrique Centrale.)
            La convertibilité du franc CFA est à l’euro est : 1 euro = 655,957 F CFA. Le code dépend de la zone. Le code Iso 4217 est XOF pour l’Afrique de l’Ouest et XAF pour l’Afrique Centrale
            Le franc CFA est utilisé par environ 155 millions d’habitants. Il s’agit maintenant de s’avoir s’il faut conserver le CFA ou passer à une autre monnaie. Les jours qui suivent nous apporteront sans doute une réponse.

            En attendant, la question à poser est de savoir si en même temps que les manifestions anti CFA qui se multiplient en Afrique et ailleurs, il y a des structures qui sont mises en place pour pouvoir remplacer le CFA au cas où il serait abandonné. Il faut aussi des garantis pour que les Etats souverains n’aient pas la tentation de faire marcher la planche à billet. La souveraineté coûte chère ; prenons-en les moyens alors !



mercredi 13 septembre 2017

Tchad : Les freins socioculturels au développement (par Pascal Djimoguinan)

            Dans le concert des nations, des indices précis ont été établis pour parler du développement d’un pays. On parle d’indice du développement humain du PNUD qui se fonde sur trois critères à savoir le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau de l’éducation. Aussi contestables que puissent être certains critères retenus, il faut admettre que l’absence de certains de ces indices montre qu’un pays peine dans son développement. Dans le classement de l’édition 2016, le Tchad est  186ème sur 188 au plan mondial et 52ème sur le plan africain (Il faut rappeler que l’Afrique compte 54 pays.) Pour le Tchad, il y a des freins tout aussi bien sur le plan social que sur le plan culturel qui empêchent sinon d’atteindre ces indices, du moins de s’en rapprocher. Il devient urgent d’en faire l’inventaire pour pouvoir engager la lutte pour le développent.
            Parmi les freins socio-culturels au développement du Tchad, nous pouvons retenir les fêtes et les deuils, la pluie.
Les fêtes : Il est normal que tout être humain célèbre les évènements important dans sa vie. Cependant, lorsque la célébration canalise toute l’énergie de la personne, il faut se poser des questions.
            Au Tchad, la fête est l’occasion de gaspiller toutes les ressources que l’on possède sans souci de l’avenir. L’épargne n’existe pas. Tout est occasion de dépense tant au niveau de la nourriture que de la boisson. On dépense sans compter ; l’essentiel n’est pas de tout consommer mais de montrer l’abondance, quitte à mourir de faim le lendemain.
            Dans le même sens, tant que l’on a de l’argent sur soi, on consomme de l’alcool seul ou en groupes sans tenir compte de l’avenir. On en arrive ainsi à s’endetter pour pouvoir joindre les deux bouts.
Les deuils : un autre poste de très grande dépense au Tchad est le deuil. Alors que presque personne ne s’occupe des soins des personnes malades, dès que la mort frappe, c’est l’occasion de mobiliser les ressources. La grande peur étant que la famille soit accusée de n’avoir pas su honorer son mort.
            Les places mortuaires où ont lieu les recueillements avant, pendant et après les enterrements sont les lieux de très grandes dépenses. Certaines familles sont obligées de s’endetter pour ces dépenses. Il s’agit de nourrir les délégations qui viennent à la place du deuil et qui comptent y rester plusieurs jours. Il faut aussi s’occuper de la nourriture des choristes ou d’autres pleureuses publiques.
            La priorité n’est pas donnée à l’avenir. S’il y a une veuve et des orphelins, ils se débrouilleront par la suite pour leur subsistance et pour la scolarisation des enfants.
            Ces deux exemples montrent tout simplement que l’épargne est plutôt rare puisqu’on ne prend pas les temps de prévoir les dépenses et de les organiser d’une manière plus rationnelle. Il est donc impossible d’arriver au développement sans épargne.
La pluie: Au Tchad, quand il pleut tout s'arrête. Les gens transposent les comportements paysannes dans la vie moderne. S'il est normal d'arrêter les travaux au champ lorsqu'il pleut, cela ne devrait pas être le cas en ville. Malheureusement, dès qu'il pleut le matin, cela devient une excuse valable pour ne pas aller au travail à temps. Les bureaux sont donc fermés, les professeurs et les élèves ne viennent pas à l'école jusqu'à ce que la pluie cesse, les hôpitaux sont fermés. On peut perdre ainsi des heures de travail pendant la saison des pluies.

            Le grand défi est que ces freins socio-culturels cessent d’être un handicap pour le progrès. Il faut donc voir comment on peut mieux s’organiser pour éviter les dépenses inutiles et mieux célébrer les différents événements qui surviennent dans la vie de tous les tchadiens; en même temps, il faudra accepter de travailler même quand il pleut. C’est à ce prix que le Tchad pourra rattraper son retard. Tout le monde pourra profiter si le Tchad remonte dans le classement de l’indice du développement humain.



mardi 12 septembre 2017

LU POUR VOUS/ZAMBIE – L’Eglise catholique contre la diffusion des « fêtes du sexe »

« L’Eglise catholique est préoccupée par la décadence morale qui a englouti des jeunes des deux sexes comme le démontrent le cas des jeunes impliqués dans des activités immorales telles que des orgies à base d’alcool et de sexe, à Lusaka et à Livingstone » affirme le Père Winfield Kunda, Directeur des Communications sociale de la Conférence épiscopale de Zambie (Zambia Conference of Catholic Bishops –ZCCB), dans une déclaration relative à la découverte, le 3 septembre dernier, d’une « fête du sexe » dans une habitation des environs de Lusaka à laquelle ont participé quelques 70 adolescents de 13 à 18 ans.
Il s’agit du dernier en date d’une série d’épisodes similaires intervenus récemment dans la capitale, Lusaka, et à Livingstone. « La diffusion de ces actes, si elle n’est pas complètement interrompue et bloquée, risque de faire exploser la situation. Elle laisse chacun de nous déconcertés sur le genre de famille que ces jeunes pourront bâtir à l’avenir et par conséquent sur ce que deviendra notre nation » continue le Père Kunda.
Outre le risque de grossesses pré matrimoniales, ce genre d’actes accroît la diffusion du virus du SIDA, souligne le porte-parole de la Conférence épiscopale.
« Les jeunes qui ont été surpris dans des activités sexuelles de groupe ne devraient pas être laissés seuls et devraient en revanche être conseillés sur les dangers de tels actes, les avertissant que l’avenir de la Zambie dépend d’eux. Les parents ne devraient pas chercher à les protéger à tout prix mais être prêts à laisser leurs enfants être guidés sur le juste chemin, en les aidant dans la formation morale de leurs enfants » conclut le Père Kunda. (L.M.) (Agence Fides 11/09/2017)



lundi 11 septembre 2017

Tchad: Initiés mâles et excisées, que faire? (par Pascal Djimoguinan)

            Le Tchad, tout comme la plupart des pays africains s’est engagé dans la lutte contre l’excision féminine. Après plus d’une décennie, le résultat est plutôt mitigé. Il semble que le moment est venu plus une réflexion plus systémique afin d’arriver à des stratégies plus adéquates.
            Le problème de l’excision au Tchad est jusque-là envisagé en lui-même, sans trop tenir compte qu’elle va côte à côte avec l’initiation traditionnelle masculine. De ce fait, lutter contre l’excision féminine et en même temps accorder plus de crédit à l’initiation masculine apparaît paradoxalement pour les femmes comme une autre sorte de machisme et de minimisation des femmes.
            L’argument principal utilisé pour convaincre les défenseurs de l’excision au Tchad n’est pas décisif. On se base généralement sur le fait que l’excision n’a été introduite que tardivement au sud du Tchad pour faire comprendre qu’elle n’est pas aussi traditionnelle qu’on voudrait le faire croire. Cet argument n’est pas persuasif car on pourrait dire la même chose de l’initiation traditionnelle masculine.
            Nous pourrions pour cela, reprendre L’hypothèse de Joseph Fortier (Histoire du pays Sara) lorsqu’il parle de l’implantation des tribus sara dans le sud du Tchad. Il s’appuie lui-même sur Gayo KOGONGAR :
« En suivant M. Gayo KOGONGAR (Histoire précoloniale des populations sara) nous distinguons deux groupes :
a) Les plus anciennement installés au Tchad sont les Ngambay du Logone, les Mbay et le Ngam du Moyen Chari. Or, il se trouve que ces trois ethnies ont en commun une initiation qui leur est propre, et des légendes d’origine (mythe de Sou, comme héros civilisateur) qui ont leur équivalent chez leurs voisins centrafricains (le Wanto des Gbaya et le Téré des Banda sont des prototypes de Sou.)
b) Les derniers arrivés : Goulay de Dobo qui ont migré vers l’ouest jusqu’à Donomanga et Mouroumgoulay, Mouroum de la région de Laï-Doba, clan royal de Bédaya, Kaba-Démé de Kyabé qui n’avaient pas d’initiation quand ils sont arrivés un peu avant 1800 ; ils ont tous « emprunté » une initiation aux voisins ; les Goulay et les Mouroum aux Toumak ; les Sar de Bédaya aux Ngam-Télé ; les Démé, aux Sar de Bédaya. Tous venaient du nord du Fitri ou du Guéra, pour échapper aux gens du Baguirmi ou du Ouadaï.
            Il se peut, sans que nous en ayons la preuve décisive, que Ngambay, Mbay ou Ngam soient arrivés au Tchad depuis le Bahr-el-Ghazal nilotique, en passant par le sud, c’est-à-dire par la Centrafrique. »
            Nous pouvons simplement souligner deux faits massifs. Parmi les plus anciennement installés et qui ont une initiation qui leur est propre, en gros, les Ngambay et les Mbay ne pratiquaient pas l’excision. Les derniers arrivés n’ont pas d’initiation à leur arrivée et les ont tous « empruntés.
            Ainsi, s’il faut lutter contre l’excision, ce n’est pas parce qu’elle a été empruntée.
            Il n’est pas adroit de valoriser l’initiation masculine d’une part et de lutter contre l’excision sans pour autant trouver quelque chose qui serait le pendant de l’initiation masculine. En pays sar, il existait une initiation féminine qui a été supplantée par l’excision. Il faudrait entreprendre des recherches dans ce domaine pour combler le vide que laisserait la pratique de l’excision. Ce vide est un véritable frein contre la lutte de l’excision.
            Un autre exemple se trouve chez les Mouroum. Les hommes pratiquent une initiation traditionnelle (le yondo comme chez les sar) alors que chez les femmes il n’y a pas d’excision mais une initiation traditionnelle. L’étude de cette pratique pourrait beaucoup aider à la disparition de l’excision.
            Pour le moment, ce qui fait la force de l’excision, c’est que si les hommes pratiquent le « yondo », les femmes peuvent se prévaloir de l’excision qui leur permet d’avoir leur propre rite.

            Pour finir, il faut continuer d’expliquer que l’excision, quel que soit sa forme est une mutilation génitale et que comme telle est une agression contre l’intégrité physique de la femme. La solution à ce problème ne viendra que d’un dialogue à tous les niveaux de la société. Il faut surtout éviter que la lutte contre l’excision apparaisse comme une agression. Cela ne fera qu’exacerber les antagonismes.