lundi 24 février 2014

N'Djamena : exode rural d'un nouveau genre (par Pascal Djimoguinan)


            N’Djamena est en train de devenir une ville moderne avec le boum pétrolier que connaît le Tchad. Avec les différents chantiers qui s’élèvent un peu partout, il y a un grand besoin de main d’œuvre. Cela crée un appel d’air qui fait débarquer à N’Djamena toutes les catégories de personnes venant des villages. Toutes ces personnes ne sont pas logées à la même enseigne car les potentialités ne sont pas les mêmes. Les personnes plus ou moins spécialisées arrivent à se faire embaucher plus facilement comme aide-maçons, terrassiers etc… Les autres se retrouvent sur le carreau et doivent se débrouiller autrement.

            Les naufragés de cet exode rural que connaît N’Djamena sont ceux qu’on appelle ironiquement « les fonctionnaires de la rue 40 » (du nom d’une des rues du quartier nord de N’Djamena). Ils viennent généralement du sud du pays ; si on dit qu’ils sont généralement des « magueurs » du nom du village Magueri, ces naufragés viennent en réalité de nombreux villages du Moyen-Chari et du Logone Oriental.

            La plupart des femmes se font engager comme bonnes à N’Djamena. Leur principale occupation consiste à faire la cuisine, laver les habits et garder les enfants. Les hommes s’occupent davantage de tâches qui demandent des efforts physiques. D’autres garçons restent dans les quartiers sud de la ville où ils s’engagent comme gérants dans les différents bars et buvettes de la ville.

            Qu’est-ce qui draine toute cette foule de villageois vers N’Djamena ? Pour les filles, c’est le désir de s’acheter des ustensiles de cuisines. Celles qui rentrent avec toute une panoplie de marmites et de cuvettes donnent aux autres le désir de venir elles également à N’Djamena pour s’en acheter.

            Cela ne se passe pas sans difficultés. Pour rentrer avec ces ustensiles, toutes ces femmes doivent vraiment compter sur la chance pendant leur séjour à N’Djamena :

- Tout d’abord, il faut avoir eu la chance de tomber sur des patrons honnêtes. En effet, il y a des gens qui profitent de manière éhontée de la naïveté et de la fragilité de cette population sans défense. Plusieurs fois, au moment de la paye, certaines personnes accusent leurs employés de vol et les renvoient ; au pire des cas, ils les font arrêter pour vol.

- Les « naufragés », pour faire des économies se cotisent à plusieurs pour louer. Ils vivent donc à plusieurs dans des petites chambres dans une très grande promiscuité. Il va sans dire que beaucoup de filles rentrent au village avec des grossesses indésirées.

- Si en semaine la plupart de ces travailleurs passent la journée dans les quartiers nord, les fins de semaines, plus particulièrement les dimanches, ils se retrouvent ensemble. Ils essaient tant bien que mal de recréer l’atmosphère du village et cela ne se passe pas toujours sans bavures. Ils passent le temps à boire dans les différents cabarets et souvent cela se terminent par des bagarres généralisées où il y a quelquefois mort d’hommes.

            Loin d’être un fait social anodin, il faudrait prendre ce problème au sérieux car l’avenir du Tchad est plus ou moins engagé. Les travailleurs viennent de plus en plus jeunes à N’Djamena chercher du travail. Cela se fait au détriment de leur éducation. Beaucoup arrêtent les études (primaire ou début du secondaire) pour sombrer au cri des sirènes d’une richesse éphémère. Il faudrait donc une prise de conscience collective pour éviter cette hémorragie des forces vives du pays. Les différents chefs de villages et de cantons devraient être rappelés à l’ordre et leur faire savoir que l’école devrait être obligatoire pour tous, au moins jusqu’à l’âge de 16 ans.

            Il faudrait également que les syndicats prennent au sérieux ce problème. Les « fonctionnaires de la Rue 40 » ne disposent d’aucune protection et cela les fragilisent davantage. Il faudrait voir comment on pourrait les faire bénéficier de certains droits, ce qui les mettrait hors de la précarité.

            Finalement, la question principale consiste à savoir comment dans une même nation, certains bénéficieraient de la manne pétrolière au point au ils seraient des princes alors que d’autres, en trimant, n’arrivent même pas au Smig. Il y a va du devenir de la nation.

mercredi 19 février 2014

Panique à bord du vol KP 038 Douala-N’Djamena de Asky (par Pascal Djimoguinan)


            Le lundi 17 février 2014, le vol KP 038 de la compagnie Asky qui effectuait son vol régulier de Douala vers N’Djamena a connu un épisode qui aurait pu tourner au drame. Un individu a sans doute piqué une crise de nerfs et a été rapidement maitrisé par quelques passagers. Cela a créé au bord de l’avion une panique qui a été rapidement calmée grâce au sang-froid et au professionnalisme du personnel navigant.

            Le vol était parti de Douala à l’heure prévue c’est-à-dire à 17h30 et tout semblait se dérouler normalement dans l’avion. Une collation avait été donnée aux passagers et on était sur le point de commencer les manœuvres d’approche de l’aéroport de N’Djamena.

            Il était 18h45 et l’atterrissage était prévu pour 19h05. Les passagers étaient priés de regagner leur siège et de maintenir leur ceinture attachée. L’hôtesse de l’air avertit que pour les préparatifs de l’atterrissage, la lumière allait être éteinte mais que chacun pouvait utiliser la lumière personnelle s’il le voulait. Puis la lumière fut éteinte. Ce moment dans les avions est émotivement très chargé car chacun des passagers se rend compte que quelque chose d’important se passe et qu’en même temps cela était très délicat.

            Soudain, un bruit régulier s’éleva dans l’avion. On avait l’impression que quelqu’un frappait avait un objet dur contre du verre. Rapidement des bruits de voix retentirent et le bruit cessa. C’était un passager qui, dès que la lumière et été éteinte, a essayé de briser la fenêtre de l’avion. Il avait en fait réussi à briser la vitre mais il n’avait pas réussi à entamer la deuxième. Les passagers les plus proches s’étaient rués sur lui pour le maitriser après un corps à corps digne des films les plus spectaculaires de Hollywood. Les passagers venaient de partout pour donner un coup de main. Chacun avait sans doute en tête le 11 septembre 2001. Un attroupement commençait à se former autour des sièges 21 à gauche de l’appareil. Le personnel navigant intervint rapidement pour demander aux passagers de rejoindre leur place ; il fallait éviter que la concentration de personnes en un seul endroit de l’avion fasse perdre l’équilibre à l’avion. Il fallait une force de persuasion pour que les passagers ne regagnent leur place. Ils étaient convaincus que c’était un terroriste qui cherchait à tuer les passagers de l’avion. Finalement, tous acceptèrent de regagner leur place mais en laissant le passager suspect sous la garde de deux passagers, en attendant que la police viennent l’arrêter après l’atterrissage.

            Les manœuvres pour l’atterrissage reprirent alors. Chacun y allait de son commentaire. La peur planait désormais dans l’avion et personne n’avait plus honte de l’exprimer. Dès que l’avion toucha le sol, une salve d’applaudissement s’éleva dans l’avion. Malgré les consignes du personnel navigant, l’avion n’avait pas encore fini de rouler que tous étaient debout, prêts à descendre de l’avion. Pour plusieurs passagers, il était évident qu’ils venaient d’échapper à la mort…

            La descente de l’avion se fit sans problème. Des policiers attendaient que les passagers sortent de l’avion pour pouvoir interpeler le suspect.

            A mon avis, il ne s’agissait certainement pas d’un terroriste. N’ayant pas eu des informations plus précises, je ne peux qu’exprimer mon hypothèse. Ce vol Douala-N’Djamena a pris des passagers en transit venant de Bangui. Il se pourrait que ce passager que certains disent être un étudiant vienne de Bangui. Après avoir vécu sous tension à Bangui, la conjugaison de deux faits (préparation de l’atterrissage à N’Djamena et l’obscurité dans l’avion) ont provoqué chez lui une crise de nerfs ou une poussée de claustrophobie. Il a alors voulu s’échapper de l’avion par la fenêtre. Ce n’est pas de policier qu’il devait avoir besoin mais plutôt d’un médecin. J’espère que les autorités l’ont compris.

jeudi 13 février 2014

Tchad, Internet : le Tchad à la traine (par Pascal Djimoguinan)


            Dans la sous-région, le Tchad fait partie des Etats où internet reste encore un luxe. Est-ce par manque de volontarisme ou tout simplement un relent de méfiance sécuritaire que nous nous trouvons dans ce cas ? Il est en tout cas étonnant de vouloir prendre le train du développement et en même temps être réfractaire aux moyens de communication modernes. En même temps les prestataires des services téléphoniques et d’internet sont sur la sellette. Il leur manque la vision révolutionnaire qui doit faire éclater la bulle des connexions internet et le développement des moyens sociaux dans le pays.

            Un simple coup d’œil sur les pages des services de téléphonie proposant leurs prestations du service internet peut aider à prendre conscience des prix qui dépassent les limites d’une bourse moyenne :

- Sur la page d’Airtel,  un abonnement d’un mois de 2 GB est offert pour une somme de 20.000frs CFA. Le service illimité mensuel est offert pour 50.000frs

- Sur celle de Tigo, un abonnement de 30 jours de 5 GB est offert pour une somme de 50.000frs. Un abonnement de 2 GB x 2 pour 60 jours est offert pour 50.000frs.

            On se rend compte qu’il y a une sélection sévère qui est faite. Ce n’est pas tout le monde qui peut avoir une connexion internet au Tchad. Sont exclus d’office, les étudiants, les citoyens moyens et tous ceux qui ne travaillent pas. En effet, qui est capable de débourser chaque mois 50.000frs, uniquement pour avoir internet ?

            Il serait aberrant de vouloir que tous les étudiants puissent disposer chacun d’un ordinateur pour la recherche alors que la connexion internet est au-delà de leurs moyens. La recherche scientifique doit faire les frais de ce manque de politique. Quelle pourrait être la solution ?

            Il ne faut pas attendre qu’un coup de bâton magique vienne tout changer. Il suffit de regarder autour de nous. L’exemple de deux de nos voisins peut nous aider. Au Cameroun tout comme en Centrafrique, Il suffit d’acheter une clé de connexion USB pour environ 10.000frs pour avoir une connexion mensuelle qui coûte 10.000frs. Cette politique aide au développement d’internet car même les étudiants et les cadres moyens sont capables d’avoir la connexion mensuelle. En plus, sur le plan économique, cela se sait que l’explosion du nombre d’utilisateurs fait monter les bénéfices des compagnies de téléphonie.

            Je défie Airtel et Tigo de faire cette révolution internet s’ils en sont capables. Nous ne pouvons pas continuer à fermer la marche en tout dans la sous-région. Le pays de Toumaï doit sortir des cavernes…

mardi 11 février 2014

Tchad : 12 février 1979, qu’avons-nous appris ? (par Pascal Djimoguinan)


            Il y a 35 ans, les portes de l’enfer ont semblé s’être ouvertes au Tchad. Libération pour certains, cataclysme pour d’autres, les événements qui ont eu lieu avaient fait place à un pays exsangue, divisé, en lambeaux. Pouvons-nous dire que des leçons ont été tirées et que le pays a fait un pas en avant ?

            En Afrique où on aime les célébrations, il est étonnant que constater qu’il n’y a au Tchad aucun programme de grandes célébrations du 12 février. Cette date marque pourtant pour le pays le passage à une autre ère.

            Officiellement, c’est la date de la grande déchirure qui a amené le Tchad au bord de la partition. Jamais la crise tchadienne n’avait connu une telle consonance communautaire. Tchadien à l’origine, on se découvrait soudain sudiste ou nordiste. Les notions géographiques du Nord et du Sud ont pris une connotation surtout politique. Le Nord au Tchad commençait désormais à N’Djamena.

            Lorsque les hordes de soldats Fan de Habré ont déferlé sur N’Djamena, Les esprits se sont cristallisés au Tchad autour de deux groupes qu’on a opposé : les goranes contre les saras. Il a fallu attendre l’évolution des événements pour qu’au nord comme au sud, on découvre que la réalité était plus complexe. Au Nord, on découvrait qu’il y avait dans le groupe sara des mbays, des sars, des gors, des ngambayes etc. Au Sud, on s’étonnait de voir qu’il y avait en plus de ce qu’on appelle gorane, les toubous, les anakazas, les zaghawas, etc.

            Le 12 février a marqué une descente en enfer au Tchad en ce sens que la nation avait éclaté. L’Etat n’existait plus.  On se retrouvait avec onze tendances politico-militaires, prêtes à en venir aux mains pour imposer leurs points de vue.

            Curieusement, c’est dans les jours sombres qui ont suivi qu’on a eu la plus courageuse tentative de fusion nationale avec la formation du GUNT (gouvernement d’union nationale de transition). Même si le Tchad a connu la dictature de Habré, l’espoir demeure car le GUNT nous a montré qu’un autre Tchad est possible. Le pays a su dépasser les divisions que lui ont imposé les hommes politiques.
            
              L'expérience des forces étrangères d'interposition a été négatif. Le Tchad a appris qu'il faut compter sur ses propres forces de défense et de sécurité. Rien ne vaut le dialogue entre les fils du pays. Les armes comme moyen d'alternance au pouvoir crée plus de troubles. Toute une génération a été sacrifiée. Plus jamais ça doit être le slogan de tous les tchadiens!

            Le 12 février 1979 appelle tous les tchadiens à faire mémoire d’un avenir à inventer ensemble pour devenir une nation.

lundi 10 février 2014

CENTRAFRIQUE - Appel des responsables religieux : « ne traînez pas la religion dans un conflit politique »

Bangui (Agence Fides) – « Nous ne voulons pas que la religion soit traînée dans un conflit qui est purement politique ». C’est ce qu’ont affirmé les principaux responsables religieux de République centrafricaine – S.Exc. Mgr Dieudonné Nzapalainga, Archevêque de Bangui, le pasteur Nicolas Guerékoyame Gbangou, Président des églises évangéliques, et l’imam Oumar Kobine Layama, Président de la communauté islamique centrafricaine – lors d’une conférence de presse tenue le 7 février.
Selon Mgr Nzapalainga, « les hommes politiques veulent imposer une guerre religieuse à un peuple qui a toujours vécu en harmonie » rappelant qu’en Centrafrique, 80% de la population sont chrétiens, 10% musulmans et 10% animistes. « Il n’existe aucun motif pour traîner la religion dans un conflit purement politique » a ajouté l’imam Oumar Kobine Layama.
Les responsables religieux ont en outre dénoncé les interférences étrangères en Centrafrique, interférences qui ont contribué à entraîner le pays dans la crise la plus grave de son histoire. Ils ont également invité, ainsi que l’a déclaré le pasteur Guerékoyame Gbangou, à laisser agir « le Parlement provisoire, les forces vives de la nation, la communauté internationale. Bientôt, une solution sera trouvée ».
La situation en Centrafrique demeure cependant chaotique. Dimanche 9 février, à Bangui, au moins 11 personnes ont été tuées dans le cadre de violents saccages dans un certain nombre de quartiers de la capitale. Parmi les personnes assassinées se trouve également un parlementaire, Jean-Emmanuel Ndjaroua, qui avait dénoncé les violences à l’encontre des musulmans. (L.M.) (Agence Fides 10/02/2014)

Centrafrique : cote d'alerte médiatique (par Pascal Djimoguinan)


            Il est temps de mettre le hola ! En Afrique, le souvenir de la Radio Mille Collines est encore présent dans les esprits. Il est presque impossible d’éviter de voir sur les réseaux sociaux et sur tout internet, des images les plus choquantes sur la Centrafrique. Une émulation malsaine semble s’imposer ; c’est à qui posterait l’image la plus ignoble. On voit des corps démembrés, des gens postant avec des membres humains, des scènes de lynchage, des blessures horribles. Il ne s’agit point de ne pas informer ; la question est de savoir gérer les informations pour ne pas attiser la haine. La situation de la Centrafrique est très fragile et on ne gagnerait pas à faire une surenchère sur la douleur des gens.

            Il est vrai que longtemps, la Centrafrique a souffert de l’indifférence de la presse internationale. Le conflit centrafricain s’est joué très longtemps à huis-clos. Il y a eu des massacres et des exactions qui se sont déroulés loin de tout battage médiatique. La crise centrafricaine a pu ainsi se répandre dans tout le pays tel une gangrène.

            Aujourd’hui, il est heureux que le monde ait enfin ouvert les yeux sur la crise centrafricaine. On est mieux informé sur ce qui se passe dans le pays et des élans de solidarités se lèvent de par le monde. Un avantage certain est dans le fait qu’il est désormais impossible que la crise que connaît le pays retombe dans l’oubli.

            Cependant, cette prise de conscience peut, si elle n’est bien gérée, aboutir à un effet qui, loin d’être bénéfique pour la Centrafrique, lui causerait du tort. Il est normal que chacun, face à des images très fortes de scènes horribles soit scandalisé, horrifié… Mais toute image est-elle publiable ? Que cherche-t-on en les publiant ?

            Le crise centrafricaine prend des allures communautaires et se couvre de relents religieux. La publication de toutes les images avec des commentaires plus ou moins partisans, au lieu de montrer uniquement l’aspect horrible des choses, pourrait plutôt pousser à la révolte et appeler à la vengeance.

            Pour tous ceux qui aiment la Centrafrique, de grâce, il faut arrêter cette orgie autour des dépouilles. Il faut arrêter  d’attiser la haine car le pays est arrivé à un point où la guerre civile généralisée n’est pas loin. Que tous les internautes fassent un usage responsable des réseaux sociaux. L’avenir de la Centrafrique en dépend !

samedi 8 février 2014

Centrafrique : départ des soldats tchadiens de la Misca ? (par Pascal Djimoguinan)


            La présence des soldats tchadiens dans la Misca est devenue un abcès de fixation de toute la haine qui est à son paroxysme en Centrafrique. Sur le plan aussi bien politique que militaire, le Tchad a-t-il intérêt à maintenir ses troupes dans ce pays ? Le moment n’est-il pas venu d’anticiper les choses et de changer de stratégie ?

            Pendant longtemps, le Tchad a argué du mandat de la CEMAC puis de l’UA pour justifier sa présence militaire en Centrafrique. Il a indiqué qu’il fallait une présence militaire tchadienne pour assurer l’ordre dans ce pays. Peut-être qu’il fut un temps où cela était vrai mais depuis décembre, les choses ont changé.

            Depuis décembre, l’intervention française en Centrafrique a changé la donne. Il faut dire que dès le début, les français se sont laissé piéger et cela les a mis en porte-à-faux. Leur stratégie était de venir neutraliser la Séléka et restaurer la sécurité dans le pays à partir de Bangui vers l’intérieur du pays. Elle n’a pas su intégrer un fait nouveau qui est venu transformer complètement la situation, l’attaque de Bangui par les anti-balakas du 5 décembre. Les français ont voulu appliquer le plan de départ alors que cela était dépassé. Ils ont, sans le savoir, laissé se développer les germes de cette situation dont si on ne prend garde, se transformerait en une épuration sinon ethnique, du moins communautaire. Sans le vouloir, la fameuse phrase de François Hollande sur Michel Djotodia pourrait être retournée à la France : « On ne peut pas laisser en place un président qui n’a rien pu faire, a laissé faire ». Cela fait déjà deux mois que la France est en Centrafrique et les pogroms continuent en même temps que les sites de déplacés ne désemplissent pas.

            Même si la situation n’est pas encore stable en Centrafrique, en plus des forces Sangaris, les forces africaines sont en train de monter en puissance et leur nombre ne cesse de croître. Il devient inévitable que cette force se transforme dans les mois à venir en force onusienne. Cela signifie que les soldats tchadiens ne sont plus indispensables en Centrafrique. Au contraire, le retrait des soldats tchadiens de la Misca pourrait créer un nouveau dynamisme qui sera utile dans l’avenir. Il n’y a aucun bénéfice pour le Tchad de demeurer en Centrafrique et de faire l’objet de toutes les accusations.

            De toutes les façons, le Tchad a eu à jouer longtemps en eau trouble ; on ne peut pas être à la fois juge et partie. La meilleure chose à faire pour le Tchad, c’est de faire profil bas en Centrafrique. Cela consiste à retirer ses troupes, à juger les mercenaires Séléka tchadiens, confiés les enfants soldats à l’Unicef et enfant demander aux organismes internationaux de s’occuper des Séléka centrafricains en réfugiés au Tchad. Il viendra un moment où il faudra parler de la réintégration des musulmans centrafricains dans leur pays. Le Tchad ne pourra servir d’intermédiaire que si sa neutralité est avérée.

vendredi 7 février 2014

Centrafrique : il faut un sursaut (par Pascal Djimoguinan)


            La Centrafrique ne cesse de faire parler d’elle ces jours-ci. Une orgie d’images macabres circule dans les réseaux sociaux. On voit des gens poser avec des membres d’ennemis arrachés à la suite de lynchages. Est-ce cela l’image du pays de Barthélémy Bonganda ? Ne faut-il pas que ce pays se réveille enfin de ce long cauchemar ?

            Ce qui est venu remettre la violence en Centrafrique sous les feux de la rampe, c’est ce lynchage d’un ancien Seleka. Après une rencontre de la présidente de la transition Catherine Samba-Panza avec les anciens faca (Forces armées centrafricaines) le mercredi 5 février dans le but de marquer la renaissance de l’armée centrafricaine, des soldats de l’armée « régulière » ont lynché à coups de pieds, de briques et de couteaux, Idriss un homme du groupe soupçonné d’être un ancien de la Séléka. Tout cela s’est passé sous le regard de la presse internationale venue couvrir la cérémonie militaire. Comme si cela ne suffisait pas, la scène s’est déroulée au sein de l’école nationale de magistrature (quel symbole ?)

            Le tollé a été général ; des voix s’élèvent pour demander des sanctions exemplaires. Si les scènes de lynchages sont monnaie courante en Centrafrique, celle qui a eu lieu mercredi est très significatif. Des hommes en uniforme censés remettre de l’ordre dans le pays qui s’abandonnent ainsi en public à une scène de non-droit, avec le sourire aux lèvres, cela donne à réfléchir. Ne met-on pas la charrue avant les bœufs en voulant absolument rendre les FACA opérationnels. Cette scène montre les limites d’une telle politique. Il faudrait d’abord prendre le temps de la formation de ces militaires.

            Toutes ces réactions mettent en porte-à-faux les forces de maintien de la paix. Combien de temps les ressortissants des pays qui envoient des militaires en Centrafrique vont tolérer que leurs soldats protègent des gens pour qu’ils puissent continuer les lynchages ?

            La violence est telle dans le pays que la vengeance semble être devenue une voie normale pour résoudre les problèmes. Il faut absolument arrêter le cycle de la violence. Pour cela, il faudra être capable de calmer les esprits et petit à petit amener les populations à se sentir plus en sécurité. La priorité doit être en ce moment, la formation des policiers et des gendarmes centrafricains.

mercredi 5 février 2014

Tchad : Parlons de la sorcellerie au sud du pays 2 (par Pascal Djimoguinan)


            Nous avons relevé que la sorcellerie apparaît comme une réalité multiforme au sud du Tchad. Nous avons essayé de montrer comment les natifs la voie. La question qui va nous occuper maintenant concerne la manière dont ils abordent la sorcellerie.

            Il faut dire que la première réaction face à la sorcellerie est celle de la peur. La sorcellerie provoque chez la majorité des gens une très grande peur et c’est ce qui fait sa force. Cette peur permet à ceux qui apparaissent comme sorciers d’être les maîtres du jeu et de manipuler les autres. Cette peur fait que l’on ne parle de la sorcellerie qu’à voix basse et qu’on n’ose pas la critiquer.

            Toute société, même devant des faits qui semble la dépasser, parvient à trouver des solutions. Ainsi les cultures du sud du Tchad ont trouvé une parade contre les sorciers. Si c’est sorciers n’ont pour but que de détruire les vies, il y a dans les villages des gens dont le travail consiste à lutter contre eux. Ainsi sont-ils consultés dans tous les cas où des personnes s’estiment attaquées par les sorciers, ou par leurs proches pour les soigner des maladies qui les rongent. Il n’est pas rare d’entendre dire que certaines maladies ne se soignent pas par l’homme blanc ou par l’hôpital (ici il y a un travail pédagogique à faire pour que l’hôpital ne soit pas négliger par ceux qui vont consulter les guérisseurs.)

            Bien souvent, lorsque les guérisseurs sont consultés pour des cas de sorcellerie, ils prescrivent des herbes qu’il faudra utiliser pour encenser les malades. La tradition veut cela pousse le malade à prononcer le nom de l’ensorceleur. La question qu’il faut se poser ici est de savoir s’il s’agit d’une drogue qui, sous la pression des personnes présentes pousse le malade, dans un délire, à dire le nom d’une personne ou s’il s’agit réellement d’une personne ayant provoqué la maladie par une philtre, un sort ou une invocation.

            Une fois que le nom d’une personne a été prononcé, l’assistance ira manu militari l’arrêter et se chargera par une violence inouïe à arracher son aveu puis sommé de relâcher le double du malade et lui trouver des antidotes.  Il n’est pas rare que des personnes innocentes soient rouées de coups, chassées des villages, et même souvent passer de vie à trépas.

            Un fait qui pose question : que penser des cas des personnes qui restent plusieurs en état de coma et qui demandent qu’on rassemble la famille et devant elle, confesse les assassinats de plusieurs personnes du village depuis des années en donnant des noms précis ? Souvent, après ces confessions, ces personnes peuvent mourir paisiblement.

mardi 4 février 2014

Tchad : Parlons de la sorcellerie au sud du pays 1 (par Pascal Djimoguinan)


            S’il est un sujet difficile à traiter, c’est celui de la sorcellerie puisqu’il y est toujours question de conjecture, de susceptibilité, de vengeance ou de manipulations. Il est toujours difficile de retrouver son latin dans ce fouillis inextricable. Nous allons tout simplement, dans ce parcours, laisser paraitre les choses telles que les voient certaines populations du sud du Tchad. Il faut pour cela une certaine dose de prudence dans les affirmations et les conclusions qu’il faut en tirer car nous sommes en plein dans un domaine inconnu.

            Nous préférons partir de la définition que donne Wilkipédia ; par la suite, nous préciserons certaines choses par rapport à la société que nous abordons. « La sorcellerie désigne souvent la pratique d’une certaine forme de magie, dans laquelle le sorcier ou la sorcière travaille avec les énergies globales, que ce soit celles des plantes, des cycles lunaires, des saisons et même des entités. Selon les cultures, la sorcellerie fut considérée avec des degrés variables de soupçon voire d’hostilité, parfois avec ambivalence. Certaines doctrines religieuses considèrent toute forme de magie comme de la sorcellerie, la proscrivent ou la placent au rang de superstition. Elles opposent le caractère sacré de leurs propres rituels aux pratiques de la sorcellerie. »

            De cette définition, il faut tout de suite préciser que généralement, en Afrique, on fait une distinction entre la sorcellerie qui consiste à travailler avec des énergies venant d’un autre monde, de l’utilisation des plantes qui est plutôt l’apanage des guérisseurs traditionnels, ceux qui utilisent la pharmacopée sans être des sorciers.

            Au sud du Tchad en général, il y a des formes de sorcelleries propre aux femmes comme il y en a qui sont propres aux hommes. La sorcellerie se transmet généralement dans la famille, de père à fils et de mère à fille. Ainsi, dire qu’une personne est sorcière c’est traiter toute sa famille de sorcière et cela peut aller jusqu’au tribunal.

            Quels sont les formes de sorcelleries qui reviennent souvent quand on parle au Sud du Tchad ? En gros, il y a quatre espèces de sorcellerie auxquelles viennent se greffer tout le reste.

- Il y a d’abord une forme de sorcellerie qui est propre aux femmes. On l’appelle « ndon-yi » chez les mongo. La traduction du concept en français donnerait « femmes-lucioles » ; d’autres comme les ngama l’appellent « ndoh kouma. Cette forme de sorcellerie qui se transmet de mère à fille consisterait à ce que la sorcière sorte la nuit nue pour se promener en projetant une lumière par la bouche. Ces femmes auraient une sorte de confrérie. Le but de cette sorcellerie n’est pas très clair. Que cherche cette confrérie ? Est-ce une forme d’émancipation par rapport aux hommes ?

lundi 3 février 2014

Centrafrique : Sibut, avertissement à moindre frais (par Pascal Djimoguinan)


            On apprend que depuis le dimanche 2 février, la ville de Sibut (à 180 km au nord de Bangui) est contrôlée par les soldats de la Misca et de Sangaris. C’est sans doute l’épilogue d’un drame qui a commencé depuis 15 jours pendant lesquels les ex combattants de la Seleka ont pillé la ville avant de prendre la fuite vers le nord et l’est du pays.

            Pendant ce temps, on se croirait en plein rêve si la dure réalité ne se chargeait pas de nous tarauder l’esprit, on apprend que lors de la conférence des donateurs de la Mission internationale de soutien à la République Centrafricaine (Misca) qui s’est tenue à Addis-Abeba le 1er février 2014, la France a annoncé son souhait de voir se tenir les élections générales le 15 février 2015. C’est à se demander si ce n’est pas la méthode coué.

            Si la confrontation armée n’a pas eu lieu ces jours-ci entre les forces de maintien de paix et les ex combattants de la Seleka, elle n’en a pas moins été que différée. On se retrouve avec des hommes armée éparpillés dans la nature, prêt à recommencer. Et il faut dire que le danger réside là. Partout dans le pays, il y a des bandes armées incontrôlées. Tout peut s’embraser à tout moment. Avec cette mobilité qui est la leur, elles sont prêtes à sévir à n’importe quel point du pays et disparaître.

            Combien d’hommes faudra-t-il pour que les forces internationales puissent être partout à tout moment ? Cela ne relève-t-il pas d’une mission impossible. Ce qui est sûr est que les milices de tout bord vont toujours éviter la confrontation directe à longue durée. Ils n’en seraient pas capables à cause de la couverture aérienne de Sangaris. Par contre dans les opérations de guérilla et des escarmouches, elles auront une grande nocivité.

            Comment dans ces conditions penser la possibilité des élections dans une année. Le pays est totalement désorganisé et l’administration n’est présente nulle part. Comment réinstaller l’autorité de l’Etat et préparer les élections. Sera-t-il possible aux hommes politiques de parcourir le pays pour la campagne électorale ? La question demeure et c’est le problème du temps de la transition qui se pose. Comment pacifier le pays pour que la transition prenne fin. La situation de la Centrafrique ne peut être comparée à celle du Mali. Il faudra trouver une solution exceptionnelle pour la Centrafrique.

dimanche 2 février 2014

Tchad: Démission de l'évêque de Doba


AFRIQUE/TCHAD - Démission de l’Evêque de Doba et nomination d’un Administrateur apostolique
Cité du Vatican (Agence Fides) – Le Saint-Père François, en date du 30 janvier 2014, a accepté la renonciation au gouvernement pastoral du Diocèse de Doba (Tchad) présentée par S.Exc. Mgr Michele Russo, M.C.C.J., conformément au canon 401 § 2 du Code de Droit canonique. Le Pape a nommé Administrateur apostolique sede vacante et ad nutum Sanctae Sedis de Doba (Tchad) S.Exc. Mgr Miguel Angel Sebastián Martínez, M.C.C.J., Evêque du Diocèse de Lai. (SL) (Agence Fides 31/01/2014)
 

Centrafrique: un nouveau nonce apostolique


Centrafrique: Mgr Franco Coppola nouveau nonce

Il était nonce au Burundi

Anita Bourdin

ROME, 31 janvier 2014 (Zenit.org) - Le pape François a nommé comme nonce apostolique en Centrafrique un archevêque italien, Mgr Franco Coppola, 57 ans: il était nonce au Burundi depuis 2009.

Mgr Coppola a été ordonné prêtre en 1981, pour le diocèse d'Otrante, sur l'Adriatique, et il a une maîtrise en droit canon.

Il est entré au service de la diplomatie du Saint-Siège en 1993, et a été en poste au Liban, puis déjà au Burundi, en Colombie, en Pologne et au Vatican où il a été, jusqu'en 2009, conseiller de nonciature en poste à la secrétairerie d'Etat.

Il arrive dans une nation à la recherche de la paix et de la réconciliation.

samedi 1 février 2014

Centrafrique : nouveau seuil d'alerte (par Pascal Djimoguinan)


            La crise centrafricaine n’en finit pas avec ses épisodes à rebondissement pleins de suspense. Cela a amené Catherine Samba-Panza à intervenir sur les ondes de la radio nationale le vendredi 31 janvier : « Des informations concordantes relayées par les médias internationaux font état de l'irruption de groupes armés appartenant à l'ex-Séléka à Sibut avec des velléités de sécession, malgré les appels à la paix et à la réconciliation du nouveau gouvernement. » Cette poussée de fièvre fait suite aux informations selon lesquelles plusieurs centaines d’hommes de l’ex rébellion séléka se seraient regroupés à Sibut à 180 km de Bangui et auraient planté un drapeau rouge dans un quartier périphérique de la ville (Sokada) pour symboliser la partition du pays. Cela a obligé les forces de maintien de la paix a envoyer à Sibut trois unités de la Misca, appuyée par la force française.

            Il est dangereux que l’idée de la partition de la Centrafrique avance de plus en plus. Les autorités estiment que la seule la force est la solution. Que faut-il en penser ?

            Tout le monde sait que personne ne soigne la fièvre en cassant le thermomètre. Peut-être que dans l’immédiat il faudra bander les muscles pour mieux se placer sur l’échiquier national mais très vite, il faut arrêter de vouloir traiter des effets sans toucher à la cause.

            Le problème qui menace l’avenir de la Centrafrique, c’est la possibilité « du vivre ensemble » par-delà les communautés. Il est vrai qu’il y a un problème communautaire aujourd’hui dans le pays. Par opportunisme, ce problème essaie de prendre les contours religieux. Cela est alimenté par certains discours qui devraient inquiéter mais que de responsables politiques encouragent et que les medias véhiculent sans s’en rendre compte. Quand des responsables de milices affirment avec bonhomie avoir nettoyé tel secteur, assaini tel autre quartier, il faut accepter d’aller au-delà des mots pour voir la réalité que cela implique.

            Comment redonner confiance aux différentes communautés pour leur faire croire qu’il est possible de continuer la route ensemble ? Il est étonnant de voir que tous les responsables politiques et tous les citoyens centrafricains vouent une grande vénération à Barthélémy Boganda, premier président du pays mais que en même temps, on constate depuis quelque peu un discours à l’opposé de ses idéaux.

            Plus que toute autre chose, la Centrafrique est en train de mener le combat de son unité. On commence à oublier que la devise de la Centrafrique est « Unité, dignité, travail ». Le pays n’a pas à faire l’économie de cette unité. La Centrafrique doit retrouver son humaniste qui s’exprime dans ce slogan de Barthélémy Boganda : « Zo kwe zo » ( Un homme est un homme, ce qui signifie tout homme est une personne humaine).