lundi 30 mai 2016

La démocratie africaine à l’aune du troisième mandat ? (par Pascal Djimoguinan)

            Beaucoup de gens sont encore jaloux de notre démocratie africaine. On ne conçoit pas que nous puissions mettre sur place des structures d’Etat qui ne correspondent pas à celle de l’Europe. Peut-être que la démocratie est née en Europe mais depuis, elle lui a échappé. Nous avons nos propres laboratoires pour créer notre propre démocratie à l’Africaine.
            Beaucoup d’esprits chagrins nous reprochent les troisièmes mandats que nous accordons à nos présidents. Ils oublient qu’il ne sert à rien de mener un combat d’arrière-garde.
            La Russie a inventé avec Poutine le système de la démocratie à parenthèses. Celui qui est au pouvoir, après avoir achevé ses mandats, se met en retrait avant de revenir en laissant le soin à un de ses filleuls de diriger un mandant.
            Nous notre marque de fabrique, c’est d’enfiler mandat sur mandat. D’ailleurs, qui vous dit qu’on change une équipe qui gagne.
            La clause des deux mandats non renouvelable ayant sauté, nous nous retrouvons avec une démocratie inaltérable que beaucoup nous envie.

            Il nous reste à ajouter une nouvelle chose pour faire évoluer la démocratie africaine. Nous allons faire écrire dans les constitutions des Etats africains que chaque présidence doit avoir son cimetière. Ainsi, aucun président africain ne quitterait la présidence. Après avoir passé sa vie à régner nos présidents bien-aimés, quand ils mourront de vieillesse, seront enterrés dans les cimetières de la présidence. Nous leur devons bien cela puisqu’ils ont sacrifié toute leur vie pour nous !


vendredi 27 mai 2016

Hiroshima, le devoir de mémoire ? (par Pascal Djimoguinan)

            Les dépêches du vendredi 27 mai 2016, sur le plan international, s’accordent sur une chose ; à titre d’exemple RFI écrit : « Ce vendredi 27 mai est un jour historique dans l’histoire des Etats-Unis et du Japon. Profitant de la tenue du G7 au Japon, Barack Obama est allé à Hiroshima. C’est la première fois qu’un président américain en exercice se rend dans la ville martyre, dévastée le 6 août 1945 par la première bombe atomique, une bombe américaine qui a fait 140 000 morts ».
            Une fois cette information donnée, tous les journaux reviennent sur le fait qu’il n’y a pas eu d’excuse comme annoncé. La conclusion tombe alors : « Des excuses sont, encore aujourd’hui impossibles pour les Américains et la venue d’un président est en soi un événement. »
            Il faut se poser une question sur un problème qui revient tout le temps. Il faut demander pardon pour le mal qui a été fait et Dieu sait si ce mal peut facilement être pardonné. Qui doit demander des excuses et à qui ?
            Il est question des survivants qui étaient présents. Barack Obama doit-il demander des excuses au nom des Etats-Unis ?
            Il y a un fait qui est passé sous silence. Si les survivants étaient là, Barack Obama, lui, est un descendant.
            Les descendants doivent-ils demander des excuses quand les survivants sont présents des deux côtés ?
            En plus Obama, comme descendant, aurait pu naître n’importe où : au Kenya, en Irlande, ou au Japon. Il aurait pu se trouver de n’importe quel côté. Peut-être du côté des descendants des victimes, peut-être du côté des survivants des « coupables ».
            Les Américains de la génération des survivants n’ont pas pu demander pardon. Leurs descendants héritent-t-ils du droit de demander des excuses ? Ils doivent sans doute trouver trop lourd le poids de l’acte de leurs pères qui ont osé larguer la bombe atomique.
            En fait, avoir utilisé la bombe atomique est quelque chose qui dépasse une nation, vue le dégât causé. C’est le monde entier qui a été touché dans son humanité. Comme humain, nous sommes tous coupables. Nous avons déshumanisé notre monde. En ce sens, Obama peut demander des excuses à toute l’humanité.

            Lorsque le mal atteint l’homme dans son humanité, c’est à toute l’humanité qu’il faut demander des excuses et œuvrer à ce que cela ne recommence plus. Mais cela n’empêche pas que sur le plan personnel, celui ou ceux qui ont directement été la cause de ce mal soient jugés, qu’ils aient à payer de leurs crimes et à demander des excuses.


mercredi 25 mai 2016

Bonne fête à nos mamans, mères courage! (par Pascal Djimoguinan)

            Le dernier dimanche de mai, l’Afrique francophone, suivant l’exemple de la France fête les mères. En effet, cette fête est l’une des rares à ne pas avoir lieu en même temps partout dans le monde. Le pays qui ouvre le bal de la fête est le Norvège le deuxième dimanche de février. Ensuite plusieurs pays la fêtent tout au long du mois de mars. Le Royaume uni la célèbre le quatrième dimanche du carême (le Mothering Sunday). Le mois de mai, plusieurs pays fêtent les mères. La plupart des pays francophones d’Afrique la célèbre le dernier dimanche de mai sauf pour certains d’entre eux, si ce jour coïncide avec la Pentecôte. Dans ce cas, la fête est repoussée au premier dimanche de juin. La fête continue dans les autres pays tout au long de l’année ; la Belgique par exemple, la célèbre le 15 août. Le dernier pays à la célébrer dans l’année est l’Indonésie, le 22 décembre.
            La fête des mères prend de l’importance année après année. Cela montre la place importante qu’occupe la mère dans le cœur aussi bien des enfants que des femmes et les hommes.
            Tous savent l’importance des sacrifices que font les mamans pour leurs enfants. Pendant neuf mois, elles sont les tabernacles qui conservent la vie dans toute sa fragilité. Véritables sanctuaires de la Vie, elles portent les bébés en mettant leur propre vie en danger.
            Ensuite à la naissance de leurs bébés, les mères ne vivent plus que pour eux. Tout est orienté vers l’enfant.

            Tout ce que nous sommes aujourd’hui, nous le devons à nos mères. C’est pour cela qu’il faut reprendre la fameuse dédicace de Camara Laye dans son livre l’Enfant Noir :
A ma Mère
Femme noire, femme africaine,
Ô toi ma mère, je pense à toi
Ô Dâman, ô ma mère, toi qui me portas sur le dos,
Toi qui m’allaitas, toi qui gouvernas mes premiers pas,
Toi qui, la première, m’ouvris les yeux aux prodiges de la terre,
Je pense à toi…
Femme des champs, des rivières, femme du grand fleuve,
Ô toi, ma mère, je pense à toi…
Ô toi Dâman, ô ma mère, toi qui essuyais mes larmes,
Toi qui me réjouissais le cœur, toi qui, patiemment,
supportais mes caprices,
Comme j’aimerais encore être près de toi,
être enfant près de toi !
Femme simple, femme de la négation,
ma pensée toujours se tourne vers toi…
Ô Dâman, Dâman de la grande famille des forgerons,
ma pensée toujours se tourne vers toi,
La tienne à chaque pas m’accompagne, ô Dâman, ma mère,
Comme j’aimerais encore être dans ta chaleur,
être enfant près de toi. …
Femme noire, femme africaine,
ô toi ma mère, merci pour tout ce que tu fis pour moi, ton fils,
Si loin, si loin, si près de toi !
Je t’aime,
je t’aimais,
je t’aimerais toujours!



lundi 16 mai 2016

Peter Singer, un philosophe à connaitre (par Pascal Djimoguinan)

            Peter Albert David Singer est un philosophe et homme politique australien (il s’est présenté sans succès au Sénat australien comme candidat vert) né le 6 juillet 1946. Il est surtout connu pour ses positions sur des questions de bioéthique qui ont suscité la controverse dans beaucoup de pays.
            On peut mieux entrer dans la pensée de Singer par deux livres, Animal Liberation (1975) et Rethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics.
            Dans Animal Liberation (La Libération Animale), Singer s’élève contre ce qu’on appelle le spécisme. Il rejette la discrimination entre les êtres, uniquement en se basant sur l’espèce, en accordant la priorité à l’espèce humaine.
            Selon Singer, tous les êtres sensibles (capables d’éprouver le plaisir ou de souffrir) doivent être considéré comme moralement égaux et traités de cette façon. Cela dit, il est injustifié d’utiliser des animaux pour se nourrir car cela entraîne une souffrance disproportionnée par rapport aux bienfaits que les êtres humains tirent de cette consommation. Une obligation morale découle de cela : il est obligatoire de ne pas manger la chair des animaux (végétarisme) et même des produits ou service issus des animaux ou de leur exploitation (véganisme).
            De cette pensée, Singer va tirer des conséquences éthiques qui sortent de l’ordinaire :
            La première conséquence porte sur l’avortement. Tout part donc des préférences liées à la capacité de ressentir du plaisir ou de la douleur. De là on parvient à un calcul utilitariste. Puisque un fœtus de 18 semaines n’a pas, selon Singer, la capacité de ressentir la douleur ou du plaisir, il n’y a donc rien contre la préférence de la femme qui veut avorter ; ainsi, l’avortement serait moralement permis.
            La deuxième conséquence concerne l’infanticide. Pour Singer, les nouveau-nés ne sont pas encore des personnes car ils ne possèdent pas les caractéristiques essentielles d’une personne à savoir, la rationalité, l’autonomie et la conscience de soi. Ainsi, le meurtre d’un nouveau-né ne serait pas aussi grave que celui d’une personne.
            Dans le second ouvrage Rethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics, Singer essaie d’explorer les voies et les contradictions ouvertes par les progrès de la médecine. Il s’agit ici d’aborder la valeur de la vie humaine et de l’éthique de la qualité de vie.
            Que pense Peter Singer du meurtre ? Est-ce un mal de tuer ?
Singer part de la conception traditionnelle de la vie comme sacrée. Il se demande si la vie est sacrée en elle-même. Si tel en est le cas, il serait aussi odieux de tuer un cochon, d’arracher un chou que de tuer un être humain. Or le problème qui se pose est que quand nous disant que la vie est sacrée, nous ne pensons qu’à la vie humaine. Singer demande alors pourquoi la vie humaine serait différente des autres.
Dans ses considérations, Singer s’étonne du débat pour maintenir en vie un homme qui ne mène plus qu’une « vie végétarienne » alors qu’on tue les chiens errants, on utilise des singes pour des expériences, on tue le bétail. Pourquoi cette différence, se demande Singer ?
Singer fait recours aux interdits, notamment de tuer dans les sociétés. Cela se fait en vue de se protéger mais avec des nuances :
- Sociétés tribales : le crime c’est tuer quelqu’un de la tribu
- Dans les Etats plus développés, sont protégés ceux qui se trouve à l’intérieur de la frontière nationale
- Aujourd’hui on estime que c’est mal de tuer quelles que soient la race, la religion, la classe sociale, nationale, des êtres humains sauf quelques exceptions (auto-défense, guerre, peine capitale, etc.)
            A partir de cette morale partiale, liée à une tribu, une société, Singer se demande pourquoi la morale ne serait liée qu’à l’appartenance à notre espèce. Cela l’amène à chercher la définition de vie humaine et être humain.
            Si l’on définit l’être humain par membre de l’espèce homo sapiens, les conséquences ne sont pas les mêmes que quand on le définit par une liste des indicateurs d’humanité dont la conscience et le contrôle de soi, le sens du futur et du passé, la capacité d’entrer en relation avec les autres, de se préoccuper des autres, la communication et la curiosité.
            Dans la première définition l’embryon, le fœtus, l’enfant handicapé mental, le nouveau-né sont acceptés comme être humain puisque faisant partie de l’espèce homo sapiens. Dans le deuxième cas cela ne serait pas le cas. Pour lever toute ambiguïté, Singer propose d’utiliser pour le premier cas, le terme de l’espèce homo sapiens et pour le deuxième, de parler de personne.
            Pour Singer c’est à tort qu’on emploie le mot personne comme étant la même chose qu’être humain. Il fait donc un parcours historique du terme personne pour s’arrêter à John Locke : Personne est un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui peut se consulter soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux.

            A partir d’ici, il est plus facile de voir où pointe la réflexion de Singer. Nous encourageons la lecture de la suite de l’ouvrage de Singer. Pour lui un grand singe, un bonobo, serait plus une personne qu’un nouveau-né, un handicapé mental, un être humain dans le coma. Le respect de la personne est plus pour le premier que pour les seconds. Pour le faire il faut être capable de dépasser une première gêne qui s’installe. Pour pouvoir rejeter ses arguments il faut les connaître. On ne peut pas tout simplement les rejeter sans les connaître.

TCHAD - Situation grave de milliers de réfugiés sud-soudanais se trouvant au Tchad

Les réfugiés soudanais se trouvant dans le camp de Goz Amer, dans l’est du Tchad, se plaignent d’une grave carence d’aides humanitaires, de toilettes et de denrées alimentaires. Un groupe de réfugiés résidant dans le camp, a déclaré, dans un entretien accordé à une radio locale, que les structures sanitaires du camp, qui accueille plus de 35.000 réfugiés, manquent de médicaments et de médecins pour les contrôles de routine. Les réfugiés sont contraints à acquérir les médicaments en question à des prix très élevés dans des pharmacies situées à l’extérieur du camp. En outre, ils se plaignent également d’une diminution des rations mensuelles en denrées alimentaires et en eau potable. (AP) (Agence Fides 16/05/2016)

vendredi 13 mai 2016

Qu’est-ce que l’homme juste ? (par Pascal Djimoguinan)

Il nous arrive de définir rapidement le juste et de faire son éloge. Qui est-il en réalité ? Est-ce celui qui a peur du gendarme ou celui qui a fait sienne la loi ?  Il est interessant de relire l’anneau de Gygès, dans la République de Platon, livre II, (359c-360d)
  Maintenant, que ceux qui la pratiquent agissent par impuissance de commettre l'injustice, c'est ce que nous sentirons particulièrement bien si nous faisons la supposition suivante. Donnons licence au juste et à l'injuste de faire ce qu'ils veulent ; suivons-les et regardons où, l'un et l'autre, les mène le désir. Nous prendrons le juste en flagrant délit de poursuivre le même but que l'injuste, poussé par le besoin de l'emporter sur les autres : c'est ce que recherche toute nature comme un bien, mais que, par loi et par force, on ramène au respect de l'égalité. La licence dont je parle serait surtout significative s'ils recevaient le pouvoir qu'eut jadis, dit-on, l'ancêtre de Gygès le Lydien.        

Cet homme était berger au service du roi qui gouvernait alors la Lydie. Un jour, au cours d'un violent orage accompagné d'un séisme, le sol se fendit et il se forma une ouverture béante près de l'endroit où il faisait paître son troupeau. Plein d'étonnement, il y descendit, et, entre autres merveilles que la fable énumère, il vit un cheval d'airain creux, percé de petites portes ; s'étant penché vers l'intérieur, il y aperçut un cadavre de taille plus grande, semblait-il, que celle d'un homme, et qui avait à la main un anneau d'or, dont il s'empara ; puis il partit sans prendre autre chose. Or, à l'assemblée habituelle des bergers qui se tenait chaque mois pour informer le roi de l'état de ses troupeaux, il se rendit portant au doigt cet anneau. Ayant pris place au milieu des autres, il tourna par hasard le chaton de la bague vers l'intérieur de sa main ; aussitôt il devint invisible à ses voisins qui parlèrent de lui comme s'il était parti. Etonné, il mania de nouveau la bague en tâtonnant, tourna le chaton en dehors et, ce faisant, redevint visible. S'étant rendu compte de cela, il répéta l'expérience pour voir si l'anneau avait bien ce pouvoir ; le même prodige se reproduisit : en tournant le chaton en dedans il devenait invisible, en dehors visible. Dès qu'il fut sûr de son fait, il fit en sorte d'être au nombre des messagers qui se rendaient auprès du roi. Arrivé au palais, il séduisit la reine, complota avec elle la mort du roi, le tua, et obtint ainsi le pouvoir.

samedi 7 mai 2016

Tchad : Et si l’on regardait l’avenir (par Pascal Djimoguinan)

            Une des choses qui ne cessent de me surprendre c’est le peu d’empressement que les compatriotes tchadiens mettent pour exprimer leur amour de la patrie. D’ailleurs, ils ne l’expriment carrément pas. Au fil des années, un amalgame s’est fait. Il y a une confusion entre la nation tchadienne et le régime politique en place, si bien que dire son amour pour la nation est vu comme un soutien indéfectible pour le régime. Il faut bien que les choses changent.
            Il y a une chose indéniable qui est même de l’ordre d’une vérité de Palice. Si l’on veut un changement pour le Tchad, il faut commencer par l’aimer. Cela demande un changement total de comportement.
            La première question que nous devons nous poser est de savoir quelle est notre attitude par rapport aux symboles du pays : le drapeau, la devise, les armoiries, l’hymne ? Les connaissons-nous et avons-nous du respect pour eux ? Si nous constatons que nous avons un comportement négatif par rapport à eux, nous devons alors changer notre manière d’être et de voir les choses.
            Une deuxième question est de voir comment chacun personnellement se situe par rapport à ce mal qui gangrène notre société et qui est la corruption. Il faut que chaque tchadien s’élève consciemment contre ce mal et le combatte à tous les niveaux.     
            Le lutte sera dure parce que ce mal, nous l’avons presque dans la peau, tellement il fait désormais partie de notre quotidien : sur nos routes, dans les bureaux, dans les hôpitaux, au marché, partout.
            Un premier pas, assez simple dans cette lutte est que chacun exige un reçu chaque fois qu’il doit payer quelque chose. Il faut avoir une preuve des transactions financières, qu’on peut produire à tout moment. Au besoin, refuser de payer un surplus lorsqu’on sait que cela n’est pas exigé par l’Etat. Il y a un salaire qui est versé pour que tous les commis de l’Etat puissent faire leur travail.
            Ce travail n’est pas facile n’est-ce pas ? Nous savons tous que le plus grand chantier commence par le premier coup de pelle. Que chacun commence avec ce coup de pelle et nous verront. Le changement dans notre pays commence par-là.
            Jusque-là, nous avons trop compté sur les politiciens. Commençons le travail nous-même; il  s'agit de s’engager dans un travail de changement de mentalité. N’ayons pas peur de dire parle de notre pays le Tchad, de dire que nous l’aimons, de prier pour lui.

            Que Dieu sauve le Tchad !