mardi 29 juillet 2025

Peut-on parler de cohabitation au Tchad ? (Par Pascal Djimoguinan)

 Il est courant de parler de cohabitation au Tchad. Des réunions et des ateliers s'organisent en contre-courant de la réalité plus cruelle que vit une partie de la population. Pour être vrai, peut-on dire qu'il y a vraiment un effort en faveur de la cohabitation ?

Qu'entend-on en fait par cohabitation ? Il faut dire que dans ce mot, tout repose sur le préfixe "co". Qu'est-ce à dire ? Le préfixe "co" vient du latin "cum" qui signifie "avec". On utilise donc le préfixe "c" pour indiquer une relation de participation, d'association ou de simultanéité. L’idée générale est qu’on fait quelque chose ensemble.

Nous avons ainsi des mots comme colocataires, pour désigner des personnes qui vivent avec d’autres locataires ; il y a aussi colocataires, qui bien que ne se trouvant pas encore dans le dictionnaire, signifie les occupants d’une chambre, c’est-à-dire des personnes qui habitent ensemble dans une chambre. Il en est ainsi de coexister, coauteur, coopération, coéquipier, etc.

Ainsi la cohabitation qui nous intéresse ici, signifie habitation ensemble. Pour le cas du Tchad, lorsqu’on parle de cohabitation, il ne s’agit pas tout simplement d’individus, car le mot est sociologique, voire politique. Lorsqu’il s’agit des individus d’un même village, ou d’une même zone géographique, ce mot n’est pas utilisé au Tchad car il n’y a pas de problème.

La particularité du Tchad est que la cohabitation transcende les individus pour se focaliser sur les communautés, plus particulièrement les populations autochtones et celles qui viennent d’autres régions, notamment les éleveurs qui viennent dans les régions habitées par des agriculteurs, avec tous les problèmes inhérents à cette rencontre.

La solution viendrait d’une concertation initiée par les protagonistes, avec l’Etat qui serait garant de la paix, de la stabilité et de compromis auquel les différentes communautés seraient arrivées. Cela suppose un Etat impartial, capable d’inspirer la confiance, ce qui n’est pas toujours le cas.

Or, il se trouve qu’au Sud du Tchad, faute de concertation avec l’autre camp, toujours absente ou réticente aux efforts de dialogues et de réflexion, il n’y a que la partie des autochtones qui organise des réflexions, des séminaires et des concertations à ce sujet, ignorant que quand il n’y a qu’une communauté, il ne s’agit plus de cohabitation.

Ces différentes rencontres peuvent montrer la bonne volonté d’un groupe, mais cela ne suffit pas. Les différentes décisions ne se réduisent alors qu’en de simples incantations magiques dont l’Afrique a le secret, sans aucune prise sur la réalité.

Si la cohabitation implique le vivre ensemble, cela signifie que la concertation doit être entre les deux parties et que des décisions doivent être prises ensemble. Il faut apprendre à dialoguer malgré les difficultés qui se présentent. On ne peut parler de cohabitation lorsqu’on est seul. Il faut arrêter de poursuivre les chimères.

Ce qu’une communauté peut faire seule, ce n’est pas la cohabitation, mais la mise en place des stratégies pour éviter que les champs soient détruits par les animaux et pour éviter que des vies humaines soient ôtées à tour de bras. Il est très malheureux que l’Etat démissionne de son rôle de protéger les paysans sur leur sol. Le Tchad appartient à tous les tchadiens, mais il n’y a pas de Tchadiens de castes supérieures qui auraient tous les droits et d’autres qui seraient des parias, corvéables à merci.

Il faut repenser la cohabitation au Tchad à partir d’une nouvelle perspective qui respecte chacun dans ses droits et dans sa dignité.



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