mardi 31 décembre 2013

La cérémonie de dot, joute verbale entre sages (par Pascal Djimoguinan)


            Dans les débats entre intellectuels africains, la dot semble être sur le point de disparaître. Mais la réalité est tout autre. Les cérémonies de dot n’ont jamais autant prospéré dans les villes et villages africains que de nos jours. On est aussi surpris de voir que ce qui, à l’origine était beaucoup plus symbolique, tend à prendre une ampleur tant sur le plan de l’organisation que sur le montant exigé. Ce qui nous retiendra ici, c’est l’aspect de jeu qui, malgré tout, semble « opposer » deux familles.

            Il nous faut d’abord faire une affirmation qui fera se dresser les cheveux des opposants à cette pratique. Si la dot perdure et semble même s’amplifier, c’est qu’elle remplit une fonction sociale. Si nous prenons comme exemple la ville de N’Djamena au Tchad, nous pouvons constater que pratiquement tous les weekends, il y a des cérémonies de dot qui réunissent des centaines de personnes. Pour les n’djamenois originaire du sud du pays, il ne viendra à l’idée d’aucune personne appartenant à la famille des deux fiancés de refuser de prendre part à cette cérémonie.

            La cérémonie de dot, si souvent on ne voit que cela, n’est que la ligne de crête d’une longue préparation faite de multiples réunions dans les deux familles avec des allées et venues dans les deux sens pour se mettre d’accord sur toute la procédure. Finalement, une date et un lieu sont retenus pour la cérémonie. C’est toujours dans la famille de la fiancée que cette cérémonie doit avoir lieu.

            La famille de la fiancée se prépare donc pour cette cérémonie. Dès la veille, les femmes commencent à mettre au point tout le dispositif pour la nourriture de lendemain. Les hommes s’occupent des sièges, de la boisson et des bâches pour éviter que le lendemain la cérémonie ne se passe sous le soleil (ou sous la pluie).

            Le jour J, toute la famille de la fiancée se réunit sur le lieu retenu (souvent c’est chez le père de la fiancée). Tout le monde doit être là pour attendre la famille du fiancé. Il y a des places préparées pour elle. D’un côté les hommes et de l’autre, les femmes. Pendant ce temps, la fiancée est dans la maison avec quelques-unes de ses amies. Un fait très récent qui se généralise est que la veille, elle a utilisé le henné pour se parer les pieds, les mains et les bras.

            A l’heure dite, la famille du fiancé arrive. D’abord les femmes sous des you-you plus ou moins réussis (l’essentiel est de faire le plus de bruits possible). Elles portent des plateaux avec diverses choses : des étoffes, du sucre, des bonbons, des noix de cola, de la boisson, des chaussures etc. Derrière, marchent les hommes qui essaient de se donner un air digne pour cacher leur appréhension car on ne sait jamais comment va finir la cérémonie ; seront-ils à la hauteur du défi ?

            Une fois que tout ce monde est installé, on sort des tapis ou des nattes qu’on place au milieu de l’assistance. Y prennent place les représentants des deux familles.

            Après des discours de deux côtés, la discussion peut commencer. Le représentant de la famille du fiancé dira par exemple : « Notre fils a trouvé que votre famille est assez exemplaire et voudrait en faire partie. Pour cela il voudrait épouser votre fille. Il nous a informé cela et nous aussi nous venons appuyer sa demande ».

            A ce discours, le représentant de la famille de la fiancée répond en des termes semblables : « Cela nous fait plaisir de vous accueillir chez nous et de recevoir votre requête ; c’est d’un seul cœur que nous vous écoutons ».

            Ensuite suit un conciliabule entre les représentants des deux familles assis au milieu de la foule. Cela sera ensuite résumé par une personne : « Nos beaux-parents sont venus avec 300.000 frs CFA. Vous avez également vu que dans les plateaux qui ont été apportés, il y a 12 étoffes, 12 chaussures etc. »

            Ici, plusieurs possibilités se présentent. Quelquefois, il est demandé à la famille maternelle de venir prendre sa part de l’argent donné, puis les tantes paternelles avant que le père de la fiancée ne prenne sa part en exigeant que la belle famille ne complète l’argent de la dot.

            De nos jours, pour abréger les choses, le représentant de la famille dit quelque chose comme : « Vous avez apporté la somme de 300.000 frs, cela est bien mais vous devez encore ajouter 200.000 frs ». La famille du fiancé dira par exemple : « Nous avons bien entendu votre demande. Comme nous étions pressés de venir vous voir, nous n’avons pas eu le temps de prendre cette somme alors nous vous l’amènerons une autre fois ».

            Le représentant de la famille de la fiancée dira enfin : « Maintenant que nous avons notre avis, c’est à la fiancée de donner son point de vue. Si elle est d’accord, elle demandera à ses amies de venir prendre les colas que vous avez apportés. » Les amies de la fiancée peuvent alors sortir pour manifester l’agrément de la fiancée sous les applaudissements et les youyous. Alors, les noix de cola et des bonbons seront distribués à l’assistance.

            La famille du Fiancé demande alors de se retirer. La nourriture et la boisson sont distribuées. C’est la grande fête qui commence et qui ira jusqu’au soir. La fête continuera plus tard, par petits groupes, dans les débits de boisson.


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