Ne faut-il pas quelquefois parler comme un poète ?
Si cela m’était permis, je dirais tout simplement que j’ai mal à mon Afrique.
J’ai mal à mon Afrique comme quelqu’un dirait « J’ai mal à la tête… J’ai mal au ventre… J’ai mal au dos ».
J’ai mal à mon Afrique quand je laisse mon regard errer.
Il y a encore deux jours, on croyait déceler des signes
d’espoir. En RD Congo, le M23 avait déposé les armes et il y avait l’espoir que
la paix revienne enfin à l’Est du Congo. Ce peuple martyr allait enfin
connaître une situation de vie normale. Même s’il y a encore quelques groupes
armés, leur éradication n’était plus qu’une histoire de temps…
En Centrafrique, bien que la situation sécuritaire soit
encore précaire, l’intervention des forces françaises et africaines a fait voir
que tout était encore possible. Dans Bangui, la paix revient petit à petit et
les organismes humanitaires ont commencé à s’occuper de la frange de la population la plus vulnérable. A
partir de Bangui, on s’attend à ce que la sécurisation s’élargisse à tout le
pays.
Je pensais que l’Afrique allait connaître un temps
d’accalmie puisque la fièvre baissait un peu partout (Mali, Nigéria, RD Congo,
Centrafrique…) C’était prendre mes désirs pour la réalité, pauvre de moi…
En me réveillant le lundi 16 décembre, j’ai reçu les
nouvelles de l’Afrique comme un boxeur qui reçoit en pleine figure un uppercut.
Je suis resté groggy. Des tirs nourris à Djuba au Soudan du Sud. Il y a une
explication entre les militaires fidèles au président Salva kiir et ceux de
l’ancien vice-président limogé en juillet Riek Machar. Il y a des morts
civils ; on n’a pas encore le bilan complet de la situation. Plusieurs
civils ont cherché refuge dans les églises.
Il y a des tirs nourris à Brazzaville autour du domicile
du colonel Marcel Ntsourou, ancien secrétaire général adjoint du Conseil
national de sécurité congolais. A la mi-journée, on a même eu droit à un direct
lorsque sous les tirs, le colonel a été joint au téléphone par RFI (radio
France internationale). On parle de 22 morts dans les affrontements.
L’Afrique connaitra-t-elle un jour la paix ? J’ai
mal à mon Afrique dont les fils et les filles passent leur temps à s’expliquer
à la kalachnikov. Je ne sais même pas si nous fabriquons les armes en Afrique
mais je sais que nous faisons partie des plus grands utilisateurs dans le
monde.
J’ai mal à mon Afrique parce que peut-être qu’en me
réveillant demain, j’apprendrai qu’il y a des tirs nourris dans une autre ville,
dans un autre pays. Tuer est devenu banal sous nos cieux. Cela n’émeut plus
personne et cela est très grave. Quand redécouvrirons-nous le prix de la vie
humaine ? J’ai mal à mon Afrique !
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