lundi 16 décembre 2013

Centrafrique, des noms qui portent la mort (par Pascal Djimoguinan)


            Les medias s’en donnent à cœur joie : « les antibalakas, une milice chrétienne ont massacré des musulmans ». Et alors on imagine la communauté musulmane d’un côté et les chrétiens de l’autre. S’il est plus facile d’être manichéen pour simplifier les choses, il faut se rendre compte que la réalité n’est pas vraiment comme cela. Il y a des amalgames qu’on l’on fait et qui, en prenant des raccourcis, peuvent devenir rapidement mortifères. La situation en Centrafrique demande de faire quelques clarifications pour mieux comprendre les choses.

- La Seleka est la coalition de plusieurs groupes rebelles qui a réussi à renverser l’ancien président Bozizé et à le remplacer par l’actuel Michel Djotodia. A l’origine, cette coalition était constituée majoritairement de musulmans. Après sa prise de pouvoir la Seleka s’est rendue tristement célèbre par ses exactions et ses crimes. Plutôt qu’une coalition, on peut parler d’un agrégat dont le seul point commun est le départ de Bozizé et le profit à tout prix. Cela fait que, sans projet politique, ils ont passé leur temps à piller partout où ils sont passés, en commençant par les missions chrétiens qui sont bien souvent le seul endroit dans certaines localités où on peut trouver des véhicules, du matériel ménager et de l’argent.

- Les musulmans forment une minorité religieuse en Centrafrique. Ils sont moins de 20% mais ont une très grande activité économique. Ils ont toujours vécu avec les autres communautés religieuses de la Centrafrique. La situation s’est surtout détériorée avec la prise de pouvoir par la Seleka. Puisque la coalition est majoritairement musulmane et qu’elle était très proche de la communauté musulmane, un raccourci a été très rapidement fait. Lutter contre les musulmans, c’est réagir contre la Seleka.

- Tchadiens : dans le conflit que connait le Centrafrique ces jours-ci, tchadiens signifie pour les centrafricains musulmans et Seleka. Un faisceau d’indices montre qu’il y a eu quelque fois une collusion entre la Séleka et certains tchadiens d’un côté et de de l’autre, les musulmans tchadiens étaient parfois très proches de leurs coreligionnaires musulmans, cela relève cependant d’un raccourci trop facile que de vouloir assimiler les tchadiens avec la Seleka et avec les musulmans. Peu de personnes, même au Tchad savent que le recensement de 1993 a montré que le Tchad n’était pas un pays musulman (l'islam (53,9 %), le christianisme (34,7 %) et l'animisme (7,4 %). Les personnes sans religion représentent 3,1 % de la population et les autres religions 0,9 %). Le Tchad est un Etat laïc.

- Antibalakas : Ce sont des milices d’autodéfense qui se sont organisées en réaction contre les exactions de la Seleka. Elles sont constituées de jeunes gens et moins jeunes qui à partir de la région de bosangoa se sont armés de machettes et de quelques fusils de chasse pour résister et en représailles, attaquer des musulmans assimilés à la Seleka. Ces milices ne sont pas d’origine chrétienne. La preuve, c’est que plusieurs préfèrent se protéger avec des amulettes. Par un raccourci très rapide, les medias parlent de milices chrétiennes.

            Il y a un paralogisme que l’on fait allègrement quand on parle de Centrafrique. Quand un groupe n’est pas musulman, on l’appelle automatique chrétien. Celui qui tue un chrétien n’est pas un musulman mais un assassin, de la même façon que celui qui tue un musulman n’est pas chrétien mais assassin. Les choses ne sont pas aussi simples qu'on voudrait le faire croire. Il faut faire très attention lorsque l’on parle du conflit centrafricain. Les hommes politiques tirent profit de l’amalgame qui est fait et engage les populations dans une voie sans issu. Il faudra faire baisser les tensions, combler les fossés qu’on a creusés entre les différents groupes et se mettre autour d’une table pour dialoguer

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