Les medias s’en donnent à cœur joie : « les antibalakas, une milice chrétienne ont
massacré des musulmans ». Et alors on imagine la communauté musulmane
d’un côté et les chrétiens de l’autre. S’il est plus facile d’être manichéen
pour simplifier les choses, il faut se rendre compte que la réalité n’est pas
vraiment comme cela. Il y a des amalgames qu’on l’on fait et qui, en prenant
des raccourcis, peuvent devenir rapidement mortifères. La situation en
Centrafrique demande de faire quelques clarifications pour mieux comprendre les
choses.
- La Seleka est la coalition
de plusieurs groupes rebelles qui a réussi à renverser l’ancien président
Bozizé et à le remplacer par l’actuel Michel Djotodia. A l’origine, cette
coalition était constituée majoritairement de musulmans. Après sa prise de
pouvoir la Seleka s’est rendue tristement célèbre par ses exactions et ses
crimes. Plutôt qu’une coalition, on peut parler d’un agrégat dont le seul point
commun est le départ de Bozizé et le profit à tout prix. Cela fait que, sans
projet politique, ils ont passé leur temps à piller partout où ils sont passés,
en commençant par les missions chrétiens qui sont bien souvent le seul endroit
dans certaines localités où on peut trouver des véhicules, du matériel ménager
et de l’argent.
- Les musulmans forment une
minorité religieuse en Centrafrique. Ils sont moins de 20% mais ont une très
grande activité économique. Ils ont toujours vécu avec les autres communautés
religieuses de la Centrafrique. La situation s’est surtout détériorée avec la
prise de pouvoir par la Seleka. Puisque la coalition est majoritairement
musulmane et qu’elle était très proche de la communauté musulmane, un raccourci
a été très rapidement fait. Lutter contre les musulmans, c’est réagir contre la
Seleka.
- Tchadiens : dans le
conflit que connait le Centrafrique ces jours-ci, tchadiens signifie pour les
centrafricains musulmans et Seleka. Un faisceau d’indices montre qu’il y a eu
quelque fois une collusion entre la Séleka et certains tchadiens d’un côté et
de de l’autre, les musulmans tchadiens étaient parfois très proches de leurs coreligionnaires
musulmans, cela relève cependant d’un raccourci trop facile que de vouloir
assimiler les tchadiens avec la Seleka et avec les musulmans. Peu de personnes,
même au Tchad savent que le recensement de 1993 a montré que le Tchad n’était
pas un pays musulman (l'islam (53,9 %), le christianisme (34,7 %) et
l'animisme (7,4 %). Les personnes sans religion représentent 3,1 % de
la population et les autres religions 0,9 %). Le Tchad est un Etat laïc.
- Antibalakas : Ce sont
des milices d’autodéfense qui se sont organisées en réaction contre les
exactions de la Seleka. Elles sont constituées de jeunes gens et moins jeunes
qui à partir de la région de bosangoa se sont armés de machettes et de quelques
fusils de chasse pour résister et en représailles, attaquer des musulmans
assimilés à la Seleka. Ces milices ne sont pas d’origine chrétienne. La preuve,
c’est que plusieurs préfèrent se protéger avec des amulettes. Par un raccourci
très rapide, les medias parlent de milices chrétiennes.
Il y a un paralogisme que l’on fait allègrement quand on
parle de Centrafrique. Quand un groupe n’est pas musulman, on l’appelle
automatique chrétien. Celui qui tue un chrétien n’est pas un musulman mais un assassin, de la même
façon que celui qui tue un musulman n’est pas chrétien mais assassin. Les choses ne sont pas aussi simples qu'on voudrait le faire croire. Il faut faire très
attention lorsque l’on parle du conflit centrafricain. Les hommes politiques
tirent profit de l’amalgame qui est fait et engage les populations dans une voie
sans issu. Il faudra faire baisser les tensions, combler les fossés qu’on a
creusés entre les différents groupes et se mettre autour d’une table pour
dialoguer
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