vendredi 21 mars 2014

Tchad : les origines de la ville de Sarh (par Pascal Djimoguinan)


            Pour mieux comprendre le présent, il faut revenir au passé pour retrouver les racines. La ville de Sarh est aujourd’hui une ville cosmopolite ; à l’origine, c’était un modeste village. Il est intéressant de relire l’histoire de cette ville que monseigneur Paul Dalmais nous a laissée dans son manuel Histoire de l’Afrique centrale et du Tchad.

            Il semble bien que l’histoire de la région de Fort-Archambault (actuelle Sarh) puisse se diviser en deux périodes, avant et après l’arrivée des occidentaux. Avant l’arrivée des occidentaux, cette histoire est celle des différentes populations autochtones : Kaba Deme, Tounia, Sara Madjingaye, Niellim. Il y a plus de cent ans, leur répartition géographique autour de Fort-Archambault était sensiblement la même qu’aujourd’hui.

            Les Kaba Démé : Ce sont les vrais possesseurs du sol d’Archambault. Ils occupaient comme aujourd’hui les terres situées de part et d’autre du Chari depuis Kira-Kouno au sud, dans le canton de Moussafoyo, rive gauche, jusqu’à Dendjio-Bo au nord, dans le district de Kyabe sur la rive droite.  Le village Mara-Bé était le centre coutumier des Kaba Démé ; Situé à 45 km de Fort-Archambault, sur la rive droite du Chari, il rassemblait les fêtes religieuses Sara Démé et c’était là que se déroulait principalement le yondo annuel. Après un schisme, il y eut la fondation d’un autre village, Mahi-Mara « J’ai fuis le village de Mara » (d’autres informateurs rejettent cette explication du nom et préfèrent traduire par « j’ai fuis le caïman ») ; c’est alors qu’un autre centre de yondo s’installe sur la rive gauche du Chari. Vers 1880, le chef de Mara-Bé s’appelait Kembe-Moudjio (dans le village des haricots). Sur la rive droite, comme villages ayant une certaine importance, nous pouvons citer :Kemati (chef Solo Bamba), Tanda, Klabada (chef Ndara-Karbague) qui deviendra Helli-Bongo. Sur la rive gauche, nous avons Banda (chef Djoko) et Mahi-Mara (chef Bongo-Ngara).

            Banda était situé aux portes de Fort-Archambault, sur l’actuelle route de Bangui. Tout près de là existait un marigot que les Démé appelaient « Kokaga ». Lorsque le chef Djoko, chassé par les Niellim abandonna son village au chef Tounia Ngawara, il donna le nom de Banda au nouveau village qu’il installa près de Kemdéré. L’ancien Banda, occupé par les Tounia, prit le nom du marigot et devint Kokaga.

            Les Sara-Madjingaye : La limite du pays Sara commençait au-delà du Bahr-koh avec les terres de Ngakedjé. Ce dernier est un petit village situé à 8 km de Balimba. C’était alors un des centres coutumiers du pays Sara. Le chef de terre portait le titre rituel de N’Gorgue et donnait la coutume à plusieurs villages de l’actuel canton de Balimba, à savoir Tando, Dornoyon, Kira, etc… Ngakedje qui possédait un Tam-Tam de guerre, conservé sous une haute paillote, était pratiquement indépendant du Mbang Dai, le grand chef de Bedaya. Cette indépendance se manifestait dans la célébration des fêtes rituelles : le Mbang avait sa fête rituelle au mois d’avril tandis que le N’Gorgue avait la sienne (Nan-Sara) à la dernière lune de décembre. A cette époque le village de Balimba n’existait pas encore.

            Les Tounia : Entre les Kaba-Démé et les Saras de Ngakedjé, il y avait les Tounia dont le territoire débordait de beaucoup l’actuel canton de Kokaga et se répartissait en trois lot : le premier sur la rive droite du Chari, le deuxième sur la rive gauche (entre le Chari et le Bahr Sara), le troisième au-delà du Bahr Sara.

            Sur la rive droite, les Tounia formaient plusieurs sous-groupes Tounia-Kissenga, Tounia-Lakenga, Tounia-Kessi. Ils s’étendaient même au-delà du Bahr Salamat avec les villages de Kagessi, Batara, Merom, Diba, Ngangouand, Bainaka, Kogo, Tebli, Kobele. Les quatre derniers villages se trouvent dans le territoire de Bousso et formaient la pointe extrême du pays Tounia au nord du Barh Salamat. Entre le Barh Sara et le Chari, les villages autrefois Tounia de Kira, Monkag, Dogui, Dokou et Nangda se mêlaient aux villages Sara. Les villages les plus réculés après le Bahr Sara étaient ceux de Kari, Mba, Ouadili, Ngarkola et Ouarouan, dans le canton de Djoli. Le grand chef des Tounia, Nassar Gadje résidait à Ngarkola. Aujourd’hui, un grand nombre de villages Tounia ont disparu ; ceux qui subsistent sont Merom, Diba, Bainaka, Ngangouani, Kogo, Mba, Ouadili, Nangda, Dokou, et Bende-Kogaga. La population Tounia a beaucoup perdu de non importance numérique aujourd’hui.

            Il faut dire que ces positions géographiques n’ont jamais été stables ; les guerres locales entraînaient de fréquents déplacement de population. Vers 1880, divers incidents entre les Niellim, les Kaba Démé et les Tounia ont entraîné l’occupation du village Kokaga par les Tounia.

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