Pour mieux comprendre le présent, il faut revenir au
passé pour retrouver les racines. La ville de Sarh est aujourd’hui une ville
cosmopolite ; à l’origine, c’était un modeste village. Il est intéressant
de relire l’histoire de cette ville que monseigneur Paul Dalmais nous a laissée
dans son manuel Histoire de l’Afrique
centrale et du Tchad.
Il semble bien que l’histoire de la région de
Fort-Archambault (actuelle Sarh) puisse se diviser en deux périodes, avant et
après l’arrivée des occidentaux. Avant l’arrivée des occidentaux, cette
histoire est celle des différentes populations autochtones : Kaba Deme,
Tounia, Sara Madjingaye, Niellim. Il y a plus de cent ans, leur répartition
géographique autour de Fort-Archambault était sensiblement la même qu’aujourd’hui.
Les Kaba Démé : Ce sont les vrais possesseurs
du sol d’Archambault. Ils occupaient comme aujourd’hui les terres situées de
part et d’autre du Chari depuis Kira-Kouno au sud, dans le canton de
Moussafoyo, rive gauche, jusqu’à Dendjio-Bo au nord, dans le district de Kyabe
sur la rive droite. Le village Mara-Bé
était le centre coutumier des Kaba Démé ; Situé à 45 km de
Fort-Archambault, sur la rive droite du Chari, il rassemblait les fêtes
religieuses Sara Démé et c’était là que se déroulait principalement le yondo
annuel. Après un schisme, il y eut la fondation d’un autre village, Mahi-Mara « J’ai
fuis le village de Mara » (d’autres informateurs rejettent cette explication
du nom et préfèrent traduire par « j’ai fuis le caïman ») ; c’est
alors qu’un autre centre de yondo s’installe sur la rive gauche du Chari. Vers
1880, le chef de Mara-Bé s’appelait Kembe-Moudjio (dans le village des
haricots). Sur la rive droite, comme villages ayant une certaine importance,
nous pouvons citer :Kemati (chef Solo Bamba), Tanda, Klabada (chef
Ndara-Karbague) qui deviendra Helli-Bongo. Sur la rive gauche, nous avons Banda
(chef Djoko) et Mahi-Mara (chef Bongo-Ngara).
Banda était situé aux portes de Fort-Archambault, sur l’actuelle
route de Bangui. Tout près de là existait un marigot que les Démé appelaient « Kokaga ».
Lorsque le chef Djoko, chassé par les Niellim abandonna son village au chef
Tounia Ngawara, il donna le nom de Banda au nouveau village qu’il installa près
de Kemdéré. L’ancien Banda, occupé par les Tounia, prit le nom du marigot et
devint Kokaga.
Les Sara-Madjingaye : La limite du pays Sara
commençait au-delà du Bahr-koh avec les terres de Ngakedjé. Ce dernier est un
petit village situé à 8 km de Balimba. C’était alors un des centres coutumiers
du pays Sara. Le chef de terre portait le titre rituel de N’Gorgue et donnait la
coutume à plusieurs villages de l’actuel canton de Balimba, à savoir Tando,
Dornoyon, Kira, etc… Ngakedje qui possédait un Tam-Tam de guerre, conservé sous
une haute paillote, était pratiquement indépendant du Mbang Dai, le grand chef
de Bedaya. Cette indépendance se manifestait dans la célébration des fêtes
rituelles : le Mbang avait sa fête rituelle au mois d’avril tandis que le
N’Gorgue avait la sienne (Nan-Sara) à la dernière lune de décembre. A cette
époque le village de Balimba n’existait pas encore.
Les Tounia : Entre les Kaba-Démé et les Saras
de Ngakedjé, il y avait les Tounia dont le territoire débordait de beaucoup l’actuel
canton de Kokaga et se répartissait en trois lot : le premier sur la rive
droite du Chari, le deuxième sur la rive gauche (entre le Chari et le Bahr
Sara), le troisième au-delà du Bahr Sara.
Sur la rive droite, les Tounia formaient plusieurs
sous-groupes Tounia-Kissenga, Tounia-Lakenga, Tounia-Kessi. Ils s’étendaient
même au-delà du Bahr Salamat avec les villages de Kagessi, Batara, Merom, Diba,
Ngangouand, Bainaka, Kogo, Tebli, Kobele. Les quatre derniers villages se
trouvent dans le territoire de Bousso et formaient la pointe extrême du pays
Tounia au nord du Barh Salamat. Entre le Barh Sara et le Chari, les villages
autrefois Tounia de Kira, Monkag, Dogui, Dokou et Nangda se mêlaient aux
villages Sara. Les villages les plus réculés après le Bahr Sara étaient ceux de
Kari, Mba, Ouadili, Ngarkola et Ouarouan, dans le canton de Djoli. Le grand
chef des Tounia, Nassar Gadje résidait à Ngarkola. Aujourd’hui, un grand nombre
de villages Tounia ont disparu ; ceux qui subsistent sont Merom, Diba,
Bainaka, Ngangouani, Kogo, Mba, Ouadili, Nangda, Dokou, et Bende-Kogaga. La
population Tounia a beaucoup perdu de non importance numérique aujourd’hui.
Il faut dire que ces positions géographiques n’ont jamais
été stables ; les guerres locales entraînaient de fréquents déplacement de
population. Vers 1880, divers incidents entre les Niellim, les Kaba Démé et les
Tounia ont entraîné l’occupation du village Kokaga par les Tounia.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire