samedi 15 juin 2013

J’ai longtemps été naïf (par Pascal Djimoguinan)


Longtemps, très longtemps, j’ai été naïf. J’ai cru que la corruption, la gabegie, les détournements du denier public, c’était le mal africain.

            J’ai cru à la richesse colossale de Bokassa, aux milliards de Mobutu, à la fortune de Bongo. « Tu sais, là-bas sous les Tropiques, ils confondent les caisses publiques et leurs poches ».

            Pourtant, les diamants de Bokassa auraient dû me mettre la puce à l’oreille.

            J’ai cru que dans les capitales africaines, il y avait un gaspillage systématique des fonds du trésor public, que pour un service quelconque, il fallait verser des pots-de-vin. « Que voulez-vous, ils sont tous corrompus là-bas… »

            Pourtant, les affaires à la mairie de Paris auraient dû m’ouvrir les yeux.

            J’ai cru à l’histoire des biens mal acquis. Les chefs d’Etat africains et leurs proches achètent des châteaux, des voitures de luxe et des tableaux de très grande valeur avec l’argent public. Il fallait les récupérer et les rendre à l’Etat. Ces chefs d’Etat n’avaient pas compris qu’en plus de ces biens, il fallait acheter des équipes de football dans les capitales européennes pour assainir les choses.

            Et puis j’ai dû me frotter les yeux tant ce qui arrivait me paraissait invraisemblable ; il y a eu l’affaire karachi, l’affaire Benttencourt, l’affaire cahuzac, l’affaire Tapie, l'affaire Guéant…

            Je me suis alors demandé s’il y a eu une migration des affaires vers le vieux continent… Cela a-t-il toujours été comme ça ou est-ce un nouveau phénomène ? Je me suis alors réveillé de mon sommeil dogmatique. Il ne s’agit plus du mal africain. La bêtise est parmi les choses les mieux partagées dans le monde.

            Je me suis mis à espérer. Et si tout ce qui se chuchotait tout bas dans les chaumières à la tombée de la nuit pouvait se retrouver au parquet ? Et si on ouvrait des procédures contre tous les détournements dans nos capitales africaines ?

            Ce que j’ai appris, c’est que je suis homme et que rien de ce qui est humain ne m’est étranger.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire