mercredi 26 juin 2013

Hommage à Aimé Césaire (par Pascal Djimoguinan)


            Il aurait eu 100 ans ! Né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), Aimé Fernand David Césaire est mort le 7 avril 2008 à Fort-de-France (Martinique). Ecrivain, poète dramaturge et homme politique, Césaire est beaucoup plus connu comme le chantre de la négritude ou la reconnaissance de la dignité des noirs dans un univers où ils étaient opprimés, à peine reconnu.

            Césaire n’était sans doute pas le premier à parler des noirs mais son avantage, a été que son histoire l’a mis en contact avec des noirs d’autres continents, ce qui a été pour lui une sorte d’ouverture à l’universel. Il a pu ainsi retrouver les racines africaines des noirs exilés hors d’Afrique.

            Sa voix a quelquefois sonné tellement fort que ses mots ont porté plus que des balles de fusils. Il était le porte-parole des tous ces opprimés qui ne peuvent parler : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » (Cahier d’un retour au pays natal). Cette voix sera celle qui s’élèvera contre le colonialisme pour en faire ressortir l’aspect abject et, scandale suprême, la comparer au nazisme : « Oui, il faudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révélé au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique » (Discours sur le colonialisme).

            Comment ose-t-il prendre la parole ? D’où lui vient cette légitimité ? C’est d’un désir qui vient du plus profond du cœur et s’exprime dans une prière :

Et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris, les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi du sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de modeler
donner à mon âme la trempe de l’épée
je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de proue
et de moi-même mon coeur, ne faites ni un père, ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.

Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
comme le poing à l’allongée du bras!
Faites-moi commissaire de son ressentiment
faites-moi dépositaire de son sang
faites de moi un homme de terminaison
faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement

faites de moi l’exécuteur de ces oeuvres hautes
voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme-

Mais les faisant, mon coeur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n’ai que haine
car pour me cantonner en cette unique race vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle

la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.
(Cahier d’un retour au pays natal)

            Voilà le cri de que pousse Césaire. Le cri des opprimés qui ne peuvent pas se targuer de grands exploits mais qui ont vécu toutes les oppressions et les humiliations dans leur chair :

Ceux qui n’ont inventé ni la poudre ni la boussole
Ceux qui n’ont jamais su dompter la vapeur ni l’électricité
Ceux qui n’ont exploré ni les mers ni le ciel
Mais ils savent en ses moindres recoins le pays de souffrance
Ceux qui n’ont connu de voyages que de déracinements
Ceux qui se sont assouplis aux agenouillements
Ceux qu’on domestiqua et christianisa
Ceux qu’on inocula d’abâtardissement
Tam-tams de mains vides
Tam-tams inanes de plaies sonores
Tam-tams burlesques de trahison tabide

            Au revoir Césaire ou plutôt joyeux anniversaire ! Ta voix continue de résonner car par ton œuvre, tu es toujours présent. A nous de te faire connaître !

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