Dans les débats entre intellectuels africains, la dot
semble être sur le point de disparaître. Mais la réalité est tout autre. Les
cérémonies de dot n’ont jamais autant prospéré dans les villes et villages
africains que de nos jours. On est aussi surpris de voir que ce qui, à l’origine
était beaucoup plus symbolique, tend à prendre une ampleur tant sur le plan de
l’organisation que sur le montant exigé. Ce qui nous retiendra ici, c’est l’aspect
de jeu qui, malgré tout, semble « opposer » deux familles.
Il nous faut d’abord faire une affirmation qui fera se
dresser les cheveux des opposants à cette pratique. Si la dot perdure et semble
même s’amplifier, c’est qu’elle remplit une fonction sociale. Si nous prenons
comme exemple la ville de N’Djamena au Tchad, nous pouvons constater que
pratiquement tous les weekends, il y a des cérémonies de dot qui réunissent des
centaines de personnes. Pour les n’djamenois originaire du sud du pays, il ne
viendra à l’idée d’aucune personne appartenant à la famille des deux fiancés de
refuser de prendre part à cette cérémonie.
La cérémonie de dot, si souvent on ne voit que cela, n’est
que la ligne de crête d’une longue préparation faite de multiples réunions dans
les deux familles avec des allées et venues dans les deux sens pour se mettre d’accord
sur toute la procédure. Finalement, une date et un lieu sont retenus pour la
cérémonie. C’est toujours dans la famille de la fiancée que cette cérémonie
doit avoir lieu.
La famille de la fiancée se prépare donc pour cette
cérémonie. Dès la veille, les femmes commencent à mettre au point tout le
dispositif pour la nourriture de lendemain. Les hommes s’occupent des sièges,
de la boisson et des bâches pour éviter que le lendemain la cérémonie ne se
passe sous le soleil (ou sous la pluie).
Le jour J, toute la famille de la fiancée se réunit sur
le lieu retenu (souvent c’est chez le père de la fiancée). Tout le monde doit
être là pour attendre la famille du fiancé. Il y a des places préparées pour
elle. D’un côté les hommes et de l’autre, les femmes. Pendant ce temps, la
fiancée est dans la maison avec quelques-unes de ses amies. Un fait très récent
qui se généralise est que la veille, elle a utilisé le henné pour se parer les
pieds, les mains et les bras.
A l’heure dite, la famille du fiancé arrive. D’abord les
femmes sous des you-you plus ou moins réussis (l’essentiel est de faire le plus
de bruits possible). Elles portent des plateaux avec diverses choses : des
étoffes, du sucre, des bonbons, des noix de cola, de la boisson, des chaussures
etc. Derrière, marchent les hommes qui essaient de se donner un air digne pour
cacher leur appréhension car on ne sait jamais comment va finir la cérémonie ;
seront-ils à la hauteur du défi ?
Une fois que tout ce monde est installé, on sort des
tapis ou des nattes qu’on place au milieu de l’assistance. Y prennent place les
représentants des deux familles.
Après des discours de deux côtés, la discussion peut
commencer. Le représentant de la famille du fiancé dira par exemple : « Notre fils a trouvé que votre famille est
assez exemplaire et voudrait en faire partie. Pour cela il voudrait épouser
votre fille. Il nous a informé cela et nous aussi nous venons appuyer sa
demande ».
A ce discours, le représentant de la famille de la
fiancée répond en des termes semblables : « Cela nous fait plaisir de vous accueillir chez nous et de
recevoir votre requête ; c’est d’un seul cœur que nous vous écoutons ».
Ensuite suit un conciliabule entre les représentants des
deux familles assis au milieu de la foule. Cela sera ensuite résumé par une
personne : « Nos beaux-parents
sont venus avec 300.000 frs CFA. Vous avez également vu que dans les plateaux
qui ont été apportés, il y a 12 étoffes, 12 chaussures etc. »
Ici, plusieurs possibilités se présentent. Quelquefois,
il est demandé à la famille maternelle de venir prendre sa part de l’argent donné,
puis les tantes paternelles avant que le père de la fiancée ne prenne sa part
en exigeant que la belle famille ne complète l’argent de la dot.
De nos jours, pour abréger les choses, le représentant de
la famille dit quelque chose comme : « Vous avez apporté la somme de 300.000 frs, cela est bien mais
vous devez encore ajouter 200.000 frs ». La famille du fiancé dira par
exemple : « Nous avons bien
entendu votre demande. Comme nous étions pressés de venir vous voir, nous n’avons
pas eu le temps de prendre cette somme alors nous vous l’amènerons une autre
fois ».
Le représentant de la famille de la fiancée dira enfin :
« Maintenant que nous avons notre
avis, c’est à la fiancée de donner son point de vue. Si elle est d’accord, elle
demandera à ses amies de venir prendre les colas que vous avez apportés. »
Les amies de la fiancée peuvent alors sortir pour manifester l’agrément de la
fiancée sous les applaudissements et les youyous. Alors, les noix de cola et
des bonbons seront distribués à l’assistance.
La famille du Fiancé demande alors de se retirer. La
nourriture et la boisson sont distribuées. C’est la grande fête qui commence et
qui ira jusqu’au soir. La fête continuera plus tard, par petits groupes, dans
les débits de boisson.