dimanche 30 juin 2013

Pourquoi la révolution dévore-t-elle ses enfants? (par Pascal Djimoguinan)


            « La révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants ». Nous devons cette fameuse phrase à Georg Büchner, un écrivain dramaturge et révolutionnaire allemand dans La mort de Danton, un drame historique où il reprend une des péripétie de la révolution française en mettant en scène Danton, Robespierre et le peuple. La révolution après avoir mis en mort les ennemis finit par se retourner contre ses propres chefs.

            Ce drame met à l’œuvre ce qui est au cœur de toutes les révolutions. Comment un groupe s’unit pour réussir une révolution mais finalement s’entre-déchire.

            Nul n’est besoin de passer en revue toutes les révolutions pour montrer ce mécanisme intrinsèque à toute révolution. Il suffit de rappeler quelques révolutions du XXème siècle pour montrer que ce n’est pas seulement la révolution française qui a connu ses aléas. La révolution russe a connu, à la mort de Lénine, la condamnation de Trotski, son bannissement, son exil et son assassinat par Staline ; les nazis ont connu après leur accession au pouvoir, la lutte entre les SS et les SA. La révolution chinoise a connu les purges de la révolution culturelle des années 1960. Plus près de nous, nous pouvons rappeler la révolution de septembre menée par Kadhafi et le groupe des officiers et comment ils furent éliminés les uns après les autres. Nous ne pouvons nous arrêter sans parler de la révolution de Thomas Sankara et comment il fut lui-même évincé.

            S’il y a un mécanisme intérieur à toutes les révolutions qui fait que les groupes qui arrivent au pouvoir finissent par s’entre-déchirer par la suite, il faudra donc accepter que la plus grande menace pour toute révolution est sa réussite.

            Il faut donc observer avec beaucoup d’attention toute révolution qui parvient à prendre le pouvoir. De la lutte d’influence que mènent les uns et les autres viendra la fin ou le changement de perspective des régimes mis en place.

            Comme l’histoire ne se répète pas, qu’elle  bégaie que quelquefois, il faut espérer que certaines révolutions qui viennent de réussir parviendront à infirmer cette thèse de la révolution qui dévore ses enfants. Suivez mon regard!!!

samedi 29 juin 2013

Bangui, ville otage (par Pascal Djimoguinan)

            Vendredi 28 juin 2013, Bangui est une ville en émoi. Des tirs à l’arme lourde et légère ont duré de 15h jusqu’au petit matin. La population apeurée est terrée dans les maisons en priant. La ville de Bangui est prise en otage par les éléments de séléka.

            Tout aurait commencé à cause d’un jeune de l’Ecole Nationale d’Administration, enlevé quelques jours plus tôt par des éléments de la séléka et dont le corps aurait été retrouvé.

            Des jeunes du quartier Gobongo auraient érigé des barrages pour protester. Des éléments de la séléka seraient arrivés sur les lieux autour de 15h, semble-t-il pour calmer les jeunes. On ne sait pas pourquoi quelques instants plus tard ils ont commencé à tirer sur  les jeunes.

            Très vite, des tirs sont tirés dans tous les quartiers. C’était la terreur ; les rues se sont très vite vidées et la circulation ne s’est plus réduite qu’à des véhicules militaires.

            Les tirs ont duré jusque très tard dans la nuit. On parle d’au moins trois morts et de maisons et de boutiques pillées.

            Il faut se demander comment la sécurité peut revenir à Bangui. Il est quand même étonnant de voir que trois mois après la prise du pouvoir par la séléka, le langage des armes puisse continuer dans la ville. Pourquoi les autorités sont-elles incapables d’assurer la sécurité ?

            La séléka continue de se comporter comme une armée en campagne à Bangui alors que c’est elle qui devrait être chargée d’assurer la sécurité de la ville qu’elle a conquise. La population de Bangui n’est pas un ennemi ; ce sont des citoyens qui n’aspirent que vivre en paix dans leur pays.

            Il est temps que les autorités changent de tactique et puisse assurer la sécurité dans l’ensemble du territoire. Jusqu’à quand faudra-t-il vivre dans ce climat de ni guerre, ni paix ? Rien ne peut avancer tant que le problème de sécurité n’est  pas résolu. Que les autorités politiques et militaires prennent le temps d’y réfléchir.

vendredi 28 juin 2013

Obama en Afrique, est-ce trop tard ? (par Pascal Djimoguinan)


            Barack Hussein Obama, 42ème président des Etats-Unis a entamé une tournée dans trois pays d’Afrique (Sénégal, Afrique du Sud et Tanzanie) du 26 juin au 7 juillet 2013 ; le choix de ces pays n’a pas été fait au hasard car il s’agit de ceux où la démocratie souffre le moins sur le continent. Faut-il rappeler que le premier voyage d’Obama en Afrique au eu lieu lors de son premier mandat au Ghana où venait d’avoir lieu une alternance démocratique fort appréciable. Il faut cependant se demander si ce voyage d’Obama n’arrive pas trop tard.

            Lors de sa première élection le 4 novembre 2008, Barack Obama avait suscité beaucoup d’espoir en Afrique. Fils d’un kenyan noir et d’une américaine blanche du Kansas (USA), ce premier Afro-Américain à accéder à la présidence des Etats-Unis a semblé concrétiser pendant un laps de temps tous les rêves des africains. Il a fallu vite déchanter car Obama a été élu par les américains pour être président des Etats-Unis et non de l’Afrique. En plus, toute une partie des républicains allaient jusqu’à lui contester la nationalité américaine, l’obligeant même à montrer son acte de naissance pour prouver qu’il est bien né aux Etats-Unis. A cause de toute cette opposition, Obama a dû jouer à l’équilibriste chaque fois qu’il s’est agi de l’Afrique. Considérant cela comme un manque d’intérêt pour l’Afrique, sa popularité dans ce continent a connu une forte baisse.

            Réélu depuis le 6 novembre 2012 pour son second mandat, Obama a sans doute les coudées libres et pourrait peut-être s’investir davantage pour l’Afrique. Pouvons-nous lire dans ce périple qu’il a entrepris un léger frémissement de sa politique ? Cela ne vient-il pas trop tard ? Une chose est très significative en ce sens. Il passera en Afrique du Sud alors que Mandela, le héros de la lutte contre l’apartheid, premier président noir de l’Afrique du Sud comme considère comme son héros, est en train d’agoniser. Il est peu probable que ces deux hommes puissent se rencontrer. Est-ce le symbole d’une Afrique qui ne peut plus rencontrer Mandela ? Il y a toujours dans la vie des moments (kairos) où les rencontres peuvent se faire. Si on attend trop, cela ne sera plus possible. Obama a-t-il, par omission, laissé passer ce moment ? Seul l’avenir nous le dira.

            L’Afrique doit se rendre compte que ce n’est pas de l’extérieur que viendra son salut. La diaspora ne pourra que soutenir un effort qui vient de l’intérieur. La renaissance de l’Afrique ne viendra que de l’intérieur. Cela doit commencer par une conscientisation qui doit être faite à tous les niveaux par tous les africains. C’est un challenge à relever !


jeudi 27 juin 2013

Le silence, un bien de plus en plus ignoré (par Pascal Djimoguinan)


            Notre monde actuel est devenu le monde des bruits. Partout on entend la musique à pleins tubes. A côté de cela, le bruit occupe un espace de plus en plus grand dans nos sociétés. Le silence fait désormais peur. Les médecins se plaignent des problèmes d’audition que rencontrent les populations de plus en plus jeunes.

            Il suffit d’utiliser le transport en commun dans certaines villes africaines pour s’en rendre. La musique y est jouée à plein tube. Il est quasiment impossible de s’entendre dans ce vacarme. Ce qui étonne, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui s’y trouve à l’aise. Toute une partie de la population a comme critère du choix des bus la puissance des haut-parleurs qui s’y trouvent ; c’est par exemple le cas des « matatu », bus de transport en commun au Kenya.

            Cela n’est plus un motif d’étonnement. Il suffit de voir comment se comportent nos contemporains. Les gens se promènent toujours avec des écouteurs à l’oreille ou simplement le téléphone collé à l’oreille. Nous sommes devenus accrocs à ces appendices qui finissent par faire partie de notre corps.

            Un jour, j’ai été surpris par un fait qui m’a amené à réfléchir sur les relations qui se tissent et comment se vit désormais la convivialité ; alors que je me promenais dans une ville africaine, j’ai un couple de jeunes qui marchait devant moi en se tenant par la main ; jusque-là rien d’extraordinaire. C’était des adolescents, un garçon et une fille, heureux de marcher ensemble. Ce qui m’a étonné, c’était que sur plus de deux cents mètres, chacun parlait au téléphone avec une autre personne.

            Je me demande si le bruit perpétuel et le téléphone omniprésent encouragent le recueillement et l’échange véritable entre les personnes. En parlant avec beaucoup de jeunes et de moins jeunes, je me suis rendu compte que les gens ont de plus en plus peur de silence. On a peur de se retrouver face à soi-même. Il faut donc du bruit car cela permet une sorte d’évasion, loin de soi-même.

            Pouvons-nous encore nous libérer du bruit et du téléphone ? Sommes-nous capables, dans la journée, de trouver un laps de temps où nous pouvons fermer notre téléphone portable et tout appareil de musique ? Pouvons-nous encore affronter le silence et oser nous rencontrer quelques instants ? C’est un défi pour chacun de nous mais osons le relever.

mercredi 26 juin 2013

Hommage à Aimé Césaire (par Pascal Djimoguinan)


            Il aurait eu 100 ans ! Né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), Aimé Fernand David Césaire est mort le 7 avril 2008 à Fort-de-France (Martinique). Ecrivain, poète dramaturge et homme politique, Césaire est beaucoup plus connu comme le chantre de la négritude ou la reconnaissance de la dignité des noirs dans un univers où ils étaient opprimés, à peine reconnu.

            Césaire n’était sans doute pas le premier à parler des noirs mais son avantage, a été que son histoire l’a mis en contact avec des noirs d’autres continents, ce qui a été pour lui une sorte d’ouverture à l’universel. Il a pu ainsi retrouver les racines africaines des noirs exilés hors d’Afrique.

            Sa voix a quelquefois sonné tellement fort que ses mots ont porté plus que des balles de fusils. Il était le porte-parole des tous ces opprimés qui ne peuvent parler : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » (Cahier d’un retour au pays natal). Cette voix sera celle qui s’élèvera contre le colonialisme pour en faire ressortir l’aspect abject et, scandale suprême, la comparer au nazisme : « Oui, il faudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révélé au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique » (Discours sur le colonialisme).

            Comment ose-t-il prendre la parole ? D’où lui vient cette légitimité ? C’est d’un désir qui vient du plus profond du cœur et s’exprime dans une prière :

Et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris, les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi du sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de modeler
donner à mon âme la trempe de l’épée
je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de proue
et de moi-même mon coeur, ne faites ni un père, ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.

Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
comme le poing à l’allongée du bras!
Faites-moi commissaire de son ressentiment
faites-moi dépositaire de son sang
faites de moi un homme de terminaison
faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement

faites de moi l’exécuteur de ces oeuvres hautes
voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme-

Mais les faisant, mon coeur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n’ai que haine
car pour me cantonner en cette unique race vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle

la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.
(Cahier d’un retour au pays natal)

            Voilà le cri de que pousse Césaire. Le cri des opprimés qui ne peuvent pas se targuer de grands exploits mais qui ont vécu toutes les oppressions et les humiliations dans leur chair :

Ceux qui n’ont inventé ni la poudre ni la boussole
Ceux qui n’ont jamais su dompter la vapeur ni l’électricité
Ceux qui n’ont exploré ni les mers ni le ciel
Mais ils savent en ses moindres recoins le pays de souffrance
Ceux qui n’ont connu de voyages que de déracinements
Ceux qui se sont assouplis aux agenouillements
Ceux qu’on domestiqua et christianisa
Ceux qu’on inocula d’abâtardissement
Tam-tams de mains vides
Tam-tams inanes de plaies sonores
Tam-tams burlesques de trahison tabide

            Au revoir Césaire ou plutôt joyeux anniversaire ! Ta voix continue de résonner car par ton œuvre, tu es toujours présent. A nous de te faire connaître !

mardi 25 juin 2013

RCA, la république des comzones (par Pascal Djimoguinan)


Depuis l’entrée des séléka dans Bangui, l’insécurité n’a cessé de grandir dans la ville. Il a fallu augmenter l’effectif des éléments de la Force Multinationale des Etat de l’Afrique Centrale (fomac) pour obtenir un minimum de sécurité. Le désarment et le cantonnement des éléments de la séléka permettront de lutter fortement contre le chao sécuritaire. Malheureusement, cette solution qui permet de cantonner des sélékas en dehors de Bangui risque de devenir un problème majeur.
            Des villes à l’intérieur du pays ont été retenues pour le cantonnement des forces de la coalition séléka. On assiste implicitement à la formation de villes garnisons. Il se forme donc une structure parallèle à celle de l’Etat.
            Des généraux se retrouvent ainsi « nommés comzones » (commandants de zones). Ils ne tiennent plus compte des administrateurs civils et sont de fait les responsables des différentes où ils se trouvent. Désormais, ils sont les seuls maîtres du bord et imposent leurs lois.
            Les victimes de cette nouvelle création, ce sont les populations civiles qui doivent supporter les violences des militaires. Pour sécuriser la ville de Bangui, on sacrifie la province. Il ne se passe de jours où des exactions ne se font loin des médias et de la communauté internationale.
            Le risque de se retrouver dans une république de comzones est très grand avec le danger d’une perpétuation du chaos sécuritaire. Le pays risque d’être divisé en différentes zones militaires dont le commandement échappe au pouvoir centrale. On se retrouvera avec des seigneurs de guerre, dont le seul souci sera l’exploitation personnelle des ressources naturelles du pays. Il faudra que rapidement avec l’aide de la Fomac, la sécurité des provinces soit assurée et que l’Etat soit de nouveau présent. La paix de la Centrafrique ne sera qu’à ce prix.
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lundi 24 juin 2013

Centrafrique, le risque d’une explosion sociale (par Pascal Djimoguinan)


            La situation sociale en Centrafrique est au bord de la rupture. C’est déjà le troisième mois depuis la prise du pouvoir par la séléka que les fonctionnaires ne sont pas payés. Il devient de plus en plus difficile à la population de se nourrir et de se soigner. Aucun signe  ne semble montrer que cette situation finira de sitôt. Si jamais cela ne change pas, il est à craindre que la population laisse éclater sa colère et cela fera très mal.

            Lors du sommet de la CEMAC en mi-juin à Brazzaville, la solution semblait trouvée. Il y avait la promesse de 25 milliards de francs cfa, qui aurait permis de désamorcer la situation sociale.

            Le malheur semble venir du Fond Monétaire International (FMI). Il ne s’agit pas de plan d’ajustement structurel.  Le FMI aurait tout simplement bloqué les fonds, estimant que le taux d’intérêt de 4% était trop élevé pour un pays non solvable ; les critères ne sont donc pas respectés alors il faut attendre.

            Le problème qui se pose est que la Centrafrique ne peut plus attendre. Après les pillages qui ont privé les centrafricains de tout (aussi bien dans les domiciles qu’au niveau des structures étatiques), il y a un grand besoin de liquidité.

            Tout le monde sait que « ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Si les fusils ont pu maintenir une sorte de « paix » qu’on pourrait appeler la « paix des cimetières », la misère et le manque de pain mettront la population dans la rue.

            La communauté internationale doit agir maintenant parce que si la population commence à protester, il sera trop tard. Tout le monde sait bien combien de révolutions ont commencé à cause du manque de pain. Il ne se trouvera plus personne pour crier « Donnez-leur du pain ! »

dimanche 23 juin 2013

Le mot art convient-il aux objets usuels africains?


            Parler de l’art africain souffre d’emblée d’une comparaison avec ce qui vient de l’Occident. Il est donc difficile de parler de l’art africain en ce qu’il est en lui-même, malgré ce qu’en disait Marcel Mauss : « Un objet d’art, par définition, est l’objet reconnu comme tel par un groupe ».  Si en Europe, on peut parler des beaux arts depuis la fin du XVIIIème siècle lorsque l’on veut désigner la sculpture, la peinture l’architecture et les arts plastiques (en y ajoutant la musique, la danse, la poésie et la littérature), on fait un glissement en appliquant les mêmes termes à ce qui se fait en Afrique. On peut se demander si cela est vraiment pertinent.

            L’homme a toujours besoin de comparer les choses pour les classifier. Ainsi, en découvrant ce qui se fait en Afrique, il faut trouver des points communs pour les besoins  d’une nomenclature précise.

            Le problème est qu’en faisant entrer les œuvres africaines dans la classification occidentale, on leur a attribué d’autres valeurs qu’elles n’avaient pas d’emblée. Ainsi, si en Europe, la valeur esthétique des œuvres d’art était proportionnelle à leur valeur monétaire, il n’en était pas ainsi en Afrique.

            En Afrique, ce qui est entré aujourd’hui sous la dénomination d’art faisait partie de la vie. A l’origine, c’était ce qui servait à la vie quotidienne soit comme objets usuels (sièges, ornements, habitats, etc.) soit pour les célébrations rituelles (masques, objets protecteurs, ustensiles liturgiques, etc.) La valeur de ces objets était liée à leurs utilisations.

            Désormais, les objets africains, en devenant des produits artistiques, sortent de leurs usages quotidiens pour avoir une valeur marchande et pour être conservés dans des musées.

            Il faut se demander comment arriver à maintenir les objets africains dans leur usage quotidien tout en les conservant comme patrimoine. S’il y a une chose qui réunit les conceptions occidentale et africaine, c’est la reconnaissance de la beauté dans ces différents objets. Il faut dire que la beauté est ce qui fait l’unité des transcendantaux.

samedi 22 juin 2013

Centrafrique, vers le risque d’une implosion (par Pascal Djimoguinan)


            Un simple accident le vendredi 21 juin dans la ville de Bria, au Nord de la Centrafrique vient rappeler le fragile équilibre qui existe entre les différentes factions militaires qui constituent la Séléka. Un élément de la séléka qui circulerait à moto aurait renversé un enfant dont la famille appartient également à la séléka. Ce qui a envenimé les choses est que le motard est de la communauté Runga alors que l’enfant renversé était de la communauté Goula. Une forte rivalité existant entre ces deux communautés, un accrochage a été évité de justesse. Il n’y a eu que quelques coups de feu tirés et un seul garçon blessé au bras par une balle ayant ricoché sur le sol.

            La séléka est une coalition de plusieurs factions dont personne ne maîtrise en réalité le nombre. Les différents éléments obéissent à différents chefs et il semble qu’il n’y a pas de transversalité entre les différents groupes. Chaque chef n’est obéi qu’au sein de son groupe.

            On ne peut encore parler de bandes éparses mais plutôt de tendances politico-militaires. Jusque-là, elles ont réussi à ne pas s’affronter de front mais la question est de savoir jusqu’à quand cela va durer.

            La Centrafrique est en train de se croiser les doigts en espérant que les tensions entre les différentes communautés qui constituent la séléka ne vont pas dégénérer en conflit ouvert.

            S’il y a quelque chose à faire pour la Centrafrique, c’est maintenant ; il ne faut pas attendre que les choses dégénèrent car on irait vers la somalisation de la RCA. Un Etat doit tenir grâce à ses institutions et ne pas passer son temps à jouer au funambule. Le cirque est fini, il faut revenir aux choses sérieuses.

vendredi 21 juin 2013

Fête de la musique, hommage à nos musiciens (par Pascal Djimoguinan)


            Cette année, le 21 juin va connaître la 32ème édition de la Fête de la Musique. C’est en 1982, sous le gouvernement socialiste de François Mitterrand que Jack Lang, alors ministre de la culture a mis en place cette rencontre autour de la musique. Cela s’est très rapidement disséminé dans le monde tant le succès a été très grand.

            L’Afrique est très vite entrée dans la danse par le biais des centres culturels français. Beaucoup de musiciens se sont engouffrés dans la brèche et aujourd’hui, le 21 juin est devenu la fête universelle de la musique.

            Cette année, l’édition de la Fête de la Musique est intitulée De vive Voix ; c’est pour favoriser la voix sous toutes ses formes, et latitude.

            La fête de la Musique peut être une occasion pour revenir sur la situation des musiciens en Afrique. Ils ne peuvent pas vivre de leur art à cause de plusieurs maux dont le principal est le piratage. On ne le dira pas assez, le piratage tue la création. C’est un problème qui ne peut être résolu que par une décision politique que peuvent prendre les différents Etats en Afrique. La solidarité continentale doit jouer car un seul Etat ne pourra le faire. Il faudrait que ce problème soit abordé au niveau de l’UA et en coopération avec les autres continents.

            Notre pensée va à tous ces musiciens traditionnels qui sont clochardisés, considérés comme des vagabonds, des moins que rien. C’est vraiment oublier l’importance des griots et des différents chantres dans l’Afrique traditionnelles.

            Soyons tous unis pour la promotion des artistes, plus particulièrement des musiciens dans nos différents pays africains. Courage à tous !

mercredi 19 juin 2013

L’armée tchadienne au Mali: Qu’est-elle allée chercher dans cette galère ? (par Pascal Djimoguinan)


                        La grave crise qui a failli emporter le Mali et le transformer en un royaume de l’AQMI, tête de pont de l’envahissement de toute l’Afrique subsaharienne n’a connu un arrêt que grâce à l’intervention de l’armée française par l’opération serval. Les conditions favorables à la paix et à la pacification du Mali sont en train de se mettre en place. Il serait quand même intéressant de revenir sur la place qu’a prise l’Afrique dans la lutte contre les djihadistes de l’AQMI et de leurs complices dont le MUJAO (Le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). L’intervention du Tchad pourrait faire cas d’école.

            Alors que le Mali s’embrasait sous la coupe des djihadistes d’AQMI et que la charia était appliquée sous sa forme la plus stricte dans le Nord occupée, les Etats de la CEDEAO allaient de réunions en réunions sans vraiment oser intervenir pour libérer le Mali. Est-ce par peur ou par manque d’organisation ? L’avenir nous le dira sans doute. Il est quand même étonnant qu’après cinquante ans d’indépendance, toutes les armées de la région de l’Afrique de l’Ouest soient incapables de s’opposer à une bande de hors la loi.

            Devant l’incapacité de l’Afrique à intervenir au Mali pour rétablir la paix, AQMI a continué sa conquête du pays et s’est retrouvé aux portes de Bamako ; l’armée française, avec son aviation, a dû intervenir précipitamment pour renvoyer les djihadistes dans les montagnes du Nord. Pendant ce temps, la CEDEAO continuait ses consultations qui consistaient à faire l’inventaire de ce qui manquait aux armées de l’Afrique de l’Ouest pour intervenir au Mali aux côtés de l’armée française.

            Courtisé, adulé, l’armée tchadienne quitte l’Afrique centrale pour s’engager avec 2000 hommes aux côtés de l’armée française. Tout le monde a apprécié le travail fait par elle. Elle a apporté un appui décisif dans le nettoyage des montagnes du Nord Mali. Elle va payer le prix fort : plus de 38 morts et une centaine de blessés.

            Maintenant que le sale boulot est fait, il faudrait que l’ONU prenne la relève pour éviter que les djihadistes ne reviennent. Il faudra donc transformer les forces sur place en casques bleus. Ceux-ci vont travailler avec l’armée française restée sur place.

            L’ONU se rend compte que l’armée tchadienne n’est plus une armée comme il faut. Elle a d’énormes lacunes ; il ne sied pas qu’un général d’une telle armée puisse avoir le commandement des troupes de l’ONU.

            Quelques soient les raisons avancées, l’armée tchadienne n’a plus sa place dans la guerre propre que l’ONU va faire au Mali, ou plutôt, elle a sa place mais il faudra la cacher pour qu’on ne la voit pas. C’est une armée qui recrute des enfants et elle a des problèmes avec les droits de l’homme. On peut la cacher dans les montagnes où personne ne pourra la voir. Des généraux des armées plus disciplinées vont prendre le commandement des troupes.

                        Il faut espérer que le Tchad a compris la leçon. On ne veut pas de son armée pour la suite du boulot au Mali. Il y a des armées comme il faut, capable de faire le travail sous l’uniforme des Nations Unies.

            L’armée tchadienne, qu’est-elle allée chercher là-bas ? Elle doit rentrer au Tchad, se reformer au lieu de rester au Mali et à salir les forces de l’ONU. Il faut que le Tchad comprenne la leçon et que la prochaine fois elle ne se précipite plus dans des opérations qui ne peuvent que lui poser des problèmes par la suite. Il a été le dindon de la farce. En tout cas, que fait-on du zeste une fois que le citron a été pressé ?

mardi 18 juin 2013

Notre monde a besoin de gratuité (par Pascal Djimoguinan)


             De nos jours, tout est monnayé. Le moindre service se paie, même dans les endroits où le service public devrait être assuré. Il faut se demander vers quel monde nous évoluons s’il n’y a plus de place pour la gratuité !

            Il suffit de prendre les revues et les journaux ; la première chose qui frappe, c’est la publicité. Bien sûr, ces journaux doivent vivre et c’est normal qu’ils puissent se financer de cette façon mais ce qui étonne, c’est l’espace occupé.

            Tout nous montre que l’argent est roi partout. Il impose ses lois et ses habitudes. Tout s’interprète par lui. La valeur d’un homme ou d’une femme tend à être en fonction de son poids en or.

            Désormais les signes rutilants de richesse sont les seuls sésames qui ouvrent toutes les portes. Une concurrence malsaine s’instaure dans la société. C’est à qui pourra mettre le plus à pleine vue.

            Dans cette logique, tout se paye et taux le plus élevé. Un service ou un travail n’est important que s’il est payé très cher. Toute la vie semble se réduire à une vente aux enchères où tout est adjugé au plus offrant et au dernier enchérisseur.

            Notre société, si elle a de plus en plus d’argent, est une société pauvre. Il y manque le sourire qui est inutile puisqu’il ne rapporte pas d’argent. Je parle du vrai sourire et non de ces sourires commerciaux qui ressemblent beaucoup plus à un rictus qu’à autre chose. On est même surpris quand on rencontre un sourire sincère quelque part.

            Un autre signe de notre misère est que le vrai merci tend à disparaître. Il n’y a plus que des mercis commerciaux : « Merci, revenez encore » est lancé aux clients qui quittent les caissières des supermarchés et des boutiques de toutes sortes. Merci est devenu beaucoup plus une façon de contourner l’interdit : « Merci de jeter les papiers dans la poubelle, merci de ne pas stationner ici, merci de ne pas fumer ».

            On court après le temps parce que le temps c’est l’argent. Toute gratuité est inutile. On se rappelle le dialogue du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupery avec un vendeur de pilule qui apaise la soif. Cela permettrait d’économiser chaque semaine cinquante-trois minutes. Et le petit prince de dire : « Moi, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine… »

            Nos sociétés ont besoin de cette gratuité ; soyons capables de retrouver notre humanité qui se laisse corrompre par le fric. Sachons offrir nos sourires à ceux qui nous entourent et soyons capables de dire merci pour les services rendus. Ce serait une revanche sur le monde des finances qui nous entraînent vers une crise de plus en plus destructrice pour notre humanité

lundi 17 juin 2013

Journée de l’Enfant africain (par Pascal Djimoguinan)


            Dimanche 16 juin, on célèbre la Journée de l’enfant africain. Cette journée est fêtée depuis 1991 où elle a été créée par l’Organisation de l’Union Aficaine (OUA). Cette journée commémore le massacre des enfants de Soweto en Afrique du Sud par le pouvoir Apartheid le 16 juin 1976. Le thème choisi cette année est : « Eliminer les pratiques sociales et culturelles néfastes affectant les enfants ». C’est vraiment un vaste chantier qu’il s’agit ici d

            L’enfant africain connaît tous les maux qu’un enfant puisse rencontrer : enfants soldats, maltraitance, mutilations sexuelles, travail des enfants, enfants de la rue, mariage précoce, l’analphabétisme…

            C’est très important d’aborder le thème mais n’est-ce que le problème d’une journée ? C’est bien de conscientiser un large public sur les maux dont souffrent les enfants mais il faudrait que chacun de nous se sente responsable de la détérioration de la situation des enfants.

            Comment accepter que des enfants soient soumis à des traitements inhumains ? Beaucoup pensent que l’éducation des enfants doit passer par des brimades. On croit leur forger leur caractère en les soumettant à des épreuves indignes.

            Nous sommes prêts en une journée de dénoncer la situation des enfants mais de participer à leurs exploitations pendant tout le reste de l’année.

A quand une vraie politique de l’enfance ? Si le massacre de Soweto nous a ouvert les yeux, c’est pour qu’aucun enfant ne connaisse plus la maltraitance. C’est la journée de l’enfant africain mais il faut penser à tous les enfants du monde. Il nous faut éviter de nous enfermer dans une démarche identitaire fermée.

Evitons d’infliger la souffrance aux enfants. Les enfants doivent aller à l’école, avoir le temps de jouer et être aimés.

dimanche 16 juin 2013

Superstitions comme souvenirs d’enfance (par Pascal Djimoguinan)


            C’est avec une que je reviens aujourd’hui sur certaines superstitions de mon enfance. C’est vrai qu’elles avaient une grande importance en ces temps-là et aucun enfant n’oserait aller à leur encontre. Que reste-t-il de tout cela et quelle valeur éducative avaient-elles ? Il serait intéressant de les revisiter avec un brin de nostalgie.

            Il y a toute une série de superstitions autour de la nuit. le soleil a disparu et on ne sait pas s’il reviendra.  Cette  période est un seuil où tout peut basculer dans le néant. C’est un moment inquiétant qui rapproche le plus l’homme du monde des esprits et des défunts. Ces superstitions portent la trace de cette méfiance ou de cette inquiétude.

- Il ne faut pas appeler quelqu’un à haute voix la nuit. Les esprits pourraient en profiter pour faire du mal à cette personne.

- La nuit, il n’est pas conseiller de balayer. Les esprits se croiraient invités et viendraient avec tous leurs cortèges de malheurs.

- On ne doit pas siffloter la nuit. Ce serait appeler les esprits. Si les garçons peuvent siffler à tout moment pendant la journée, les filles ne le peuvent que quand elles vantent ; cela fait venir le vent qui les aide dans leur travail.

- Il ne faut pas se faire raser les cheveux la nuit parce que si d’aventure on ne finissait pas le rasage avant d’aller au lit, la nuit serait très très longue pour le garçon.

            Il y a une autre série de superstitions qui ont à voir directement avec la mort :

- La superstition la plus connue et qui fait le plus peur est celle du miroir. On ne doit jamais, et alors jamais regarder un cadavre dans un miroir. Si on le faisait, on verrait au-dessus du cadavre son esprit mais malheur à vous s’il vous voit. Ce serait la mort instantanée.

- Lorsqu’il y a un tourbillon, on ne doit pas s’y jeter ; il ne faut non plus jeter des objets contre le tourbillon car on pourrait retrouver du sang sur ces objets. Les tourbillons de vent, ce sont les esprits des morts qui se déplacent.

- Tout enfant doit éviter de marcher à reculons. Celui qui le ferait pousserait ses parents dans la tombe. Pour éviter de devenir orphelin, il faut donc éviter cela. Il semble que les esprits des morts se déplaceraient eux-mêmes de cette façon.

- Les rêves sur la mort seraient toujours prémonitoires ; ainsi il faut savoir que si on rêve de la mort d’un être connu, il n’y a pas de danger mais s’il s’agit d’un inconnu, il faut s’inquiéter car ce sera la mort d’un membre de la famille. Si le mort est un homme, ce sera une femme qui pourra alors que si on rêve de la mort d’une femme, c’est un homme qui mourra.

            Il y a ainsi beaucoup d’autres superstitions que nous assimilions pendant l’enfance. Il n’y a sans doute aucune rationalité dans ces superstitions mais ce qui est sûr, c’est que nous avons été structurés ainsi. Il ne me viendrait par exemple pas à l’idée d’appeler quelqu’un la nuit à haute voix, de balayer ma chambre la nuit, de guetter un cadavre avec un miroir ou de siffloter la nuit ou de marcher à reculons à pleine rue. Si je ne le fais pas, ce n’est pas par peur, mais c’est parce que tout cela est devenu pour moi une habitude.

samedi 15 juin 2013

J’ai longtemps été naïf (par Pascal Djimoguinan)


Longtemps, très longtemps, j’ai été naïf. J’ai cru que la corruption, la gabegie, les détournements du denier public, c’était le mal africain.

            J’ai cru à la richesse colossale de Bokassa, aux milliards de Mobutu, à la fortune de Bongo. « Tu sais, là-bas sous les Tropiques, ils confondent les caisses publiques et leurs poches ».

            Pourtant, les diamants de Bokassa auraient dû me mettre la puce à l’oreille.

            J’ai cru que dans les capitales africaines, il y avait un gaspillage systématique des fonds du trésor public, que pour un service quelconque, il fallait verser des pots-de-vin. « Que voulez-vous, ils sont tous corrompus là-bas… »

            Pourtant, les affaires à la mairie de Paris auraient dû m’ouvrir les yeux.

            J’ai cru à l’histoire des biens mal acquis. Les chefs d’Etat africains et leurs proches achètent des châteaux, des voitures de luxe et des tableaux de très grande valeur avec l’argent public. Il fallait les récupérer et les rendre à l’Etat. Ces chefs d’Etat n’avaient pas compris qu’en plus de ces biens, il fallait acheter des équipes de football dans les capitales européennes pour assainir les choses.

            Et puis j’ai dû me frotter les yeux tant ce qui arrivait me paraissait invraisemblable ; il y a eu l’affaire karachi, l’affaire Benttencourt, l’affaire cahuzac, l’affaire Tapie, l'affaire Guéant…

            Je me suis alors demandé s’il y a eu une migration des affaires vers le vieux continent… Cela a-t-il toujours été comme ça ou est-ce un nouveau phénomène ? Je me suis alors réveillé de mon sommeil dogmatique. Il ne s’agit plus du mal africain. La bêtise est parmi les choses les mieux partagées dans le monde.

            Je me suis mis à espérer. Et si tout ce qui se chuchotait tout bas dans les chaumières à la tombée de la nuit pouvait se retrouver au parquet ? Et si on ouvrait des procédures contre tous les détournements dans nos capitales africaines ?

            Ce que j’ai appris, c’est que je suis homme et que rien de ce qui est humain ne m’est étranger.

 

CEMAC, entre crainte et espoir (par Pascal Djimoguinan)


            Les chefs d’Etat de la CEMAC (Commission de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale) ont décidé, lors de leur dernière rencontre qui s’est tenue du14 au 15 juin 2013 à Libreville, de la libre circulation des personnes dans la zone. Il s’agit en fait de la suppression des visas pour les citoyens des Etats membres ; il suffit d’une simple carte d’identité nationale pour circuler à partir de janvier 2014.

            Beaucoup d’observateurs sont cependant dubitatifs devant cette décision ;  jusque-là, s’il n’y avait pas de difficultés particulières par la circulation des citoyens du Cameroun, du Congo, de la RCA et du Tchad à circuler ces pays, il en était autrement du Gabon et de la Guinée Equatoriale qui fermaient leurs frontières et faisaient de la résistance à l’intégration de la zone. Cette décision sera-t-elle vraiment suivie d’effet ?

            La CEMAC est en retard sur tous les autres groupes sous régionaux africains dans le projet d’intégration dont la CDEAO (Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest) où la libre circulation des personnes est effective depuis plusieurs années.  La CEMAC doit faire bouchée double pour se mettre au même niveau que les autres. Plusieurs pesanteurs la retardent, parmi lesquelles la crainte des Etats comme le Gabon et la Guinée Equatoriale qui sont des producteurs de pétrole et qui craignent d’être littéralement envahis par les citoyens des autres Etats de la zone.

            L’Union Africaine doit beaucoup plus s’appuyer sur les sous-ensembles régionaux pour arriver petit à petit à la construction de l’unité africaine. Les grandes décisions d’Addis-Abeba risquent de ne rester que dans l’ordre des idées si elles ne passent pas par le biais des groupes sous régionaux. Nous voyons comment cela est à l’œuvre au Mali, en RCA et à Madagascar.

            La décision de la CEMAC donne beaucoup d’espoir dans la zone. En attendant, croisons les doigts et attendons le mois de janvier 2014. Il faut continuer d'espérer

jeudi 13 juin 2013

Enfants de la rue, un nouveau défi pour l’Afrique (par Pascal Djimoguinan)


Il y a un phénomène assez récent mais qui est en train de prendre une très grande importance dans les villes africaines. Il s’agit du phénomène des enfants de la rue. Ces enfants vivent dans une indépendance plus ou moins grande par rapport à leurs familles naturelles et sont souvent abandonnés à eux-mêmes.

            Ce phénomène se développe en suivant une progression géométrique parce que les systèmes traditionnels d’éducation sont en perte de vitesse et le tissu social se détériore sans donner la place à de nouvelles organisations qui pourraient pallier au manque.

            Ce système envoie les plus faibles dans les rues, les femmes à la prostitution et des enfants de plus en plus jeunes se retrouvent abandonnés à eux-mêmes. Ces enfants s’organisent comme ils le peuvent entre eux, avec une forme d’éthique qui leur est propre. Ils peuvent devenir dangereux dans cette lutte pour la survie.

            Si les enfants de la rue sont un phénomène concomitant au développement des villes en Afrique, il est à craindre que cela n’aille qu’en s’aggravant. Selon le philosophe camerounais Eboussi Boulaga, « le défi de l’Afrique dans les années à venir sera de faire face au développement des mégapoles qui vont se multiplier ». Avec le développement des grandes villes, il faudra s’attendre à ce que le problème des enfants de la rue atteigne un stade où ce sera un danger pour tous s’il n’y a pas de solutions maintenant.

            Il y a bien des ONG qui s’occupent des enfants de la rue et qui font même un très bon travail. Il faut les encourager dans cet engagement noble au service de l’humanité. Mais on peut se demander si le premier responsable ne doit pas être l’Etat. Que font les différents Etats africains face à ce problème des enfants de la rue ? Il faudrait bien qu’une stratégie soit trouvée.

             Si l’Etat républicain est pour l’égalité des chances, il ne faudrait pas que les enfants de la rue en soient exclus.

            Il faudra peut-être dans certains domaines, utiliser une sorte de coercition pour que ces enfants ne ratent pas leurs chances dès le départ.

- Il faudra l’école obligatoire jusqu’à un âge bien déterminé. Si les enfants ne vont jamais à l’école, il faut savoir que toute leur vie, ils ne pourront que dépendre du bien vouloir des autres.

- Il faudra créer de foyer où doivent vivre les enfants les plus jeunes, abandonnés dans la nature.

- Il faut que ces enfants aient droit à la santé gratuitement car ils ne sont pas capables de se payer les soins.

            Il ne faudrait pas s’arrêter uniquement à la chirurgie réparatrice qui ne s’occupe que des effets. L’Etat doit également s’occuper des causes.

- Il doit donc imposer une pension alimentaire pour les pères indélicats et veiller à ce que cela soit versé régulièrement. C’est souvent parce qu’il n’y a pas d’argent à la maison que les enfants commencent à aller se débrouiller dehors.

- L’Etat doit veiller à la protection de la famille, notamment en favorisant « un code de la famille » juste qui prenne sérieusement en compte les problèmes d’héritage et qui protège les veuves.

- Finalement, l’Etat doit imposer aux parents de s’occuper de leurs enfants en déclarant comme un délit le fait pour une famille de déclarer que sa progéniture est « un enfant sorcier » pour pouvoir l’abandonner.

            Les enfants sont l’avenir d’un pays ; il y a une forte déperdition qui se fait par le phénomène des enfants de la rue. Il est vraiment temps que nos Etats prennent se problème à-bras-le-corps. Cela fait partie du combat pour le développement.

mercredi 12 juin 2013

RCA, les religions contre la haine et la division (par Pascal Djimoguinan)


         Du lundi 10 au mardi 11, une rencontre a eu lieu entre une quarantaine de responsables religieux à Bangui. Le thème de cette rencontre est « Conflit et médiation ». C’est à l’initiation de Mercy Corps, une organisation internationale que cette rencontre se fait. Le but recherché est d’atténuer les tensions religieuses qui ont eu tendance à s’accentuer depuis la prise du pays par la coalition Séléka.
          Durant toute sa marche vers Bangui jusqu’à la prise de cette ville par les sélékas, les maisons religieuses ont été systématiquement visitées, les églises chrétiennes, tant catholiques que protestantes ont été pillées. Le constat de la commission épiscopale « justice et paix » est bien parlant : « La Commission Episcopale Justice et Paix s’inquiète du climat malsain. Rien ne marche. Absence de l’administration, atteinte à l’ordre constitutionnel, atteinte aux droits humains. Une rébellion d’extrémisme religieux aux intentions maléfiques caractérisées par la profanation et la destruction programmée et planifiée des édifices religieux, notamment des chrétiens et, en particulier les Eglises Catholiques et Protestantes. Sur toute l’étendue du territoire national, l’Eglise Catholique a payé le prix fort de tous les dégâts. Certains diocèses tels que Kaga-Bandoro, Bambari, Alindao, Bangassou et Bossangoa ont été sérieusement secoués. Une rébellion d’affairisme ayant entrainé des conséquences graves au sein de la population.
Agressions des prêtres, religieux et religieuses et des pasteurs. Nous citons, à cet effet, le Président de la Conférence Episcopale Centrafricaine [CECA], Monseigneur Edouard MATHOS, Evêque de Bambari, le 27 décembre 2012 ; les Sœurs de Saint Paul de Chartre à Bossembélé dont les biens ont été pillés et saccagés dans la nuit de samedi 23 mars 2013 ; le braquage des Pères Spiritains de la Maison Principale Saint Charles par des bandits armés non identifiés dans la nuit du 25 et 26 mars 2013 ; le Père Séraphin ZOUKA, Curé de la Paroisse Sainte Anne à Kassaï avec poignard à la gorge dans la nuit du 25 mars 2013 ; et l’événement récent de l’enlèvement de l’Abbé Francis Saint Clair SIKI, Curé de la Cathédrale Notre Dame de l’Immaculée Conception et du Chancelier de l’Archidiocèse de Bangui, l’Abbé Dieu-Béni BANGA, le samedi 27 Avril 2013.
       Poursuites et recherches de certains responsables des Communautés religieuses, entre autres, la Sœur Supérieure Lucie MBOMBY de la Communauté Filles de Marie Missionnaire à Bangui dans une situation inquiétante. Nous notons également que mademoiselle Elisabeth Blanche OLOFIO, journaliste à la radio BE-OKO de Bambari, mère de deux enfants dont le journal le Démocrate, n° 2861, du mercredi 09 janvier 2013 avait parlé la croyant morte, se trouve elle aussi présentement poursuivie et recherchée activement par les éléments de la Seleka dans un état de traumatisme crânien et mental. Sans oublier les responsables de l’ONG Maison de l’Enfant et de la Femme pygmée. »

                   Cette rencontre réunit les responsables de différentes confessions religieuses pour tenter de créer ensemble un climat religieux et d’éviter d’exacerber les tensions religieuses. L’archevêque de Bangui, Monseigneur Dieudonné Nzapalainga dans une interview sur la RFI a appelé à la réconciliation et à séparer nettement le politique du religieux en Centrafrique.

          Les religieux doivent éviter de sombrer dans la haine mais en même temps œuvrer pour qu’il n’y ait pas d’impunité. Pour retrouver la paix, les différentes dénominations religieuses doivent exiger et œuvrer pour que la justice se face.