David Diop s’interrogeait déjà dans son poème Afrique mon Afrique :
« Est-ce donc toi ce dos qui se courbe et se couche sous le
poids de l’humilité, ce dos tremblant à zébrures rouges, qui dit oui au fouet
sur les routes de midi. » Si cette
interrogation partait de la situation des esclaves, pouvons-nous dire
aujourd’hui, plus de cinquante après les indépendances qu’elle n’est plus
d’actualité ?
Ce dos qui se courbe… Oui, c’est la
chose la mieux partagée en Afrique et par toutes les générations. Tous parlent
et encouragent le respect des anciens. En soi, cela n’est pas mal mais à s’y
arrêter pour scruter ce principe, ne comporte-t-il pas un effet pervers ?
Le respect des anciens doit-il empêcher l’expression de positions
personnelle ?
Nous trouvons ici un grand défi pour
l’Afrique. Il faut comprendre qu’il est bien possible d’avoir son propre point
de vue et que cela ne va pas contre la cohésion. D’ailleurs, de quelle cohésion
parle-t-on souvent ? Ne s’agit-il pas tout simplement le maintien de
l’ordre établi ?
Cela a toujours été ainsi et il ne
faut pas mettre le désordre. Voilà le type de pensée qui tue l’Afrique. A tous
les niveaux de la vie en Afrique, on a peur de la subversion, créatrice du « désordre ».
Nous avons ici un manque de la conscience historique. Il faut introduire la
nouveauté dans la vie, n’en déplaise aux gardiens du temple. Seule
l’introduction du désordre permet de secouer le cocotier. Il faut qu’un fait
nouveau vienne perturber le présent pour que se mette en place un avenir dont
les contours ne seront plus tracés d’avance.
En politique, l’acception de la
subversion fera que l’idée de l’ancien ne passera plus uniquement parce qu’il
est ancien. Son idée n’engage que lui et ne pourra tenir que si elle résiste à
la contradiction. Des africains n’osent pas militer dans des partis qui expriment
les courants d’idées qui sont les leurs, tout simplement pour ne pas se
retrouver en porte-à-faux avec un ancien de leur groupe ethnique.
Le choc des idées doit avoir lieu
par-delà les groupes ethniques, régionales et même religieuses. Les critères de
regroupement doivent être celles des idées. La confrontation des idées doit
mener le monde. Le consensus n’est possible que dans la rencontre d’idées
contradictoires.
Il ne faut pas avoir peur de dire
non ! Souvent, l’idée se répand en Afrique que dire non est impoli. Voici
venir des temps nouveaux où le non doit être encouragé. Ne pas seulement dire
non pour non mais il faut pouvoir le dire quand, en conscience, on estime qu’il
faut le dire pour changer les choses.
Africains, osez dire non ! Oser
introduire la contestation partout. Il faut de la subversion partout. Il faut
que le débat retrouve sa place dans la vie publique. On ne doit pas avoir peur
de ramer à contre-courant. C’est à ce prix que nous comprendrons la suite du
poème de David Diop : Alors
gravement une voix me répondit : Fils impétueux cet arbre robuste et jeune,
Cet arbre là-bas, Splendidement seul au milieu des fleurs, Blanches et fanées, C`est
I`Afrique ton Afrique qui repousse, Qui repousse patiemment obstinément, Et
dont les fruits ont peu à peu, L’amère saveur de la liberté.
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