samedi 18 janvier 2014

Centrafrique : faut-il craindre la culpabilité du survivant (par Pascal Djimoguinan)


            La culpabilité du survivant est définie comme un syndrome qui est vécu par des personnes ayant échappé à la mort alors que d’autres sont morts. Le problème que se pose alors le survivant revient sous la forme languissante d’une question qui fait souffrir : « d’autres que moi et que je connaissais sont morts, j’aurais pu mourir aussi mais je suis toujours là. » Le survivant développe alors le sentiment d’avoir trahi ; il naît en lui une culpabilité qui peut générer soit une dépression, soit des idées de persécution.

            La culpabilité du survivant est peut-être plus facile à cerner lorsque cela ne concerne qu’une seule personne ou un petit groupe de personnes après un accident ou une prise d’otages.

            Le problème en Centrafrique, c’est que la chose se passe au niveau de tout un territoire. C’est tout le pays qui est en train de vivre une expérience traumatisante où certains ont connu une mort violente, très souvent dans des conditions atroces et cela devant des témoins. D’autres n’ont pu échapper à la mort que par des concours de circonstances qu’on pourrait dire miraculeux.

            Pour le moment, c’est encore l’instinct de conservation qui est le plus fort ; on fait tout pour se maintenir en vie. Les gens sont encore dans les camps de déplacés plus ou moins sécurisés. Les conditions de vie y sont austères mais il y a plus de chance de rester en vie.

            Cependant, la vie va très vite rattraper toutes ces personnes. Le réveil sera dur. Comment tout ce monde va accepter le fait d’avoir échappé à la mort ? Les réponses seront diverses. Certains vont entrer dans toutes les formes de dépression. Les chapelles des différentes religions, les guérisseurs traditionnels et les psys auront du pain sur la planche. D’autres, croiront sortir de cette culpabilité maladive grâce à la vengeance. Il faut donc s’attendre à ce que les meurtres continuent encore longtemps après l’arrêt du conflit. Il faudra sans doute passer par l’étape du bouc émissaire qui expiera la culpabilité de tous.

            La sagesse consiste à commencer à créer des conditions pour aider toute cette population qui échappe à la mort à affronter la dure réalité de survivre à ce conflit qui a emporté tant de personnes, des parents, des amis, des collègues.

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