mercredi 22 janvier 2014

Tchad, la relation avec la belle famille (par Pascal Djimoguinan)


            Au Tchad, plus particulièrement dans le sud du pays, la relation à la belle famille est des plus complexes. Elle est mêlée à la fois de crainte, de honte, de gratitude et de rancune ; on peut dire que c’est une relation tout-à-fait paradoxale. Cela fait qu’on pense souvent se marier « contre » la belle famille. Ce sont surtout les femmes qui subissent les conséquences de cet état de fait mais les hommes également ont à se plier à certaines règles.

            Nous ne pouvons pas dire que les comportements qui sont induits par la complexité du rapport à la belle-famille soient homogènes mais nous voulons glaner par-ci, par-là ce qui ne manque pas de sel.

            L’attitude la plus remarquable concerne la parole. Dans toute une partie du sud du Tchad, la bru et le gendre ne doivent pas adresser la parole directement à leurs beaux-parents.

            Le dialogue doit nécessairement passer par un tiers qui est censé transmettre la parole aux beaux-parents. En cas de nécessité, il est permis à la bru de s’adresser à ses beaux-parents en parlant à un absent dont elle prononcera le nom avant de lui demander de dire ce qu’elle dit.

            Cette interdiction est plus ou moins bien gérée en tenant compte de la complicité qui pourrait exister avec le temps entre le gendre et le beau-père d’un côté et de la bru avec la belle-mère.

            Dans certaines parties du sud du Tchad, l’interdiction ne va pas jusqu’à empêcher d’adresser la parole directement à la belle-mère ou au beau-père mais on ne doit s’adresser à eux qu’en les vouvoyant. C’est la seule possibilité où le vouvoiement est attesté dans certaines langues du groupe sara, notamment le ngambaye.

            Cette interdiction s’étend à la nourriture. Le gendre et la bru ne peuvent pas manger avec leurs beaux-parents. Ils doivent s’isoler pour manger.

            Les règles sont encore plus compliquées lorsqu’il y a un deuil. Toutes les femmes liées par des liens matrimoniaux à la famille éplorée ne doivent pas manger de la nourriture dans les lieux du deuil. Elles ont interdiction absolue d’ingurgiter tout condiment ou tout aliment utilisé pour la cuisine pour le deuil.

            Ces interdictions étaient liées, semble-t-il, à l’origine à la prohibition de l’inceste. L’explication de tout cela demanderait plus de temps. Il suffirait par exemple de lire Totem et tabou de Sigmund Freud pour s’en faire une idée.

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