Ce jour-là, il y a 44 ans, les portes de l’enfer s’étaient ouvertes…
Chaque
tchadien, de l’endroit où il se trouvait, a sa propre expérience. Ce jour-là,
nous tchadiens, n’avons pas réussi à faire une nation ; nous nous sommes
amusés à la détruire. Le ver de la division nous a rongés et nous l’avons
laissé nous dévorer. Nous avons pensé le Tchad en termes de nordistes et de sudistes,
et ce venin qui a été distillé dans nos corps, prend du temps pour faire le
plus de ravage possible. Il nous est pratiquement impossible de penser sans croire
que sudiste ou nordiste fait partie de notre être propre.
Je
me rappelle encore ce jour du 12 février 1979 comme si c’était hier…
Je
me rappelle les informations de 20h le 11 février. Il y avait a N’Djamena un
climat de grève. Au journal, le Chef d’Etat, le général Félix Malloum Ngakoutou
Ngon Béndi, s’était adressé à la nation et son discours finissait par ces mots :
« Notre silence n’est pas un signe de faiblesse ».
Ces
mots ont été différemment interprétés par les tchadiens ; pour les pros, c’était
un encouragement ; pour les cons, c’était des menaces.
Le
lendemain, le 12 février, il y avait deux Tchad qui se regardaient en chiens de
faïences. La plupart des tchadiens originaires du Nord étaient pour la grève,
ceux du Sud, pour aller au Travail. C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’école,
ce lundi matin. J’étais au Collège numéro 1 à Klémat.
Tout
avait commencé au Lycée Felix Eboué, mais nous, du CEG 1, nous avions commencé les
cours avec les salles de classes à demi vides. Nous condisciples du Nord,
respectant le mot d’ordre de grève, était restés dehors. Tout a changé quand ils
sont venus pour reprendre leurs fournitures scolaires qu’ils avaient laissées
en classe. C’est ainsi que nous avons appris qu’il y avait des tirs au Lycée
Eboué. Nous sommes tous sortis et au lieu de rentrer précipitamment, nous sommes
restés pour regarder la gendarmerie qui n’était séparée du collège que par la
rue. Les gendarmes étaient en train de s’armer de d’organiser la défense de
leur camp. Pour nous, c’était un jeu. Ils nous faisaient de grands gestes pour
nous demander de nous éloigner.
Finalement,
chacun de nous a décidé de rentrer. C’est alors que petit à petit, la gravité
de la situation nous est apparue. Les rues étaient désertes. Sur notre route,
les concessions étaient barricadées, fermées.
Quelque
temps après, alors que nous étions rentrés, nous voyions des hélicoptères dans
le ciel qui tiraient sur des positions que nous ne pouvions voir. Dans l’après-midi,
du côté du quartier Sabangali, nous voyons dans le ciel, des avions (AD 4) qui pilonnaient
la résidence du Premier ministre Hissene Habré.
Nous
avons alors pris conscience que la situation était grave, mais pour nous, ce ne
sera que l’affaire d’un jour ou deux. Nous ne nous sommes pas rendus compte que
c’était la fin d’un monde et que cela allait prendre des années. C’était la fin
du Tchad sorti des indépendances.
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