dimanche 12 février 2023

TCHAD/Le 12 février 1979, ce jour où tout a basculé (par Pascal Djimoguinan)

 Ce jour-là, il y a 44 ans, les portes de l’enfer s’étaient ouvertes…

Chaque tchadien, de l’endroit où il se trouvait, a sa propre expérience. Ce jour-là, nous tchadiens, n’avons pas réussi à faire une nation ; nous nous sommes amusés à la détruire. Le ver de la division nous a rongés et nous l’avons laissé nous dévorer. Nous avons pensé le Tchad en termes de nordistes et de sudistes, et ce venin qui a été distillé dans nos corps, prend du temps pour faire le plus de ravage possible. Il nous est pratiquement impossible de penser sans croire que sudiste ou nordiste fait partie de notre être propre.

Je me rappelle encore ce jour du 12 février 1979 comme si c’était hier…

Je me rappelle les informations de 20h le 11 février. Il y avait a N’Djamena un climat de grève. Au journal, le Chef d’Etat, le général Félix Malloum Ngakoutou Ngon Béndi, s’était adressé à la nation et son discours finissait par ces mots : « Notre silence n’est pas un signe de faiblesse ».

Ces mots ont été différemment interprétés par les tchadiens ; pour les pros, c’était un encouragement ; pour les cons, c’était des menaces.

Le lendemain, le 12 février, il y avait deux Tchad qui se regardaient en chiens de faïences. La plupart des tchadiens originaires du Nord étaient pour la grève, ceux du Sud, pour aller au Travail. C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’école, ce lundi matin. J’étais au Collège numéro 1 à Klémat.

Tout avait commencé au Lycée Felix Eboué, mais nous, du CEG 1, nous avions commencé les cours avec les salles de classes à demi vides. Nous condisciples du Nord, respectant le mot d’ordre de grève, était restés dehors. Tout a changé quand ils sont venus pour reprendre leurs fournitures scolaires qu’ils avaient laissées en classe. C’est ainsi que nous avons appris qu’il y avait des tirs au Lycée Eboué. Nous sommes tous sortis et au lieu de rentrer précipitamment, nous sommes restés pour regarder la gendarmerie qui n’était séparée du collège que par la rue. Les gendarmes étaient en train de s’armer de d’organiser la défense de leur camp. Pour nous, c’était un jeu. Ils nous faisaient de grands gestes pour nous demander de nous éloigner.

Finalement, chacun de nous a décidé de rentrer. C’est alors que petit à petit, la gravité de la situation nous est apparue. Les rues étaient désertes. Sur notre route, les concessions étaient barricadées, fermées.

Quelque temps après, alors que nous étions rentrés, nous voyions des hélicoptères dans le ciel qui tiraient sur des positions que nous ne pouvions voir. Dans l’après-midi, du côté du quartier Sabangali, nous voyons dans le ciel, des avions (AD 4) qui pilonnaient la résidence du Premier ministre Hissene Habré.

Nous avons alors pris conscience que la situation était grave, mais pour nous, ce ne sera que l’affaire d’un jour ou deux. Nous ne nous sommes pas rendus compte que c’était la fin d’un monde et que cela allait prendre des années. C’était la fin du Tchad sorti des indépendances.



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