jeudi 10 octobre 2013

Tchad : La nostalgie des contes (par Pascal Djimoguinan)


Beaucoup d’esprits chagrins au Tchad et peut-être aussi un peu partout en Afrique se plaignent de la disparition des veillées nocturnes avec des vieillards conteurs au coin du feu. C’est selon certains, tout simplement la perte de l'éducation traditionnelle. A l’ère des séries télévisées et du virtuel, la solution ne serait pas de se contenter de verser quelques larmes pour les temps révolus et ne rien faire. Il faudrait voir comment faire des nouveaux moyens techniques des relais pour transmettre les valeurs de la culture aux jeunes.

Ici, nous ne voulons retenir des contes que les rites qui les entouraient.  C’étaient bien sûr les rites qui rendaient les soirées de contes si intéressantes. Nous retenons du rite la définition du renard au petit prince de Saint-Exupéry ; à la question du petit prince sur c’est que le rite, le renard répondit : « C’est aussi quelque chose de trop oublié. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu’à la vigne. Si les chasseurs dansaient n’importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n’aurais point de vacances »

Les contes obéissaient à des règles précises que chaque culture se plait de respecter. Ainsi, pour les peuples du sud du Tchad, on ne conte pas à n’importe quelle heure. Le moment idéal pour les contes, c’est la nuit, lorsque le soleil est couché et qu’on se réunit après le souper.

Lorsque nous étions petits, il nous arrivait de ne pas toujours suivre cette règle. Mais la culture a prévu ces cas. Pour écouter les contes dans la journée, il fallait se mettre des morceaux de charbons entre les doigts et les orteils pendant tout le temps que dure le conte.

On ne commençait pas les contes brusquement, sans préparation. Le conteur devait annoncer le conte avec une formule bien précise ; souvent il répétait tout simplement plusieurs fois le mot « sou » qui est synonyme de conte. Les auditeurs devaient aussi répondre ensemble par une formule bien précise qui indiquait qu’ils acceptaient d’écouter.

Alors, le conteur s’élançait dans son récit qui était souvent accompagné de chants et de gestes, auxquels répondaient les rires des auditeurs. Un conte ne se disait pas d’une traite comme une histoire ordinaire. Chaque phrase était ponctuée du mot ‘da’ qui avait surtout pour rôle d’éveiller la curiosité de ceux qui écoutaient. Il fallait bien une sorte de captatio benevolentiae.

Enfin, lorsque le conte finissait il y avait une formule invraisemblable qui venait tout clôturer mais qui n’étonnait personne ; le conteur disait par exemple : la poule a pondu un œuf et il en est sorti 10 poussins.

Aujourd’hui, d’autres rites existent et les jeunes trouvent leur plaisir dans d’autres choses. Il ne faut pas croire pour autant qu’ils sont mal préparés pour affronter leur temps.

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