dimanche 30 mars 2014

Centrafrique : le contentieux religieux (par Pascal Djimoguinan)


            Depuis que la Centrafrique s’est embourbée dans un cycle de violence qui voit différentes communautés s’affronter, on voit monter en même temps, du côté des officiels, aussi bien politiques que religieux, l’affirmation que le conflit centrafricain n’est pas religieux. A cause de la prévalence des faits, on est tenté de s’interroger si cette affirmation exprime la réalité ou s’agit-il tout simplement d’incantations magiques chargées d’exorciser la peur qui habite les cœurs.

            Il s’agit d’abord de se demander ce qu’on entend habituellement par conflit religieux.

- S’agit-il du prosélytisme d’une communauté religieuse tentant d’éliminer toute autre forme religieuse autre que la sienne ?

- S’agit-il de deux communautés religieuses différentes incapables de coexister et qui s’affrontent pour qu’il n’y ait de la place que pour l’une d’elle ?

            Lorsque les officiels, politiques et religieux, disent que le conflit n’est pas religieux, que veulent-ils exactement dire ?

            Si un conflit religieux fait courir un grand danger à l’unité et à la cohésion de la Centrafrique, il y a un autre grand danger qui consiste à vouloir fermer les yeux sur la réalité et à s’enfermer dans des certitudes qui empêchent de chercher une meilleure solution.

            Qu’il y ait une manipulation politique des différentes communautés religieuses, cela va de soi mais cela n’empêche pas de regarder la réalité en face. Que se passe-t-il réellement ?

            Il faut d’abord relever que cours du conflit, différents édifices religieux ont été sinon détruits, du moins profanés ; des offices ont également été perturbés par des pillards appartenant à une autre communauté religieuse. Des hommes et des femmes ont été victimes de lynchages uniquement à cause de leur appartenance religieuse.

            Le discours habituel des populations oppose toujours chrétiens d’un côté et musulmans de l’autre (même si quelquefois les autorités ajoutent devant l’appartenance religieuse des autres le titre de « nos frères » ; on entend ainsi « nos frères musulmans »).

            On voit quelques leaders religieux en vue monter pour dénoncer l’utilisation religieuse d’un phénomène qui ne devrait être que politique mais que fait la masse « silencieuse » des leaders religieux (prêtres, pasteurs, imams) qu’on entend pas dans les medias ?

            Une autre complication qui viendra compliquer toute recherche de solution dans l’avenir est que dans la mentalité de l’homme de la rue, centrafricain signifie non-musulman. Comment arriver à une cohésion nationale tant que ce relent religieux n’est pas extirpé ?

            Pour que la Centrafrique puisse retrouver la paix, il faudra que tous les centrafricains acceptent de revenir sur le contentieux religieux que connaît leur pays. Comment faire vivre ensemble les chrétiens et les musulmans après ces graves incompréhensions qu’ils sont en train de connaître. Plus tôt on acceptera de prendre ces problèmes à bras le corps, mieux cela vaudra. Il ne suffit pas de claironner que le conflit centrafricain n’est pas religieux mais il faut enlever les germes de division qui grandissent dans les cœurs où la haine de l’autre a réussi à faire son lit. Chrétiens et musulmans, une seule destinée en Centrafrique ? Il faut interroger l’avenir et le forcer à répondre !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire