mardi 1 avril 2014

Tchad : électricité, la ville de Sarh broie du noir (par Pascal Djimoguinan)

            La gestion de l’électricité au Tchad est un véritable casse-tête chinois pour les consommateurs tant il est impossible pour eux de faire la moindre prévision. Beaucoup pensaient que la privatisation de l’ancienne STEE (Société tchadienne d’électricité et d’eau) qui allait donner par la suite la SNE (Société nationale d’électricité) d’une part et la STE (Société tchadienne d’eau) d’autre part, allait amener la solution tant recherchée. Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence, la nouvelle société s’occupant de l’électricité n’en finit pas de se prendre les pieds dans le tapis.

            La section locale de la SNE dans la ville de Sarh parvenait au début à tirer son épingle du jeu. On peut dire que la gestion et la distribution de l’électricité était exemplaire dans cette ville qu’on citait même comme exemple. Les délestages étaient plutôt rares. C’était un véritable pain béni pour l’agro-alimentaire, les petites industries et tous ceux qui devaient utiliser l’électricité pour leur fonctionnement habituel. La chaîne du froid n’était pas rompue et le nombre de cas d’intoxications alimentaires ne se comptaient que sur les doigts d’une seule main.

            Cette gestion était bonne mais ça, c’était avant. Depuis environ quatre mois, c’est une véritable descente aux enfers que connaît la ville de Sarh. Elle n’en finit pas de broyer du noir.

            Les délestages sont devenus monnaie courante et reviennent avec une régularité de métronome. L’électricité vient de 8h du matin à 14h30, puis de 18h à minuit. Les délestages vont donc de minuit à 8h du matin, puis de 14h30 à 18h. Pourquoi ces heures ? Personne ne semble en connaître la raison. Cela dépend sans doute de la souveraine volonté des responsables locales de la SNE.

            Il va sans dire que les conséquences sont désastreuses pour les consommateurs. S’il ne faut citer que les soudeurs, Dieu sait comment ils parviennent à survivre. Il en va de même pour tous ceux qui s’occupent de l’alimentation. Comment conserver les aliments ? Il s’agit en fait d’un problème de santé publique qu’il faut réaliser.

            Ce délestage touche tous les secteurs de la ville. Même l’hôpital général de la ville de Sarh n’a pas la priorité. C’est à se demander si la SNE a vraiment pris le temps de réfléchir sur sa façon de gérer cette pénurie. Parmi les cas les plus dramatiques, il y a la gestion de la morgue. Comme l’hôpital n’est pas une zone prioritaire, il est touché par les délestages intempestifs ; il devient de problématique de conserver les corps dans de bonnes conditions. Il y a certes un groupe électrogène pour la morgue mais comment le faire tourner sans carburant ? Il revient alors aux parents du défunt de contribuer s’ils ne veulent pas se retrouver avec un corps en état de décomposition avancée.

            Il y a également des conséquences collatérales. Depuis quelque temps, la ville de Sarh peut recevoir RFI (Radio France internationale) ; un relais est nécessaire pour que cela marche ; or ce relais a besoin d’électricité. Cela fait qu’on ne peut pas, en grande partie, capter RFI pendant les heures de délestage (en grande partie seulement parce qu’on a le signal le matin avant l’arrivée de l’électricité, c’est-à-dire dès 6h du matin). Cela fait partie des mystères de la ville de Sarh car si l’on peut avoir RFI à 6h avant l’arrivée de l’électricité, pourquoi ne peut-on pas l’avoir à d’autres moments ?

            Point n’est question de parler des appareils électro-ménagers qui par milliers se détériorent. Lorsque l’électricité peut partir et revenir à n’importe quel moment, les appareils qui sont restés sur secteur reçoivent des chocs qui leur sont souvent fatales.

            Il faudrait sans doute que la conscience citoyenne se développe de plus en plus dans le pays et plus particulièrement dans la ville de Sarh. Que l’association des consommateurs prenne de l’envergure et soit capable de s’imposer face aux opérateurs économiques. Elle doit être capable d’obtenir que l’on nous dise pourquoi ce délestage depuis environ quatre mois et quand est-ce que cela doit finir.

            Il est impossible pour un pays de parler de développement économique s’il n’est pas capable de maitriser la gestion de son électricité.

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