Sou et Loubeu étaient sortis d’un même œuf aux origines
de l’humanité. Ils étaient frères. Alors que Loubeu était doué et réussissait
tout ce qu’il entreprenait, Sou était son contraire. Il ratait tout. Les frères
entreprirent de fabriquer chacun une pirogue. Loubeu était taciturne, aussi
travaillait-il dans un silence absolu; Sou, quant à lui, passait plus de
temps à chanter qu’à tailler sa pirogue. Finalement, la pirogue de Loubeu était
magnifique alors que celle de Sou était informe.
Sou était dépité de voir qu’il avait raté sa pirogue. Il
demanda à Loubeu de lui dire comment il faisait pour toujours réussir mais
celui-ci ne lui répondit pas. Sou confisqua alors la pirogue de son frère en se
disant que cela allait le forcer à parler ; mais Louba demeura de marbre.
Alors Sou s’ingénia à jouer des tours à son frère pour l’amener à parler. Les
deux firent chacun une nasse pour pêcher. Alors que celle de Loubeu était bien
serrée, celle de Sou ne payait pas de mine ; elle avait des trous partout.
Evidemment, Loubeu faisait toujours une pêche miraculeuse alors que Sou
rentrait t bredouille. Sou se décida de subtiliser les poissons de la nasse de
son frère dans le but de le mettre hors de lui.
Lorsque Loubeu vint inspecter sa nasse et qu’il la vit
dehors, il entra dans une très grande colère. Il ouvrit la bouche et ses lèvres
s’allongèrent. Il commença à proférer des imprécations contre Sou. Celui-ci,
qui s’était caché non loin de là, sortit et demanda à son frère pourquoi il ne
lui adressait jamais la parole.
Dans sa colère, Loubeu s’éleva dans les airs et alla
établir son village dans le ciel.
Plusieurs années passèrent et Sou commença à regretter
son frère. Il avait envie de le revoir. Il attendit un jour d’orage. Le ciel
s’était couvert de gros nuages. Sou se mit à la recherche de la route du ciel.
Il arriva en un lieu où les racines du ciel pendaient jusqu’à terre. Sou
commença alors son ascension en se servant de ces racines.
Sou arriva au village de Loubeu. Celui-ci avait fait
préparer de la bili bili pour inviter les villageois à travailler dans son
champ. Il s’y trouvait lui-même mais avait laissé la garde de la pierre de
pluie à son fils.
Sou s’approcha de l’enfant et s’enquerra de son frère. Il
s’assit à côté de l’enfant et lui demanda l’utilité de la pierre. L’enfant lui
dit que c’était avec cette pierre qu’on fait la pluie. Sou prit alors la
pierre, la fit rouler par terre ; le vent se mit à souffler. Sou prit le
couteau de jet et le fit tournoyer ; le tonnerre se mit à gronder. Il prit
le battoir de la potière, y mit du charbon de bois, des cendres, du kaolin
rouge ? Les gros nuages s’amoncelèrent.
Dès que Loubeu vit ce phénomène, il se s’écria :
« Mon frère est venu me rejoindre. »
Sou prit le battoir de la potière, le lança par terre
avec violence. Le tonnerre gronda et une grosse pluie se mit à tomber. Loubeu
est obligé de quitter le champ pour le village.
Malgré sa colère, Loubeu accueillit son frère à qui il
donna l’hospitalité pour plusieurs jours. Enfin, après avoir offert une chèvre
à manger à Sou ? il lui fit cadeau d’un tambour, d’un fourreau plein de
couteaux de jet, et prit congé de lui en disant : « Pendant que tu
descendras, les éperviers viendront taper sur le tambour : frappe-les avec
un couteau de jet ; quand tu arriveras en bas, tape sur le tambour. Dès
que je l’entendrai résonner, je saurai que tu es arrivé chez toi ; je
couperai alors les racines du ciel que tu utilises pour descendre ».
Sou enfourcha les racines et commença sa descente. Dès
que les éperviers s’approchèrent de lui, il s’empressa de lancer sur eux tous
les couteaux de jet. Les éperviers vient alors frapper le tambour que Sou
maintenait entre ses jambes.
Loubeu entendit le tambour résonner. Il se leva pour
aller trancher les racines du ciel mais son fils le mit en garde :
« Tu sais bien que ton frère ne fait jamais rien correctement ; il
n’est peut-être pas encore arrivé, attends encore un peu avant de trancher les
racines du ciel ».
Loubeu attendit lorsqu’il entendit de nouveau le son du
tambour. Il tranche donc les racines du ciel. Sou qui n’était qu’à mi-parcours
tombe du ciel et se tue.
Des hommes vinrent pour le pleurer. Sou eut encore la
force de leur dire : « Quand je serai mort, prenez mon corps,
portez-le de l’autre côté de la rivière, et enterrez-le là-bas ». Pendant
qu’on le transportait, Sou se jette dans l’eau et disparaît. Il s’installe dans
un village sous l’eau où il devint forgeron.
Les fils de Sou vont vendre ce que fabrique Sou. Celui-ci
leur avait recommandé de ne pas dire son nom si on le leur demandait mais de
dire que le nom de leur père est « Forgeron-sur-fer » (kod do
ginding »). Mais les gens ne les croit pas. A cause de leur ressemblance à
leur père, ils les reconnaissent.
Quand les enfants retournent à la maison, ils dirent à
leur père que des visiteurs allaient venir le voir. Cela n’est pas du goût de
Sou. Il déménagea avec ses enfants et allèrent s’installer ailleurs.
Encore aujourd’hui, on montre la sagaie de Sou et les
cendres du feu autour duquel les gens l’ont pleurer ; l’orage ne les a pas
détruites et elles sont encore là.
Seulement on ne s’entend pas toujours sur le site de la
chute de Sou. Certains le place dans la région de Maro ; d’autres disent
que c’est à Bébo, près de Doba. En tout cas si vous allez à Bébo, vous verrez
les restes de la sagaie de Sou enfoncés dans les rochers. Peut-être que Sou est tombé à Bébo et que c'est après son déménagement qu'il s'est rendu dans la région de Maro...
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