Emile Gentil venait de terminer son premier voyage sur le
Chari et la conclusion qui en sortait était qu’il fallait rapidement agir
contre Rabah. La France prit alors la décision d’envoyer au Tchad trois
colonnes : l’une par le nord, Mission Saharienne, la deuxième par l’ouest,
Mission de l’Afrique Occidentale, et la troisième par le sud, Mission du Congo
ou Mission Gentil. Une avant-garde de la colonne Gentil était envoyée en 1899
sous le nom de Mission Bretonnet-Braun.
Trois grandes batailles marquent la conquête du Tchad par
la France. Il convient de revenir sur elles pour voir comment la présence
française s’est peu à peu affermie au Tchad.
La première de ces batailles est connue sous le nom de la
bataille de Togbao et eut lieu le 17 juillet 1899. Dès le mois de mois de cette
année, les baleinières de la Mission Bretonnet accostèrent sur le Chari, au
niveau du village de Kokaga. Il y avait à bord cinq occidentaux : l’administrateur
Bretonnet, le Capitaine Braun, le lieutenant Durant-Autier, le maréchal des
logis Martin et le soldat Poutet. Ils revenaient avec les 12 guerriers
baguirmiens que Gentil avait emmenés en France. Ce furent ces guerriers qui
prévinrent Gouarang qui ne tarda pas à venir rencontrer Bretonnet et lui
proposa de le guider jusqu’à Kouno. Alors qu’on était sans nouvelles de Rabah
jusque-là, on apprit brusquement le 9 juillet qu’il arrivait à Malfaling et
qu’il avait installé ses avant-postes à Lafana et à Bousso. Bretonnet se rendit
compte qu’il était impossible de défendre Kouno, aussi fit-il évacuer le poste
pour se fortifier à Togbao dans le Mont Nyellim à 20km, en amont. Le bataille
commença le 17 juillet au matin et finit par un désastre pour les français.
Rabah était venu avec 13 bannières et sa cavalerie était appuyée par de
nombreux auxiliaires Bornou, banda, kreich, rounga… Tous les français furent
tués ainsi que la grande partie des tirailleurs. Seul le sergent sénégalais
Samba Sall, fut blessé et fait prisonnier. Il réussit cependant à prendre la
poudre d’escampette pour donner l’alerte à Kokaga lors de l’arrivée de la
deuxième Mission Gentil.
La deuxième bataille est celle de Kouno et eut lieu le 27
octobre 1899. Nous avons vu que la Mission Bretonnet-Braun était une
avant-garde de la Mission Gentil ou cette colonne qui devait venait du sud par
le Congo. Cette Mission arriva par le Chari. Les troupes étaient commandées par
le Capitaine Robillot ; il y avait les compagnies Jullien et Lamothe. La
compagnie Lamothe resta à Crampel, tandis que Gentil gagna le village de Kokaga
où le sergent Samba Sall lui apprit le 15 août 1899 le désastre de Togbao. Pour
éviter toute attaque surprise de la part de Rabah, Gentil ordonna au capitaine
Robillot de faire débarquer la Compagnie Jullien forte de 120 fusils et de deux
canons de 65 mm ; celui-ci commença la construction d’un blockaus et d’un
camp entouré de palissade. Cet ouvrage reçu le nom de Fort-Archambault en
souvenir du jeune lieutenant Archambault, de la compagnie Jullien, mort de la
fièvre à la Sainte-Famille dans le Haut-Oubangui au printemps de 1899. Une fois
que le camp fut construit, Gentil alla chercher du renfort à Fort-Crampel et
revint le 18 octobre avec le capitaine Lamothe et les 150 hommes de sa
compagnie. On décida de prendre l’initiative et de poursuivre Rabah.
Le 27 octobre, la colonne Gentil (capitaines Jullien, de
Cointat, Robillot et Lamothe) attaqua Rabah à Kouno. Le combat fut très
violent. Finalement, Rabah fit un repli tactique. Du côté français, le maréchal
des logis de Possel était tué et le capitaine Robillot blessé. Du côté de
Rabat, Babikir son meilleur chef de bannière était grièvement blessé. Il fut
évacué sur Mandjaffa où il mourut. Son corps fut transporté à Karnak Logone où
s’étaient repliées les troupes de Rabah.
La troisième bataille, la plus connue est connue comme la
bataille de Kousseri ; elle eut lieu le 22 avril 1900.
Après le combat de Kouno, Emile Gentil s’était rendu au
mois de décembre à Bangui pour rencontrer le commissaire général Lamothe et
préparer sa jonction avec les deux autres Missions, à savoir celles de
Foureau-Lamy (Sahara) et de Joalland-Meynier (Afrique Occidentale).
La Mission de l’Afrique Occidentale et la Mission
saharienne se rencontrèrent le 18 février 1900 à 9 heures du matin dans le
Kanem non loin de Boulfei au marais de Bela-Kabtouna. Le commanda Lay et le
lieutenant Joalland étaient sans nouvelles de Gentil. Ils savaient que Rabah se
trouvait à Karnak-Logone et que ses troupes gardaient les principaux passages
du Chari et du Logone. Ce ne fut que le 2 mars que le commandant Lamy reçut un
courrier du capitaine Lamothe de la mission Gentil qui lui annonçait l’arrivée
prochaine d’un renfort. C’était la veille de l’attaque de Kousseri, tenu par
les troupes de Rabah.
Le 3 mars la ville de kousseri était prise à 13h30, après
un combat acharné de cinq heures. Comme l’armée de Rabah s’était enfui, le
commandant Lamy avait donné l’ordre aux lieutenants Rondenay et Oudjari de le
poursuivre vers Karnak Logone. Ils la rattrapère au village kotoko de Kebe.
Furent tués les chefs de bannière Kabsour, Ahmat Brahim et Faki Ahmat. Faki
Ahmat était le grand marabout personnel de Rabah.
La bataille décisive
de Kousseri eu lieu le 22 avril 1900. Le camp de Rabah se trouvait en
brousse à une heure de marche de la ville. Les trois colonnes française l’y
attaquèrent à l’aube. A droite, la colonne Joalland, au centre la colonne
Gentil, à gauche la colonne Saharienne. Le combat commença à 6h du matin et
finit au début de l’après-midi. Le Commandant Lamy et le Capitaine de Cointet y
laissèrent la vie. Rabah, légèrement blessé, avait pris la fuite avec quelques-uns
de ses guerriers dévoués à sa personne. Le tirailleur Abdoulaye Dialo qui avait
été le prisonnier de Rabah le reconnut parmi les fuyards et l’abattit. Il lui
trancha la tête qu’il vint montrer au Commandant Lamy étendu mourant sur un
brancard. Nous avons la relation de cette scène pathétique dans les
« souvenirs du Caporal Menage » recueilli par Paluel Marnont :
« Tout à coup un tirailleur soudanais qui fut
prisonnier de Rabah reconnaît celui-ci parmi les fuyards. D’un bond il le
rejoint et l’abat ; puis d’un seul coup il lui tranche la tête.
- Je
veux voir le Commandant, dit-il.
On lui indique la tente où notre chef a été transporté,
et le tirailleur lui montre la tête du tyran dont nous venons de débarrasser le
pays.
Le commandant est étendu sur un brancard. Il est très
pâle. Une balle lui a fracassé le bras et pénétré dans la poitrine. D’où l’on
n’a pas pu l’extraire. Les docteurs Fournial et Heller sont à son chevet tandis
qu’on enveloppe le bras de Chambrun dans une peau de bouc faisant gouttière.
- Je vais mourir, murmure le commandant ; mais je
meurs contant puisque Rabah n’est plus. »
Avec la mort de
Rabah commençait pour le Tchad une nouvelle époque. Le pays venait d’être
conquis. C’est la période de « pacification » du territoire qui
allait commencer.
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