vendredi 14 mars 2014

Tchad et France : le début d'une histoire. 3ème partie (par Pascal Djimoguinan)


            A la mort de Rabah, le territoire du Tchad était conquis par la France ; il ne restait plus qu’à le « pacifier ». Il n’était plus nécessaire de garder sur place les trois missions qui avaient été nécessaires pour vaincre Rabah. La mission Saharienne et la colonne Joalland quittèrent donc le Tchad. Il revenait aux troupes du capitaine Robillot de la mission du Chari d’occuper le pays. Cela se fera par étapes. Jusqu’en 1902 on se contenta de garder les postes de la vallée du Chari.

            Ce fut le 5 septembre 1900 qu’un décret constituait le « Territoire militaire des pays et protectorats du Tchad ». Pour aménager le poste de Fort-Lamy, le capitaine Robillot, aidé du capitaine Bellion, servit des soldats de Rabah récemment libérés comme main-d’œuvre. Il revint au lieutenant Salone de s’occuper de Madjaffa où il installa « un village de liberté » pour les Kreich de l’armée de Rabah. Bousso était confié au Capitaine Galland qui y disposait d’une compagnie de tirailleurs Dahoméens. Il patrouilla jusqu’aux rochers de Bendago, au Nord-Ouest de Melfi. Il eut à intervenir dans les affaires de Baboul qui était Alifa de Korbol ; celui-ci voulait massacrer Bougage, chef des Fanians. Le poste d’Archambault était tenu par le capitaine Parrere.  Pour surveiller le Kanem, il a fallu assez rapidement établir un poste au nord de Fort-Lamy, en pays Dagana. Tels se présentaient les postes du Chari.

            Après la bataille de Kousseri et la mort de Rabah, on avait peur que ses deux fils (Fad El Allah et Niebe) ne rétablissent l’empire de leur père. C’est ainsi que Fad El Allah fut poursuivi jusqu’à Dikoa en mai 1900 par le capitaine Reibell. Il fut capturé par le chef de Saphis Souleymane Seydou mais il réussit à s’échapper. Soutenu par les anglais, Fad El Allah réussi à reformer ses troupes. Il fut néamoins surpris  et tué par le Capitaine Dangerville de la colonne Robillot le 23 août 1901 à Goudjiba. Son frère Niebe fut fait prisonnier et envoyé en exil à Fort-Crampel sous la garde du Cononnier Pozzo di Borgo en septembre 1901.

            La « pacification » du Tchad ne se passa pas sans problèmes. Dès le début, des Senoussites créèrent au Kanem des difficultés aux troupes françaises. La confrérie des Sénoussites (la « Sénoussia », une confrérie guerrière, avait été fondée en 1835 par l’agérien Mohammad Ben Senoussi, au retour d’un pèlerinage à la Mecque ; il transporta sa « Zaouia » (confrérerie militaire) en Tripolitaine ou son influence gagna parmi les tribus arabes. Il prit le titre de Mahdi. Ce fut son fils qui envoya ses lieutenants vers Zinder et le Kanem et y implanta plusieurs Zouia dont celle de Bir Allali. Les français commencère par se confronter à cette Zouia. La première tentative qui eut lieu en novembre 1901 fut un échec. Ce ne fut que le 20 janvier Bir Allali fut conquis au prix de la vie du lieutenant Pradier. En 1905, la soumission des Boudoumas et des Kouris, du lac était achevée. La pacification du Borkou dura 3 ans (1904 – 1907). Finalement, le 21 avril 1907, le Capitaine Bordeaux réussit à disperser les Sénoussites à la suite du combat d’Ain Galakka.

            Des trois grands royaumes connus du Tchad, le Ouaddaï resta en dehors de la zone d’occupation française jusqu’en 1907. Le sultan Doudmourah poussait le Salamat et le pays Kaba à perturber l’occupation française. Tout cela se passait sous une rivalité farouche entre ce sultan et son rival Acyl à qui se rallaient certaines populations dans la zone française. En répresaille, le sultan Doudmourah fit deux rezzous qui furent repoussés, le premier  Dekotchi le 29 mars 1908 par le capitaine Jerusalemy et le deuxième, le 16 juin suivant par le commandant Jullien.

            Les cours des événements allaient changer avec l’arrivée du Capitaine Fiegenshue. Celui-ci prit le commandement du cercle d’Ati en 1909 et décida de marcher sur Abéché. Il enjoignait le lieutenant Bourreau de Barrouala et le lieutenant Roupier qui commandait une batterie de 80 de montagne de rejoindre la compagnie d’Ati. La jonction entre la compagnie de Fiegenshue et Bourreau accompagné d’Acyl se fit le 27 mai. Dès le 29 mai, il y eut un premier engagement à Ouadi Chok au cours duquel le Capitaine Fiegenshue fut blessé à la gorge par une balle italienne. Ce fut ainsi amoindri qu’il assita furieux à la prise d’Abeché le 2 juin 1909 sous le commandement de Bourreau.

            L’administration française du territoire se mettait petit en petit en place maintenant que la ville d’Abéché était prise. Le 4 janvier 1910, le Capitaine Fiegenshue tombait dans une ambuscade à Oued Kadja. Si le sultan Doudmourah avait été mis à l’ombre, ses vassaux continuaient la lutte. Parmi eux, le plus difficile à réduire fut Tadjeddine, le sultan du Massalit. Il ne fut tué que le 9 novembre 1910 dans le violent combat de Dorothe. Dans ce combat avaient péri le colonel Moll, commandant en chef du territoire militaire. Les opérations se poursuivirent sous le Commandant Chauvelot, les capitaines Hilaire et Maillard. Ce fut le Colonel Largeau qui acheva les opérations. Il pacifia le Dar Sila en 1912. Petit à petit, il réussit à réduire les Senoussites au Borkou et au Tibesti. Il occupa succéssivement Ain Galaka en 1913, Fada en 1914, Bardaï en 1915 et Zouak en 1917.

            La pacification du Moyen Chari dans le sud du Tchad se fit en deux étapes : d’abord la période de reconnaissance qui allait jusqu’en 1911, puis celle de l’occupation qui dura de 1911 à 1912.

            En nous basant sur un rapport du capitaine Cros, commandant du poste d’Archambault, on peut dire que la zone d’occupation française, en 1911, ne dépassait pas Bedaya, à 60km au sud d’Archambault, bien qu’auparavant, le Capitaine Faure ait mené des reconnaissances. Il avait eu à réprimer plusieurs révoltes, notamment celle des Kaba en 1906.

            En pays Sara, l’agitation dura jusqu’en 1912 et cela pour plusieurs causes parmi lesquelles on peut citer la mort du Mbang Mode de Bedaya tué par le Capitaine Faure à Kira sur le Bahr Sara, les exactions de Gaourang allié encombrant des français, qui continuait de razzier le pays Sara. Une de causes de cette agitation, qu’on pourrait mettre dans un autre chapitre est le mécontentement des Days.

            Ce mécontentement des Days prit les allures d’un soulèvement qu’on a connu sous le nom de la «  Révolte du Mandoul ». En 1911, les groupes de Bessada et de Bedaya avaient été soumis par la force. Ceux de Dobo, Koumra, Peni, Bekesse et Bangoul continuaient de tenir tête et refusaient de payer l’impôt. Ceux de Mouroum Goulaye, de Magueri (l’actuel Djerguigui) et de Bédjodo ne se soumettaient pas, au point où le Capitaine Cros disait qu’ils ne vivaient que dans l’anarchie et les accusait de ne faire bon accueil qu’aux marchands d’esclaves. Ce capitaine fit une opération en liaison avec l’adjudant Bœuf de mars à septembre 1911 pour réduire les groupes de Magueri, Peni, Bangoul, Ouaraye, Koumra et Bekamba. Il arrêta plusieurs chefs. La répression fut effroyable. Cela amena à fonder le poste de Moïssala le 1er mars 1911 et celui de Koumra en 1912. La « Révolte du Mandoul » doit être étudiée plus en détail car elle fait partie de la résistance contre la colonisation au Tchad. Suite à des idées mal comprises, elle est reçue jusqu’aujourd’hui comme quelque chose de répréhensible.

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