Je vois naître des sourires narquois à l’énoncé de ce
billet. Non seulement cela exprime une légèreté du sujet qui découragerait bien
d’esprits sérieux, mais en plus, le contenu ne serait-il pas un essai de
syncrétisme culinaire de mauvais goût ?
Je vois déjà le tchadien avancer, armé de sa méfiance
légendaire. D’où nous sort-il cela ? Il y aurait le couscous tchadien,
nous l’aurions su depuis longtemps. Où veut-il nous mener, celui-là.
Que l’on se rassure. Si le tchadien est ainsi méfiant, ce
n’est pas parce qu’il n’est pas un fin gourmet, au contraire. Il est habitué
aux meilleurs plats du monde. Il les connaît tellement qu’il lui manque de l’inventivité,
ce petit quelque chose qui permet de faire des ingrédients communs, un plat
hors du commun. Ainsi, il connaît toutes les recettes du couscous algérien ou
marocain, aussi, parler de couscous tchadien sonne-t-il à ses oreilles comme
une hérésie culinaire.
Pourtant ce couscous tchadien est présent dans toutes les
cuisines au Tchad, à la sortie de tous les moulins, au pied de tous les
mortiers. La matière brute est là, il ne reste qu’à la transformer.
Je vois le tchadien en train d’écarquiller les yeux, se
demandant si je ne venais pas de perdre la dernière lucidité qu’il me prêtait
encore. Si on essayait de suivre le cours de sa pensée, on trouverait quelque
chose comme : « Je sais qu’il n’y
rien à tirer de celui-là mais c’est par pure politesse que je lis jusqu’au bout
de la page ; ce sera la preuve par l’absurde qu’il est en train de rêver ».
Pourtant,
le couscous tchadien existe bel et bien. C’est même considéré comme sinon le
plat du pauvre, du moins le plat des enfants. Le nom de ce couscous a même pris
dans le parler tchadien la connotation de pitance. On l’appelle « Djinga » ;
c’est ce résidu du mil, du riz ou du maïs qui reste lorsque la farine a été
tamisée. Ce djinga est meilleur quand la céréale a été pilée dans un mortier ou quand le moulin opte pour moudre en semoule.
Je
vois le tchadien dépité : « Je
savais bien que rien de bon n’allait sortir de de là »… et continuer
en fredonnant un air à la mode : « On vous connait… » « Il
suffisait de parler tout simplement de semoule et nous n’aurions pas prêté la
moindre attention à ce propos ».
Ce
qu’on a oublié de faire, c’est de se demander ce qu’est réellement le couscous :
« spécialité culinaire d’Afrique du
Nord, préparée avec la semoule de blé dur », nous dit le Larousse de
poche.
Alors
Ravalons notre méfiance et intéressons-nous à ce plat de pauvre ou pour
enfants. Si au lieu de le préparer vulgairement comme nous avons l’habitude de
le faire, nous essayons d’utiliser les meilleures recettes de préparation de
couscous ? Nous verrons que ce plat en vaut vraiment la peine. Il faut l’essayer
tout de suite et vous m’en direz des nouvelles. Bon appétit !
Et s’il
en venait l’idée à un opérateur économique tchadien d’en vendre dans des
sachets ? Non seulement on pourrait consommer tchadien mais cela créerait
en plus des emplois dans un domaine qui est le parent pauvre de développement
économique au Tchad.
Le
président Sankara disait ceci : « Il
faut produire, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à
manger, vous dicte également ses volontés. Il y en a qui demandent où est l’impérialisme ;
l’impérialisme, regardez dans vos assiettes quand vous mangez : les grains
de riz, de maïs, de mil importés, c’est ça, c’est ça l’impérialisme ; n’allez
pas plus loin. Cette assistance qui créé en nous la mentalité d’assistés, nous
n’en voulons vraiment pas… Mais la production, si j’ai pris le cas des
céréales, ne se limite pas seulement à l’agriculture. La production, ce sera
dans tous les domaines : à l’usine, dans les bureaux, et j’invite chacun à
la production intellectuelle. La Conférence nationale des céréales a félicité,
et elle a raison, tous ceux qui ont écrit, qui ont produit quelque chose sur le
plan de la littérature, de l’art, dans tous les domaines. C’est ça la
production. »
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