mercredi 12 mars 2014

Tchad et France : le début d'une histoire. 1ère partie (par Pascal Djimoguinan)


            L’histoire de la pénétration française au Tchad et de sa conquête est mal connue. Il est intéressant d’en brosser quelques points pour piquer la curiosité des plus jeunes et les amener à faire des recherches plus approfondies.

            Les explorations françaises et anglaises du 19ème siècle avaient révélé les ressources immenses de l’Afrique Centrale. A partir de 1884, l’Allemagne qui, jusque-là, avait montré peu d’intérêt pour l’Afrique, proclama brusquement sa volonté de s’installer au Cameroun. Les pays occidentaux durent organiser une conférence à Berlin en 1885 pour organiser le partage des territoires explorés et délimiter les nouvelles zones d’influences. Un accord en sortit le 25 février 1886 sous le nom d’Acte de Berlin.

            La France avait commencé à établir ses droits sur le Bornou, l’Adamaoua et l’Oubangui lorsque le 14 août 1893, l’Allemagne et l’Angleterre vit voler cette œuvre en éclat. Ces deux puissances fixaient leurs frontières communes à la ligne Benoue-Tchad. Au nord, le Bornou s’agrégeait au Nigéria britannique tandis qu’au sud, l’Adamaoua faisait entrait dans le Cameroun allemand. La protestation française ne se fit pas attendre et c’est ainsi que le 15 mars 1894, un nouvel accord lui donnait la liberté d’agir sur les territoires du Soudan nilotique et du Tchad. Il fallait donc les conquérir.

            Pour le Tchad, le plan de cette conquête existait bien avant le traité Anglo-britannique. Brazza avait déjà tracé sur une carte d’Afrique un grand trait allant de Brazzaville à Alger par le Tchad en disant : « Voilà le Congo français ». C’était Paul Crampel qui dirigea une reconnaissance au nord du Congo. Il dût repartir en 1890 pour exécuter le plan appelé « Le Plan Crampel ». Il s’agissait de remonter la Bénoué pour atteindre le Tchad en jalonnant sa route de traités avec les chefs locaux.

            Cette première tentative fut un échec. La « Mission Crampel » comprenait trois occidentaux (Crampel, Nebout et Biscarrat), une trentaine de miliciens et un médecin arabe (Dr Mahmat Saïd). Cette mission fut d’abord cartographique. En 1890, Crampel s’ingéniait à cartographier le coude de l’Oubangui ; en suivant le fleuve Oubangui-Kwango, elle arriva en 1891 par l’Aouk dans le Dar Kouti. Arrivé à Cha, Crampel rencontra le sultan Mohammed Es Senoussi avant de continuer sa route. Faute de moyen de transport, Crampel laissa en arrière une partie de son escorte commandée par Nebout et Biscarrat. Deux jours après, il fut assassiné en même temps que Biscarrat par des miliciens de l’escorte.

            Pendant ce temps, une mission avait été constituée dans le but de renforcer l’expédition Crampel et avait pour nom « la mission Dibowski ». Cette mission prit la route de l’Aouk mais fut stoppée à 200km d’El Kouti à cause de la maladie de son chef. Les nouvelles étaient très mauvaises. A Brazzaville, on avait appris le massacre de Crampel ainsi que les dévastations massives de Rabah. Celui-ci avait fait des raids en pays Kreich, Banda, Mandja et était arrivé jusqu’à Damara à 75 km de Bangui. Il se trouvait donc que la route du Tchad qui était l’objectif primordial du commissaire de Brazza était coupée. Il fut donc décidé la première mission Gentil sur le Chari.

            L’administrateur Emile Gentil quitta Brazzaville le 20 octobre 1895 à la tête d’une mission de renseignement dont le but était de préparer la conquête du Tchad. Il explora l’Oubangui et la Kemo pendant un an, à la recherche d’une ouverture vers le Logone. Il entra dans le pays Mandja et fonda à Kaga Bandoro sur le Gribingui le poste de Guibingui (Fort-Crampel) en 1897. Il quitta le 21 août 1897 pour le Tchad à bord d’un vapeur, le « Leon Blot ». Vers la fin du mois, il passait devant Kokaga, le futur Fort-Archambault puis pénétrait en pays Niellim. Il rendit visit au chef Togbao à Pra, rencontra quelques marchands baguirmiens. Le 7 septembre, il parvenait à Bousso. Son passage ne fut pas incognito car trois chefs baguirmiens qui avaient vu son vapeur passer à Balagnéré en avaient averti Gaourang qui se trouvait alors à Massenia. Comme Rabah était loin, Gaourang invita Emile à Massenia. Il vint à sa rencontre à la tête d’une nombreuse escorte de cavaliers. L’entrée à Massenia fut triomphale. Pendant 3 jours se succédèrent des fêtes et des démonstrations hippiques en l’honneur de Gentil. A la fin de cette visite, il en sortit u traité de protectorat et un accord militaire, aux termes duquel il était spécifié qu’une forte escorte serait donnée à Gentil pour poursuivre son voyage vers le Tchad. Douze (12) meilleurs guerriers baguirmiens serait emmenés en France lors du voyage de retour.

            Le 1er novembre 1897, la mission Gentil faisait flotter le drapeau français sur les rives du lac Tchad, puis rentrait en France, emmenant avec elle les 12 guerriers baguirmiens.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire