mardi 25 mars 2014

Tchad : intrigues de pouvoir et la formation du village Balimba (par Pascal Djimoguinan)



            Au XIXème siècle, vers les années 1870 – 1880, le royaume de Bedaya vivait paisiblement sous le règne de l’inoffensif, doux et pacifique Mbang Mougode. Dans la dynastie de Mbang Dai, il était le sixième en titre. Sa cour était formée de 70 conseillers et prêtres royaux, les Mouns,  et d’un Premier ministre, le Ngo Mbang. Alors que son étoile brillait, il ne tardera pas à s’aliéner les puissants chefs de Koumra Guardi et Bialoum. Un complot ne tardera pas à être fomenté contre lui. En plein fête du Nan Bouna, Bedaya sera attaqué par le sultan Baguirmien Absakine, de connivence avec Bialoum et le Mbang a failli être amené prisonnier à Massenia.
            La situation s’aggravera encore par une querelle de famille. Les pouvoirs sont à la merci de la moindre révolution de palais. S’il est toujours plus facile de se défendre contre les dangers extérieurs, ceux venant de l’intérieur sont les plus difficiles à contrer. Les intrigues de pouvoir se nouent plus souvent lors des successions. Le pays Sara n’échappe pas à cela car les successions y ont toujours été un casse-tête. A la mort du Mbang, les Mouns devraient choisir un successeur parmi ses fils et ses parents plus ou moins proches. Ses fils, possibles successeurs étaient Assede, Iade, Titingar, Mode ; parmi les parents, il y avait Ngakoundou Guerdi (future chef de Balimba) et un autre Ngakoundou (qui était à Ngara, près de Bemouli).
            Assede Djiarkinda avait une mauvaise réputation de cruauté. Partout où il passait, il faisait des esclaves qu’il vendait ensuite aux Baguirmiens. Cela inquiétait le Mbang qui ne voulait pas qu’il lui succède à sa mort.et il se résolut à le faire supprimer. Il en donna l’ordre à son Premier ministre qui décida de passer à l’action pendant son sommeil.
            La nuit choisie, le Ngombang Bor entra dans la case avec quatre gardes. Assede Djiarkinda n’était pas seul ; son garde-corps dormait tout près de lui au pied de sa natte. Ngombang Bor planta sa lance dans le corps du garde-corps puis frappa Assedé qui’l lassa pour mort.
            A cette nouvelle, Mougodé fut rempli de joie. Il fit don de cinq esclaves à son Premier ministre pour ses bons et loyaux services ; cela fut prématuré car le prétendu mort qui n’était que blessé se redressa. Les affaires allèrent très mal car dans les jours qui suivirent, Mougodé fut destitué et céda le pouvoir à Assedé (Une autre tradition ne suit pas la fin donnée ici ; Assedé ne devint Mbang qu’après la mort de son père ; il aurait alors chassé tous ses frères dont le futur Mbang Mode).
            Comme la peur venait de changer de camp, le Ngombang Bor s’enfuit avec une nombreuse troupe de partisans. La tradition raconte qu’il alla demander refuge dans un village du pays Senguele, Béboro (qui signifie le village de Bor). Cette retraite fut interrompue car les hommes d’assede le découvriront et il sera obligé d’aller plus loin, demander asile au chef de terre de Ngakedje, le Ngorgue Kindi, fils de Touba Tague. Comme il avait une suite nombreuse (des cavaliers, leurs femmes et leurs enfants), le Ngorgue qui voulait éviter tout problème sur ses terres, demanda au Ngombang Bor de s’écarter un peu et de chercher un emplacement plus près du Barh Koh. Celui-ci choisit donc l’emplacement actuel de Balimba, peut-être à cause de nombreux arbres qui s’y trouvaient. Il commença dont le débroussage pour s’installer lorsqu’un villageois de passage lui demanda ce qu’il faisait. Fier et altier, Ngombang Bor répondit : « Bal ko mba » (Etranger mais cabri châtré) ; le nom de Balimba est resté jusqu’aujourd’hui. Le destin du Ngombang Bor est des plus tristes. Il deviendra par la suite indésirable et sera chassé par le Norgue des terres de Ngakedje et finira ses jours à Ngondéré, non loin de Bédaya.
            Nous avons parlé au début de Ngakoundou Guerdi qui était parent du Mbang Assede ; voilà comment il devint chef de Balimba. Il commandait le village de la région de Missi Ouarouan. Sans qu’on ne sache exactement pourquoi aujourd’hui, il quitta ce village avec tout son clan et profita de la mort du Nombang Bor pour demander au Ngorgue la chefferie de Balimba. C’était un homme dynamique et sans scrupule (il n’hésita pas à tuer pendant la nuit onze guerriers baguirmiens de passage à qui il avait offert l’hospitalité.) Il réussit à fédérer autour de lui plusieurs village, ce qui ne plut pas beaucoup à son hôte le Ngorgue Houri. C’est de la famille de Ngakoutou qu’ont été recrutés la plupart des chefs de canton de Balimba.

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