dimanche 30 mars 2014

Centrafrique : le contentieux religieux (par Pascal Djimoguinan)


            Depuis que la Centrafrique s’est embourbée dans un cycle de violence qui voit différentes communautés s’affronter, on voit monter en même temps, du côté des officiels, aussi bien politiques que religieux, l’affirmation que le conflit centrafricain n’est pas religieux. A cause de la prévalence des faits, on est tenté de s’interroger si cette affirmation exprime la réalité ou s’agit-il tout simplement d’incantations magiques chargées d’exorciser la peur qui habite les cœurs.

            Il s’agit d’abord de se demander ce qu’on entend habituellement par conflit religieux.

- S’agit-il du prosélytisme d’une communauté religieuse tentant d’éliminer toute autre forme religieuse autre que la sienne ?

- S’agit-il de deux communautés religieuses différentes incapables de coexister et qui s’affrontent pour qu’il n’y ait de la place que pour l’une d’elle ?

            Lorsque les officiels, politiques et religieux, disent que le conflit n’est pas religieux, que veulent-ils exactement dire ?

            Si un conflit religieux fait courir un grand danger à l’unité et à la cohésion de la Centrafrique, il y a un autre grand danger qui consiste à vouloir fermer les yeux sur la réalité et à s’enfermer dans des certitudes qui empêchent de chercher une meilleure solution.

            Qu’il y ait une manipulation politique des différentes communautés religieuses, cela va de soi mais cela n’empêche pas de regarder la réalité en face. Que se passe-t-il réellement ?

            Il faut d’abord relever que cours du conflit, différents édifices religieux ont été sinon détruits, du moins profanés ; des offices ont également été perturbés par des pillards appartenant à une autre communauté religieuse. Des hommes et des femmes ont été victimes de lynchages uniquement à cause de leur appartenance religieuse.

            Le discours habituel des populations oppose toujours chrétiens d’un côté et musulmans de l’autre (même si quelquefois les autorités ajoutent devant l’appartenance religieuse des autres le titre de « nos frères » ; on entend ainsi « nos frères musulmans »).

            On voit quelques leaders religieux en vue monter pour dénoncer l’utilisation religieuse d’un phénomène qui ne devrait être que politique mais que fait la masse « silencieuse » des leaders religieux (prêtres, pasteurs, imams) qu’on entend pas dans les medias ?

            Une autre complication qui viendra compliquer toute recherche de solution dans l’avenir est que dans la mentalité de l’homme de la rue, centrafricain signifie non-musulman. Comment arriver à une cohésion nationale tant que ce relent religieux n’est pas extirpé ?

            Pour que la Centrafrique puisse retrouver la paix, il faudra que tous les centrafricains acceptent de revenir sur le contentieux religieux que connaît leur pays. Comment faire vivre ensemble les chrétiens et les musulmans après ces graves incompréhensions qu’ils sont en train de connaître. Plus tôt on acceptera de prendre ces problèmes à bras le corps, mieux cela vaudra. Il ne suffit pas de claironner que le conflit centrafricain n’est pas religieux mais il faut enlever les germes de division qui grandissent dans les cœurs où la haine de l’autre a réussi à faire son lit. Chrétiens et musulmans, une seule destinée en Centrafrique ? Il faut interroger l’avenir et le forcer à répondre !

vendredi 28 mars 2014

Tchad : Sou le héros civilisateur (par Pascal Djimoguinan)


            Sou et Loubeu étaient sortis d’un même œuf aux origines de l’humanité. Ils étaient frères. Alors que Loubeu était doué et réussissait tout ce qu’il entreprenait, Sou était son contraire. Il ratait tout. Les frères entreprirent de fabriquer chacun une pirogue. Loubeu était taciturne, aussi travaillait-il dans un silence absolu; Sou, quant à lui, passait plus de temps à chanter qu’à tailler sa pirogue. Finalement, la pirogue de Loubeu était magnifique alors que celle de Sou était informe.

            Sou était dépité de voir qu’il avait raté sa pirogue. Il demanda à Loubeu de lui dire comment il faisait pour toujours réussir mais celui-ci ne lui répondit pas. Sou confisqua alors la pirogue de son frère en se disant que cela allait le forcer à parler ; mais Louba demeura de marbre. Alors Sou s’ingénia à jouer des tours à son frère pour l’amener à parler. Les deux firent chacun une nasse pour pêcher. Alors que celle de Loubeu était bien serrée, celle de Sou ne payait pas de mine ; elle avait des trous partout. Evidemment, Loubeu faisait toujours une pêche miraculeuse alors que Sou rentrait t bredouille. Sou se décida de subtiliser les poissons de la nasse de son frère dans le but de le mettre hors de lui.

            Lorsque Loubeu vint inspecter sa nasse et qu’il la vit dehors, il entra dans une très grande colère. Il ouvrit la bouche et ses lèvres s’allongèrent. Il commença à proférer des imprécations contre Sou. Celui-ci, qui s’était caché non loin de là, sortit et demanda à son frère pourquoi il ne lui adressait jamais la parole.

            Dans sa colère, Loubeu s’éleva dans les airs et alla établir son village dans le ciel.

            Plusieurs années passèrent et Sou commença à regretter son frère. Il avait envie de le revoir. Il attendit un jour d’orage. Le ciel s’était couvert de gros nuages. Sou se mit à la recherche de la route du ciel. Il arriva en un lieu où les racines du ciel pendaient jusqu’à terre. Sou commença alors son ascension en se servant de ces racines.

            Sou arriva au village de Loubeu. Celui-ci avait fait préparer de la bili bili pour inviter les villageois à travailler dans son champ. Il s’y trouvait lui-même mais avait laissé la garde de la pierre de pluie à son fils.

            Sou s’approcha de l’enfant et s’enquerra de son frère. Il s’assit à côté de l’enfant et lui demanda l’utilité de la pierre. L’enfant lui dit que c’était avec cette pierre qu’on fait la pluie. Sou prit alors la pierre, la fit rouler par terre ; le vent se mit à souffler. Sou prit le couteau de jet et le fit tournoyer ; le tonnerre se mit à gronder. Il prit le battoir de la potière, y mit du charbon de bois, des cendres, du kaolin rouge ? Les gros nuages s’amoncelèrent.

            Dès que Loubeu vit ce phénomène, il se s’écria : « Mon frère est venu me rejoindre. »

            Sou prit le battoir de la potière, le lança par terre avec violence. Le tonnerre gronda et une grosse pluie se mit à tomber. Loubeu est obligé de quitter le champ pour le village.

            Malgré sa colère, Loubeu accueillit son frère à qui il donna l’hospitalité pour plusieurs jours. Enfin, après avoir offert une chèvre à manger à Sou ? il lui fit cadeau d’un tambour, d’un fourreau plein de couteaux de jet, et prit congé de lui en disant : « Pendant que tu descendras, les éperviers viendront taper sur le tambour : frappe-les avec un couteau de jet ; quand tu arriveras en bas, tape sur le tambour. Dès que je l’entendrai résonner, je saurai que tu es arrivé chez toi ; je couperai alors les racines du ciel que tu utilises pour descendre ».

            Sou enfourcha les racines et commença sa descente. Dès que les éperviers s’approchèrent de lui, il s’empressa de lancer sur eux tous les couteaux de jet. Les éperviers vient alors frapper le tambour que Sou maintenait entre ses jambes.

            Loubeu entendit le tambour résonner. Il se leva pour aller trancher les racines du ciel mais son fils le mit en garde : « Tu sais bien que ton frère ne fait jamais rien correctement ; il n’est peut-être pas encore arrivé, attends encore un peu avant de trancher les racines du ciel ».

            Loubeu attendit lorsqu’il entendit de nouveau le son du tambour. Il tranche donc les racines du ciel. Sou qui n’était qu’à mi-parcours tombe du ciel et se tue.

            Des hommes vinrent pour le pleurer. Sou eut encore la force de leur dire : « Quand je serai mort, prenez mon corps, portez-le de l’autre côté de la rivière, et enterrez-le là-bas ». Pendant qu’on le transportait, Sou se jette dans l’eau et disparaît. Il s’installe dans un village sous l’eau où il devint forgeron.

            Les fils de Sou vont vendre ce que fabrique Sou. Celui-ci leur avait recommandé de ne pas dire son nom si on le leur demandait mais de dire que le nom de leur père est « Forgeron-sur-fer » (kod do ginding »). Mais les gens ne les croit pas. A cause de leur ressemblance à leur père, ils les reconnaissent.

            Quand les enfants retournent à la maison, ils dirent à leur père que des visiteurs allaient venir le voir. Cela n’est pas du goût de Sou. Il déménagea avec ses enfants et allèrent s’installer ailleurs.

            Encore aujourd’hui, on montre la sagaie de Sou et les cendres du feu autour duquel les gens l’ont pleurer ; l’orage ne les a pas détruites  et elles sont encore là.

            Seulement on ne s’entend pas toujours sur le site de la chute de Sou. Certains le place dans la région de Maro ; d’autres disent que c’est à Bébo, près de Doba. En tout cas si vous allez à Bébo, vous verrez les restes de la sagaie de Sou enfoncés dans les rochers. Peut-être que Sou est tombé à Bébo et que c'est après son déménagement qu'il s'est rendu dans la région de Maro...

mercredi 26 mars 2014

Le mythe des origines chez les peuples du sud du Tchad (par Pascal Djimoguinan)


            Au commencement, la terre était vide de toute créature. La terre était couverte de mil. Sur le mil, il y avait un œuf. L’œuf éclot et il en sortit deux jumeaux : Loubeu et Sou. Loubeu sortit avec des sémences de haricots et de melon d’eau dans son poing fermé. Sou sortit les mains vides. Alors que Loubeu était fiable dans tout ce qu’il faisait, Sou était un espiègle qui ne pensait qu’à s’amuser.

            Loubeu prit le mil, le pila et en fit de la farine. Il pétrit la farine et lui donna une forme allongée. Il le mit ensuite dans une coquille d’œuf qu’il conserva dans un coin. Il eut bien du mal à le conserver de l’appétit de Sou qui voulait absolument en faire un œuf.

            L’œuf finit par éclore. Il en sortit une petite fille. Loubeu la prit et souffla dans sa bouche pour lui insuffler la vie. C’est ce souffle que tout être vivant perd au moment de sa mort.

            L’enfant grandit rapidement et devint une très belle fille. Sou finit par la séduire et elle fut enceinte. Elle n’arrivait pas à enfanter et criait de douleur. Elle se plaignait car elle pensait mourir en couches. Prise de désespoir, elle se rendit en brousse pour mourir.

            Un singe survint et lui dit : « Tu ne mourras pas. Quand tu sentiras les douleurs de l’enfantement, tu viendras m’attendre sous cet arbre ».

            Quand le moment arriva, la femme se rendit au pied de l’arbre. Le singe vint la voir avec les lianes du goum. Il la fit asseoir dessus, puis lui massa le ventre pour faire sortir l’enfant. Il coupa le cordon ombilical et le suspendit à une branche de tamarinier. Il fit un trou pour enterrer le placenta.

            Ce fut le singe qui permit à la jeune mère d’enfanter ; sans lui, elle serait morte. C’est ainsi que le singe mange le mil des hommes. C’est grâce à lui que les hommes ont pu se multiplier sur la terre.

mardi 25 mars 2014

Tchad : intrigues de pouvoir et la formation du village Balimba (par Pascal Djimoguinan)



            Au XIXème siècle, vers les années 1870 – 1880, le royaume de Bedaya vivait paisiblement sous le règne de l’inoffensif, doux et pacifique Mbang Mougode. Dans la dynastie de Mbang Dai, il était le sixième en titre. Sa cour était formée de 70 conseillers et prêtres royaux, les Mouns,  et d’un Premier ministre, le Ngo Mbang. Alors que son étoile brillait, il ne tardera pas à s’aliéner les puissants chefs de Koumra Guardi et Bialoum. Un complot ne tardera pas à être fomenté contre lui. En plein fête du Nan Bouna, Bedaya sera attaqué par le sultan Baguirmien Absakine, de connivence avec Bialoum et le Mbang a failli être amené prisonnier à Massenia.
            La situation s’aggravera encore par une querelle de famille. Les pouvoirs sont à la merci de la moindre révolution de palais. S’il est toujours plus facile de se défendre contre les dangers extérieurs, ceux venant de l’intérieur sont les plus difficiles à contrer. Les intrigues de pouvoir se nouent plus souvent lors des successions. Le pays Sara n’échappe pas à cela car les successions y ont toujours été un casse-tête. A la mort du Mbang, les Mouns devraient choisir un successeur parmi ses fils et ses parents plus ou moins proches. Ses fils, possibles successeurs étaient Assede, Iade, Titingar, Mode ; parmi les parents, il y avait Ngakoundou Guerdi (future chef de Balimba) et un autre Ngakoundou (qui était à Ngara, près de Bemouli).
            Assede Djiarkinda avait une mauvaise réputation de cruauté. Partout où il passait, il faisait des esclaves qu’il vendait ensuite aux Baguirmiens. Cela inquiétait le Mbang qui ne voulait pas qu’il lui succède à sa mort.et il se résolut à le faire supprimer. Il en donna l’ordre à son Premier ministre qui décida de passer à l’action pendant son sommeil.
            La nuit choisie, le Ngombang Bor entra dans la case avec quatre gardes. Assede Djiarkinda n’était pas seul ; son garde-corps dormait tout près de lui au pied de sa natte. Ngombang Bor planta sa lance dans le corps du garde-corps puis frappa Assedé qui’l lassa pour mort.
            A cette nouvelle, Mougodé fut rempli de joie. Il fit don de cinq esclaves à son Premier ministre pour ses bons et loyaux services ; cela fut prématuré car le prétendu mort qui n’était que blessé se redressa. Les affaires allèrent très mal car dans les jours qui suivirent, Mougodé fut destitué et céda le pouvoir à Assedé (Une autre tradition ne suit pas la fin donnée ici ; Assedé ne devint Mbang qu’après la mort de son père ; il aurait alors chassé tous ses frères dont le futur Mbang Mode).
            Comme la peur venait de changer de camp, le Ngombang Bor s’enfuit avec une nombreuse troupe de partisans. La tradition raconte qu’il alla demander refuge dans un village du pays Senguele, Béboro (qui signifie le village de Bor). Cette retraite fut interrompue car les hommes d’assede le découvriront et il sera obligé d’aller plus loin, demander asile au chef de terre de Ngakedje, le Ngorgue Kindi, fils de Touba Tague. Comme il avait une suite nombreuse (des cavaliers, leurs femmes et leurs enfants), le Ngorgue qui voulait éviter tout problème sur ses terres, demanda au Ngombang Bor de s’écarter un peu et de chercher un emplacement plus près du Barh Koh. Celui-ci choisit donc l’emplacement actuel de Balimba, peut-être à cause de nombreux arbres qui s’y trouvaient. Il commença dont le débroussage pour s’installer lorsqu’un villageois de passage lui demanda ce qu’il faisait. Fier et altier, Ngombang Bor répondit : « Bal ko mba » (Etranger mais cabri châtré) ; le nom de Balimba est resté jusqu’aujourd’hui. Le destin du Ngombang Bor est des plus tristes. Il deviendra par la suite indésirable et sera chassé par le Norgue des terres de Ngakedje et finira ses jours à Ngondéré, non loin de Bédaya.
            Nous avons parlé au début de Ngakoundou Guerdi qui était parent du Mbang Assede ; voilà comment il devint chef de Balimba. Il commandait le village de la région de Missi Ouarouan. Sans qu’on ne sache exactement pourquoi aujourd’hui, il quitta ce village avec tout son clan et profita de la mort du Nombang Bor pour demander au Ngorgue la chefferie de Balimba. C’était un homme dynamique et sans scrupule (il n’hésita pas à tuer pendant la nuit onze guerriers baguirmiens de passage à qui il avait offert l’hospitalité.) Il réussit à fédérer autour de lui plusieurs village, ce qui ne plut pas beaucoup à son hôte le Ngorgue Houri. C’est de la famille de Ngakoutou qu’ont été recrutés la plupart des chefs de canton de Balimba.

lundi 24 mars 2014

Centrafrique : 24 mars 2013-24 mars 2014, l’improbable anniversaire (par Pascal Djimoguinan)


            Il y a exactement une année, la coalition séléka entrait dans Bangui. C’était le Dimanche des Rameaux. Aujourd’hui, elle aurait pu fêter l’anniversaire de sa victoire si elle avait su se transformer de mouvement militaire en mouvement politique. Malheureusement, l’année écoulée n’a été qu’une longue agonie de cette association hétéroclite, sans leader charismatique qui a entraîné la RCA dans une débâcle encore jamais atteinte auparavant. Est-il seulement possible de faire  un bilan de l’année écoulé ?

            Il n’est possible de faire le bilan d’un anniversaire que lorsque celui qui fête est en état de le faire. Or il se trouve que la séléka a perdu le pouvoir avant d’avoir atteint son premier anniversaire à Bangui. Le président qu’elle a amené au pouvoir a été démis d’une façon peu cavalière. Dans la ville de Bangui, les troupes de la séléka ont été cantonnées, ses soldats n’ont plus le droit de sortir armés. La séléka attend tout simplement son désarmement sans savoir si elle aura une place dans la prochaine armée nationale qui sera reconstituée. Il faut dire que la séléka est tout simplement aux abois.

            Sur le plan tant politique, économique que social, la séléka a désorganisé tout ce qui marchait encore dans le pays. L’administration n’existe plus ; la justice a été sinon décimée, du moins ses magistrats clochardisés ; l’économie qui n’était plus qu’informelle bat de l’aile. La cohésion sociale n’est plus qu’un vieux souvenir. Tout reste à reconstruire dans ce pays qui ne tient plus que grâce aux forces internationales. Ce pays est à bout de souffle et on se demande comment il parvient encore à tenir.

            Et la classe politique ? Il faut dire que les vétérans se sont complètement discrédités par leurs intérêts partisans en hésitant pas à utiliser la religion et le communautarisme, amenant le pays dans une situation que des observateurs ont qualifiée de pré génocide. 

            Il est temps de laisser aux jeunes la possibilité d’entrer dans l’arène politique. Jusque-là ils n’ont été que manipuler. Maintenant c’est pour eux le moment de prendre les rênes et de présider aux hautes destinées de la nation centrafricaine. Si on ne peut plus rien attendre de la classe politique des vétérans, on peut laisser la chance aux jeunes. Les vieux ne peuvent plus rien inventer alors que les jeunes centrafricains ont l’avenir devant eux et l’enthousiasme.

            Si l’on se rend compte que la plus grande puissance est dirigée par un homme qui pourrait être le fils de la plupart des hommes politiques centrafricains, on peut dire qu’il en temps pour qu’il y ait passage de témoins. Jeunes centrafricains, ne laissez plus passer la chance de votre pays. C’est vous cette chance, c’est vous qui donnerez une nouvelle image de la Centrafrique. Ce n’est pas l’anniversaire de la Séléka, c’est l’anniversaire de la renaissance centrafricaine à travers ses jeunes qui sont désormais investis d’un devoir qu’il leur incombe d’accepter. C’est une défi, il faut le relever.

samedi 22 mars 2014

Tchad : Comment Kokaga est devenu Fort-Archambault (par Pascal Djimoguinan)


            Pour comprendre les histoires d’un peuple, il ne faut pas négliger ses contes, légendes et sagas. Dans cet océan, se cachent souvent des pépites qu’il faut trouver. L’histoire de l’actuelle ville de Sarh passe par ce qu’en disent les peuples qui l’ont habitée. Comment le modeste village de Kokaga est devenu la ville de Sarh et comment il a été l’objet de litige entre diverses populations ?

            A l’origine, Kokaga était un village Kaba Démé. Cela a été le cas jusqu’aux environs de 1880 lorsque les Niellim se sont attaqué tour à tour aux Tounia de Ngarkola et aux Démé de Kokaga. Ce sont lors de ces hostilités que les Kaba Démé vont perdre Kokaga. Il faut revenir aux différentes péripéties de cette histoire qui ne manque pas de sel.

            Tout a commencé par un conflit entre les Niellim et les Tounia. Les Niellim de Pra qui dépendaient du Baguirmi guerroyaient contre leurs voisins Boua de Korbol. Ces derniers, grâce à leur chef (Certains parlent de Baboul alors que d’autres disentt que c’était son père Ouagaya), réussirent à donner une raclée mémorable aux Niellim et à les repousser vers le Sud. Conduits par le chef de Pra, Kadi, les Niellim s’installèrent au Nord de Fort-Archambault et pour se venger, ravagèrent le pays Démé et Tounia. Cela va amener le chef Tounia, Nassar Gadje à quitter le village de Ngarkola pour Banda où il demandera asile aux Démé dont le chef Djoko l’accueillit en allié. Jusqu’à sa mort, ce chef Tounia restera au village de Doyaba.

            Très vite le realpolitik va jouer et les alliances vont changer. A la mort de Nassar Gadja, les Niellim feront la paix avec les Tounia, sanctionnée par une alliance de famille où le nouveau chef Tounia, Ngawara, frère de Nassar, épousera la sœur du chef Niellim Kadi. Le torchon ne tardera pas à brûler entre les Niellim et les Démé. Une Zizanie va naître entre les Kaba Démé de l’est (Bohobé, Marabé, Klabada, Marakoua, Tarangara) et ceux de l’ouest (groupe Banda Mahimara). Sans doute sous les intrigues de Ngawara, les Démé de l’est attaquèrent ceux de l’Ouest et Djoko dût prendre la fuite vers Manda où l’affrontement eut lieu. A la suite de ce combat, Djoko abandonna Archambault pour se replier vers Kemdéré où il construisit le nouveau Banda.

            Comme dans toutes les histoires traditionnelles, tout ne finit pas ainsi. Il faut y ajouter un grain de mysticisme pour l’agrémenter. Lorsque Djoko fut défait, furieux mais impuissant, il eut recours aux « armes mystiques ». Il maudit Ngawara en jetant des sorts sur sa personne et sur ses terres. Les récoltes des Tounia devinrent moins abondantes et les pêches ne rapportèrent plus rien. La peur au ventre, le chef Tounia viendra offrir ses excuses à Djoko. Un accord sanctionnera les pourparlers : Ngawara restait à Kokaga mais devait remettre à Djoko, en gage de soumission une pièce de Gabak (Les Niellim disent que le cadeau fut plus important : un cheval blanc, trois esclaves, dix boubous). Toujours est-il que Djoko fut satisfait de l’accord et bénit la terre de Kokaga qui recommença à produire beaucoup de fruits.

            Il est intéressant de noter la version des Tounia qui diffère de celle des Kaba Démé. Selon eux, Lorsque Djoko fut chassé de Banda, il aurait laissé sa femme et trois de ses enfants prisonniers entre les mains de Kadi. Djoko dût demander l’intercession de Ngawara. Le prix de cette médiation serait le village de Kokaga. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est qu’à la suite de l’incursion des Niellim, le chef de terre d’Archambault ne fut plus Démé, mais Tounia.

            Certains chercheraient sans doute à situer kokaga aujourd’hui. Il faut dire que Kokaga n’existe plus car il a été recouvert par le quartier administratif de Sarh et absorbé de l’autre côté par le quartier Kassaï. Kokaga allait de l’école du centre jusqu’à la concession de Tiran. Ce village subsista jusqu’à1906 et Ngawara y fut encore enterré. L’actuel village de Kokaga qui se trouve entre les Rôniers et Helibongo, n’a de commun avec l’ancien que le nom.

            La disparition de l’ancien Kokaga est provoquée par la fondation de Fort-Archambault. Le premier occidental qui ait séjourné à Kokaga fut Bretonnet car Gentil ne s’y était pas arrêté lors de son premier passage. Bretonnet a établi, en mars 1899, un campement à l’emplacement de l’actuel cimetière européen, juste à l’entrée de Kokaga. C’était l’époque où Gaourang était à Kouno, dans la crainte d’être attaqué par Rabah. C’est en montant vers Kouno que Bretonnet fut tué au massacre de Togbao.

            Le 15 août 1899, Emile Gentil arrive à Kokaga. Apprenant la mort de Bretonnet, il redouta une autre attaque de Rabah ; c’est ainsi qu’il fit construire un camp fortifié à quelques centaines de mètres en aval de Kokaga, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le terrain des Travaux Publics. C’est au moins d’octobre, alors que Gentil était allé chercher du renfort à Fort-Crampel, que le Capitaine Jullien fortifia le nouveau poste auquel il donna le nom de son camarade Archambault, mort dans l’Oubangui quelque temps auparavant de la fièvre.

            Les premiers mois d’existence du poste de Fort-Archambault furent marqués par un incident sanglant. Situé entre le village Kokaga appartenant aux Tounia et Gaye appartenant aux Niellim. Il y avait toujours des escarmouches entre ces deux populations avant l’arrivée des occidentaux. Un peu avant la bataille de Kouno, il s’en produisit une autre escarmouche. Le capitaine Jullien intervint avec vigueur et occupa le village Niellim. Gaye prit la fuite et rejoignit l’armée de Rabah, avec lequel il correspondait secrètement.

vendredi 21 mars 2014

Tchad : les origines de la ville de Sarh (par Pascal Djimoguinan)


            Pour mieux comprendre le présent, il faut revenir au passé pour retrouver les racines. La ville de Sarh est aujourd’hui une ville cosmopolite ; à l’origine, c’était un modeste village. Il est intéressant de relire l’histoire de cette ville que monseigneur Paul Dalmais nous a laissée dans son manuel Histoire de l’Afrique centrale et du Tchad.

            Il semble bien que l’histoire de la région de Fort-Archambault (actuelle Sarh) puisse se diviser en deux périodes, avant et après l’arrivée des occidentaux. Avant l’arrivée des occidentaux, cette histoire est celle des différentes populations autochtones : Kaba Deme, Tounia, Sara Madjingaye, Niellim. Il y a plus de cent ans, leur répartition géographique autour de Fort-Archambault était sensiblement la même qu’aujourd’hui.

            Les Kaba Démé : Ce sont les vrais possesseurs du sol d’Archambault. Ils occupaient comme aujourd’hui les terres situées de part et d’autre du Chari depuis Kira-Kouno au sud, dans le canton de Moussafoyo, rive gauche, jusqu’à Dendjio-Bo au nord, dans le district de Kyabe sur la rive droite.  Le village Mara-Bé était le centre coutumier des Kaba Démé ; Situé à 45 km de Fort-Archambault, sur la rive droite du Chari, il rassemblait les fêtes religieuses Sara Démé et c’était là que se déroulait principalement le yondo annuel. Après un schisme, il y eut la fondation d’un autre village, Mahi-Mara « J’ai fuis le village de Mara » (d’autres informateurs rejettent cette explication du nom et préfèrent traduire par « j’ai fuis le caïman ») ; c’est alors qu’un autre centre de yondo s’installe sur la rive gauche du Chari. Vers 1880, le chef de Mara-Bé s’appelait Kembe-Moudjio (dans le village des haricots). Sur la rive droite, comme villages ayant une certaine importance, nous pouvons citer :Kemati (chef Solo Bamba), Tanda, Klabada (chef Ndara-Karbague) qui deviendra Helli-Bongo. Sur la rive gauche, nous avons Banda (chef Djoko) et Mahi-Mara (chef Bongo-Ngara).

            Banda était situé aux portes de Fort-Archambault, sur l’actuelle route de Bangui. Tout près de là existait un marigot que les Démé appelaient « Kokaga ». Lorsque le chef Djoko, chassé par les Niellim abandonna son village au chef Tounia Ngawara, il donna le nom de Banda au nouveau village qu’il installa près de Kemdéré. L’ancien Banda, occupé par les Tounia, prit le nom du marigot et devint Kokaga.

            Les Sara-Madjingaye : La limite du pays Sara commençait au-delà du Bahr-koh avec les terres de Ngakedjé. Ce dernier est un petit village situé à 8 km de Balimba. C’était alors un des centres coutumiers du pays Sara. Le chef de terre portait le titre rituel de N’Gorgue et donnait la coutume à plusieurs villages de l’actuel canton de Balimba, à savoir Tando, Dornoyon, Kira, etc… Ngakedje qui possédait un Tam-Tam de guerre, conservé sous une haute paillote, était pratiquement indépendant du Mbang Dai, le grand chef de Bedaya. Cette indépendance se manifestait dans la célébration des fêtes rituelles : le Mbang avait sa fête rituelle au mois d’avril tandis que le N’Gorgue avait la sienne (Nan-Sara) à la dernière lune de décembre. A cette époque le village de Balimba n’existait pas encore.

            Les Tounia : Entre les Kaba-Démé et les Saras de Ngakedjé, il y avait les Tounia dont le territoire débordait de beaucoup l’actuel canton de Kokaga et se répartissait en trois lot : le premier sur la rive droite du Chari, le deuxième sur la rive gauche (entre le Chari et le Bahr Sara), le troisième au-delà du Bahr Sara.

            Sur la rive droite, les Tounia formaient plusieurs sous-groupes Tounia-Kissenga, Tounia-Lakenga, Tounia-Kessi. Ils s’étendaient même au-delà du Bahr Salamat avec les villages de Kagessi, Batara, Merom, Diba, Ngangouand, Bainaka, Kogo, Tebli, Kobele. Les quatre derniers villages se trouvent dans le territoire de Bousso et formaient la pointe extrême du pays Tounia au nord du Barh Salamat. Entre le Barh Sara et le Chari, les villages autrefois Tounia de Kira, Monkag, Dogui, Dokou et Nangda se mêlaient aux villages Sara. Les villages les plus réculés après le Bahr Sara étaient ceux de Kari, Mba, Ouadili, Ngarkola et Ouarouan, dans le canton de Djoli. Le grand chef des Tounia, Nassar Gadje résidait à Ngarkola. Aujourd’hui, un grand nombre de villages Tounia ont disparu ; ceux qui subsistent sont Merom, Diba, Bainaka, Ngangouani, Kogo, Mba, Ouadili, Nangda, Dokou, et Bende-Kogaga. La population Tounia a beaucoup perdu de non importance numérique aujourd’hui.

            Il faut dire que ces positions géographiques n’ont jamais été stables ; les guerres locales entraînaient de fréquents déplacement de population. Vers 1880, divers incidents entre les Niellim, les Kaba Démé et les Tounia ont entraîné l’occupation du village Kokaga par les Tounia.

jeudi 20 mars 2014

Le père Palayer s'en est allé (par Pascal Djimoguinan)


            Le 2 mars 2014, le père palayer est décédé en France où il avait été rapatrié quelques jours plus tôt pour un cancer. Ce père qui a donné plusieurs années de sa vie à l’Afrique, plus spécialement au service du Tchad mérite qu’on revienne sur son parcours de prêtre, de scientifique, de linguiste.

            Le père Pierre Aimé Palayer est né le 9 janvier 1922 à à Saint Paray (Ardèche) en France. Il a d’abord fait ses études secondaires à Valence avant de se rendre à Grenoble où il obtiendra le bac de Math élémentaire en 1939, le certificat de Mathématiques Générales en 1941, puis de Mécanique Rationnelle (1942).

            Il va entrer dans la Compagnie de Jésus le 7 septembre 1945 au noviciat Ste-Foy puis Yzeure. Après cela, il suivra la formation classique de la Compagnie ; après deux années de philosophie à Vals (1948-1949), il obtiendra deux années d’études personnelles. De 1952 à 1955 il suivra quatre années de théologie à Fourvière avant d’être ordonné prêtre le 30 juillet 1954. Il ira l’année suivante, en 1955, faire son Troisième An (ce que les jésuites appellent l’école du cœur) en Irlande où il apprendra aussi l’anglais.

            Pendant les 10 années qui suivront (de 1957 à 1967), le père Palayer enseignera la biologie et l’anthropologie au Vals puis à Chantilly tout en travaillant à sa thèse de doctorat, sur le pancréas des l’anguilles, qu’il soutint avec succès.

            Sa carrière africaine commencera en 1968, année où il sera envoyé comme aumônier des étudiants à Yaoundé au Cameroun avant d’être envoyé en 1969 à Fort-Archambault (Sarh) où il enseignera les sciences au Collège Charles Lwanga et au lycée Ahmet Mangué jusqu’en 1973. Il prendra une pause à Bédaya en 1974 pour des études linguistiques avant de revenir enseigner à Sarh.

            En 1975, il est appelé à Douala où il sera l’adjoint du père provincial pendant deux ans (1975 – 1977). Il reviendra ensuite à Sarh de 1977 à 1993 où continuera l’enseignement tout en étant vicaire à la cathédrale. Il continuera ses recherches linguistiques qui seront par une thèse de doctorat.

De de 1994 jusqu’en 2003, il se retrouve à N’Djamena, comme professeur au Grand Séminaire. Apartir de 2004, son activité principale a été l’étude des langues. Il publiera un dictionnaire Sar-Français ; il a également entrepris une étude approfondie du dadjo et du tama, deux langues du Guéra.

Il a 92 ans lorsqu’en début février 2014, et il rentre en France pour vérifier son état de santé ; très vite il est transmis pour soins palliatifs à la maison Jeanne Garnier. Le Père qui l‘assistait confie « J'ai découvert un homme humble, heureux de vivre, heureux d'avoir donné sa vie dans la Compagnie. Il a été très vite lucide sur son mal. Bien sûr, plusieurs fois, il m'a dit qu'il aurait été heureux de mourir au Tchad et surtout de finir son travail. »

Le père Palayer a transmis le flambeau ; d’autres jeunes doivent continuer le travail. Nous sommes heureux de l’avoir connu, d’avoir beaucoup reçu de lui. Pour finir nous reprenons cette prière d’espérance de la 1ère préface des morts : « C’est en lui qu’à resplendi pour nous l’espérance de la résurrection bienheureuse ; et si la loi de la mort nous afflige, la promesse de l’immortalité nous apporte consolation. Car pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux. »

mercredi 19 mars 2014

Tchad : Gastronomie, le couscous tchadien (par Pascal Djimoguinan)


            Je vois naître des sourires narquois à l’énoncé de ce billet. Non seulement cela exprime une légèreté du sujet qui découragerait bien d’esprits sérieux, mais en plus, le contenu ne serait-il pas un essai de syncrétisme culinaire de mauvais goût ?

            Je vois déjà le tchadien avancer, armé de sa méfiance légendaire. D’où nous sort-il cela ? Il y aurait le couscous tchadien, nous l’aurions su depuis longtemps. Où veut-il nous mener, celui-là.

            Que l’on se rassure. Si le tchadien est ainsi méfiant, ce n’est pas parce qu’il n’est pas un fin gourmet, au contraire. Il est habitué aux meilleurs plats du monde. Il les connaît tellement qu’il lui manque de l’inventivité, ce petit quelque chose qui permet de faire des ingrédients communs, un plat hors du commun. Ainsi, il connaît toutes les recettes du couscous algérien ou marocain, aussi, parler de couscous tchadien sonne-t-il à ses oreilles comme une hérésie culinaire.

            Pourtant ce couscous tchadien est présent dans toutes les cuisines au Tchad, à la sortie de tous les moulins, au pied de tous les mortiers. La matière brute est là, il ne reste qu’à la transformer.

            Je vois le tchadien en train d’écarquiller les yeux, se demandant si je ne venais pas de perdre la dernière lucidité qu’il me prêtait encore. Si on essayait de suivre le cours de sa pensée, on trouverait quelque chose comme : « Je sais qu’il n’y rien à tirer de celui-là mais c’est par pure politesse que je lis jusqu’au bout de la page ; ce sera la preuve par l’absurde qu’il est en train de rêver ».

Pourtant, le couscous tchadien existe bel et bien. C’est même considéré comme sinon le plat du pauvre, du moins le plat des enfants. Le nom de ce couscous a même pris dans le parler tchadien la connotation de pitance. On l’appelle « Djinga » ; c’est ce résidu du mil, du riz ou du maïs qui reste lorsque la farine a été tamisée. Ce djinga est meilleur quand la céréale a été pilée dans un mortier ou quand le moulin opte pour moudre en semoule.

Je vois le tchadien dépité : « Je savais bien que rien de bon n’allait sortir de de là »… et continuer en fredonnant un air à la mode : « On vous connait… » « Il suffisait de parler tout simplement de semoule et nous n’aurions pas prêté la moindre attention à ce propos ».

Ce qu’on a oublié de faire, c’est de se demander ce qu’est réellement le couscous : « spécialité culinaire d’Afrique du Nord, préparée avec la semoule de blé dur », nous dit le Larousse de poche.

Alors Ravalons notre méfiance et intéressons-nous à ce plat de pauvre ou pour enfants. Si au lieu de le préparer vulgairement comme nous avons l’habitude de le faire, nous essayons d’utiliser les meilleures recettes de préparation de couscous ? Nous verrons que ce plat en vaut vraiment la peine. Il faut l’essayer tout de suite et vous m’en direz des nouvelles. Bon appétit !

Et s’il en venait l’idée à un opérateur économique tchadien d’en vendre dans des sachets ? Non seulement on pourrait consommer tchadien mais cela créerait en plus des emplois dans un domaine qui est le parent pauvre de développement économique au Tchad.

Le président Sankara disait ceci : « Il faut produire, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger, vous dicte également ses volontés. Il y en a qui demandent où est l’impérialisme ; l’impérialisme, regardez dans vos assiettes quand vous mangez : les grains de riz, de maïs, de mil importés, c’est ça, c’est ça l’impérialisme ; n’allez pas plus loin. Cette assistance qui créé en nous la mentalité d’assistés, nous n’en voulons vraiment pas… Mais la production, si j’ai pris le cas des céréales, ne se limite pas seulement à l’agriculture. La production, ce sera dans tous les domaines : à l’usine, dans les bureaux, et j’invite chacun à la production intellectuelle. La Conférence nationale des céréales a félicité, et elle a raison, tous ceux qui ont écrit, qui ont produit quelque chose sur le plan de la littérature, de l’art, dans tous les domaines. C’est ça la production. »

lundi 17 mars 2014

CENTRAFRIQUE - Rencontre entre le Secrétaire général de l’ONU et les responsables religieux pour la paix : « le conflit n’est pas religieux »


Bangui (Agence Fides) – « Nous voulons faire passer ensemble un message essentiel à savoir que le conflit en République centrafricaine ne concerne pas la religion » a affirmé le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, rencontrant à New York les responsables de la « plateforme des religieux pour la paix », S.Exc. Mgr Dieudonné Nzapalainga, Oumar Kobine Layama et le pasteur Nicolas Grékoyamé-Gbangou, respectivement Archevêque de Bangui, Président de la communauté islamique centrafricaine et président des églises évangéliques.
Se disant « honoré » de rencontrer les trois responsables religieux, le Secrétaire général de l’ONU a affirmé que ceux-ci « constituent un symbole fort de la longue tradition de coexistence de leur pays ». « Nous assistons à la manipulation des appartenances religieuses et ethniques pour des motifs politiques » a ajouté Ban Ki-moon. « J’espère que le peuple centrafricain se libérera de la peur et reviendra à une coexistence qui fait depuis longtemps partie de la tradition du pays ».
Les responsables religieux ont illustré la dramatique situation centrafricaine (voir Fides 08/03/2014) au Conseil de Sécurité de l’ONU qui devra décider de l’envoi d’une mission de consolidation de la paix dans le pays. Le Secrétaire général de l’ONU a demandé aux membres du Conseil de décider au plus vite le déploiement en République centrafricaine d’une force de 12.000 casques bleus en appui aux 6.000 militaires de la MISCA (Mission africaine en Centrafrique) et des 2.000 militaires français déployés dans le cadre de l’opération Sangaris, insuffisants à garantir des conditions de sécurité minimales dans de vastes zones du pays. (L.M.) (Agence Fides 17/03/2014)

Centrafrique : un volcan en sommeil (par Pascal Djimoguinan)


            Si le monde s’est peu à peu laissé gagner par une léthargie par rapport à la situation en Centrafrique qui donne l’impression de ne plus pouvoir évoluer vers le pire, l’importante découverte de l’arsenal de guerre par la Misca au nord de la base aérienne de Bangui ce weekend vient nous rappeler qu’il ne faut pas baisser la garde et rester vigilant. Cette opération d’envergure, commencée à 19h, ne s’est terminée qu’au petit matin.  Il y avait au premier rang l’unité d’intervention rapide de la force Misca, composée essentiellement  d’éléments du contingent tchadien.

            La situation apparente de ni guerre ni paix dans laquelle Bangui semble être plongée depuis quelques jours, fait oublier la situation de la Centrafrique. La conscience humaine est telle que dès qu’une petite amélioration se présente, elle oublie la situation précédente qui était désastreuse. Il faut toujours rappeler que l’oubli du passé est souvent la pire ennemie du futur. Un avenir qui se construirait sans tenir compte du passé ne serait qu’un géant aux pieds d’argile.

            Alors qu’il y a un peu d’amélioration, tout le monde se plait à imaginer que la sécurisation de Bangui est irréversible et que l’on peut aller vers la fin de la transition sans précaution. Tous les regards se tournent vers les prochaines élections où les différents partis politiques auront à s’affronter et chacun se prépare à damer le pion aux autres.

            On en vient à oublier que la sécurisation qui se met petit à petit en place n’est encore qu’un épiphénomène et que la grande partie du pays est encore dans l’insécurité totale, sans représentant du pouvoir central. Personne ne sait encore comment se passeront les préparatifs des élections et les élections elles-mêmes dans le pays profond.

            L’intervention des troupes des Nations-Unies semblent pour le moment être une panacée et l’on estime que la sécurisation du pays se fera automatiquement dès qu’elle sera sur place.

            Si un impressionnant arsenal a été découvert ce weekend au nord de Bangui, rien ne nous dit que c’est le seul. Personne ne sait pour quel but il a été constitué. Peut-être que des va-t’en guerre sont toujours tapis à l’ombre, attendant la moindre occasion pour semer du désordre.

            Il faut donc être sur ses gardes et tout faire pour que la transition se passe dans de très bonnes conditions. L’avenir de la Centrafrique dépend de la culture de paix qu’il faut arriver à instaurer. Il faut arrêter à tout prix la guerre car c’est toujours les plus pauvres qui payent les pots cassés !

vendredi 14 mars 2014

Tchad et France : le début d'une histoire. 3ème partie (par Pascal Djimoguinan)


            A la mort de Rabah, le territoire du Tchad était conquis par la France ; il ne restait plus qu’à le « pacifier ». Il n’était plus nécessaire de garder sur place les trois missions qui avaient été nécessaires pour vaincre Rabah. La mission Saharienne et la colonne Joalland quittèrent donc le Tchad. Il revenait aux troupes du capitaine Robillot de la mission du Chari d’occuper le pays. Cela se fera par étapes. Jusqu’en 1902 on se contenta de garder les postes de la vallée du Chari.

            Ce fut le 5 septembre 1900 qu’un décret constituait le « Territoire militaire des pays et protectorats du Tchad ». Pour aménager le poste de Fort-Lamy, le capitaine Robillot, aidé du capitaine Bellion, servit des soldats de Rabah récemment libérés comme main-d’œuvre. Il revint au lieutenant Salone de s’occuper de Madjaffa où il installa « un village de liberté » pour les Kreich de l’armée de Rabah. Bousso était confié au Capitaine Galland qui y disposait d’une compagnie de tirailleurs Dahoméens. Il patrouilla jusqu’aux rochers de Bendago, au Nord-Ouest de Melfi. Il eut à intervenir dans les affaires de Baboul qui était Alifa de Korbol ; celui-ci voulait massacrer Bougage, chef des Fanians. Le poste d’Archambault était tenu par le capitaine Parrere.  Pour surveiller le Kanem, il a fallu assez rapidement établir un poste au nord de Fort-Lamy, en pays Dagana. Tels se présentaient les postes du Chari.

            Après la bataille de Kousseri et la mort de Rabah, on avait peur que ses deux fils (Fad El Allah et Niebe) ne rétablissent l’empire de leur père. C’est ainsi que Fad El Allah fut poursuivi jusqu’à Dikoa en mai 1900 par le capitaine Reibell. Il fut capturé par le chef de Saphis Souleymane Seydou mais il réussit à s’échapper. Soutenu par les anglais, Fad El Allah réussi à reformer ses troupes. Il fut néamoins surpris  et tué par le Capitaine Dangerville de la colonne Robillot le 23 août 1901 à Goudjiba. Son frère Niebe fut fait prisonnier et envoyé en exil à Fort-Crampel sous la garde du Cononnier Pozzo di Borgo en septembre 1901.

            La « pacification » du Tchad ne se passa pas sans problèmes. Dès le début, des Senoussites créèrent au Kanem des difficultés aux troupes françaises. La confrérie des Sénoussites (la « Sénoussia », une confrérie guerrière, avait été fondée en 1835 par l’agérien Mohammad Ben Senoussi, au retour d’un pèlerinage à la Mecque ; il transporta sa « Zaouia » (confrérerie militaire) en Tripolitaine ou son influence gagna parmi les tribus arabes. Il prit le titre de Mahdi. Ce fut son fils qui envoya ses lieutenants vers Zinder et le Kanem et y implanta plusieurs Zouia dont celle de Bir Allali. Les français commencère par se confronter à cette Zouia. La première tentative qui eut lieu en novembre 1901 fut un échec. Ce ne fut que le 20 janvier Bir Allali fut conquis au prix de la vie du lieutenant Pradier. En 1905, la soumission des Boudoumas et des Kouris, du lac était achevée. La pacification du Borkou dura 3 ans (1904 – 1907). Finalement, le 21 avril 1907, le Capitaine Bordeaux réussit à disperser les Sénoussites à la suite du combat d’Ain Galakka.

            Des trois grands royaumes connus du Tchad, le Ouaddaï resta en dehors de la zone d’occupation française jusqu’en 1907. Le sultan Doudmourah poussait le Salamat et le pays Kaba à perturber l’occupation française. Tout cela se passait sous une rivalité farouche entre ce sultan et son rival Acyl à qui se rallaient certaines populations dans la zone française. En répresaille, le sultan Doudmourah fit deux rezzous qui furent repoussés, le premier  Dekotchi le 29 mars 1908 par le capitaine Jerusalemy et le deuxième, le 16 juin suivant par le commandant Jullien.

            Les cours des événements allaient changer avec l’arrivée du Capitaine Fiegenshue. Celui-ci prit le commandement du cercle d’Ati en 1909 et décida de marcher sur Abéché. Il enjoignait le lieutenant Bourreau de Barrouala et le lieutenant Roupier qui commandait une batterie de 80 de montagne de rejoindre la compagnie d’Ati. La jonction entre la compagnie de Fiegenshue et Bourreau accompagné d’Acyl se fit le 27 mai. Dès le 29 mai, il y eut un premier engagement à Ouadi Chok au cours duquel le Capitaine Fiegenshue fut blessé à la gorge par une balle italienne. Ce fut ainsi amoindri qu’il assita furieux à la prise d’Abeché le 2 juin 1909 sous le commandement de Bourreau.

            L’administration française du territoire se mettait petit en petit en place maintenant que la ville d’Abéché était prise. Le 4 janvier 1910, le Capitaine Fiegenshue tombait dans une ambuscade à Oued Kadja. Si le sultan Doudmourah avait été mis à l’ombre, ses vassaux continuaient la lutte. Parmi eux, le plus difficile à réduire fut Tadjeddine, le sultan du Massalit. Il ne fut tué que le 9 novembre 1910 dans le violent combat de Dorothe. Dans ce combat avaient péri le colonel Moll, commandant en chef du territoire militaire. Les opérations se poursuivirent sous le Commandant Chauvelot, les capitaines Hilaire et Maillard. Ce fut le Colonel Largeau qui acheva les opérations. Il pacifia le Dar Sila en 1912. Petit à petit, il réussit à réduire les Senoussites au Borkou et au Tibesti. Il occupa succéssivement Ain Galaka en 1913, Fada en 1914, Bardaï en 1915 et Zouak en 1917.

            La pacification du Moyen Chari dans le sud du Tchad se fit en deux étapes : d’abord la période de reconnaissance qui allait jusqu’en 1911, puis celle de l’occupation qui dura de 1911 à 1912.

            En nous basant sur un rapport du capitaine Cros, commandant du poste d’Archambault, on peut dire que la zone d’occupation française, en 1911, ne dépassait pas Bedaya, à 60km au sud d’Archambault, bien qu’auparavant, le Capitaine Faure ait mené des reconnaissances. Il avait eu à réprimer plusieurs révoltes, notamment celle des Kaba en 1906.

            En pays Sara, l’agitation dura jusqu’en 1912 et cela pour plusieurs causes parmi lesquelles on peut citer la mort du Mbang Mode de Bedaya tué par le Capitaine Faure à Kira sur le Bahr Sara, les exactions de Gaourang allié encombrant des français, qui continuait de razzier le pays Sara. Une de causes de cette agitation, qu’on pourrait mettre dans un autre chapitre est le mécontentement des Days.

            Ce mécontentement des Days prit les allures d’un soulèvement qu’on a connu sous le nom de la «  Révolte du Mandoul ». En 1911, les groupes de Bessada et de Bedaya avaient été soumis par la force. Ceux de Dobo, Koumra, Peni, Bekesse et Bangoul continuaient de tenir tête et refusaient de payer l’impôt. Ceux de Mouroum Goulaye, de Magueri (l’actuel Djerguigui) et de Bédjodo ne se soumettaient pas, au point où le Capitaine Cros disait qu’ils ne vivaient que dans l’anarchie et les accusait de ne faire bon accueil qu’aux marchands d’esclaves. Ce capitaine fit une opération en liaison avec l’adjudant Bœuf de mars à septembre 1911 pour réduire les groupes de Magueri, Peni, Bangoul, Ouaraye, Koumra et Bekamba. Il arrêta plusieurs chefs. La répression fut effroyable. Cela amena à fonder le poste de Moïssala le 1er mars 1911 et celui de Koumra en 1912. La « Révolte du Mandoul » doit être étudiée plus en détail car elle fait partie de la résistance contre la colonisation au Tchad. Suite à des idées mal comprises, elle est reçue jusqu’aujourd’hui comme quelque chose de répréhensible.

jeudi 13 mars 2014

Tchad et France : le début d'une histoire. 2ème partie (par Pascal Djimoguinan)


            Emile Gentil venait de terminer son premier voyage sur le Chari et la conclusion qui en sortait était qu’il fallait rapidement agir contre Rabah. La France prit alors la décision d’envoyer au Tchad trois colonnes : l’une par le nord, Mission Saharienne, la deuxième par l’ouest, Mission de l’Afrique Occidentale, et la troisième par le sud, Mission du Congo ou Mission Gentil. Une avant-garde de la colonne Gentil était envoyée en 1899 sous le nom de Mission Bretonnet-Braun.

            Trois grandes batailles marquent la conquête du Tchad par la France. Il convient de revenir sur elles pour voir comment la présence française s’est peu à peu affermie au Tchad.

            La première de ces batailles est connue sous le nom de la bataille de Togbao et eut lieu le 17 juillet 1899. Dès le mois de mois de cette année, les baleinières de la Mission Bretonnet accostèrent sur le Chari, au niveau du village de Kokaga. Il y avait à bord cinq occidentaux : l’administrateur Bretonnet, le Capitaine Braun, le lieutenant Durant-Autier, le maréchal des logis Martin et le soldat Poutet. Ils revenaient avec les 12 guerriers baguirmiens que Gentil avait emmenés en France. Ce furent ces guerriers qui prévinrent Gouarang qui ne tarda pas à venir rencontrer Bretonnet et lui proposa de le guider jusqu’à Kouno. Alors qu’on était sans nouvelles de Rabah jusque-là, on apprit brusquement le 9 juillet qu’il arrivait à Malfaling et qu’il avait installé ses avant-postes à Lafana et à Bousso. Bretonnet se rendit compte qu’il était impossible de défendre Kouno, aussi fit-il évacuer le poste pour se fortifier à Togbao dans le Mont Nyellim à 20km, en amont. Le bataille commença le 17 juillet au matin et finit par un désastre pour les français. Rabah était venu avec 13 bannières et sa cavalerie était appuyée par de nombreux auxiliaires Bornou, banda, kreich, rounga… Tous les français furent tués ainsi que la grande partie des tirailleurs. Seul le sergent sénégalais Samba Sall, fut blessé et fait prisonnier. Il réussit cependant à prendre la poudre d’escampette pour donner l’alerte à Kokaga lors de l’arrivée de la deuxième Mission Gentil.

            La deuxième bataille est celle de Kouno et eut lieu le 27 octobre 1899. Nous avons vu que la Mission Bretonnet-Braun était une avant-garde de la Mission Gentil ou cette colonne qui devait venait du sud par le Congo. Cette Mission arriva par le Chari. Les troupes étaient commandées par le Capitaine Robillot ; il y avait les compagnies Jullien et Lamothe. La compagnie Lamothe resta à Crampel, tandis que Gentil gagna le village de Kokaga où le sergent Samba Sall lui apprit le 15 août 1899 le désastre de Togbao. Pour éviter toute attaque surprise de la part de Rabah, Gentil ordonna au capitaine Robillot de faire débarquer la Compagnie Jullien forte de 120 fusils et de deux canons de 65 mm ; celui-ci commença la construction d’un blockaus et d’un camp entouré de palissade. Cet ouvrage reçu le nom de Fort-Archambault en souvenir du jeune lieutenant Archambault, de la compagnie Jullien, mort de la fièvre à la Sainte-Famille dans le Haut-Oubangui au printemps de 1899. Une fois que le camp fut construit, Gentil alla chercher du renfort à Fort-Crampel et revint le 18 octobre avec le capitaine Lamothe et les 150 hommes de sa compagnie. On décida de prendre l’initiative et de poursuivre Rabah.

            Le 27 octobre, la colonne Gentil (capitaines Jullien, de Cointat, Robillot et Lamothe) attaqua Rabah à Kouno. Le combat fut très violent. Finalement, Rabah fit un repli tactique. Du côté français, le maréchal des logis de Possel était tué et le capitaine Robillot blessé. Du côté de Rabat, Babikir son meilleur chef de bannière était grièvement blessé. Il fut évacué sur Mandjaffa où il mourut. Son corps fut transporté à Karnak Logone où s’étaient repliées les troupes de Rabah.

            La troisième bataille, la plus connue est connue comme la bataille de Kousseri ; elle eut lieu le 22 avril 1900.

            Après le combat de Kouno, Emile Gentil s’était rendu au mois de décembre à Bangui pour rencontrer le commissaire général Lamothe et préparer sa jonction avec les deux autres Missions, à savoir celles de Foureau-Lamy (Sahara) et de Joalland-Meynier (Afrique Occidentale).

            La Mission de l’Afrique Occidentale et la Mission saharienne se rencontrèrent le 18 février 1900 à 9 heures du matin dans le Kanem non loin de Boulfei au marais de Bela-Kabtouna. Le commanda Lay et le lieutenant Joalland étaient sans nouvelles de Gentil. Ils savaient que Rabah se trouvait à Karnak-Logone et que ses troupes gardaient les principaux passages du Chari et du Logone. Ce ne fut que le 2 mars que le commandant Lamy reçut un courrier du capitaine Lamothe de la mission Gentil qui lui annonçait l’arrivée prochaine d’un renfort. C’était la veille de l’attaque de Kousseri, tenu par les troupes de Rabah.

            Le 3 mars la ville de kousseri était prise à 13h30, après un combat acharné de cinq heures. Comme l’armée de Rabah s’était enfui, le commandant Lamy avait donné l’ordre aux lieutenants Rondenay et Oudjari de le poursuivre vers Karnak Logone. Ils la rattrapère au village kotoko de Kebe. Furent tués les chefs de bannière Kabsour, Ahmat Brahim et Faki Ahmat. Faki Ahmat était le grand marabout personnel de Rabah.

            La bataille décisive  de Kousseri eu lieu le 22 avril 1900. Le camp de Rabah se trouvait en brousse à une heure de marche de la ville. Les trois colonnes française l’y attaquèrent à l’aube. A droite, la colonne Joalland, au centre la colonne Gentil, à gauche la colonne Saharienne. Le combat commença à 6h du matin et finit au début de l’après-midi. Le Commandant Lamy et le Capitaine de Cointet y laissèrent la vie. Rabah, légèrement blessé, avait pris la fuite avec quelques-uns de ses guerriers dévoués à sa personne. Le tirailleur Abdoulaye Dialo qui avait été le prisonnier de Rabah le reconnut parmi les fuyards et l’abattit. Il lui trancha la tête qu’il vint montrer au Commandant Lamy étendu mourant sur un brancard. Nous avons la relation de cette scène pathétique dans les « souvenirs du Caporal Menage » recueilli par Paluel Marnont :

            « Tout à coup un tirailleur soudanais qui fut prisonnier de Rabah reconnaît celui-ci parmi les fuyards. D’un bond il le rejoint et l’abat ; puis d’un seul coup il lui tranche la tête.

- Je veux voir le Commandant, dit-il.

            On lui indique la tente où notre chef a été transporté, et le tirailleur lui montre la tête du tyran dont nous venons de débarrasser le pays.

            Le commandant est étendu sur un brancard. Il est très pâle. Une balle lui a fracassé le bras et pénétré dans la poitrine. D’où l’on n’a pas pu l’extraire. Les docteurs Fournial et Heller sont à son chevet tandis qu’on enveloppe le bras de Chambrun dans une peau de bouc faisant gouttière.

            - Je vais mourir, murmure le commandant ; mais je meurs contant puisque Rabah n’est plus. »

             Avec la mort de Rabah commençait pour le Tchad une nouvelle époque. Le pays venait d’être conquis. C’est la période de « pacification » du territoire qui allait commencer.