Depuis que la Centrafrique s’est embourbée dans un cycle
de violence qui voit différentes communautés s’affronter, on voit monter en
même temps, du côté des officiels, aussi bien politiques que religieux, l’affirmation
que le conflit centrafricain n’est pas religieux. A cause de la prévalence des
faits, on est tenté de s’interroger si cette affirmation exprime la réalité ou
s’agit-il tout simplement d’incantations magiques chargées d’exorciser la peur
qui habite les cœurs.
Il s’agit d’abord de se demander ce qu’on entend
habituellement par conflit religieux.
- S’agit-il du prosélytisme
d’une communauté religieuse tentant d’éliminer toute autre forme religieuse
autre que la sienne ?
- S’agit-il de deux
communautés religieuses différentes incapables de coexister et qui s’affrontent
pour qu’il n’y ait de la place que pour l’une d’elle ?
Lorsque les officiels, politiques et religieux, disent que
le conflit n’est pas religieux, que veulent-ils exactement dire ?
Si un conflit religieux fait courir un grand danger à l’unité
et à la cohésion de la Centrafrique, il y a un autre grand danger qui consiste
à vouloir fermer les yeux sur la réalité et à s’enfermer dans des certitudes
qui empêchent de chercher une meilleure solution.
Qu’il y ait une manipulation politique des différentes
communautés religieuses, cela va de soi mais cela n’empêche pas de regarder la
réalité en face. Que se passe-t-il réellement ?
Il faut d’abord relever que cours du conflit, différents
édifices religieux ont été sinon détruits, du moins profanés ; des offices
ont également été perturbés par des pillards appartenant à une autre communauté
religieuse. Des hommes et des femmes ont été victimes de lynchages uniquement à cause de leur
appartenance religieuse.
Le discours habituel des populations oppose toujours
chrétiens d’un côté et musulmans de l’autre (même si quelquefois les autorités
ajoutent devant l’appartenance religieuse des autres le titre de « nos
frères » ; on entend ainsi « nos frères musulmans »).
On voit quelques leaders religieux en vue monter pour
dénoncer l’utilisation religieuse d’un phénomène qui ne devrait être que
politique mais que fait la masse « silencieuse » des leaders
religieux (prêtres, pasteurs, imams) qu’on entend pas dans les medias ?
Une autre complication qui viendra compliquer toute
recherche de solution dans l’avenir est que dans la mentalité de l’homme de la
rue, centrafricain signifie non-musulman. Comment arriver à une cohésion
nationale tant que ce relent religieux n’est pas extirpé ?
Pour que la Centrafrique puisse retrouver la paix, il
faudra que tous les centrafricains acceptent de revenir sur le contentieux
religieux que connaît leur pays. Comment faire vivre ensemble les chrétiens et
les musulmans après ces graves incompréhensions qu’ils sont en train de
connaître. Plus tôt on acceptera de prendre ces problèmes à bras le corps,
mieux cela vaudra. Il ne suffit pas de claironner que le conflit centrafricain
n’est pas religieux mais il faut enlever les germes de division qui grandissent
dans les cœurs où la haine de l’autre a réussi à faire son lit. Chrétiens et
musulmans, une seule destinée en Centrafrique ? Il faut interroger l’avenir
et le forcer à répondre !