dimanche 2 novembre 2014

Afrique ; Et si l'armée apprenait à etre républicaine. Le cas du Burkina (par Pascal Djimoguinan)



            Un simple constat : plus de cinquante ans après les indépendances, l’armée n’a encore rien compris dans son rôle au sein de l’Etat. On croyait révolue la période où elle prenait le pouvoir sans que personne ne puisse lever le petit doigt. Elle continue de croire que le pouvoir est son dû et que les civils ne sont que des pions dans le vaste échiquier qu’est le pays. Chassez le naturel, il revient au galop. Alors que, sous la poussée d’une manifestation populaire, Blaise Comparé est obligé d’abdiquer, l’armée pense être l’héritière naturelle et que qu’elle seule peut prendre le pouvoir.
            Le désordre qui a suivi la chute de Blaise Compaoré au Burkina est assez éloquent. Il y a eu précipitation au niveau de l’état-major de l’armée pour la prise du pouvoir. Pendant un moment, cela a même fait désordre puisqu’on s’est retrouvé avec deux officiers supérieurs revendiquant chacun d’assurer les responsabilités de chef d’Etat. Il ne leur vient pas à l’esprit que des civils peuvent assurer la transition et que naturellement, ce poste revient à l’armée. Le péché originel du Burkina remonte au 4 janvier 1966 où le premier président du pays, un civil a été renversé par le coup d’Etat du lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana. Depuis, tous les présidents qui vont se succéder à la tête de l’Etat seront des militaires, se renversant les uns les autres (25 novembre 1980, colonel Saye Zerbo ; 1982, le médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo ; 4 août 1983, Thomas Sankara ; 15 octobre 1987, le capitaine Blaise Compaoré.)
            Le processus de pensée dans un cerveau ankylosé par l’embourgeoisement dans lequel l’armée s’est installée lui interdit toute réflexion et toute création. Il lui suffit de répéter à l’infini un schème qui a réussi une fois et qui doit continuer à l’infini.
            Le malheur est que beaucoup de civils sont entrés dans ce système et il leur est impossible de penser qu’il est possible de briser ce cycle. Leur instinct atavique les emmène à penser que seule l’armée peut assurer les hautes charges de l’Etat. Le possible n’est que de ce côté, impossible d’inventer autre chose.
            Et l’armée, oubliant son rôle, a besoin de civils à l’esprit grégaire pour la soutenir de sa basse besogne.
            Malheureusement pour l’armée, il y a eu petit à petit une prise de conscience. Après les faux pas de la hiérarchie militaire et alors que tout semblait désormais aller de soi pour l’armée, un nouveau cri d’un autre genre se fait entendre de la part des civils ; ces iconoclastes osent dire : « Pas question de gérer la transition sans nous ». L’Union africaine, pour une fois est aux avant-postes et demande aux forces armées de « se mettre à la disposition des autorités civiles et de s’abstenir de tout acte ou propos qui pourrait envenimer  la situation. »
            Une manifestation a lieu et la médiation internationale rejoint la société civile dans sa revendication en appelant à la mise en place d’’un régime civile conduit par un civil et conforme à l’ordre constitutionnel, sinon il y aurait des sanctions.
            On peut dire que la Renaissance africaine est en marche au Burkina. L’armée est en train d’apprendre ce que doit être son rôle, mais pour cela, il faudrait que les civils soient conséquents et acceptent d’exiger et d’obtenir ce qu’ils veulent. En ce sens, Ouagadougou devient la capitale de l’Afrique francophone ces jours-ci. Une affaire à suivre…


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