Un simple constat : plus de cinquante ans après les
indépendances, l’armée n’a encore rien compris dans son rôle au sein de l’Etat.
On croyait révolue la période où elle prenait le pouvoir sans que personne ne
puisse lever le petit doigt. Elle continue de croire que le pouvoir est son dû
et que les civils ne sont que des pions dans le vaste échiquier qu’est le pays.
Chassez le naturel, il revient au galop. Alors que, sous la poussée d’une
manifestation populaire, Blaise Comparé est obligé d’abdiquer, l’armée pense
être l’héritière naturelle et que qu’elle seule peut prendre le pouvoir.
Le désordre qui a suivi la chute de Blaise Compaoré au
Burkina est assez éloquent. Il y a eu précipitation au niveau de l’état-major
de l’armée pour la prise du pouvoir. Pendant un moment, cela a même fait
désordre puisqu’on s’est retrouvé avec deux officiers supérieurs revendiquant
chacun d’assurer les responsabilités de chef d’Etat. Il ne leur vient pas à l’esprit
que des civils peuvent assurer la transition et que naturellement, ce poste
revient à l’armée. Le péché originel du Burkina remonte au 4 janvier 1966 où le
premier président du pays, un civil a été renversé par le coup d’Etat du
lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana. Depuis, tous les présidents qui
vont se succéder à la tête de l’Etat seront des militaires, se renversant les
uns les autres (25 novembre 1980, colonel Saye Zerbo ; 1982, le médecin
commandant Jean-Baptiste Ouédraogo ; 4 août 1983, Thomas Sankara ; 15
octobre 1987, le capitaine Blaise Compaoré.)
Le processus de pensée dans un cerveau ankylosé par l’embourgeoisement
dans lequel l’armée s’est installée lui interdit toute réflexion et toute
création. Il lui suffit de répéter à l’infini un schème qui a réussi une fois
et qui doit continuer à l’infini.
Le malheur est que beaucoup de civils sont entrés dans ce
système et il leur est impossible de penser qu’il est possible de briser ce
cycle. Leur instinct atavique les emmène à penser que seule l’armée peut assurer
les hautes charges de l’Etat. Le possible n’est que de ce côté, impossible d’inventer
autre chose.
Et l’armée, oubliant son rôle, a besoin de civils à l’esprit
grégaire pour la soutenir de sa basse besogne.
Malheureusement pour l’armée, il y a eu petit à petit une
prise de conscience. Après les faux pas de la hiérarchie militaire et alors que
tout semblait désormais aller de soi pour l’armée, un nouveau cri d’un autre
genre se fait entendre de la part des civils ; ces iconoclastes osent dire :
« Pas question de gérer la
transition sans nous ». L’Union africaine, pour une fois est aux avant-postes
et demande aux forces armées de « se
mettre à la disposition des autorités civiles et de s’abstenir de tout acte ou
propos qui pourrait envenimer la
situation. »
Une manifestation a lieu et la médiation internationale
rejoint la société civile dans sa revendication en appelant à la mise en
place d’’un régime civile conduit par un civil et conforme à l’ordre constitutionnel,
sinon il y aurait des sanctions.
On peut dire que la Renaissance africaine est en marche
au Burkina. L’armée est en train d’apprendre ce que doit être son rôle, mais
pour cela, il faudrait que les civils soient conséquents et acceptent d’exiger
et d’obtenir ce qu’ils veulent. En ce
sens, Ouagadougou devient la capitale de l’Afrique francophone ces jours-ci.
Une affaire à suivre…
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